Rodrigo Garcia a été nommé en janvier 2014, par Aurélie Filippetti, à l’époque Ministre de la Culture. Un nomiation pour créer la rupture après le passage de Jean-Marie Besset. En arrivant, l’artiste argentin, a rebaptisé le CDN des Treize Ventes en hTh 6 Humain trop humain. Rodrigo Garcia ne briguera pas un nouveau mandat, pas assez d’argent, lieu excentré, il s’explique dans cette lettre .
PS : La dernière saison ne fait que commencer et elle mérite vraiment le détour…
Je m’empresse d’écrire quelques lignes pour expliquer les raisons que j’ai de ne pas renouveler mon contrat à la fin de mon mandat au CDN de Montpellier en janvier 2018.
De cette façon, j’espère au moins que la presse aura les éléments nécessaires pour traiter la nouvelle sans avoir besoin d’inventer quoi que ce soit, de supposer quoi que ce soit ni, enfin, de faillir involontairement à la vérité.
Je dois avant tout souligner que c’est le jour où mon contrat prendra fin que je ne le renouvellerai pas. C’est-à-dire que je remplis mon contrat. Que je tiens l’engagement que j’ai pris le 1er janvier 2014.
Pour commencer, une chose que je ne peux pas oublier : le projet hTh a été et demeure pour moi un privilège. J’ai pu mettre un rêve en marche, grâce à la collaboration et à l’investissement de toute l’équipe de ce théâtre ; et je serai éternellement reconnaissant à ceux qui au Ministère ont cru en mon projet, ainsi qu’aux institutions locales et, plus que tout, à chaque spectateur.
Lorsque j’ai signé mon contrat, je savais que je disposais d’un budget plus que limité pour développer ce projet. Certainement l’un des plus petits budgets de tous les CDN de France.
Même ainsi, je restais convaincu que je pourrais réaliser une grande partie de ce que je m’étais proposé de faire dans mon dossier de candidature. Ce à quoi je ne m’attendais pas ce fut de recevoir, un mois après être arrivé, c’est-à-dire au tout début de mon mandat, la nouvelle d’une coupe budgétaire de l’Agglomération de Montpellier de 100 000 euros. Des 450 000 euros dont je disposais plus ou moins pour les activités artistiques, il ne me restait plus que 350 000. C’était là le moment de démissionner, et je ne l’ai pas fait. Je ne le regrette pas. Mais quatre années à ramer à contre-courant sont plus que suffisantes, surtout lorsque que l’on ne reçoit aucun signe d’encouragement de ceux qui soutiennent économiquement ce théâtre.
Dans la mesure où le changement que mon projet supposait était radical, j’ai trouvé logique de rebaptiser ce théâtre, pour qu’il soit bien clair que nous commencions quelque chose de nouveau, de différent, et qui nous remplissait d’enthousiasme.
J’ai appelé le CDN « Humain trop humain », et j’ai encore en mémoire le ton, proche du cri, du représentant de l’Agglomération lors d’un comité de suivi, nous opposant un refus catégorique qui par la suite allait se concrétiser. Quoi qu’il en soit, j’ai réussi à rebaptiser le CDN Humain trop humain, même si le bâtiment lui-même n’a pas changé de nom. Ce qui a rendu les choses confuses pour le public, qui ne savait plus où il mettait les pieds.
Ce geste d’incompréhension de la part de l’ex-Agglomération, aujourd’hui Métropole de Montpellier, ne fut que le second (le premier étant les 100 000 euros) d’une longue liste.
Nous savons que ce CDN souffre de son emplacement. Il se trouve en périphérie de la ville, à un endroit où le tram n’arrive pas. Nous sommes tout de suite retournés frapper à la porte de l’Agglomération pour qu’elle nous aide en mettant à disposition des bus spéciaux. Encore une fois, ce fut un refus catégorique, ce qui nous a contraints à acheter un mini bus de 9 places qui chaque soir fait des allers –retours continus pour amener du public depuis la ville jusqu’au théâtre.
J’ai remarqué à mon arrivée que l’un des problèmes financiers du théâtre venait d’un atelier de construction de décors déficitaire que nous partagions avec l’Opéra de Montpellier. Voyant que celui-ci ne s’en souciait guère et que le CDN prenait tous les frais en charge au détriment des projets artistiques (c’est-à-dire qu’il restait encore moins d’argent pour la production et la programmation), j’ai mis le sujet sur le tapis à chaque comité de suivi. Pour toute réponse le silence, rien que le silence.
J’ai proposé à la Métropole de récupérer un très joli petit bâtiment du CDN inutilisé, tombant en ruines, pour en faire mon bureau. Des architectes sont venus et ont dessiné un projet fantastique qui à ce jour n’a toujours pas été réalisé. Trois années se sont écoulées et je continue, en tant que directeur, à recevoir les gens et à travailler dans une loge, que je dois quitter les rares fois où nous recevons une compagnie nombreuse.
Au niveau personnel, mes créations souffrent de cette situation, puisque je pouvais auparavant monter des pièces avec plus d’argent, alors que je dois à présent m’adapter à des budgets serrés.
Le pire, c’est l’impossibilité de faire venir de grandes compagnies avec des pièces majeures (qui sont des atouts pour le public) parce que nous n’avons pas assez d’argent.
Mon intention de fonder une compagnie permanente est restée en demi-teinte. D’abord parce que les moyens sont insuffisants pour la faire grandir, ensuite par impossibilité de collaborer avec l’ENSAD, du fait de sa volonté de se tenir à l’écart du CDN, malgré mon insistance.
Et puis enfin, le projet de transfert du CDN au Domaine d’O.
A l’heure actuelle, on ne nous a toujours pas dit dans quelles conditions cela se ferait, avec quels moyens économiques, quelles seraient nos compétences, ni ce qu’il adviendrait des salariés actuels du Domaine d’O… Tout est flou.
Devant ce panorama que je dresse sous vos yeux, vous semble-t-il abracadabrant que je décide de ne pas renouveler mon contrat pour trois ans de plus ? Qu’est-il advenu du dialogue, où sont passés les échanges d’idées et la collaboration avec les partenaires qui soutiennent ce lieu public ?
Pour finir je veux répéter trois fois le mot mensonge.
C’est un mensonge de dire que notre théâtre n’a pas de public. Ceux qui le disent sont ceux qui ne viennent pas, et qui pensent que parce qu’ils ne viennent pas, les autres habitants de Montpellier non plus.
C’est un mensonge de dire que le projet ne reflète pas la ville. Jetez un œil dans le hall du théâtre et vous verrez toutes sortes de gens, de tout âge et de tous milieux confondus.
C’est un mensonge de dire que dans mon cas un CDN est peut être une charge trop lourde parce que je suis un artiste. Au bout du compte, la raison de mon départ est celle-ci, que cette charge, moi je la souhaite plus lourde encore, parce que je me suis battu pour que ce CDN soit plus grand, dans tous les sens du terme, et je vois que mes efforts ont été vains. Dit autrement : j’ai plus de forces et d’enthousiasme que nécessaire pour ce travail.
Je quitterai ce CDN en décembre 2017 avec tristesse. Voir le public prendre plaisir aux pièces et en débattre, voir les participants aux laboratoires et aux workshops, prendre part à de si nombreuses activités et à une telle vitalité va me manquer.
La saison 2016/2017 de Montpellier Danse sera attractive. Elle vise une reconquête du public. Dans le même temps les programmateurs cherchent de nouvelles cohérences.
Montpellier
Montpellier Danse a présenté sa nouvelle saison la semaine dernière à l’Agora. L’éclectisme reste de rigueur, Flamenco, Hip hop, Butô… figurent entre autres réjouissances des propositions à venir. La facture générale de la programmation s’oriente vers une consolidation de la fréquentation à un moment où les changements et les questionnements interrogent sur les processus artistiques mobilisables.
« Mes récentes déclarations ont souvent été mal comprises », a tenu à signifier Jean-Paul Montanari qui lors du dernier festival Montpellier Danse avait évoqué la fin de la danse contemporaine. « Ce que je voulais exprimer, c’est que nous sommes en train de muter. Que les artistes comme Cunningham, Béjart, Pina Bausch… et les traces laissées qui ont été à l’origine du mouvement, sont en train de disparaître. On passe à autre chose, sensiblement différent. »
Le ballet romantique Giselle, dansé par le Ballet du Capitole de Toulouse mis en musique par l’Orchestre national de Montpellier illustre en ouverture de saison la naissance de la nouvelle Région Occitanie. Tandis qu’en coulisses les acteurs culturels cherchent une nouvelle cohérence.
« Nous voulons prendre nos métiers en charge, l’idée consiste à nous regrouper en GIE entre structures de taille similaire, comme le théâtre/garonne à Toulouse, afin de poursuivre notre mission, notamment le soutien aux artistes et à la diffusion de leurs oeuvres.»
Des réunions ont débuté pour envisager la transition. De fait, le changement de périmètre territorial, la réduction générale des budgets, et celle du pouvoir d’achat des spectateurs pèsent de plus en plus lourdement sur les programmateurs artistiques qui naguère, disposaient de plus d’autonomie pour constituer leur programmation.
« Cela ne veut pas dire que nous sommes condamnés aux consensus permanent, affirme Jean-Paul Montanari, on peut aussi tomber d’accord pour soutenir et programmer dans plusieurs lieux des artistes comme Didier Wampas dont le travail n’est pas des plus faciles à défendre. »
Gérer les contraintes
Dans ce contexte, le rapport entre artistes programmateurs et tutelles s’avère complexe. Mais il donne l’occasion aux acteurs de travailler ensemble. C’est le cas de l’Orchestre de Montpellier qui réitère son partenariat avec Montpellier Danse et l’artiste issue du hip hop Hamid El Kabouss qui s’attaquera cette année aux quatre saisons de Vivaldi (version remix) en avril à l’Opéra Comédie après avoir présenté l’an passé la très convaincante Boîte à Joujoux de Debussy.
Le budget de Montpellier Danse qui tourne autour de trois millions d’euros se compose de 21% de recettes propres. Sur les 29 représentations payantes (une trentaine sont gratuites) d’où l’importance de remplir le Corum. « Contrairement à l’idée répandue, il est plus facile de faire des entrées en proposant des pièces pointues ou expérimentales dans des petits lieux que de remplir le Corum, affirme Jean-Paul Montanari. Ce qui est plus difficile, c’est de faire se retrouver les gens dans une grande salle autour d’une belle proposition artistique. Le juge de paix c’est la salle Berlioz. »
Giselle, Mourad Merzouki, José Montalvo, Philippe Decouflé, sont des spectacles calibrés à cet effet. Sur la même scène mais dans une veine assez différente on pourra voir en janvier la création Butô Meguri de Sankai Juku. A découvrir également la création Mass B de Béatrice Massin à l’Opéra Comédie, le duo intercontinental I-Fang Lin et François Marry dans En chinoiseries, donné au Théâtre La Vignette, Am I an Ashke Nazi, du sud africain Steven Cohen, spectacle accueilli à hTh. Et les propositions des artistes en résidences, Fabrice Ramalingom, Rita Cioffi, Matthieu Hocquemiller, Marlene Monteiro Freitas …
Un peu anachronique c’est la perle du ballet romantique, Giselle, qui ouvrira la saison de Montpellier Danse habituellement dédiée à la danse contemporaine.
Le spectacle est accueilli avec l’Opéra Orchestre national de Montpellier et dansé par le Ballet du Capitole de Toulouse. Un exemple symbolique de l’interactivité qui s’impose aux acteurs culturels dans le cadre des nouveaux périmètres territoriaux.
Lors de la présentation de la Saison hier à Montpellier, la représentante du Conseil régional Dominique Salomon, n’a pas manqué de saluer l’effort de Jean Paul Montanari pour accueillir Giselle dans sa programmation. Ce ballet créé en 1841 par Jules Perrot et Jean Coralli, est un chef-d’œuvre dont Kader Belarbi s’empare pour l’écrire avec ses propres mots « tout en respectant la lettre et l’esprit ».
Puisant aux sources musicales d’Adolphe Adam brillamment interprétées par l’ONM sous la direction de Philippe Beran, les danseurs du Ballet du Capitole de Toulouse relèveront le défi d’incarner l’un des plus accomplis et des plus emblématiques ballets du répertoire classique.
JMDH
Giselle Montpellier à l’Opéra Berlioz les 16 et 17 novembre 2016 à 20h.
Théâtre La saison du CDN hTh sera libre drôle et insoumise à l’image de son directeur l’auteur et metteur en scène Rodrigo Garcia, mais surtout dérangeante.
Rodrigo Garcia débute sa troisième année à la tête du CDN dont il est peu de dire qu’il a bousculé les habitudes. La saison 2016/2017 s’annonce drôle, dérangeante fascinante, bestiale à l’image des créatures mi-homme mi animal d’Erik Sandberg qui illustrent le programme.
« Je poursuis le même chemin depuis mon arrivée ici, tentait d’expliquer hier Rodrigo Garcia face à la presse quelque peu dubitative. Cette nouvelle saison répond toujours à la volonté de proposer une quantité de langages, d’ouvrir la programmation à la scène internationale* – on pourra voir des artistes canadiens, brésiliens, allemands, belges, anglais, japonais, suédois, portugais, français, sud africain…- et de favoriser le mélange des genres et des tons entre performance, danse, théâtre, musique, arts plastique. »
De quoi s’y perdre, surtout quand le directeur assume, depuis son arrivée, la disparition des pièces de répertoire. Ce qui lui a valu une levée de bouclier du monde enseignant. En province, quelques propositions « expérimentales » bordées par une bonne armature de classiques, si possible revisités, sont toujours bienvenue aux yeux du public cultivé, mais un tel déverrouillage produit une perte totale des repères des spectateurs habituels, y compris chez les professionnels locaux qui souffrent cruellement de la crise et souhaiteraient trouver une plus large place dans la grille de programmation. Le résultat se traduit par une baisse de la fréquentation assez conséquente bien que la courbe se soit inversée la saison dernière.
Rodrigo Garcia remplit cependant son contrat en assurant son cahier des charges. La prise en compte des publics notamment des jeunes, n’impose aucunement aux CDN de programmer du Molière ou du Marivaux. Dans un théâtre public, il serait intéressant de mesurer le renouveau plutôt que d’évaluer le poids de la valeur numéraire perdue.
Faut-il rappeler que les pièces de Genet ou Pinter ont fait scandale avant d’entrer dans le Panthéon des dramaturges. Le patron d’hTh assume sa démarche qui reste celle d’un artiste. « Si je devais me mettre à remplir le théâtre en changeant ma vision de l’art. Je n’aurais qu’à rentrer chez moi. »
Rodrigo Garcia. Photo JMDI Le vent se lève
JMDH
* Sont notamment programmés au CDN de Montpellier cette saison : Markus Ohrn, Toshiki Okada, Gisèle Vienne, Tino Sehgal, Jan Lauwers, Marion Aubert, Julien Bouffier, Stethias Deler, Luis Garay, Lola Arias, Jan Martens, Gob Squad, Philippe Quesne, Steven Cohen…
Grappe d’artiste à l’ombre Panacée photo JMDI Le Vent se lève
Qualité, diversité, ouvertures sont au cœur de la 7e édition de Drawing room. Le salon du dessin montpelliérain ouvre aujourd’hui à la Panacée, 50 artistes y présentent leur œuvre.
Organisée par une association de cinq galeries montpelliéraines, ce salon propose une fenêtre qui s’ouvre en grand sur le dessin contemporain. Douze galeries se partagent l’espace fort bien adapté de la Panacée. Au total, pas moins d’une cinquantaine d’artistes sont exposés. Chaque galerie propose un environnement personnalisé ce qui attise la curiosité du visiteur qui se transporte d’un univers à l’autre.
Drawing room attire de plus en plus de professionnels mais ce n’est pas un lieu réservé aux experts, tout au contraire, le salon offre une occasion à saisir pour se confronter à l’art contemporain. Peut-être parce qu’il est plus aisé de s’y rendre que de pousser la porte d’une galerie d’art, que le dessin reste un médium de proximité, simple d’accès, même s’il comporte différents niveaux. Très impliqués dans la présentation de leurs artistes, les galeristes sont tout disposés à donner des clés pour mieux comprendre la démarche des artistes et avec un peu de chance on peut croiser les créateurs sur place.
Nicolas Daubades Galerie AL/MA, photo JMDI Le Vent se lève
Cette année, la richesse des œuvres présentées n’a d’égale que leur diversité. Dans l’espace Al/MA, les grands formats de Daniel Dezeuze côtoient les dessins éphémères à la poudre de limaille de Nicolas Daubades. Entre réel et virtuel, chez Claire Gastaud, Alain Josseau se soumet à la question de l’art de la guerre. On vibre avec les dessins débordants d’énergie de Mélanie Berger défendus par Iconoscope et l’on s’immerge dans la profondeur du sens avec ceux de Marie-Eve Mestre présentés par la Galerie niçoise Le 22.
L’environnement local de la création se met en réseau à travers une articulation complexe entre politique publique et acteurs impliqués qui participent à la construction publique. Dépaysement garanti dans ce parcours où l’on se trouve face à des situations inattendues.
Christian Laune de La Boite noire. Photo JMDI Le Vent se lève
Dessine-moi un réseau. Drawing Room fédère les acteurs
Le salon de dessin contemporain de Montpellier se forge une identité dans le monde des galeries. Elles sont 12 cette année à se partager l’espace de la Panacée. L’événement se propage en ville en partenariat avec l’Ecole des Beaux- arts, le Frac, et l’Ecole nationale d’architecture qui propose une expo de Douglas Gordon.
« Ici, la motivation première des galeristes n’est pas de vendre mais de montrer le travail des artistes dans de bonnes conditions », confie Christian Laune de La Boîte noire, un des cinq acteurs historiques à l’origine de la manifestation. « On souffre d’un certain isolement quand on est seul. C’est un événement qui cristallise, ajoute-t-il, c’est aussi une occasion d’élargir l’intérêt des gens sur le moyen et long terme. Localement les vrais collectionneurs se comptent sur les doigts des mains. Un certain nombre de personnes achètent des œuvres sur des coups de cœurs. »
Mélanie berger, Variation sur la lutte, Galerie Iconoscope. Photo dr
Sur le salon, la fourchette de prix varie entre 300 et 10 000 euros. Drawing room demeure un lieu d’échange. « Je suis venue parce que l’on m’a invité et je suis très contente d’être là », indique Claire Gastaud « Si je vends tant mieux, confie le responsable d’une galerie niçoise mais je suis d’abord là pour mes artistes, pour faire mon boulot… »