Régionales : Visions croisées sur l’enjeu de la culture

Le Banquet de Lagrasse

Le Banquet de Lagrasse

Culture. La politique régionale du Languedoc Roussillon : bilan, constats et projets en devenir. Un tour d’horizon des propositions des principales listes joignables sur fond de désengagement de l’Etat.

Ni obligatoire, ni optionnelle. A l’image de l’emploi, du développement économique ou de l’environnement, la culture figure, depuis la loi de décentralisation de 1983, dans les secteurs auxquels les Régions doivent concourir au développement. A la faveur de la baisse des crédits d’Etat qui sont désormais inférieurs à ceux des collectivités territoriales, la région Languedoc-Roussillon assume les activités artistiques et culturelles sur son territoire.

blanche-neige-photo_c_jc_carbonne-ed088En 2004, lorsque que la majorité actuelle prends les commandes, tout était à faire.  » Il a fallu construire une stratégie dans tous les secteurs « , indique la déléguée régionale à la culture Josyane Collerais. Le travail se met en œuvre dans une collaboration étroite avec la Drac et le Rectorat. La région initie des conventions d’objectifs pluripartites entre L’Etat et les collectivités.  » Le bilan est très vaste, commente sans modestie la conseillère régionale, On peut citer, la création de L.R cinéma, le développement de l’éducation artistique dans les lycées. Aujourd’hui, 60 000 lycéens sont impliqués. Et nous comptons doubler ce chiffre à l’avenir.  » Conformément à l’image de bâtisseur de son chef, le programme de la liste sortante envisage le développement des éléments structurants, avec le Théâtre Archipel à Perpignan, une salle de musiques actuelles à Nîmes, le développement du pôle cirque d’Alès et la Cité de la Danse à Montpellier… Nous maintiendrons aussi l’emploi dans le secteur et le soutien aux langues régionales et aux radios associatives ainsi que les projets d’actions innovantes « , promet Josyane Collerais.

errance1-depardonAutre son de cloche pour Nicolas Dubourg, de la liste Europe Ecologie :  » Frêche s’est toujours prévalu de mener une politique de pointe, ce qui n’était pas faux à son arrivée à Montpellier, mais aujourd’hui la tendance est à la ringardisation., Souligne ce trentenaire qui a quitté le PS.  » Rien n’est fait pour renouveler les élites artistiques qui fonctionnent en réseaux de pouvoir depuis trente ans. Nous nous défendons la culture dans la diversité des pratiques de chacun en proposant de développer des structures publiques associant acteurs culturels, associations et collectivités, dans un esprit de dialogue.  » Pour faire face au déficit de responsabilité politique lié aux financements croisés, la liste Europe écologie propose de former les élus aux spécificités du secteur culturel.

Robert Lecou, l’ex maire UMP de Lodève,revient lui sur la gestion politique.  » A travers la diversité qui la compose, ses langues, son patrimoine… notre région a une identité forte. Elle est porteuse d’un message culturel qui doit être valorisé. Je ne veux pas m’attarder sur les critiques du système Frêche. Je dis seulement moins de bla-bla et davantage d’actes et d’équité pour les acteurs culturels qui viennent de tous les bords politiques.  » Le député de droite voit dans la culture  » un formidable levier économique « . Son candidat Raymond Couderc, qui était en charge des finances sous la mandature Blanc veut soudainement faire passer le budget de la culture de 3,6% à 5%.

THE LIMITS OF CONTROLJean-Pierre Gallepe, du Front de Gauche, souligne l’absence de transparence :  » L’exemple de la nomination du directeur des Treize Vents qui s’est décidée lors d’une conversation intime entre Georges Frêche et le ministre de la Culture, me vient à l’esprit comme la chasse aux sorcières qui a fait suite à l’élection Frêche. Aujourd’hui c’est pareil. Il est très difficile pour les acteurs culturels de prendre position contre le président car tous le monde craint les conséquences. «  Le Front de Gauche souhaite renouer avec la réflexion collective.  » Frêche favorise les centres principaux. Les grands ténors font vitrine et les pratiques amateurs, comme l’éducation populaire, sont oubliées. Nous pensons aussi que la question de la gratuité doit être posée pour élargir l’accessibilité de l’offre.

Entre images et réalités

La politique culturelle régionale serait-elle par sa nature propice au flou artistique ? Sur le papier, les grands objectifs poursuivis mis en œuvre à l’issue des lois de décentralisation concernent l’aménagement culturel du territoire, la mise en valeur du patrimoine, l’éducation artistique, le soutien à la création… Mais le secteur protéiforme de la culture prête à bien des interprétations et rend l’évaluation des politiques menées difficile.

Ici, comme dans d’autres secteurs, la particularité de la région Languedoc-Roussillon tient à son système de gouvernance. On confond trop souvent culture politique et politique culturelle. Après avoir mis la culture au cœur de sa stratégie municipale avec succès, l’ancien maire de Montpellier a tenté de reproduire ce schéma en région. Il n’a cessé de presser les grosses machines culturelles de la capitale régionale à décentraliser leur offre sans produire de résultats probants. La mandature régionale de Georges Frêche a cependant fait évoluer les choses, dans le domaine de l’audiovisuel notamment avec l’ouverture de l’antenne régionale du cinéma, dans celui des arts plastiques avec la mise en place de grandes expositions itinérantes et dans le travail de valorisation du patrimoine. Sur ce dernier point où les actions fédératrices sont plus simples, la Région travaille main dans la mains avec l’Etat. Mais il ne suffit plus aujourd’hui d’envisager la culture comme faire-valoir économique. Avec l’apparition des nouveaux modes de consommation culturels surgit l’urgence d’un soutien à la culture en tant qu’outil de socialisation.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique politique culturelle, le modèle français, Lien Externe , facteur culturel gauche et droite,

2010 décennie des pages numériques

le livre de demain

Edition. La baisse constante des lecteurs français « traditionnels » projette le livre de demain sur le terrain de l’édition électronique. La nouvelle enquête sur les pratiques culturelles des Français* entre 1997 et 2008 confirme l’érosion des lecteurs quotidiens de presse et de livre. Dans le cas des livres, la baisse des « forts » et « moyens » lecteurs se poursuit, nous apprend l’étude. Mais cette tendance, bien antérieure à l’arrivée d’Internet, continue à peu près au même rythme que lors de la décennie précédente.

Dans ce baromètre, les Français reconnaissent eux-mêmes que leurs relations avec le monde du livre se sont distendues. 53% d’entre eux déclarent spontanément lire peu ou pas du tout. Cette évolution liée aux changements technologiques et sociétaux s’inscrit dans un mouvement de long terme. Elle n’a rien d’inédit. Ce qui retient davantage l’attention, c’est la différence entre milieux sociaux qui se creuse au cours de la dernière décennie avec un décrochage marqué des milieux populaires. La distinction entre les sexes s’est également accrue de manière significative. 62% des hommes déclarent lire peu ou pas du tout de livres contre 46% des femmes.

La mutation la plus marquante touche l’ensemble des pratiques culturelles. Elle concerne l’essor de la culture numérique et d’Internet. « Cette évolution a définitivement consacré les écrans comme support privilégié de nos rapports à la culture tout en accentuant la porosité entre culture et distraction, entre le monde de l’art et ceux du divertissement et de la communication, » souligne Olivier Donnat, chargé de recherche au ministère de la Culture. Un défi majeur et un chantier gigantesque qui appellent à réinventer l’action publique dans le domaine culturel…

La guerre numérique du livre

Le développement du numérique impacte évidemment la chaîne du livre. L’éditeur français, Hervé de La Martinière, qui vient de faire condamner Google pour contrefaçon de livres, remporte une bataille mais la guerre reste ouverte. Le marché des ouvrages dits « épuisés » suscite beaucoup d’appétit. Et la firme américaine poursuit son programme lancé en 2006 pour numériser des millions de livres à travers le monde.

Outre-Atlantique, l’entreprise de commerce électronique Amazon a outrageusement fait chuter le prix des livres. Cela ne regarde que les Etats-Unis pourrait-on penser car le prix unique, en France, nous préserve de tels abus. Le Président de la République vient néanmoins de se prononcer en faveur d’une TVA réduite dans le domaine du numérique. Mais cette mesure, qui dépend du bon vouloir du gouvernement, n’entrera en vigueur qu’à la condition que les éditeurs parviennent à s’entendre pour la création d’une plate-forme de vente commune.

L’idée également soutenue d’un prix unique du livre numérique dépend, elle, de la Communauté européenne dont l’intention globale est de faciliter l’entrée des industries culturelles sur le marché numérique.

Selon la Commission européenne, les différents cadres nationaux en la matière constituent un frein au passage vers une nouvelle ère dans le domaine du livre numérique. « Le défi sera d’assurer la mise en place d’un cadre réglementaire favorisant un déploiement rapide de services semblables à ceux rendus possibles par l’accord signé par Google aux Etats-Unis », ont souligné dans un communiqué les deux commissaires européens en charge du dossier, Viviane Reding et Charlie McCreevy. Ils devraient présenter leur propositions dans les prochaines semaines au Parlement européen et aux Etats membres. Etant entendu que l’indépendance éditoriale, la rémunération des auteurs et la diversité offerte aux lecteurs ne figurent pas dans leurs préoccupations.

Jean-Marie Dinh

Les pratiques culturelles des Français à l’ère du numérique Editions la Découverte 20 euros.

Mian Mian sort les crocs

mian-mianPour la première fois en Chine, un écrivain a intenté une action pour violation des droits d’auteur contre le moteur de recherche américain. Un tribunal de Pékin a commencé mardi à examiner une plainte de la sulfureuse auteure de Shanghai, Mian Mian, contre Google pour violation de droits d’auteur, la première en Chine visant le géant américain pour sa bibliothèque en ligne, a annoncé son avocat. Mian Mian, connue pour ses romans qui mettent en scène une jeunesse qui s’adonne frénétiquement au sexe, à l’alcool et la drogue, a intenté une action pour violation des droits d’auteur contre le moteur de recherches américain pour sa bibliothèque en ligne. « L’audience a duré deux heures », a indiqué à l’AFP l’avocat, Maître Sun Jingwei, qui a simplement ajouté que la procédure ne rentrerait pas vraiment dans le vif du sujet avant mars prochain.

Le porte-parole de Google en Chine n’était pas joignable. Mian Mian, 39 ans, qui a connu la célébrité avec Les Bonbons chinois (L’olivier) en 2000, réclame 61 000 yuan (environ 6 100 euros) de dommages et intérêts. Elle accuse Google d’avoir numérisé illégalement son troisième roman Acid Lovers, a expliqué Maître Sun. Les livres de Mian ont été traduits dans de nombreuses langues mais restent interdits en Chine, où ils circulent sous le manteau. En France, son deuxième roman, Panda Sex, a été publié Au Diable Vauvert en janvier dernier. En novembre, Pékin avait accusé Google d’avoir violé les droits d’auteurs des livres chinois numérisés et appelé les auteurs à « défendre leurs droits« . Deux organisations d’écrivains chinois ont accusé Google de numériser leurs oeuvres sans autorisation et réclamé des dommages et intérêts « le plus vite possible« . Au moins 80 000 livres d’auteurs chinois, selon la presse, se trouvent dans Google Books.

Voir aussi : Rubrique Edition Les éditeurs français contre Google, Google condamné pour contrefaçon,

Edition: Google condamné pour contrefaçon de livres

Vendredi 18 décembre, le TGI de Paris a interdit à Google de poursuivre la numérisation d’ouvrages sans l’autorisation des éditeurs et a condamné le moteur de recherche américain à verser au groupe français La Martinière 300 000 euros de dommages et intérêts. Lors de l’audience, Google avait contesté la compétence de la justice française sur le dossier et défendu le droit à l’information des utilisateurs. Dans son jugement, la 3e chambre civile a estimé qu’elle avait tout à fait compétence à trancher ce litige. Selon elle, « en reproduisant intégralement et en rendant accessibles des extraits d’ouvrages » sans l’autorisation des ayants-droit, « la société Google a commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur au préjudice des éditions du Seuil, Delachaux & Niestlé et Harry N. Abrams », ainsi qu’au préjudice du Syndicat national de l’édition (SNE) et de la Société des gens de lettres (SGDL). A ce titre, le tribunal a « interdit à Google la poursuite de ces agissements sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ».

Le groupe La Martinière demandait 15 millions d’euros de dommages et intérêts. Les éditeurs contestaient la décision de Google de lancer en 2006 un programme de numérisation de millions de livres provenant notamment de grandes bibliothèques américaines et européennes. A l’audience, l’avocat de La Martinière, Me Yann Colin, avait jugé ce système « illégal, dangereux et dommageable aux éditeurs », mis devant le fait accompli et qui ne peuvent pas s’opposer à la numérisation et la diffusion d’extraits de leurs livres sur Internet.

Voir aussi : Rubrique Edition Les éditeurs français contre Google, Mian Mian attaque,

Le Seuil et les éditeurs français contre Google jeudi devant le TGI

Le procès pour « contrefaçon » qui oppose notamment les éditions du Seuil et le syndicat des éditeurs français au moteur de recherche américain Google se tiendra jeudi devant le TGI de Paris, dans un climat marqué par de nombreux développements autour de la numérisation des livres.

« Je crois qu’il faut traiter avec Google sur des bases juridiques solides », souligne Hervé de la Martinière, le PDG du groupe La Martinière qui contrôle le Seuil, à l’origine de la plainte visant Google France et la maison-mère Google inc., déposée en juin 2006.

Avec le Syndicat national de l’édition (SNE), qui regroupe 530 maisons d’édition, et la Société des gens de lettres (SGDL), La Martinière conteste le programme de numérisation massive de livres, sans autorisation préalable des éditeurs concernés, lancé en 2005 par Google. Des ouvrages libres de droits, mais aussi soumis au droit d’auteur, puisés notamment dans les grandes bibliothèques américaines, qui doivent constituer selon Google le fond d’une bibliothèque numérique mondiale consultable sur internet.

« Cette espèce d’arrogance qui fait qu’on vous prend vos livres et qu’on les numérise sans vous demander votre avis, ce n’est pas possible », soutient Hervé de La Martinière. La question du respect du droit d’auteur sera donc jeudi au centre des débats devant le TGI. « On estime qu’on a, en droit français, toutes les raisons d’avoir assigné Google », affirme-t-on au SNE, où l’on souligne l' »unanimité » des adhérents du syndicat.

L’audience devant le TGI survient après la polémique qui a éclaté en France avec l’annonce mi-août de discussions entre Google et la Bibliothèque nationale pour la numérisation de ses collections. Des négociations motivées, selon la BNF, par le coût élevé de la numérisation.

Début septembre, Google a réaffirmé pour sa part sa volonté d’écouter les critiques et de tenter de parvenir à une solution. « Notre but reste de redonner vie à des millions de livres épuisés parmi les plus difficiles à trouver, tout en respectant le droit d’auteur », soulignait Google France dans un communiqué.

L’opérateur américain a même fait le 7 septembre à Bruxelles de premières concessions aux auteurs et éditeurs européens pour tenter de vaincre leur opposition.

Hervé de la Martinière souligne lui-même les « bonnes dispositions » affichées par les responsables de Google qu’il a rencontrés ces derniers mois, des rencontres qui n’ont cependant « abouti à rien, sinon à des propositions de dédommagement qui ne nous intéressaient pas ». « Il faut aller au procès, ensuite il sera toujours temps de mettre tout ça sur la table », affirme-t-il.

Le volet judiciaire français s’ouvre au lendemain de la décision du ministère américain de la Justice de demander à un juge fédéral new-yorkais de ne pas valider un accord conclu entre Google et des syndicats d’éditeurs et d’auteurs américains sur un partage des bénéfices liés à l’exploitation aux Etats-Unis des livres numérisés. Le ministère américain a au contraire « encouragé la poursuite des discussions » entre les parties.

Autant d’éléments qui montrent la complexité du dossier numérique qui suscite de plus en plus de réactions aux Etats-Unis et dans plusieurs autres pays. En Italie, l’autorité de la concurrence a ainsi étendu a Google Inc. la procédure lancée contre Google Italie pour abus présumé de position dominante.

Voir aussi : Google condamné