Le Kenya reste plongé dans l’instabilité au lendemain d’une présidentielle tendue

Photo Jean-Marc Mojon

Photo Jean-Marc Mojon AFP

Le Kenya paraissait ce vendredi encore plus divisé que ces dernières semaines, au lendemain d’une présidentielle boycottée par l’opposition et endeuillée par la mort de plusieurs de ses partisans, des tensions qui ont entraîné le report du vote dans l’ouest du pays et largement entamé la crédibilité du scrutin.

Les opérations de compilation des résultats, entamées jeudi soir, se poursuivaient vendredi. Mais le résultat ne fait pas de doutes: le sortant Uhuru Kenyatta (de l’ethnie majoritaire kikuyu) est assuré de l’emporter, son rival historique, l’opposant Raila Odinga (un Luo), ayant décidé de ne pas participer à ce qu’il a qualifié de «mascarade» électorale.

Pays dynamique et première économie commerciale en Afrique de l’Est, le Kenya est plongé dans sa pire crise politique depuis 10 ans, depuis que la justice a annulé pour «irrégularités» (une première en Afrique) la présidentielle du 8 août, qui avait vu la réélection d’Uhuru Kenyatta face à Raila Odinga.

Un scrutin toujours jugé opaque

La Cour suprême avait justifié cette décision par des irrégularités dans la transmission des résultats, faisant peser la responsabilité de ce scrutin «ni transparent, ni vérifiable» sur la Commission électorale (IEBC). Galvanisé par ce jugement, Raila Odinga, 72 ans, déjà trois fois candidat malheureux à la présidence (1997, 2007, 2013), a fait pression pour obtenir une réforme de cette commission, qui a effectué certains changements jugés insuffisants par l’opposition.

Le président de l’IEBC avait lui-même admis que la commission ne pouvait pas garantir un scrutin crédible, confortant la décision de Raila Odinga de boycotter l’élection. D’emblée, la crédibilité de la présidentielle était donc entamée, faisant courir le risque d’une période d’instabilité encore plus longue.

Frustration et sentiment de marginalisation

Malgré les appels à la retenue des deux camps, des affrontements violents ont eu lieu jeudi dans de nombreux bastions de l’opposition, où les frustrations et le sentiment de marginalisation ont été exacerbés depuis des années. Le Kenya a connu depuis l’indépendance (1963) trois présidents sur quatre issus de l’ethnie kikuyu, qui domine également l’économie du pays.

Au moins quatre personnes ont été tuées par balle et une vingtaine d’autres blessées dans les bidonvilles de Nairobi et dans l’ouest du pays, dans des violences en marge du scrutin, selon des sources policières et hospitalières. Le pays était placé sous très haute sécurité, après des semaines de climat politique délétère. Au moins 44 personnes ont été tuées depuis le 8 août, la plupart dans la répression brutale des manifestations par la police.

Ces heurts ravivent les terribles souvenirs de la présidentielle de fin 2007 qui avait débouché sur les pires violences politico-ethniques depuis l’indépendance et fait au moins 1100 morts.

Un ras-le-bol général

Dans quatre des 47 comtés du pays (Homa Bay, Kisumu, Migori et Siaya), majoritairement peuplés par l’ethnie luo, l’élection a été reportée à samedi par la commission électorale, le vote n’ayant pas pu se tenir dans des conditions acceptables (pour cause de troubles sécuritaires, bureaux de vote fermés, matériel non acheminé, manifestants empêchant les opérations…).

Mais le gouverneur de Kisumu, Anyang’Nyong’o, une des figures de l’opposition, a répliqué dès jeudi qu’il n’y aurait aucun vote possible samedi dans son comté, où une semaine de deuil est organisée.

Epuisés par les rebondissements de cette saga présidentielle, une nouvelle fois prolongée avec le report à samedi, les Kényans s’enfoncent dans la morosité et l’angoisse de voir ces divisions devenir de plus en plus irréconciliables.

Le célèbre dessinateur kényan Gado a croqué ce Kenya de plus en plus fracturé dans un dessin: on y voit une électrice, le corps coupé en deux, mettre un bulletin de vote dans une urne en grimaçant, pendant que ses jambes avancent dans la direction opposée.

Repeat Elections 2017 – Gado https://t.co/ZnPPWmn6AA pic.twitter.com/lX1onzAlxa

— Gado Cartoons (@iGaddo) 26 octobre 2017

Pour Mulinge Mwende, jeune femme de 29 ans de l’ethnie minoritaire kamba, qui travaille dans le secteur bancaire, «ces divisions sur des lignes ethniques ne font que s’aggraver».

Interrogée par l’AFP à Nairobi, elle explique qu’en ce moment il «devient difficile de faire des affaires avec des gens qui ne sont pas de ta communauté»: «Je ne peux pas évoquer mes opinions politiques ouvertement, les clients sont aussi très prudents et susceptibles» sur ces sujets, déplore-t-elle.

Uhuru Kenyatta, fils de Jomo Kenyatta, le père de l’indépendance, pourrait pâtir d’une lassitude de plus en plus prégnante face aux turpitudes de l’élite politique de ces dernières années, et d’un ras-le-bol de la gestion de la crise électorale qui plombe le pouvoir d’achat des Kényans.

Source AFP 27/10/2017

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En Egypte, les artistes sous la férule de l’Etat

 Une scène du film "Les derniers jours d'une ville" du réalisateur égyptien Tamer El Said, avec l'acteur Khalid Abdalla afp.com/HO

Le Caire – Salles obscures, scènes de concert ou spectacles de rue, les autorités égyptiennes observent à la loupe le moindre espace culturel, imposant parfois de lourdes restrictions.

Jadis phare culturel du monde arabe, l’Egypte, contrôlée d’une main de fer par le président Abdel Fattah al-Sissi, soumet les artistes à une censure qui tend à s’amplifier.

Projeté dans 60 pays et 91 festivals, fort de plus de 10 récompenses internationales, « Les derniers jours d’une ville » n’a pas obtenu de visa d’exploitation en Egypte.

« Cela (…) ne vient pas, cela me tue« , confie son réalisateur Tamer el-Saïd.

Le tournage du film, consacré en grande partie à la capitale égyptienne, s’est achevé six semaines avant la révolution du 25 janvier 2011 qui a provoqué la chute du dictateur Hosni Moubarak et plongé l’Egypte dans l’instabilité politique.

« Le film essaie de capturer ce sentiment que nous avions avant la révolution, que quelque chose d’énorme allait arriver« , raconte M. Saïd.

Le réalisateur a demandé une licence en octobre 2016. L’autorité égyptienne de la censure l’a inondé de demandes de documents puis a finalement cessé de répondre à ses appels.

Après avoir initialement accepté de répondre à l’AFP, le président de l’autorité de la censure, Khaled Abdel-Geleel, n’a pas donné suite.

– ‘Très mauvaise idée’ –

Le film n’a pas été autorisé car « il y a une forte ressemblance entre ce qu’il se passait à l’époque (sous Moubarak) et ce que la situation semble être aujourd’hui« , analyse Hossam Fazulla, chargé du programme sur la liberté des créations artistiques à l’Association pour la liberté de penser et d’expression (AFTE).

Après une phase de liberté après la révolution de 2011, le monde de la culture a en effet subi, comme les opposants politiques ou les défenseurs des droits de l’Homme, la même intransigeance de la part du régime au pouvoir depuis 2013, après la destitution par l’armée du président islamiste Mohamed Morsi.

« Cette période a connu plus de restrictions que la précédente« , rappelle M. Fazulla. A ses yeux, « le gouvernement essaie de façonner un modèle de citoyen obéissant, dompté, qui convient à ce régime« .

Selon M. Fazulla, ces restrictions ont provoqué l’extinction de certaines formes d’art qui ont pullulé après le soulèvement populaire de 2011.

Les arts de rues et les concerts ont notamment souffert de la loi de 2013 qui interdit les manifestations non autorisées au préalable, a-t-il assuré.

« Le Caire confidentiel« , du réalisateur suédois d’origine égyptienne Tarik Saleh, dont les affiches ont inondé les rues de Paris, a pour sa part été interdit de tournage en Egypte.

S’inspirant d’un épisode fameux de l’Egypte de Moubarak, le film évoque la corruption dans la police à travers l’affaire d’un magnat de l’immobilier Hicham Talaat Moustafa. Ce proche de l’ancien raïs a été condamné en 2010 pour le meurtre de sa maîtresse Suzanne Tamim, une jeune chanteuse libanaise.

Vouloir filmer en Egypte était « une très mauvaise idée« , a dit M. Saleh dans une interview diffusée sur la chaîne YouTube du Festival du film de Munich, en Allemagne.

« Nous avons été expulsés trois jours avant que nous ne commencions à filmer, alors nous sommes partis à Casablanca« , au Maroc, a-t-il expliqué.

– ‘Adorateurs du diable’ –

L’autorité de la censure n’a pas non plus épargné la musique. En juillet, le très populaire groupe de pop-rock Cairokee, connu pour ses hymnes à la liberté, a révélé l’interdiction de plusieurs titres de leur dernier album « Une goutte de blanc« .

Sur Facebook, le groupe a ironisé en soulignant que la décision ne s’appliquait pas à internet, où les morceaux interdits ont circulé librement.

Le Syndicat des musiciens, reconnu par l’Etat, a aussi imposé des restrictions aux artistes, selon l’AFTE.

Parmi les dernières cibles, la musique métal. Une controverse est née après une tentative de faire annuler un concert en février 2016.

Le très conservateur président de ce syndicat Hany Shaker, lui-même chanteur de variétés, avait annoncé à la chaîne Al Assema avoir dénoncé à la police « une soirée avec des adorateurs du diable portant des vêtements étranges« .

« Notre rôle se limite à informer la sécurité. Et la sécurité égyptienne est très alerte« , a déclaré à l’AFP le porte-parole du Syndicat des musiciens Tarek Mortada, se refusant à tout autre commentaire.

Source AFP 29/10/2017

Cinemed 2017. Intime et féminin

Kindil de Damien Ounouri Programme Algérie Cherchez la femme  Photo dr

Cinemed
La 39e édition du festival est marquée par l’énergie des réalisatrices et des comédiennes du monde méditerranéen toujours traversé par l’âpreté des conflits  autours de la libre expression féminine.

Lors de la cérémonie d’ouverture du Cinemed, Aurélie Filippetti, la présidence du festival, n’a pas manqué d’évoquer son attachement à l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle évoquait l’actrice de Razzia Maryam qui cosigne le scénario du film et incarne à l’écran une femme entière, très attachée à sa liberté d’expression. « Au Maghreb, il ne faut pas s’attendre à ce que les hommes s’engagent dans ce combat. Parce que les lois qui génèrent les injustices sont faites pour eux », souligne le réalisateur franco marocain Nabil Ayouch.

Regard à vif

La voix des femmes est omniprésente dans la programmation de cette 39 édition comme si le cinéma méditerranéen s’attachait plus aujourd’hui qu’hier à ne pas traiter les femmes en surface. Ce souffle de liberté provoquant, puissant s’orchestre dans une foule de registres thématiques. A travers les questions de la liberté, de la transmission, des traditions et de la conquête des droits, y compris celui d’aimer la personne de son choix, de la reconnaissance, et du mépris…

Le regard des réalisatrices est à vif. A l’instar du court métrage Tata Milouda de Nadja Harak  qui évoque le sort d’une femme de 67 ans contrainte par son mari violent  à faire des ménages à Paris pour payer leur maison au Maroc. On peut aussi citer Dans le bleu de la réalisatrice croate Antoneta Alamat Kusijanovic dont le cour métrage nous invite à suivre une mère et sa fille fuyant la violence du foyer familial, ou Bolbol de la jeune réalisatrice tunisienne Khedja Lemkecher. Tous les hommes n’en sortent pas grandis, mais les femmes non plus, à commencer par les mères qui mettent le doigt dans l’engrenage d’une situation qui place leur mari à la merci de leur silence.

Programmation sensible
Dans le panorama concocté pour faire découvrir la jeune garde du cinéma algérien, le Cinemed a regroupé trois courts-métrages sous le titre Cherchez la femme qui donne un aperçu de la conscience criante du problème sociétal en Algérie . Mais l’édition dans sa globalité essaime à travers toute sa programmation.  Sans doute parce que les films restent à l’échelle humaine, qu’ils pénètrent les foyers,  évoquent les solitudes, l’ennui et les rêves ou leur fin comme dans le documentaire Imma du réalisateur italien Pasquale Marino. Ce cinéma-là se saisit des sentiments intimes des personnages tels qu’ils sont, sans volonté de formatage.

C’est un des mérites de Cinemed de nous faire découvrir d’autres cultures mais aussi de nous permettre de se reconnaître dans l’étranger. A la fin d’un film, on se surprend souvent à changer notre regard. Cette confrontation nous rapproche poussant notre musique intérieure à explorer de nouvelles sonorités. La place donnée aux réalisatrices confirme que les femmes ne cillent pas derrière la caméra comme le démontre l’oeuvre sociale de Dominique Cabrera ou le très beau film de la géorgienne Mariam Kharchvani Dede.

Un peu comme si la crise globale de la démocratie qui a pour corollaire le renforcement des pouvoirs religieux et politiques et la réduction des libertés individuelles poussait les femmes dans un engagement salvateur…

 JMDH

Source. La Marseillaise

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Paris, Le Caire, ventes d’armes et droits de l’homme

afp.com - ANGELA WEISS

La visite en France du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, dénoncé pour son bilan « catastrophique » en matière de droits de l’homme, est considérée par les ONG comme un test crucial pour Emmanuel Macron, sommé de mettre fin à la « scandaleuse tolérance » de Paris envers le Caire.

M. Sissi effectue à partir de lundi une visite officielle de trois jours et rencontrera pour la première fois mardi à l’Elysée M. Macron depuis qu’il a été élu président.

La France, qui entretient d’excellentes relations commerciales et sécuritaires avec l’Egypte, vue comme un « rempart » contre le terrorisme dans une région en constante ébullition, a promis que la situation en matière de droits de l’homme serait abordée dans cet entretien.

Mais plusieurs ONG, dont Human Rights Watch, Amnesty International, la FIDH et Reporters sans frontières, ont souligné que l’Egypte connaît « la pire crise des droits humains depuis des décennies » et réclamé à la France des signes concrets pour mettre fin à son « silence », voire sa « tolérance ».

« Ce sera pour nous un test diplomatique crucial. M. Macron fait des déclarations publiques fortes, des discours vibrants. Maintenant, il est urgent qu’il mette concrètement en actions ses discours », a déclaré la directrice France de HRW, Bénédicte Jeannerod, au cours d’une conférence de presse à Paris lundi. Elle a notamment demandé que le soutien de Paris au gouvernement égyptien soit lié à des améliorations tangibles dans le domaine des droits de l’homme.

« Nous comptons sur vous pour rappeler que la France ne cautionne pas les pratiques répressives de l’Egypte et estime que des réformes significatives en faveur des droits humains, de la démocratie et de la société civile doivent être engagées », ont souligné de leur côté dans une lettre conjointe à Emmanuel Macron les ONG EuroMed Droits, Coordination Sud, FIDH, l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme et RSF.

– ONG ‘criminalisées’ –

Elles appellent M. Macron à demander au président égyptien « de mettre un terme à la campagne de criminalisation des défenseurs (des droits humains) ».

Depuis 2015, l’Egypte a conclu des contrats d’armement avec la France pour plus de six milliards d’euros, comprenant notamment 24 avions de combat Rafale, une frégate, deux porte-hélicoptères Mistral et des missiles.

M. Sissi doit rencontrer des entrepreneurs à l’occasion de sa visite. Il verra aussi des ministres, dont son « ami » Jean-Yves Le Drian, l’actuel chef de la diplomatie, qui a piloté ces ventes d’armes majeures avec le Caire lorsqu’il était ministre de la Défense sous l’ex-président François Hollande.

Dans une interview accordée lundi soir à la chaîne France-24, M. Sissi a affirmé qu' »il n y a pas de détenus politiques en Egypte », assurant que tous les détenus sont interrogés et déférés devant les tribunaux selon les procédures judiciaires normales.

Il a également confirmé qu’une « coordination existait » avec la France pour favoriser une solution politique en Libye, pays vers lequel les jihadistes vaincus en Syrie et en Irak « vont bouger », selon lui, de même que vers l’Égypte, le Sinaï et l’Afrique de l’ouest.

– ‘Difficile équation’ –

« L’Égypte souhaite atteindre l’équilibre nécessaire entre les droits et les devoirs des citoyens d’une part, et les défis sécuritaires de la lutte contre le terrorisme d’autre part », a encore déclaré le président égyptien dans une interview au quotidien Le Figaro, reconnaissant que « c’est une équation parfois difficile lorsque votre responsabilité est de sécuriser cent millions de citoyens. »

A propos de l’islam, M. Sissi entend « corriger les interprétations erronées des préceptes religieux érigés en prétextes idéologiques pour justifier la violence et le terrorisme ».

Pour la France, l’Égypte est « l’élément central de la stabilité régionale » et Paris travaille avec « dans un esprit de confiance et d’efficacité », selon un responsable gouvernemental, qui se défend de mettre la question des droits de l’homme sous le boisseau.

La rencontre entre MM. Macron et Sissi « permettra d’évoquer les sujets d’intérêt commun comme les crises régionales et la lutte contre le terrorisme, mais également la situation des droits de l’homme », indiquait la semaine dernière l’Elysée.

– Paris ‘têtu mais discret’ –

Toutefois, Paris revendique aussi la discrétion en la matière: « Si on arrive en leur disant ce n’est pas bien ce que vous faites, ce n’est pas efficace. Ce qui peut marcher, c’est d’évoquer des cas précis. Il faut être têtu mais discret », selon une source diplomatique.

« Il faut en parler publiquement », réplique Hussein Baoumi, responsable de campagne sur l’Egypte pour Amnesty International, pour qui « le silence des gouvernements étrangers » encourage la répression.

Mais pour Mohamed Zarea, vice-président de la FIDH, « la question n’est pas de critiquer, d’émettre des réserves, mais d’agir ».

Abdel Fatah al-Sissi est arrivé au pouvoir en 2013, après avoir destitué le président islamiste démocratiquement élu Mohamed Morsi. La répression s’est abattue en priorité sur les Frères musulmans, mais a touché peu à peu toute l’opposition, les médias, les ONG et la société civile.

« Il n’y a plus aucun espace pour la contestation, de quelque ordre qu’elle soit, en Egypte. Une seule opinion est permise, c’est l’opinion d’Etat », a dénoncé Hussein Baoumi.

Cécile Feuillatre

Source AFP 24/10/2017

 

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Kaouther Ben Hania : « Le parcours de Mariam démontre qu’il reste du chemin à faire

6d7ab3972e029b9d998425ddf9ca3f5d_L-1Invitée par le cinéma Diagonal en partenariat avec le festival Cinemed, la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania était à Montpellier pour présenter son second long métrage « La belle et la Meute » en avant première.

Kaouther Ben Hania est née à Sidi Bouzid en Tunisie. Elle étudie le cinéma à l’Ecole des Arts et du Cinéma à Tunis avant de suivre une formation de scénario à la Fémis à Paris. Elle débute sa carrière en tournant plusieurs documentaires. Dans son premier long métrage, la réalisatrice menait une enquête caméra au point sur l’identité du Challat de Tunis, nom donné à un homme qui roulait à moto dans les rues de Tunis, armé d’un rasoir pour balafrer les fesses des femmes qui croisaient sa route.

La belle et la meute est aussi une libre adaptation tirée d’un fait divers tunisien. Après avoir été violée, Mariam, une étudiante tunisienne, doit lutter pour le respect de ses droits et de sa dignité.

 

« C’est le déni de ses droits de citoyennes qui crée chez elle une conscience et une détermination...»

« C’est le déni de ses droits de citoyennes qui crée chez elle une conscience et une détermination…»

 La belle et la meute est votre second long métrage.                                            Quelle est l’origine du projet ?

Le choix d’une histoire pour moi c’est un peu comme celui d’une graine. Je fonctionne comme une jardinière, je les arrose. Il y a celles qui prennent et celles qui meurent en court de route, celle là a résisté. Elle s’inspire d’un fait divers, qui m’a donné la matière scénaristique. A partir de cette histoire authentique, le film raconte la réalité d’une société en explorant les codes du cinéma de genre.

On est en effet plus proche du thriller, voire du film d’horreur que du paisible travail de jardinière ?

J’aime le cinéma de genre et j’apprécie les films d’horreur que je trouve très inventifs, même si le film se rapproche plus d’un cauchemar que d’un film d’horreur. Ce n’est pas non plus un thriller ou un film noir avec les codes imposés d’une enquête dans laquelle on progresse en résolvant des énigmes. Dans le film, les preuves sont là mais personne ne veux les voir. On pourrait presque dire que c’est un anti-film noir.

Pourquoi avoir opté pour le plan séquence, cela vous vient-il de votre expérience dans le documentaire ?

Je voulais maintenir une tension, – on revient à mon goût pour les film d’horreur – et rester très réaliste. Avec le plan séquence on est en temps réel, ce qui accentue le malaise. C’est moins confortable pour les acteurs mais cela implique vraiment le spectateur. On suit Mariam pendant toute la longueur de la nuit et on partage son vécu durant 1h40.

J’avais en tête des films qui m’ont inspiré comme La corde d’Hitchcock. Mon expérience dans le documentaire ne m’a pas vraiment servi pour la forme, en revanche j’ai usé de cette expérience pour la recherche d’authenticité. Lors du travail préparatoire, je me suis rendu en amont dans un commissariat où j’ai pris le temps de comprendre le type de relations entre les gens, le fonctionnement général… Ce film n’est pas la reconstitution des faits qui se sont déroulés. C’est une histoire que je m’approprie.

Au début Mariam apparaît comme un personnage assez neutre puis elle évolue du point de vue de sa conscience politique…

En effet, à l’inverse de Youssef, elle n’a aucun passé militant. Au départ, elle demande justice et réparation. C’est le déni de ses droits élémentaires de citoyenne qui créé chez elle une conscience, et une détermination qui arrivent très rapidement, de manière très violente, un peu comme le viol.

On découvre l’état de la société à travers l’attitude jamais univoque et parfois ambivalente des personnages secondaires, pourquoi avoir choisit ce type de traitement ?

Il y a aussi les lieux comme la clinique privée et l’hôpital public ou le commissariat. C’est un film sur la transition. Avant 2011, cette affaire ne serait jamais sortie et en même temps le parcours de Mariam démontre qu’il reste du chemin à parcourir. Le pays est dans la tourmente à la recherche d’un équilibre. Après avoir usé de tous les moyens de pression pour que Mariam retire sa plainte, un des flics use en dernier argument de la nécessité de maintenir la réputation de la police sans laquelle le pays sombrerait dans le chaos.

Un chantage classique que l’on connaît ici avec l’Etat d’urgence. On vous dépouille de votre liberté et de vos droits au nom de la sécurité… Le militant Youssef, évoque le sentiment qu’il éprouve face au système, celui de vivre dans un monde peuplé de zombies.

J’ai travaillé le récit en ellipses, le film fait la part belle au refoulé avec des zones d’ombres enfouies dans la galerie des personnages. Mariam agit comme un révélateur parce qu’elle veut aller jusqu’au bout.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 17/10/2017

Voir : Bande-annonce LA BELLE ET LA MEUTE de Kaouther Ben Hania

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