Cannes 2014. Abderrahmane Sissako : « Au Mali les Touaregs sont des victimes. »

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Timbuktu, le long-métrage du réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako a été l’un des premiers films en compétition au Festival de Cannes à être présenté à la presse. Il a reçu, pour le moment, d’excellentes critiques. « Jeune Afrique » a rencontré le cinéaste.

Toutes ses œuvres, même son court-métrage de fin d’études il y a un quart de siècle, ont été montrées à Cannes lors du festival. Mais avec son nouveau film, Timbuktu, dont l’action se déroule pendant l’occupation par les jihadistes de la ville sainte du Mali, Abderrahmane Sissako est pour la première fois en compétition pour la Palme d’or. Seul à représenter le continent à ce niveau.

Peu avant le lancement du festival, alors qu’il venait tout juste de terminer la postproduction de son quatrième long-métrage, le cinéaste mauritanien à la cinquantaine élégante se disait très confiant avant ce « coup de projecteur » – c’est son expression – sur son travail. De sa voix douce, il raconte volontiers pourquoi et comment il a conçu ce film. Et quelle aventure a représenté sa réalisation dans une région très proche de celle où opèrent régulièrement les islamistes radicaux.

Jeune Afrique?: Un grand succès critique mais aussi public en 2006 avec Bamako, puis aujourd’hui, huit ans après, un nouveau film. Pourquoi aviez-vous disparu??

Abderrahmane Sissako : Je n’ai pas « rien fait » depuis Bamako, j’ai fait deux filles. Et puis réaliser un film, ce n’est pas comme aller à un rendez-vous. Dès qu’on est reconnu, certes, on peut en faire un tous les deux ans. Mais pour moi, c’est différent?: mon travail me dépasse, d’autres se l’approprient, l’inscrivent dans une dimension politique, lui font raconter un continent. Alors il n’est pas facile d’aller vers un nouveau sujet. J’ai donc tendance à attendre que les choses m’arrivent, d’être face à une situation devant laquelle je ne peux pas fuir.

De plus, quelques années après Bamako, j’ai cessé d’habiter à Paris et je suis rentré au pays. Je n’avais jamais vraiment coupé avec la Mauritanie. Et, où que je sois, j’ai toujours l’impression d’être ailleurs. Mais, là, je me suis replongé dans une réalité qui m’a peut-être un peu éloigné du cinéma.

Qu’est-ce qui a été déterminant pour décider de faire ce film, le premier, parmi tous ceux que vous avez tournés, vraiment dans l’actualité??

Quand on est un homme politique, mais aussi un artiste, face aux choses qui vous révoltent, on parle souvent sans faire. Un double discours. Or une situation telle que celle du Nord-Mali m’obligeait à me positionner. Assister à cela sans intervenir, sans rien faire, alors que j’étais pour ainsi dire sur place, ça me paraissait impossible, une démission.

Ce qui aurait pu vous conduire à réaliser un documentaire…

À l’origine, premier réflexe, j’étais en effet parti pour faire un documentaire. Mais j’ai vite compris que cela consisterait à donner la parole à des islamistes qui vous utilisent. Et il m’a semblé aussi que je ne ferais pas un documentaire étonnant. J’avais envoyé un journaliste mauritanien enquêter sur le terrain. Je m’apercevais qu’il ne m’écoutait pas, qu’il ne pouvait pas raisonner comme un cinéaste. À tel point que nos conversations téléphoniques, quand il était sur place, devenaient absurdes… et que j’ai même commencé à les enregistrer, en pensant que cela pourrait être dans le film.

C’est pourtant grâce à lui que j’ai trouvé quoi faire. Un jour, il a pu filmer à Tombouctou l’attente de l’exécution d’un Touareg accusé d’avoir tué un pêcheur. Et quand il m’a dit cela, je me suis dit?: voilà mon sujet, ce sera l’histoire de ce Touareg. Dans le film, c’est un berger, Kidane, qui a donné la mort par accident à un pêcheur bozo qu’il était venu trouver parce que celui-ci avait tué sa vache. Et j’ai décidé de raconter les quarante-huit heures précédant son exécution.

Renaud de Rochebrune

Source Jeune Afrique 15/05/2014  : lire la suite de l’interview d’Abderrahmane Sissako dans Jeune Afrique n°2784

Rubrique Cinéma, rubrique Festival, rubrique Afrique, Mali,

Cinéma Diagonal : Afrique 50 les colonies en héritage

Michel Le Thomas à Montpellier Photo Rédouane Anfoussi

Michel Le Thomas à Montpellier Photo R. Anfoussi

Le réalisateur Michel Le Thomas était au Diagonal jeudi pour présenter De Sable et de sang dans le cadre d’un débat animé par l’historien Jacques Choukroun.

Le film relate l’histoire de Akjoujt, une ancienne ville minière de Mauritanie, en rendant compte de l’impact de l’entreprise néo-colonialiste sur la vie des habitants à partir de leurs expériences. ?« Au départ, il s’agissait de faire un documentaire pour transcrire la dimension humaine de l’action de coopération engagée par la ville communiste de Sevran dans le cadre d’un jumelage avec Akjoujt, explique le réalisateur formé par Jean Rouche, mais cela a pris un peu de temps et cette commune de Seine St Denis a basculé à droite. Le jumelage n’y a pas survécu et le film est resté en plan. Et puis, suite à une rencontre avec René Vautier célèbre pour avoir réalisé le premier film anti-colonial français nous avons décidé de bâtir un scénario.»

Le film joue sur la fiction pour faire le lien entre l’Europe coloniale d’hier et l’Europe forteresse d’aujourd’hui mais De Sable et de sang garde pour l’essentiel la teneur d’un documentaire. On retrouve René Vautier dans son propre rôle de résistant. L’auteur de Afrique 50 et de Avoir 20 ans dans les Aurès, porte un regard sincère sur sa vie de combat contre l’exploitation humaine.

L’intérêt majeur de ce film est de montrer les éléments qui font la continuité entre l’exploitation dénoncé avec fougue dès les années 50 et ce qu’il en reste aujourd’hui.

« Je ne veux pas entrer dans le travers de ceux qui défendent l’idée que rien n’a changé, souligne Michel Le Thomas, car si les gens souffrent de la même façon, ils sont politiquement indépendants.»

ivre DVD, ed Les Mutins de Pangée, 22 €

Livre DVD, ed Les Mutins de Pangée, 22 €

« Afrique 50 » film coup de poing

Cette trajectoire entre le colonialisme et le néocolonialisme est rendue tout à fait perceptible grâce à la bonne idée de la coopérative audiovisuelle et cinématographique de production, Les Mutins de Pangée qui inaugure leur nouvelle collection Mémoire populaire en éditant un livre CD* qui regroupe le film Afrique 50 censuré pendant un demi-siècle en revenant sur sa passionnante histoire ainsi que le film de Michel le Thomas enrichie des commentaires et du fond iconographique de l’historien Alain Ruscio. L’ensemble s’offre comme un objet complet de référence sur la question des colonies françaises d’Afrique.

« Si l’on veut comprendre et apprécier Afrique 50 on doit impérativement le voir en ayant en permanence en tête l’état d’esprit moyen des Français à cette époque, explique Alain Ruscio Le crâne bourré par trois-quarts de siècle de propagande émanant du parti colonial.» Un autre constat similaire sera à faire par les futurs historiens afin de comprendre l’esprit des Français du début du XXIe siècle baignant dans la propagande totale du néolibéralisme.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise16/11/2013

Voir aussi : Rubrique Histoire, rubrique Afrique, rubrique Livre, Comédie du Livre une fenêtre sur l’Afrique,

Monde Arabe revue de Presse 08/11

 

 

Printemps dans le Sinaï – The Economist, 27/08/2011

Suite aux attentats commis le 18 août aux alentours de la frontière égyptienne, le gouvernement israélien est sur le point d’autoriser un redéploiement de troupes dans le Sinaï. Or les accords de Camp David avaient exclu toute présence militaire égyptienne dans la péninsule. Mais l’insécurité grandissante dans le Sinaï depuis le départ de Moubarak oblige Israël désormais à consentir à un redéploiement égyptien, malgré le risque d’un changement de régime imminent au Caire.

 

Mauritanie : report des élections parlementaires et locales à une date inconnue – Jeune Afrique, 26/08/2011

Suite à une demande de l’opposition, le ministère de l’Intérieur mauritanien a annoncé le report des élections sénatoriales, législatives et municipales qui devaient se tenir le 25 septembre et 16 octobre dans le pays. Le pays est sous tension depuis l’élection, déclarée frauduleuse par l’opposition, du Président Mohammed Ould Abd el Laziz. L’opposition réclamait des discussions préalables aux élections afin de rétablir la confiance entre les partenaires politiques.

 

Alger pose sa condition pour reconnaitre le CNT : Les rebelles doivent s’engager contre Al Qaïda –  Dernières Nouvelles d’Algérie, 25/08/2011

Alger a posé ses conditions pour reconnaître le CNT, ne laissant rien augurer de bon pour les relations entre les deux pays. Les relations entre le gouvernement algérien et le CNT sont froides depuis le début de l’insurrection libyenne, les rebelles libyens accusant le régime d’Alger de fournir en armes l’armée de Kadhafi ainsi que d’adopter une attitude diplomatique conciliante envers le despote libyen.

 

La révolution exclusive d’Israël – Alternet, 24/08/2011

Le mouvement de protestation israélien pour davantage de justice sociale est décrypté par Joseph Dana et Max Blumenthal au regard de ses relations avec la question palestinienne. Les manifestants refusent de lier leur lutte pour la justice sociale à celle de l’occupation qu’ils estiment être uniquement une question de sécurité. Ainsi le « mouvement du 14 juillet » a approuvé la participation de participants venus de la colonie d’Ariel. La manifestation des tentes serait donc davantage un mouvement marquant le renouveau de la gauche sioniste.

 

Tribunal des NU : la « vision en tunnel » du procureur – Al Akhbar english, 24/08/2011

Omar Nashabe analyse l’actualité du Tribunal Spécial sur le Liban (TSL) dont la mise en accusation a été rendue publique le 17 août. Selon l’analyse, la manière dont l’accusation est écrite peut laisser croire qu’elle est politiquement motivée, et donc manquer d’impartialité. Traitant le Hezbollah d’organisation terroriste, le procureur du TSL, Daniel Bellemare, a outrepassé les interprétations internationales sur le sujet. Par conséquent, il est plus que probable que le procès mène une inculpation du Secrétaire Général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, en tant que responsable de l’organisation.

Source Medea

Voir aussi : Rubrique Méditerranée, rubrique Revue de presse,

Egypte : Washington à la recherche du statu quo

Le tapis brûle

«Nous ne prônons aucune solution en particulier», a avoué Hillary Clinton hier sur CNN, résumant la position américaine. Pour Obama, qui avait fait de Moubarak son «ami» et «partenaire» pour la paix au Moyen-Orient, les soubresauts égyptiens sont une épreuve de vérité embarrassante. Les jours de Moubarak à la présidence sont certainement comptés, analyse-t-on en interne à Washington. Clinton a même parlé de «transition» vers un régime plus démocratique que les Etats-Unis appellent de leurs vœux.

Mais la Maison Blanche a aussi très peur de ce qui pourrait advenir en Egypte, et dans les pays voisins, si Hosni Moubarak est renversé par la rue. Pour cela, Barack Obama refuse encore de lâcher cet allié de trente ans. Après lui avoir téléphoné vendredi soir, le président américain a fait mine de croire que Moubarak pourrait encore «donner sens» à des réformes politiques, sociales et économiques pour «répondre aux aspirations du peuple égyptien». Obama s’est aussi abstenu d’appeler à des élections libres en Egypte.

Rempart. L’Egypte est un allié clé pour les Etats-Unis, garant de la paix avec Israël, gardien du canal de Suez et rempart face à l’islamisme iranien. Washington subventionne cette «amitié» à hauteur de près de 2 milliards de dollars par an depuis 1979, une aide devenue essentiellement militaire ces dernières années. «Ce que veut Obama en Egypte, c’est le statu quo, résume un diplomate à Washington. Si l’Egypte tombe aujourd’hui, c’est l’Arabie Saoudite, la Jordanie, le Yémen qui peuvent tomber demain. Et en Egypte même, si des élections libres sont organisées, seuls les Frères musulmans sont en mesure de l’emporter aujourd’hui. Tout cela explique que Washington y réfléchisse à deux fois avant de lâcher Moubarak».

L’épouvantail de nouveau agité ces jours-ci est celui de l’Iran, où le lâchage du Shah par les Etats-Unis en 1979 avait ouvert la porte au régime islamique. Cette analyse n’est pas forcément juste, mais elle inspire encore largement les dirigeants américains, observe John P. Entelis, directeur des études sur le Moyen-Orient à l’université Fordham de New York. «En Egypte, on ne devrait pas avoir si peur de voir les Frères musulmans s’emparer du pouvoir, explique cet universitaire. L’armée peut jouer un rôle de transition comme elle l’a fait par le passé en Turquie. Et il y a aussi en Egypte des hommes politiques valables, comme Mohamed el-Baradei ou Ayman Nour. Mais il est vrai que du point de vue de l’administration américaine, une transition interne, autour d’Omar Souleiman, peut être considérée comme une très bonne option.» L’administration Obama évite de le dire trop ouvertement pour ne pas saper ses chances, mais Omar Souleiman, le nouveau vice-président égyptien nommé vendredi soir par Moubarak, est en effet un homme bien connu et apprécié à Washington.

Pour Obama, ce soulèvement égyptien tombe d’autant plus mal qu’il avait particulièrement misé sur le régime de Moubarak. C’est au Caire que le président américain avait prononcé son grand discours proposant un «nouveau départ» au monde musulman, en juin 2009. Ce faisant, Obama avait délibérément mis la sourdine sur les violations des droits de l’homme en Egypte. L’analyse faite alors par son équipe était que les grandes leçons de démocratie proférées par l’administration Bush n’avaient pas mené à grand-chose dans la région, si ce n’est à la guerre d’Irak et la victoire du Hamas aux élections de 2006 en Palestine.

Ambition. Soucieux aussi de relancer le processus de paix au Proche-Orient, une de ses grandes ambitions, pour laquelle il avait besoin du soutien de Moubarak, Obama avait donc remisé à la sphère privée la question des droits de l’homme. Il pourrait le payer cher aujourd’hui. Les plus féroces commentateurs, comme Jackson Diehl, éditorialiste du Washington Post, l’accusent déjà d’avoir provoqué cette révolution en empêchant l’émergence d’une «opposition démocratique modérée» en Egypte.

Cette grande prudence d’Obama face au soulèvement égyptien contraste aussi avec sa hardiesse, il y a quelques jours, au sujet de la Tunisie : cette semaine encore, le président américain a salué la victoire du «peuple tunisien» sur le «dictateur» Ben Ali. «En Tunisie, on peut se permettre de prendre une position morale. En Egypte pas, les intérêts géostratégiques sont trop importants», résume John P. Entelis.

Dans l’ensemble, la retenue d’Obama fait pourtant plutôt consensus aux Etats-Unis. L’équilibre que l’administration Obama tente de préserver, entre soutien aux droits du peuple égyptien et soutien au gouvernement, est «raisonnable», souligne Haim Malka, chercheur au Center for Strategic and International Studies : «Les autres options, notamment appeler Moubarak à démissionner, risqueraient de provoquer une plus grande instabilité encore.»

Lorraine Millot (Washington Libération)

Israël nerveux à l’idée de perdre son allié

Si les Frères musulmans accèdent au pouvoir, l’Etat hébreu craint une remise en cause du traité de paix.

«Moubarak, ce n’est pas Ben Ali», ont répété comme un mantra les responsables israéliens aux premiers jours des manifestations en Egypte. Même les services de renseignements israéliens assuraient qu’elles ne constituaient pas de «danger pour la stabilité du régime». Depuis vendredi, tous ont dû se rendre à l’évidence : un renversement pur et simple du raïs égyptien, un des seuls chefs d’Etat de la région à maintenir des liens avec Israël, n’est pas exclu. Avec potentiellement de lourdes conséquences diplomatiques, stratégiques et militaires.

Le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, s’est fait l’écho, hier, de l’inquiétude qui s’est emparée d’Israël : «La paix avec l’Egypte dure depuis plus de trois décennies et notre objectif est que cela continue. Nos efforts portent sur la préservation de la stabilité et la sécurité dans la région.»

Nervosité. L’Egypte est le premier pays arabe à avoir signé un accord de paix avec Israël, en 1979, suivi de la Jordanie en 1994. Signe de la nervosité du gouvernement israélien, Nétanyahou, qui s’exprimait pour la première fois sur la crise égyptienne, a réitéré sa demande aux membres de son cabinet de ne pas faire de déclarations publiques sur le sujet. La chute de Moubarak serait probablement suivie d’une période de transition au terme de laquelle des élections auraient de grandes chances de porter les Frères musulmans au pouvoir, estiment la plupart des commentateurs israéliens. Les islamistes, hostiles à toute normalisation des relations avec l’Etat hébreu, pourraient alors remettre en cause le traité de paix entre les deux nations. «Alors que de nombreux pays considèrent avec satisfaction la chute d’un régime qui prive ses citoyens de leurs droits élémentaires, le point de vue israélien est complètement différent. Si le régime du Caire chute, cela aura une influence négative considérable sur la situation d’Israël. A long terme, cela risque de menacer la paix avec l’Egypte et la Jordanie, les deux atouts stratégiques les plus importants d’Israël après le soutien américain», résume Amos Harel, le spécialiste militaire du quotidien Haaretz.

Exagéré. Même si la paix signée avec l’Egypte a toujours été froide, limitée essentiellement aux aspects sécuritaires, elle a permis à Israël de désengager ses troupes du front sud. Sur le plan diplomatique, la perte de son partenaire égyptien, après la fin de son alliance avec la Turquie, laisserait Israël presque totalement isolé dans la région. A l’exception de ses relations avec la Jordanie, considérablement refroidies ces derniers temps en raison de l’intransigeance de Nétanyahou sur le dossier palestinien.

Certains analystes estiment cependant que le scénario catastrophe d’une dénonciation de l’accord de paix est exagéré. Il s’inscrit dans la «tendance des Israéliens à dramatiser les menaces», observe Uri Bar Joseph, professeur de relations internationales à l’université d’Haïfa. «Je ne crois pas à une révolution islamiste en Egypte en raison de sa grande dépendance vis-à-vis de l’Occident, explique ce spécialiste du renseignement. Même si les Frères accèdent au pouvoir, ils ne prendront pas le risque d’une dénonciation pure et simple de l’accord de paix avec Israël. Dans le pire des cas, l’ambassadeur israélien sera rappelé. Mais l’armée égyptienne ne leur laissera pas le champ libre dans le domaine de la collaboration sécuritaire avec Israël.»

Delphine Matthieussent (Jérusalem Libération)

L’onde de choc fait trembler les pays arabes

Du Yémen à la Mauritanie, des marches de contestation et des immolations par le feu ont lieu pour protester contre les difficultés économiques et les dictatures.

Risque immédiat de contamination, voire de contagion. C’est la lecture par les dictatures arabes des événements de Tunisie quand elles ont vu que ceux-ci avaient entraîné la chute du président Ben Ali. D’où des mesures prises rapidement dans plusieurs capitales arabes pour tenter de l’empêcher de se répandre. «On a prédit que la révolution du jasmin répandrait son parfum sur son voisinage. C’est chose faite et il semble que ses effluves aient atteint l’Egypte», écrivait hier l’éditorialiste du journal tunisien le Quotidien. Mais il n’y a pas que l’Egypte à être percutée par l’onde de choc tunisienne. Et la révolte égyptienne risque à son tour d’être un exemple, d’autant que ce pays est regardé par les populations des pays voisins comme la mère des nations arabes.

Jordanie. La contestation a débuté dès le 14 janvier, lorsque des milliers de personnes ont manifesté contre la politique économique. Plusieurs autres défilés ont eu lieu à Amman, malgré l’annonce de nouvelles mesures sociales. Le 28, plusieurs milliers de Jordaniens sont descendus dans la rue à l’appel des Frères musulmans, réclamant un changement de gouvernement et des réformes. Depuis plusieurs jours, le roi Abdallah II multiplie les initiatives pour tenter d’apaiser la grogne populaire.

Yémen. Les manifestations antirégime se multiplient depuis la mi-janvier. Le 27, elles ont pris de l’ampleur avec le défilé de milliers de personnes à Sanaa pour réclamer le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 1978. Samedi, il y a eu des heurts entre opposants et partisans du régime. Le gouvernement a annoncé une augmentation des salaires. Au moins trois tentatives d’immolation par le feu et un décès ont eu lieu en quelques jours.

Algérie. Début janvier, cinq jours d’émeutes contre la vie chère ont fait cinq morts et plus de 800 blessés. Le mouvement de protestation a pris fin après l’annonce d’une baisse des prix des produits de base. Une marche «pour la démocratie» a été empêchée le 22 par la police, une autre pour demander le «départ du système» est prévue le 12 février à l’appel de la toute nouvelle Coordination nationale pour le changement et la démocratie. Deux décès par immolation et sept tentatives ont eu lieu depuis le 14 janvier.

Soudan. Les tensions politiques et les difficultés économiques ont provoqué des manifestations ces dernières semaines, et au moins un homme s’est immolé par le feu. Début janvier, des heurts avaient déjà opposé la police à des étudiants protestant contre la hausse des prix. Ils ont repris à Khartoum.

Mauritanie. Dès le 13 janvier, une marche et un meeting ont réuni plusieurs milliers de personnes à Nouakchott, à l’appel de l’opposition, et des lycéens ont manifesté contre la hausse des prix. Un homme d’affaire s’est immolé le 17. Face à la montée en flèche des prix, les autorités ont annoncé le 20 janvier une baisse de 30% sur les produits de première nécessité.

Maroc. Trois personnes ont tenté de s’immoler par le feu le 21 janvier, une autre le 25. Les autorités ont lancé des appels d’offres pour l’achat d’importantes quantités de céréales, afin d’éviter des pénuries.

Oman. Quelque 200 personnes ont manifesté le 17 janvier à Mascate pour protester contre la cherté de la vie et la corruption.

Syrie. Visiblement, la révolution du Nil n’a pas atteint l’Euphrate. Le régime de Damas, l’un des plus policiers du monde arabe, demeure néanmoins sur le qui-vive. Il a augmenté les subventions sur le fuel, resserré le contrôle sur Internet et un tribunal spécial a condamné à sept ans de prison un opposant pour avoir contesté le pouvoir absolu du parti Baas. Pourtant, la crise agricole est terrible. La mauvaise gestion de l’eau a transformé l’est du pays en désert et, selon un rapport des Nations unies, 800 000 personnes sont gravement affectées par cette pénurie. Mais les nombreuses minorités, le clientélisme, l’omniprésence des services secrets, l’érosion de la classe moyenne et le pauvre niveau d’éducation rendent difficile l’émergence d’une contestation.


Première visite du président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz en France

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz effectuera mardi et mercredi sa première visite en France depuis son élection en juillet et son arrivée au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat en août 2008, a-t-on appris jeudi à Nouakchott de source officielle. Selon cette source, il quittera Nouakchott lundi soir et s’entretiendra mardi avec son homologue français Nicolas Sarkozy. Parmi les sujets abordés,  la coopération bilatérale entre Paris et son ancienne colonie, cible ces deux dernières années de plusieurs attaques d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), selon la même source.

L’ambassade de France à Nouakchott a été la cible le 8 août d’un attentat suicide attribuée à Aqmi qui avait fait trois blessés légers: deux gendarmes français et une Mauritanienne. Une rencontre récente à Nouakchott de responsables sécuritaires mauritaniens et français a permis la mise en place d’une « feuille de route » pour une coopération aux plans bilatéral et sous-régional, en collaboration avec le Niger et le Mali. Le chef d’état-major de l’armée française, le général Jean-Louis Georgelin, a effectué mi-octobre une visite de trois jours en Mauritanie durant laquelle il a notamment annoncé « des actions de formation qui seront entreprises en commun » au profit de l’armée mauritanienne.

L’opposition mauritanienne continue de réclamer une enquête sur l’élection présidentielle de juillet remportée dès le premier tour par M. Ould Abdel Aziz, en raison selon elle de « fraudes massives ». Le résultat du scrutin a cependant été reconnu par la communauté internationale.