Les poètes existent. Ils sont nombreux autour de la Méditerranée. Ce sont des êtres pleins de vie qui aiment se tenir loin des lumières et des paillettes, à l’ombre des arbres… S’il fallait aborder, à l’épreuve des faits, la dimension culturelle de l’union méditerranéenne, le festival de poésie de Lodève pourrait être un laboratoire. Dans son rapport au temps, et aux espaces vastes, dans sa concordance avec le présent, dans sa relation avec le nomadisme, l’exil et la création, cette expérience de onze années a ouvert des horizons et posé quelques repères. Pour redonner vie à la poésie, il ne faut surtout pas l’enfermer. Les poètes sont des passeurs. On a vu comment ils savent renouer avec les liens quasi charnels qui unissent les terres des rives Nord et Sud de cette mer commune. On devrait leur faire plus confiance.
Cette semaine, à la nuit tombée, sous une tente l’artiste conteur, Michel Hindenoch a rappelé comment Europe, la belle princesse phénicienne, fut enlevée à son père Agenor, roi de Sidon, par Zeus en personne, métamorphosé en taureau blanc afin de s’unir à elle sur les côtes de la Crète. Que de pensées ont jalonné depuis, sur cette mer. Que de principes aussi : religieux, philosophiques, politiques…
Est-ce pour cela que les populations observent avec une certaine distance, et même de l’indifférence, le concept d’Union pour la Méditerranée ? Certainement, sans doute aussi, parce que cette approche géopolitique manque de vue d’ensemble et apparaît comme un concept vide d’idée et de moyen. Le pourtour méditerranéen a toujours connu des vagues de violence. La guerre des empires et des royaumes, « des peuples du livre contre d’autres peuples du livre ». Le poète libanais Salah Stétié parle de cela avec lucidité dans « Culture et violence en Méditerranée » (Actes Sud). Mais les échanges multiples se sont toujours poursuivis entre les peuples et les civilisations de la Méditerranée.L’enchevêtrement des cultures et des cultes à conduit aux brassages continus de populations comme à leur union. A son échelle, le festival des Voix de Lodève en est un parfait exemple. Oui, le poète peut parfois se faire diplomate…
« Cent titres »Au marché de la poésie, on trouve des amoureux qui partagent volontiers leurs pathologies. On cause de poésie et de son amie conscience. Évidemment, la conscience est devenue une maladie. On peut se demander pourquoi celle-ci nourrit les psychanalystes et pas les poètes…
Comment expliquez-vous que la poésie soit le parent pauvre de l’édition ?
Il y a toute une série de raisons à cette situation. Mais je constate que quand une librairie valorise la poésie, elle se vend très bien. La poésie est un langage qui s’adresse à nous de façon particulière. C’est un mode d’expression qui est plus exigeant par rapport à son lecteur. Il faut faciliter la mise en contact. À Lodève, personne ne lisait de poésie avant le festival et aujourd’hui tout le monde en lit.
La poésie ne souffre-t-elle pas d’une représentation élitiste assez peu fondée ?
Certains poètes ont une écriture limpide et transparente qui touche directement le lecteur. C’est notamment le cas chez un certain nombre de poètes méditerranéens, mais il y a les habitudes de lecture. Sur la plage par exemple, on ne consomme pas de la poésie comme on le fait avec les pages d’un roman. On peut même dire que la poésie est le contraire de la consommation.
D’où vient votre passion pour les poètes de la Méditerranée ?
J’ai longtemps vécu au Maroc où je fréquentais beaucoup de poètes et d’artistes. J’édite d’ailleurs des livres où se croisent l’art et la poésie. Cela vient de là. Après j’ai élargi mon intérêt à la poésie du Maghreb et de la Méditerranée. Le catalogue compte aujourd’hui une centaine de titres.
Que peut-on faire pour donner le goût de la poésie à un plus large public ?
Je crois qu’il faut qu’elle concerne les plus hautes sphères de l’Etat. Dans un pays où le Président s’affiche à Disney Land, la poésie n’est pas sortie du tunnel. Il faut aussi plus de poètes dans les écoles où le rapport à la poésie est un peu poussiéreux. La rencontre avec un poète donne un élan que rien ne remplace.
Michel Terestchenko est un philosophe français contemporain, auteur de sept ouvrages qui abordent par différents endroits, la philosophie politique et morale. Il était invité aux Rencontres Pétrarque du Festival Radio France et Montpellier L-R dans le cadre du débat : « Contre le terrorisme, tout est-il permis ? ».
Au cours des débats, vous avez estimé la torture moralement inadmissible et juridiquement condamnable. Mais le juridiquement condamnable ne vaut que quand le droit est respecté…
Aux Etats-Unis, la Convention de Genève en 1949 et la convention de l’ONU contre la torture en 1984 ont été ratifiées. Elles font donc partie du droit interne. Le Congrès américain a signé la convention de l’ONU en 1994 avec une interprétation très restrictive qui excluait en réalité toutes les formes modernes de tortures qui ne sont plus des tortures physiques mais des tortures psychologiques. La CIA à dépensé des milliards de dollars pour développer ces nouvelles techniques. A partir de deux modèles : la privation sensorielle et la souffrance auto-infligée.
Au lendemain du 11 septembre, les juristes de la maison blanche ont commencé à faire un travail de casuistique pour expliquer que les combattants d’Al-Qaïda n’étaient pas des soldats sous la protection des conventions internationales mais des combattants illégaux ou appartenant à des Etats déchus dans le cas des Talibans. C’était pour les mettre à l’écart du droit positif.
On définit assez aisément l’Etat de droit mais il semble plus difficile de définir la torture ?
Le principe enseigné dans les académies militaires américaines, c’est l’interdiction de toucher au corps. A partir de là, on se dit que toutes les formes de tortures psychologiques visant à briser la psyché humaine ne relèvent pas de la torture. Ceci dit le droit international proscrit la torture et les actes humiliants et dégradants. Cette question fait donc l’objet de débats et ouvre une forme de zone crise.
Observe-t-on un développement des zones de non droit ?
Au nom de la logique sécuritaire on assiste à la fois à une expansion des zones de non droit et paradoxalement au développement d’une société de l’insécurité. Société dans laquelle tout citoyen peut passer du statut de l’ami à celui de l’ennemi. On entre dans une économie générale de la peur. C’est un aspect très intéressant si on le rapporte à la fonction première de l’Etat qui est d’assurer entre les individus des liens de confiance, de sécurité qui les prémunissent justement du sentiment de la peur. En se sens, la torture est totalement improductive.
Vous dites aussi que la torture est politiquement ruineuse… Le fait d’attiser les peurs semble plutôt servir le pouvoir ?
Effectivement la peur est un moyen d’instaurer un plus grand contrôle du pouvoir mais ce moyen ne correspond pas à la finalité du pouvoir dans une société démocratique. Par ailleurs la torture reste fondamentalement inefficace. Tous les militaires et les agents de renseignement savent que c’est le moyen le moins fiable pour obtenir des informations. Les renseignements recueillis par la torture sont de mauvaise qualité. Elle est politiquement ruineuse parce qu’elle n’a jamais été une solution au conflit. Le meilleur exemple demeure l’Algérie où elle était pratiquée à grande échelle. La torture se retourne toujours contre les états qui y ont eu recours. Je crois que la torture introduit une corruption généralisée de la société qu’elle prétend défendre parce qu’elle corrompt tous les corps sociaux, le gouvernement, l’armée, le système judiciaire et l’opinion publique prise dans une espèce de passivité.
Est-ce que le modèle qui valide la pratique de la torture est exportable en Europe ?
Je pense que s’il y avait un attentat en France comparable à celui qui a eu lieu le 11 septembre, il y aurait lieu de craindre que des dérives semblables se développent. Il ne faut pas s’imaginer que cela ne concerne que les Etats-Unis où 44% des Américains se déclarent toujours favorables à cette pratique. Si au lendemain d’un attentat sur la tour Montparnasse on demandait aux Français de se prononcer, il est probable que l’on entre dans une logique qui ne soit pas aussi protectrice des libertés individuelles et des principes fondamentaux de l’Etat de droit. D’autant que l’on explique maintenant que la menace à venir est précisément celle posée par le terrorisme. C’était le discours officiel de Nicolas Sarkozy relayé par tous les médias. La tâche essentielle, c’est le renseignement, et le danger c’est l’ennemi invisible qui est par définition n’importe qui.
Comment faire face à cette dérive y compris sur le plan moral ?
Le point de vue moral est le plus fragile face à une argumentation de type utilitariste. Lorsqu’on vous dit : on torture un individu pour en sauver cent. Ce n’est pas simple de la réfuter. Cela nous renvoie au dilemme de Weber sur l’éthique de la conviction et celui de la responsabilité. La question de savoir si l’on peut transgresser la loi en situation d’exception rapporte le problème de la torture au problème de l’euthanasie active. C’est le même débat. La seule argumentation à mettre en place est de se demander : est-ce que ce modèle propose un scénario réaliste ou pas ? Ma thèse est que ce n’est pas du tout réaliste mais pervers et qu’il faut déconstruire ce prétendu réalisme. Toute la justification libérale de la torture en situation de nécessité repose sur ce paradigme de la bombe qui est sur le point d’exploser. On attend des autorités de l’état qu’elles n’agissent pas sous le coup de l’émotion.
On le sait, les rencontres sont toujours riches et inhabituelles au Festival international du roman noir. Dans l’allée ombragée de Frontignan, on a pu croiser cette année l’écrivain et dramaturge de langue française Moussa Konate. Grande figure de la culture malienne, l’homme joue les passerelles entre Nord et Sud. Il est notamment directeur du festival malien Étonnant voyageur et a récemment trempé sa plume dans le noir : « avecL’empreinte du Renard, j’avais envie de faire des romans policiers. Je ne suis pas un spécialiste du genre, ces livres s’inscrivent dans ma démarche d’écriture. » L’ouvrage emprunte la structure classiquedu polar. Ce qui fait la différence tient à l’intrigue qui se déroule en pays Dogon. Loin de Bamako, deux enquêteurs se trouvent en prise à une série de meurtres. Face à la force des coutumes locales et à l’esprit réfractaire au pouvoir central, leur travail ne sera pas de tout repos. Moussa Konate, qui dit s’inspirer de Simenon et Tintin « pour la qualité des scénarios » et à Dostoïevski « pour sa manière de fouiller dans l’âme des individus », signe une série de qualité et ouvre sur la confrontation des valeurs : « Les techniques de la police malienne ou française sont les mêmes. La différence est qu’au Mali l’enquête rationnelle s’opère dans un environnement qui ne l’est pas. Lorsqu’un enquêteur s’entend dire : personne ne l’a tué, c’est Dieu. Il doit nécessairement s’ajuster. » Il n’y a pas de recette miracle tout est question d’adaptation. « Il y a un degré dans l’usage de la raison qu’il ne faut pas dépasser car il conduit à la sécheresse du cœur. En même temps on ne peut pas s’en remettre en permanence au fatalisme. La solution est entre les deux… »
Les ouvrages L’empreinte du Renard sont aux éditions Fayard
« La cellulite c’est comme la mafia ça n’existe pas ». Il faut bien dire que le livre de cette jeune Italienne a éveillé les légitimes soupçons de la cellule antiterroriste qui, vigipirate oblige, s’est déplacée, lors de sa venue à Montpellier, pour en avoir le cœur net. C’est entre autre la raison pour laquelle, vite fait bien fait, l’interview programmée par le réseau Sauramps s’est transformée en interrogatoire. Ce qui est à peu de chose près, la même chose.
Nom, prénom, date de naissance…
« Mais euh… je suis auteur j’avais rendez-vous avec un journaliste. Il n’est pas là ? »
L’inspecteur au traducteur, menaçant de se mettre en colère : dites-lui que ça commence très mal. C’est pas parce qu’on est chez Polymôme qu’on est venu pour jouer. Et qu’elle arrête de poser les questions. Compris ?
Alors on reprend. Nom, prénom, lieu et date de naissance …
« Dina Poly, née le 29 août 1981 à Foggia ».
Foggia, c’est sympa cette ville. Les gens ont de fermes convictions là-bas. Ils votent pour le parti Forza Italia. Je connais le parking du centre commercial. On s’y est promenés avec ma femme… Bon… Dites-moi, pourquoi vous avez dédié votre bouquin à vos parents qui ont fricoté avec l’extrême gauche, et aussi à ce type inconnu qu’est pas dans nos fiches ?
« Pour le type ça s’est fait un soir d’ivresse. Il m’a demandé : Tu me dédies ton livre et j’ai répondu : Un peu ouais ! Je ne sais plus qui sait. Pour mes parents, s’ils avaient pu être un peu plus riches, ils n’auraient jamais été de gauche. D’ailleurs, ils m’ont toujours conseillé de faire un bon métier. »
Ouais ! ah ah, comme tous ces foutus communistes qui veulent que leurs enfants soient médecin ou avocat. Vous confirmez avoir fait des études religieuses ?
« Oui. Et je suis restée catholique. Je pense même me marier et avoir trois ou quatre enfants. Mais les études, j’en garde un très mauvais souvenir ».
A cause de vos mauvaises fréquentations avec les toxicos. Et vous continuez les stupéfiants en pensant que ça vous aidera dans vos prières peut-être ?
« Oui, c’est vrai je suis restée fumeuse ».
Il suffit de vous lire pour le savoir. On passe sur vos expériences sexuelles qui vous ont quand même laissé le temps de lancer votre blog…
« J’ai fait ça à 22 ans pour occuper mes heures d’ennui. Un éditeur est tombé dessus et m’a proposé de faire un livre qui a bien marché ».
Oui 100 000 exemplaires, ça fait un paquet de pognon. Que faites-vous de tout ce fric ?
La jeune fille s’impatiente comme si elle avait envie de faire pipi. Son traducteur prend le relais :
« Elle dit qu’elle a tout dépensé en Sushi. »
Qu’avez-vous mangé à midi ?
« Une petite daurade avec des courgettes et des aubergines. Plus un petit café ».
Pointant du doigt ses pieds : et ces chaussures, combien elles vous ont coûté ?
« Trop cher. Mais j’en consomme beaucoup parce que j’ai l’habitude de les jeter sur mes boyfriends ».
Commencez pas avec les anglicismes. Zidane vous en pensez quoi ?
« Il est chaud ».
Moi j’aime bien votre président. Il est comme le nôtre, il parle vrai. Par exemple quand il dit que la gauche n’a pas de goût pour les femmes, il n’a pas tort. Mais d’après vous qui a le plus de cellulite, sa femme ou Carla ?
« Question difficile, parce que chez elle, la cellulite est bien cachée à l’intérieur du cerveau ».
A la page 214 de votre bouquin Vous dites « que la vérité ça simplifie la vie ». Vous y croyez vraiment ?
« Je ne mens jamais. C’est trop fatigant de mentir ».
Bon ça va, circulez. On vous laisse libre… pour cette fois.
« La cellulite c’est comme la mafia ça n’existe pas », Au diable Vauvert, 17 euros.
La rançon du succès éveille autant de soupçons que l’innocence