Semaine décisive dans la bataille justifiée sur les retraites

La grève de 1995 à 2010...

Une semaine décisive marquée par deux journées de grèves et manifestations s’ouvre dans le bras de fer entre le gouvernement et les syndicats sur la réforme des retraites, dont l’examen se poursuit au Sénat. Les syndicats organisent deux nouvelles journées d’action mardi et samedi contre un texte qu’ils jugent injuste, et leur mouvement est soutenu par une très large majorité des Français.

L’exécutif reste inflexible sur le relèvement des âges pivots – de 60 à 62 ans pour l’âge légal et de 65 à 67 ans pour une retraite sans décote -, seul moyen selon lui de préserver les régimes de retraite, dont les déficits ont bondi avec la crise économique. « C’est une des dernières occasions de faire reculer le gouvernement« , a déclaré le numéro un de la CFDT, François Chérèque, dimanche sur I>Télé et France Inter. Alors que l’examen de la réforme avance au Parlement, les dirigeants espèrent désormais éviter une mobilisation massive des jeunes, qui aiderait à ancrer la contestation dans la durée. Le texte a déjà été adopté par l’Assemblée et les sénateurs ont approuvé vendredi le report à 62 ans de l’âge légal de départ en retraite. Ils devraient adopter lundi le report à 67 ans de l’âge de la retraite sans décote, l’autre mesure-phare.

Face à la détermination du gouvernement, la menace d’une grève reconductible a été brandie dans des secteurs comme les transports et l’énergie, faisant courir un risque de paralysie. « Le manque de réponse de la part du gouvernement (…) est quelque chose d’insupportable pour les gens qui manifestent, donc il n’est pas étonnant qu’il y ait des mouvements reconductibles qui se décident », a ajouté François Chérèque.

L’inconnue des jeunes

Les centrales syndicales n’appellent pas directement à des grèves reconductibles, laissant l’initiative à leurs fédérations, qui se prononceront à partir de mercredi matin. La grève sur les terminaux pétroliers proches de Marseille contre la réforme portuaire en était dimanche à son 14e jour, ce qui pourrait en outre provoquer une pénurie de carburant d’ici une à deux semaines. Le durcissement du  mouvement social, qui s’exprime par les préavis de grève reconductibles, est soutenu par une forte majorité des Français, en particulier les plus jeunes.

Selon un sondage BVA pour M6, 66% des Français sont pour ce durcissement, la proportion passant à 72% chez les 15-24 ans et 71% chez les 25-34 ans. Avant cette nouvelle semaine d’action syndicale, soutenue par l’opposition de gauche, les responsables de droite ont multiplié les appels pour éviter une mobilisation massive dans les lycées, où la contestation s’est accrue la semaine dernière. « Il est totalement irresponsable que des adultes en situation de responsabilité dans certaines organisations invitent les lycéens à aller dans la rue », a déclaré vendredi le conseiller social de l’Elysée, Raymond Soubie, sur RTL. Le ministre de l’Education, Luc Chatel, a dénoncé des « tentatives de récupérations ou d’irresponsabilité de personnes qui veulent mettre les lycéens en danger ». « Manifester sur la voie publique c’est dangereux« , a-t-il souligné sur France Info. « Les lycéens n’ont rien à faire dans la rue« , a renchéri dimanche le chef des députés UMP Jean-François Copé sur Radio J. L’Unef, première organisation étudiante, a appelé dimanche à une journée « facs mortes » mardi. « Face à l’autisme du gouvernement, il est désormais temps de franchir un cap dans la mobilisation« , estime l’Unef, appelant à cesser les cours, voter la grève et à « participer massivement aux manifestations« .

Perturbations en vue

La SNCF et la RATP prévoient d’importantes perturbations. La première prévoit en moyenne un TGV et un Corail sur trois mardi, quatre TER et Transilien sur dix et huit Thalys sur dix. La RATP prévoit un trafic perturbé pour le métro parisien et le RER A et un trafic très perturbé pour le RER B. Selon un sondage Ipsos pour Europe 1, une large majorité des Français estime que les grèves dureront en fait plusieurs jours. Ils sont ainsi 36% à estimer que les préavis de grève reconductible se traduiront par quelques jours de grève après mardi, et 44% que ces grèves dureront plus longtemps.

L’accélération de la mobilisation a suscité quelques réserves au sein du camp syndical. La CFE-CGC, syndicat de cadres, a ainsi décidé d’être présente dans les manifestations de mardi mais a réservé sa réponse sur la suite du mouvement. Dans les transports parisiens, l’Unsa-RATP a ouvert une brèche dans le front syndical en renonçant à appeler à la grève mardi, ses adhérents estimant la réforme jouée d’avance. « (Ils ont) l’impression qu’on utilise les gens des transports comme de la chair à canon », a expliqué à Reuters Frédéric Sarrassat, un responsable de l’Unsa-Transports.

Selon un sondage Sud-Ouest Dimanche, 71% des Français estiment « justifiée » la mobilisation contre la réforme.

L’exécutif espère que cette dernière sera votée d’ici le 23 octobre.

Source Reuter

Voir aussi : Rubrique  Mouvements sociaux, La grève en France : un test pour l’Europe, Rubrique Revue Du brassage social et politique,

L’Oréal, le cœur à droite

Un groupe qui a du volume

Des faits de collaboration aux versements à l’UMP, retour sur l’histoire d’un groupe très politique.

Malgré la tempête, l’affaire Bettencourt ne provoquerait «aucun nuage» chez L’Oréal. C’est le message qu’a fait passer le directeur général du groupe, Jean-Paul Agon, dans une pleine page que lui a consacrée le Journal du dimanche, hier. Le site du groupe rappelle que L’Oréal a été désigné en 2010 parmi les «sociétés les plus éthiques au monde» par un groupe de réflexion bien informé, Ethisphere Institute. On verra en 2011 si la fraude fiscale massive présumée de Liliane Bettencourt, première actionnaire de L’Oréal, modifie son classement éthique. Les révélations récentes des liens d’Eric Woerth (1) avec Patrice de Maistre, gestionnaire du patrimoine de la milliardaire, des «petites sommes» versées à l’UMP par Bettencourt et de l’embauche de la femme du ministre par la société Clymène, ne sont que le dernier épisode de l’histoire très politique du groupe L’Oréal.

Luc Chatel, un bébé l’Oréal

Tout récemment, le 3 juin, le ministre de l’Education, Luc Chatel, a signé un accord-cadre avec Jean-Paul Agon portant sur la validation des acquis d’expérience (VAE) au sein du groupe L’Oréal. Le ministre s’est prêté, sans déplaisir, à une séance photo en compagnie de l’état-major d’un groupe qu’il connaît bien. Il y a fait l’essentiel de sa carrière professionnelle avant d’être élu député (UMP) de Haute-Marne, en 2002. Entré comme chef de produit, Luc Chatel y a occupé pendant sept ans le fauteuil de directeur des ressources humaines. «Luc Chatel a été poussé par Mme Bettencourt pour devenir le député-maire de Chaumont», assure un ancien conseiller du RPR. «Absolument pas, rectifie le ministre. Je n’ai jamais eu de liens particuliers avec la famille, et je n’ai reçu aucun soutien de leur part au cours de mon activité politique.»

Chatel, qui n’est pas gaulliste, s’inscrit dès ses débuts en politique au Parti républicain, avant d’intégrer l’UMP, dont il est devenu le porte-parole entre 2004 et 2007. L’ancien DRH est nommé en 2007 secrétaire d’Etat à la Consommation et au Tourisme, puis il obtient l’Industrie. L’Oréal applaudit. Dans l’Express, Jean-Claude Le Grand, l’actuel DRH, salue sa «façon moderne de faire de la politique» : «Il applique les méthodes de l’entreprise à ses ambitions. Tout cela, il l’a sans doute appris chez L’Oréal.»

André Bettencourt et François Mitterrand

Huit fois ministre, André Bettencourt, le mari de Liliane, décédé en novembre 2007, a lui aussi fait une brillante carrière politique, plutôt enracinée à l’UDF. Elu député sous l’étiquette des Indépendants et Paysans, puis des Républicains indépendants, il est très proche de Valéry Giscard d’Estaing, Jean Lecanuet et Michel d’Ornano. Mais André Bettencourt compte aussi un grand ami à gauche, François Mitterrand. Dans Une jeunesse française, Pierre Péan a situé l’origine de cette amitié dans l’internat des pères maristes, fréquenté par Bettencourt, Mitterrand et François Dalle, le futur PDG du groupe L’Oréal. «Bettencourt était de trois ans plus jeune que Mitterrand, mais c’est par François Dalle qu’il est entré dans le premier cercle», explique Pierre Péan.

Ils sont alors tous proches de la Cagoule, le mouvement d’extrême droite financé par le fondateur du groupe L’Oréal, Eugène Schueller, père de Liliane Bettencourt. «C’est à Vichy que Bettencourt, qui est devenu journaliste à la Terre Française, retrouve Mitterrand en 1942, poursuit Péan. Mitterrand l’enrôle dans son mouvement clandestin. Bettencourt va devenir l’un de ses plus proches collaborateurs, jusqu’à assurer sa protection dans ses rencontres secrètes, et devenir son agent de liaison en Suisse.»

Le groupe et la collaboration

En 1990, Jean Frydman, l’ancien dirigeant d’une filiale de L’Oréal, déclenche une première «affaire Bettencourt» en déposant plainte contre l’ancien président du groupe François Dalle pour «faux, usage de faux et discrimination raciale» à la suite de son licenciement. Jean Frydman révèle que L’Oréal a recyclé, dans ses filiales étrangères, plusieurs collaborateurs de premier plan. L’affaire se conclut par un non-lieu, mais elle dévoile les faits de collaboration d’Eugène Schueller et de François Dalle, devenu depuis la guerre l’un des dirigeants de L’Oréal. Schueller avait financé le Mouvement social révolutionnaire (MSR) d’Eugène Deloncle. André Bettencourt et François Mitterrand interviendront en leur faveur à la Libération. François Dalle obtiendra pour Mitterrand un poste de responsable de la revue du groupe, Votre beauté.

Karl Laske (Libération)

Affaire Bettencourt

Le procès de François-Marie Banier

Accusé d’abus de faiblesse sur Liliane Bettencourt, François-Marie Banier doit comparaître jeudi devant le tribunal correctionnel de Nanterre. Figure du Tout-Paris, photographe des stars, il doit s’expliquer sur les centaines de millions d’euros de dons que lui a consentis l’héritière et actionnaire principale de L’Oréal. Mais son procès risque d’être bouleversé par la révélation des enregistrements clandestins du maître d’hôtel de la milliardaire.

Deux semaines De révélations

16 juin Le site Mediapart révèle des enregistrements pirates réalisés entre mai 2009 et mai 2010 par le maître d’hôtel de Liliane Bettencourt. Ils mettent au jour des opérations financières destinées à échapper au fisc et (1) des liens entre la milliardaire, le ministre du Travail, Eric Woerth, et son épouse, Florence – laquelle travaille pour la société gérant la fortune Bettencourt. Le parquet de Nanterre ouvre une enquête pour «atteinte à la vie privée».

20 juin Eric Woerth assure ne rien savoir des finances de Liliane Bettencourt et dénonce des accusations «fausses» et «scandaleuses». Le lendemain, il annonce que sa femme va démissionner «dans les prochains jours» de la société où elle gère depuis 2007 une partie de la fortune Bettencourt. Cette dernière annonce la régularisation fiscale de ses avoirs à l’étranger.

25 juin Le procureur Courroye révèle qu’il a saisi l’administration fiscale, le 9 janvier 2009, «de la procédure suivie à l’encontre de François-Marie Banier et tous autres», lui transmettant «l’intégralité des éléments de la procédure et des scellés». Eric Woerth, ministre du Budget jusqu’en mars dernier, annonce qu’il a autorisé un contrôle fiscal de Banier.

26 juin L’Elysée affirme que «le président de la République n’a strictement rien à reprocher à Eric Woerth».

27 juin Le ministre du Budget, François Baroin, annonce que le fisc va passer la fortune Bettencourt au peigne fin et exclut toute intervention de son prédécesseur, Eric Woerth, dans le dossier.

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