Une semaine décisive marquée par deux journées de grèves et manifestations s’ouvre dans le bras de fer entre le gouvernement et les syndicats sur la réforme des retraites, dont l’examen se poursuit au Sénat. Les syndicats organisent deux nouvelles journées d’action mardi et samedi contre un texte qu’ils jugent injuste, et leur mouvement est soutenu par une très large majorité des Français.
L’exécutif reste inflexible sur le relèvement des âges pivots – de 60 à 62 ans pour l’âge légal et de 65 à 67 ans pour une retraite sans décote -, seul moyen selon lui de préserver les régimes de retraite, dont les déficits ont bondi avec la crise économique. « C’est une des dernières occasions de faire reculer le gouvernement« , a déclaré le numéro un de la CFDT, François Chérèque, dimanche sur I>Télé et France Inter. Alors que l’examen de la réforme avance au Parlement, les dirigeants espèrent désormais éviter une mobilisation massive des jeunes, qui aiderait à ancrer la contestation dans la durée. Le texte a déjà été adopté par l’Assemblée et les sénateurs ont approuvé vendredi le report à 62 ans de l’âge légal de départ en retraite. Ils devraient adopter lundi le report à 67 ans de l’âge de la retraite sans décote, l’autre mesure-phare.
Face à la détermination du gouvernement, la menace d’une grève reconductible a été brandie dans des secteurs comme les transports et l’énergie, faisant courir un risque de paralysie. « Le manque de réponse de la part du gouvernement (…) est quelque chose d’insupportable pour les gens qui manifestent, donc il n’est pas étonnant qu’il y ait des mouvements reconductibles qui se décident », a ajouté François Chérèque.
L’inconnue des jeunes
Les centrales syndicales n’appellent pas directement à des grèves reconductibles, laissant l’initiative à leurs fédérations, qui se prononceront à partir de mercredi matin. La grève sur les terminaux pétroliers proches de Marseille contre la réforme portuaire en était dimanche à son 14e jour, ce qui pourrait en outre provoquer une pénurie de carburant d’ici une à deux semaines. Le durcissement du mouvement social, qui s’exprime par les préavis de grève reconductibles, est soutenu par une forte majorité des Français, en particulier les plus jeunes.
Selon un sondage BVA pour M6, 66% des Français sont pour ce durcissement, la proportion passant à 72% chez les 15-24 ans et 71% chez les 25-34 ans. Avant cette nouvelle semaine d’action syndicale, soutenue par l’opposition de gauche, les responsables de droite ont multiplié les appels pour éviter une mobilisation massive dans les lycées, où la contestation s’est accrue la semaine dernière. « Il est totalement irresponsable que des adultes en situation de responsabilité dans certaines organisations invitent les lycéens à aller dans la rue », a déclaré vendredi le conseiller social de l’Elysée, Raymond Soubie, sur RTL. Le ministre de l’Education, Luc Chatel, a dénoncé des « tentatives de récupérations ou d’irresponsabilité de personnes qui veulent mettre les lycéens en danger ». « Manifester sur la voie publique c’est dangereux« , a-t-il souligné sur France Info. « Les lycéens n’ont rien à faire dans la rue« , a renchéri dimanche le chef des députés UMP Jean-François Copé sur Radio J. L’Unef, première organisation étudiante, a appelé dimanche à une journée « facs mortes » mardi. « Face à l’autisme du gouvernement, il est désormais temps de franchir un cap dans la mobilisation« , estime l’Unef, appelant à cesser les cours, voter la grève et à « participer massivement aux manifestations« .
Perturbations en vue
La SNCF et la RATP prévoient d’importantes perturbations. La première prévoit en moyenne un TGV et un Corail sur trois mardi, quatre TER et Transilien sur dix et huit Thalys sur dix. La RATP prévoit un trafic perturbé pour le métro parisien et le RER A et un trafic très perturbé pour le RER B. Selon un sondage Ipsos pour Europe 1, une large majorité des Français estime que les grèves dureront en fait plusieurs jours. Ils sont ainsi 36% à estimer que les préavis de grève reconductible se traduiront par quelques jours de grève après mardi, et 44% que ces grèves dureront plus longtemps.
L’accélération de la mobilisation a suscité quelques réserves au sein du camp syndical. La CFE-CGC, syndicat de cadres, a ainsi décidé d’être présente dans les manifestations de mardi mais a réservé sa réponse sur la suite du mouvement. Dans les transports parisiens, l’Unsa-RATP a ouvert une brèche dans le front syndical en renonçant à appeler à la grève mardi, ses adhérents estimant la réforme jouée d’avance. « (Ils ont) l’impression qu’on utilise les gens des transports comme de la chair à canon », a expliqué à Reuters Frédéric Sarrassat, un responsable de l’Unsa-Transports.
Selon un sondage Sud-Ouest Dimanche, 71% des Français estiment « justifiée » la mobilisation contre la réforme.
L’exécutif espère que cette dernière sera votée d’ici le 23 octobre.
Source Reuter
Voir aussi : Rubrique Mouvements sociaux, La grève en France : un test pour l’Europe, Rubrique Revue Du brassage social et politique,