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Guerre de l’info : l’UMP achète « Bettencourt » auprès de Google
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Ainsi, sur le site de l’UMP, une page de soutien à Eric Woerth a été créée pour recueillir les messages en faveur du Ministre. « Contre la machination politique destinée à salir la réputation d’Eric Woerth, la majorité est plus que jamais mobilisée. Vous aussi, apportez votre témoignage de soutien au Ministre du Travail. » Pour l’instant, le serveur de l’UMP arrive sans mal à supporter l’ampleur de la mobilisation (630 commentaires). Il faut donc promouvoir cette page, la faire connaître. D’où l’achat auprès de Google des mots clé « Bettencourt » et « Liliane Bettencourt ». Il est difficile de connaître par ailleurs les autres mots concernés par cette campagne.
« L’UMP mobilisée pour soutenir Eric Woerth, un homme droit et intègre ». Il faut avouer que le message tranche aux côtés des autres liens qui s’affichent sur la page (Mediapart, le Monde, Wikipédia, etc.). Même si le trafic généré est au rendez-vous (dû, sans doute, au fait qu’on parle, ici et ailleurs, de l’opération), on peut douter de la pertinence de la démarche. Mais ce n’est pas vraiment un coup d’essai pour l’UMP. Fin 2005 déjà, le parti présidentiel s’était fait remarquer à la suite des émeutes en achetant toute une série de mots clé redirigeant (déjà) vers un site de soutien à la politique du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. Parmi ces mots clé, « banlieue », « insécurité », « voyou » ou « racaille ». Le parti avait récidivé l’année suivante en achetant les mots « Tsunami » ou « Ségolène ». Un sens certain de la continuité dans la finesse de leur démarche.
Erwan Cario (Ecrans)
Voir aussi : rubrique Affaire Woerth: la droite attaque violemment Mediapart , Rubrique Internet Très chère neutralité du Net,
Affaire Woerth: la droite attaque violemment Mediapart, Plenel réplique
Dans
Course au scoop, infos qui ne seraient pas vérifiées, chasse au Woerth… C’est désormais aux médias et particulièrement à la presse Internet que s’en prend la majorité pour contre-attaquer dans l’affaire Bettencourt qui éclabousse plus que jamais le ministre du Travail. Nouvel angle d’attaque qui traduit, au passage, une profonde méconnaissance des sites d’information.
Eric Woerth lui-même, qui s’expliquait mardi soir au JT de TF1, s’est plaint d’avoir été, depuis trois semaines, «mis au pilori par une forme de presse et par le PS». C’est aussi Xavier Bertrand qui, accompagné de Woerth, un peu plus tard dans la soirée, pour un débat sur les retraites au Raincy (Seine-Saint-Denis) a concentré ses tirs sur le site Mediapart, en pointe sur le dossier Bettencourt, qui avait révélé les enregistrements pirates et publié mardi une interview explosive de l’ancienne comptable de la milliardaire de L’Oréal.
Et le secrétaire général de l’UMP n’y est pas allé de main morte. «Quand certains médias, notamment un site qui utilise des méthodes fascistes à partir d’écoutes qui sont totalement illégales (…) mais dans quel monde on est, dans quel monde on est!, s’est-il exclamé.
Edwy Plenel, directeur de la publication de Mediapart, a annoncé, sur France Info, qu’il allait, avec ses avocats «saisir la justice», les déclarations du patron du parti présidentiel étant «diffamatoires». Dans un communiqué laconique, Xavier Bertrand dit prendre acte «sans surprise» de la réaction de Plenel et se déclare persuadé qu’ «il s’agit assurément de la part de Mediapart et de son fondateur de faire diversion». Sans préciser diversion de quoi.
Le journaliste a, plus tard dans la journée, fait l’objet d’un commentaire ironique de Nicolas Sarkozy, rapporté par des députés Nouveau centre qui rencontraient le Président. «Il s’est drapé dans le rôle du martyr des écoutes de Mitterrand et maintenant il les utilise sans réserve éthique ni méthodologique. Au niveau déontologie, c’est inimaginable», s’est-il étranglé, prédisant que tout «ça va lui retomber sur la tête».
«Une certaine presse des années 30»
Le ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, a lui aussi eu des mots outranciers à l’égard des médias. Allant jusqu’à affirmer que Mediapart lui rappelait «une certaine presse des années 30». «Qui a apporté une preuve?» lance-t-il sur France Info, visant le journaliste Fabrice Lhomme qui aurait dit, selon Estrosi: «Nous n’avons aucune preuve, mais ça paraît plausible.» Et d’en appeler à «la déontologie et [à] l’éthique des journalistes».
Volant également à la rescousse de son collègue du gouvernement «chaque jour calomnié à partir de rumeurs», le ministre de la Défense, Hervé Morin, y voit, lui, «une compétition effrénée entre la presse médiatique classique et Internet» où «plus rien n’est contrôlé», «où on ne prend pas le temps, un seul instant, de vérifier simplement l’information qui vous est donnée». «Ce qui se fait sur Eric Woerth, c’est une tyrannie», a-t-il dénoncé sur RMC-BFM TV.
Tout aussi prompte à prodiguer des leçons de journalisme, la secrétaire d’Etat, Nadine Morano, qualifiant Mediapart de «site de ragots, de déclarations anonymes», s’est scandalisée sur le plateau du 19/20 sur France 3: «Je trouve qu’aujourd’hui, on a dépassé les bornes et j’en appelle à l’éthique des journalistes, mais de tous les journalistes !»
«Attaque en règle contre la profession»
Des propos qui ont choqué le SNJ-CGT. S’inquiétant d’une «véritable attaque en règle contre la profession», le syndicat national des journalistes répond, dans un communiqué, à Morano: «La profession n’a pas besoin que la ministre d’un gouvernement et d’un président de la République aux abois, emmêlés dans les affaires de fric roi, vienne nous donner des leçons».
En sortant de Matignon où le Premier ministre a reçu une partie de son gouvernement et des parlementaires de la majorité, Morano persiste et signe reprenant à son compte l’attaque de Bertrand, et dénonçant des «méthodes fascistes de sites internet» et une «collusion politico-médiatico-trotskyste». «J’en appelle à votre vigilance. Un jour, cela peut vous arriver d’avoir votre honneur jeté aux chiens», a-t-elle prévenu.
«Au bout de trois semaines de révélations», «la garde rapprochée du Président» fait preuve, dénonce encore Edwy Plenel, «d’un mépris profond de la démocratie et de la justice, dans sa mauvaise foi». S’appuyant sur le refus, la semaine dernière, du tribunal de grande instance de Paris, de retirer les enregistrements pirates sur Mediapart et lepoint.fr, comme le demandait le camp Bettencourt, le journaliste rappelle que la justice a donc estimé ces informations «légitimes et d’intérêt public»: «nous avons fait notre travail de manière rigoureuse.»
Affichant son «soutien aux médias «attaqués par le gouvernement» et l’UMP, le PS a condamné les «attaques injurieuses» et «extrêmement graves» contre Mediapart.
Voir aussi : rubrique politique L’UMP achète le nom Bettencourt chez Google,
L’Oréal, le cœur à droite
Des faits de collaboration aux versements à l’UMP, retour sur l’histoire d’un groupe très politique.
Malgré la tempête, l’affaire Bettencourt ne provoquerait «aucun nuage» chez L’Oréal. C’est le message qu’a fait passer le directeur général du groupe, Jean-Paul Agon, dans une pleine page que lui a consacrée le Journal du dimanche, hier. Le site du groupe rappelle que L’Oréal a été désigné en 2010 parmi les «sociétés les plus éthiques au monde» par un groupe de réflexion bien informé, Ethisphere Institute. On verra en 2011 si la fraude fiscale massive présumée de Liliane Bettencourt, première actionnaire de L’Oréal, modifie son classement éthique. Les révélations récentes des liens d’Eric Woerth (1) avec Patrice de Maistre, gestionnaire du patrimoine de la milliardaire, des «petites sommes» versées à l’UMP par Bettencourt et de l’embauche de la femme du ministre par la société Clymène, ne sont que le dernier épisode de l’histoire très politique du groupe L’Oréal.
Luc Chatel, un bébé l’Oréal
Tout récemment, le 3 juin, le ministre de l’Education, Luc Chatel, a signé un accord-cadre avec Jean-Paul Agon portant sur la validation des acquis d’expérience (VAE) au sein du groupe L’Oréal. Le ministre s’est prêté, sans déplaisir, à une séance photo en compagnie de l’état-major d’un groupe qu’il connaît bien. Il y a fait l’essentiel de sa carrière professionnelle avant d’être élu député (UMP) de Haute-Marne, en 2002. Entré comme chef de produit, Luc Chatel y a occupé pendant sept ans le fauteuil de directeur des ressources humaines. «Luc Chatel a été poussé par Mme Bettencourt pour devenir le député-maire de Chaumont», assure un ancien conseiller du RPR. «Absolument pas, rectifie le ministre. Je n’ai jamais eu de liens particuliers avec la famille, et je n’ai reçu aucun soutien de leur part au cours de mon activité politique.»
Chatel, qui n’est pas gaulliste, s’inscrit dès ses débuts en politique au Parti républicain, avant d’intégrer l’UMP, dont il est devenu le porte-parole entre 2004 et 2007. L’ancien DRH est nommé en 2007 secrétaire d’Etat à la Consommation et au Tourisme, puis il obtient l’Industrie. L’Oréal applaudit. Dans l’Express, Jean-Claude Le Grand, l’actuel DRH, salue sa «façon moderne de faire de la politique» : «Il applique les méthodes de l’entreprise à ses ambitions. Tout cela, il l’a sans doute appris chez L’Oréal.»
André Bettencourt et François Mitterrand
Huit fois ministre, André Bettencourt, le mari de Liliane, décédé en novembre 2007, a lui aussi fait une brillante carrière politique, plutôt enracinée à l’UDF. Elu député sous l’étiquette des Indépendants et Paysans, puis des Républicains indépendants, il est très proche de Valéry Giscard d’Estaing, Jean Lecanuet et Michel d’Ornano. Mais André Bettencourt compte aussi un grand ami à gauche, François Mitterrand. Dans Une jeunesse française, Pierre Péan a situé l’origine de cette amitié dans l’internat des pères maristes, fréquenté par Bettencourt, Mitterrand et François Dalle, le futur PDG du groupe L’Oréal. «Bettencourt était de trois ans plus jeune que Mitterrand, mais c’est par François Dalle qu’il est entré dans le premier cercle», explique Pierre Péan.
Ils sont alors tous proches de la Cagoule, le mouvement d’extrême droite financé par le fondateur du groupe L’Oréal, Eugène Schueller, père de Liliane Bettencourt. «C’est à Vichy que Bettencourt, qui est devenu journaliste à la Terre Française, retrouve Mitterrand en 1942, poursuit Péan. Mitterrand l’enrôle dans son mouvement clandestin. Bettencourt va devenir l’un de ses plus proches collaborateurs, jusqu’à assurer sa protection dans ses rencontres secrètes, et devenir son agent de liaison en Suisse.»
Le groupe et la collaboration
En 1990, Jean Frydman, l’ancien dirigeant d’une filiale de L’Oréal, déclenche une première «affaire Bettencourt» en déposant plainte contre l’ancien président du groupe François Dalle pour «faux, usage de faux et discrimination raciale» à la suite de son licenciement. Jean Frydman révèle que L’Oréal a recyclé, dans ses filiales étrangères, plusieurs collaborateurs de premier plan. L’affaire se conclut par un non-lieu, mais elle dévoile les faits de collaboration d’Eugène Schueller et de François Dalle, devenu depuis la guerre l’un des dirigeants de L’Oréal. Schueller avait financé le Mouvement social révolutionnaire (MSR) d’Eugène Deloncle. André Bettencourt et François Mitterrand interviendront en leur faveur à la Libération. François Dalle obtiendra pour Mitterrand un poste de responsable de la revue du groupe, Votre beauté.
Karl Laske (Libération)
Affaire Bettencourt
Le procès de François-Marie Banier
Accusé d’abus de faiblesse sur Liliane Bettencourt, François-Marie Banier doit comparaître jeudi devant le tribunal correctionnel de Nanterre. Figure du Tout-Paris, photographe des stars, il doit s’expliquer sur les centaines de millions d’euros de dons que lui a consentis l’héritière et actionnaire principale de L’Oréal. Mais son procès risque d’être bouleversé par la révélation des enregistrements clandestins du maître d’hôtel de la milliardaire.
Deux semaines De révélations
16 juin Le site Mediapart révèle des enregistrements pirates réalisés entre mai 2009 et mai 2010 par le maître d’hôtel de Liliane Bettencourt. Ils mettent au jour des opérations financières destinées à échapper au fisc et (1) des liens entre la milliardaire, le ministre du Travail, Eric Woerth, et son épouse, Florence – laquelle travaille pour la société gérant la fortune Bettencourt. Le parquet de Nanterre ouvre une enquête pour «atteinte à la vie privée».
20 juin Eric Woerth assure ne rien savoir des finances de Liliane Bettencourt et dénonce des accusations «fausses» et «scandaleuses». Le lendemain, il annonce que sa femme va démissionner «dans les prochains jours» de la société où elle gère depuis 2007 une partie de la fortune Bettencourt. Cette dernière annonce la régularisation fiscale de ses avoirs à l’étranger.
25 juin Le procureur Courroye révèle qu’il a saisi l’administration fiscale, le 9 janvier 2009, «de la procédure suivie à l’encontre de François-Marie Banier et tous autres», lui transmettant «l’intégralité des éléments de la procédure et des scellés». Eric Woerth, ministre du Budget jusqu’en mars dernier, annonce qu’il a autorisé un contrôle fiscal de Banier.
26 juin L’Elysée affirme que «le président de la République n’a strictement rien à reprocher à Eric Woerth».
27 juin Le ministre du Budget, François Baroin, annonce que le fisc va passer la fortune Bettencourt au peigne fin et exclut toute intervention de son prédécesseur, Eric Woerth, dans le dossier.
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