Charles Wyplosz: « la France va connaître une crise de la dette »

Professeur à l’Institut des Hautes Etudes Internationales de Genève, Charles Wyplosz juge que les politiques d’austérité européennes vont entraîner une nouvelle crise financière.

Aux « Rencontres Economiques d’Aix », qui ont rassemblé experts, grands patrons et gouvernants de la planète, du 5 au 7 juillet, Charles Wyplosz a été l’un des plus virulents. Cet économiste de renommée internationale, professeur à l’Institut des Hautes Etudes Internationales de Genève, a dénoncé les dégâts des politiques d’austérité européennes, qui sont en train de fabriquer une nouvelle crise financière.

Que révèlent les turbulences récentes des marchés financiers. Une nouvelle crise financière est-elle possible ?

La crise de la zone euro n’est pas terminée. Le plus grave n’a pas encore eu lieu. D’abord, les dettes publiques ne sont pas soutenables : celles de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne et sans doute de la France. Ensuite, les banques n’ont pas été nettoyées. Pire, depuis 2008, les dettes publiques ont migré dans les bilans des grandes banques européennes, qui ont signé un véritable pacte du diable avec les Etats. Ces derniers les ont incitées à acheter leurs dettes publiques en leur promettant de les sauver en cas de crise. Aujourd’hui, les établissements bancaires sont donc beaucoup plus sensibles à une remontée des taux d’intérêt, venue des Etats-Unis, qui risque de provoquer de lourdes pertes en capital.

Cette nouvelle crise peut-elle survenir cet été ?

Le baril de poudre est là. Il est impossible de prévoir à quel moment il va exploser.

La Commission européenne vient de donner deux ans de plus à la France pour ramener son déficit public en dessous de 3% du PIB. Est-ce une bonne décision ?

Je suis en colère. La commission européenne reconnaît son plantage, qui sera enseigné dans les livres d’histoire. Elle a imposé des coupes budgétaires au plus mauvais moment, alors que l’économie européenne n’était pas sortie de la récession. Le résultat, c’est plus de récession, plus de chômage et plus de dette. Mais la commission persiste dans l’erreur : elle maintient des objectifs de réduction de déficit, alors que nous sommes en récession. Il faut absolument suspendre ces programmes de retour en dessous de 3% de déficit, qui n’ont aucun sens économique. Et les reprendre uniquement lorsque la croissance sera vraiment revenue.

Que pensez-vous de la politique économique de Hollande ?

A peine arrivé au pouvoir, il a entériné la voie de l’austérité voulue par l’Allemagne. En échange, il a obtenu quelques promesses de dépenses de la Banque européenne d’investissement, de taille microscopique. Il a pratiqué la pire austérité qui soit : l’alourdissement d’une pression fiscale parfaitement étouffante. Il n’arrive pas à amorcer un reflux significatif des dépenses publiques, même si le budget 2014 marque un progrès. Peu importe que l’Éducation nationale affiche une performance désolante, sanctionnée par les comparaisons internationales, il continue à embaucher alors qu’il faut rationaliser, c’est-à-dire faire beaucoup mieux avec beaucoup moins.

La France peut-elle être attaquée sur les marchés financiers ?

Le succès de François Hollande est d’avoir tenu un an sans que la France ne rejoigne l’Italie et l’Espagne dans la catégorie des pays officiellement en crise de la dette publique. Mais la dette de l’Etat continue de prospérer et ce n’est plus qu’une question de temps avant que la grande catastrophe arrive. Dans un proche avenir, l’Italie et l’Espagne vont plonger et l’attention se portera alors sur le domino suivant, la France.

Source : Challenges 11/07/13

Voir aussi : Rubrique Politique économique, Les solutions de sortie de crise se heurtent au vide politique, rubrique UE, rubrique FinanceReprendre le pouvoir à la finance, Rubrique Livre Ziegler : Alimentation la faillite organisée,

Obama annonce un plan de réduction de dette à long terme

Le président américain Barack Obama a annoncé mercredi un plan de réduction de dette à long terme, prévoyant de réduire 4 billions de dollars dans les 12 ans prochaines années. « Ce plan est une approche équilibrée pour maintenir la reprise économique », a déclaré M. Obama dans un discours prononcé à l’université George Washington. Il a dit son administration prendrait quatre étapes pour réaliser l’équilibre du déficit, dont les économies sur le budget de la défense, l’élimination des gapillages dans les dépenses de santé, le contrôle des dépenses intérieures et la réforme du régime fiscal fédéral. La Maison Blanche envisage de réduire la part du déficit dans l’économie américaine à environ 2,5% du PIB en 2015 et à 2% vers la fin de la décennie. Selon le président Obama, la lutte contre le déficit budgétaire exige plus de sacrifices. Il a dit cependant qu’il refuserait les allégements fiscaux de l’ère Bush pour les riches. « Il est injuste de demander aux personnes âgées de payer davantage pour les soins de santé tout en réduisant les impôts sur les plus riches », a-t-il affirmé. Le plan d’Obama est bien en deçà d’une coupure de 5 billions de dollars dans dix ans proposée les républicains.

Voir aussi : Rubrique Etats-Unis,

Sarkozy annonce des dépenses massives et s’engage à résorber les déficits

Tout en annonçant de nouvelles dépenses massives dans le cadre du grand emprunt, Nicolas Sarkozy s’est efforcé lundi de donner des gages de sa volonté d’assainir les finances de la France, au moment où l’inquiétude monte en Europe face à l’explosion des dettes publiques. ‘Etat va débloquer 35 milliards d’euros pour investir dans ses « priorités d’avenir ». Vingt-deux milliards seront empruntés sur les marchés financiers, le reste provenant des aides remboursées par les banques.

Cette opération, très médiatisée depuis son annonce en juin, va alourdir le déficit public, déjà attendu l’an prochain – hors emprunt – au niveau inédit de 8,5% du produit intérieur brut (PIB), ainsi que la dette publique, qui devrait atteindre 84% du PIB en 2010. Avec les 22 milliards levés sur les marchés, la dette va à terme automatiquement grimper d’autant, ce qui représente un point de PIB. L’impact sur le déficit est, lui, plus difficile à évaluer, car cela dépendra du moment où les fonds seront décaissés et de la façon dont ils seront utilisés.

Quoi qu’il en soit, le grand emprunt va compliquer encore la tâche de la France, qui s’est finalement engagée, sous la pression de Bruxelles, à ramener dès 2013 son déficit public sous la limite de 3% du PIB.
Le lancement de cet emprunt intervient de surcroît au moment où les marchés s’alarment de la dérive de la dette d’autres pays européens, Grèce en tête, dont les finances publiques ont été dévastées par la crise.

Dès novembre, l’agence Moody’s avait jugé que l’emprunt jetterait une ombre sur la bonne note dont bénéficie la France comme emprunteur. Du coup, Nicolas Sarkozy s’est longuement apesanti sur sa « stratégie globale de rétablissement » des finances publiques et sur les caractéristiques de cet emprunt qui se veut peu gourmand en déficit.

Ainsi, l’appel aux marchés permettra selon lui d’économiser un milliard par rapport à une opération partiellement lancée auprès des particuliers. De plus, les modalités choisies (prêts participatifs, avances remboursables, fondations dotées en capital) se traduiront par la constitution d’actifs dans le bilan de l’Etat. Enfin, « cet emprunt ne financera aucune dépense courante » et les intérêts qu’il générera « vont être immédiatement gagés par des économies supplémentaires sur les dépenses courantes de l’Etat », a plaidé Nicolas Sarkozy.

Cette dernière mesure devrait permettre de réduire les dépenses de fonctionnement d’environ 800 millions d’euros par an, selon une source à Bercy. Sur le plus long terme, le président Sarkozy a promis d’organiser en janvier « une conférence sur le déficit de la France qui réunira des représentants de l’Etat, de la sécurité sociale et des associations d’élus locaux ». Le gouvernement tirera ensuite, au printemps, les conclusions des différentes « propositions pour sortir de la spirale des déficits et de l’endettement ». Mais le chef de l’Etat a déjà promis un nouveau tour de vis sur les dépenses, assurant, une fois de plus, que « la stratégie de l’augmentation des impôts est impossible en France ».

« Il va falloir dépenser moins, dépenser mieux », a-t-il martelé, comparant la dépense publique française (52,3% du PIB) à celle de l’Allemagne (43%). Dans cette optique, alors que la majorité accuse les collectivités de gauche de jouer les cigales, les régions, départements et mairies seront incitées à participer à l’effort collectif. Enfin, le président Sarkozy n’a pas exclu d’inscrire dans la Constitution, à l’instar de l’Allemagne, l’obligation de revenir à l’équilibre budgétaire, avec une date-butoir.

  Sarkozy: « nous voulons les meilleures universités du monde »

Nicolas Sarkozy a affirmé lundi que la France entendait avoir « les meilleures universités du monde » en y consacrant 8 des 35 milliards d’euros du Grand emprunt. « Notre objectif est très simple: nous voulons les meilleures universités du monde », a déclaré le chef de l’Etat en préambule à une conférence de presse à l’Elysée. Selon lui, la France va « se doter de moyens jamais mobilisés » à cette fin pour « gagner le combat de la compétitivité ».

M. Sarkozy a indiqué qu’il s’agissait de « faire émerger une dizaine de campus d’excellence avec les moyens, la taille critique, les liens avec les entreprises qui leur permettront de rivaliser avec les meilleures universités mondiales ». « Huit milliards d’euros y seront consacrés selon des critères stricts définis par un jury international », a-t-il enchaîné.

« Ces universités recevront après un processus de sélection rigoureux et peut-être même une période probatoire, des dotations aux alentours (…) d’un milliard d’euros chacune en pleine propriété », a-t-il détaillé. « Ces sommes seront consacrées à l’achat d’équipements de pointe mais l’essentiel permettra de doter les universités bénéficiaires d’un capital générateur de revenu », a poursuivi le chef de l’Etat.
Cette mesure, selon lui, est « à l’image de ce qui se fait dans les pays dont les universités sont au premier rang de la performance mondiale » et permettront à ces universités d’être dotée « pour la première fois » de fonds propres.

 Sarkozy: l’emprunt générera 60 mds EUR d’investissements publics et privés

 Le grand emprunt que va lancer la France permettra de générer « 60 milliards d’euros d’investissements publics et privés », a déclaré lundi le président Nicolas Sarkozy lors d’une conférence de presse. « Ce sont 60 milliards d’euros d’investissements publics et privés que nous allons déclencher dans cinq domaines prioritaires », a-t-il affirmé. La part de l’investissement public sera de 35 milliards. « Depuis 1974, la part des investissements dans la dépense publique est passée de 12,5% à 7,5% (…) Nous avons constamment sacrifié l’investissement », a ajouté le chef de l’Etat.

La France en voie de surendettement ?

Un Etat peut-il durablement vivre à crédit ? La France, qui vient de présenter un budget lourdement déficitaire, n’échappera pas à la question: sa dette publique pourrait prochainement dépasser 90% de la richesse nationale produite en un an.

Comme toujours depuis 1975, le gouvernement s’est de nouveau résigné à une implacable réalité: l’an prochain, les dépenses publiques dépasseront de loin les recettes, occasionnant un déficit record de 8,5% du produit intérieur brut (PIB) et nécessitant le recours à la dette pour financer l’Etat, les collectivités locales et les comptes sociaux.

« Pour deux euros qu’il dépense, l’Etat n’en perçoit qu’un seul », résume Elie Cohen, économiste au CNRS, comparant le fonctionnement du pays à celui d’un « ménage qui aurait dépensé tous ses revenus le 15 du mois ».

La situation n’est pas nouvelle, mais s’aggrave à vue d’oeil. Après avoir quasiment triplé entre 1980 et 2000, la dette publique devrait, sous l’effet de la crise et des mesures de relance, atteindre 1.654 milliards d’euros en 2010, soit 84% du PIB, avant de s’envoler en 2013 à 91%.

Reléguant aux oubliettes la limite fixée par l’Europe de 60% du PIB, la France rejoindra alors le quarteron de pays développés qui vivent avec un endettement massif, et notamment le Japon, dont la dette devrait flirter avec les 200% de son PIB l’an prochain, selon l’OCDE.

« La dette n’est pas un problème en soi. Le problème, c’est qu’on doit la payer », souligne Charles Wyplosz, de l’Institut des hautes études internationales de Genève.     Pour se financer, la France emprunte de l’argent auprès des marchés financiers en émettant des obligations rémunérées à des taux d’intérêt qui varient selon leur durée de vie.

L’opération, routinière, est coûteuse pour les finances publiques. Le paiement des intérêts, autrement dit la charge de la dette, devrait constituer le deuxième poste de dépenses de l’Etat en 2010 après l’enseignement scolaire, et mobiliser plus de 42 milliards d’euros.

Et ce poids pourrait encore s’alourdir. « La dette souscrite l’an prochain sera plus chère parce qu’elle sera financée à des taux plus élevés » qu’aux niveaux actuels qui sont historiquement bas, souligne Benjamin Carton, du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII).

La France devrait certes continuer à se financer sans mal sur les marchés et à séduire des investisseurs rassurés par la garantie étatique. Mais l’augmentation mécanique de la charge de la dette « empêche d’investir sur des dépenses d’avenir, telles que l’éducation, la recherche ou la santé », déplore Michel Bouvier, enseignant à La Sorbonne.

Selon les experts, l’ampleur de la récession mondiale a rendu nécessaires les mesures budgétaires et le creusement de la dette. Mais le niveau qu’elle avait atteint avant même le début crise est pour eux injustifiable.

« La vraie raison, c’est que les gouvernements aiment bien dépenser pour plaire à leurs +clients+ et oublient toute discipline à l’approche des élections », dénonce M. Wyplosz.

Pour casser ce cycle de la dette, les remèdes ne sont pas légion et ont tous le goût de la rigueur: il faudra augmenter les impôts et réduire –ou mieux maîtriser– certaines dépenses publiques.

Le temps presse. Selon la Cour des comptes, la seule charge de la dette représentait en 2008 environ 2.000 euros par an et par actif. Si rien n’est fait, « les Français devront donc payer plus pour rembourser plus », avait lancé en juin son premier président, Philippe Séguin.       Un chose est sûre: dans ce contexte, le débat autour du grand emprunt voulu par Nicolas Sarkozy, qui pourrait atteindre 100 milliards d’euros et creuser considérablement la dette, s’annonce orageux.

La voix de Polanyi toujours actuelle ?

jeromemaucourantMaître de conférence de sciences économiques à l’université de Saint-Étienne, Jérome Maucourant revient sur les idées historiques, politiques et sociales de Karl Polanyi

« Si l’on dit que la redistribution rend la dette acceptable, cela veut dire que le politique qui est le vecteur de la redistribution doit intervenir. »


« Dans l’œuvre multiforme de Polanyi, certaines grandes idées se dégagent. Celle par exemple que le marché ne serait pas naturel ?

Effectivement, le paradigme que nous connaissons depuis vingt cinq ans est celui de la naturalité du marché. Le marché est pensé comme une institution qui ne proviendrait pas d’un dessein conscient. En réfléchissant à la montée des fascismes, à l’échec de l’étalon-or et à la crise des années 30, Polanyi en arrive à l’idée que le marché est une construction sociale et politique mise en place par des desseins délibérés.

Quelles sont les conséquences de cette construction?

Il a une formule assez forte qui dit que le laissé faire est planifié et la planification est spontanée. Il veut dire par-là que des politiques très particulières ont constitué des marchés et que les conséquences imprévues du fonctionnement de ces marchés ont crée des contre mouvements de protection de la société, qui ont rendu possible pour un temps, la société de marché. Sans cela la société n’aurait jamais supporté les conséquences du point de vue humain, social, culturel d’une fiction aussi grossière qui consiste à faire en sorte que, la terre, la monnaie et le travail soient constitués comme marchandises.

En quoi la fin de l’étalon-or s’avère-t-elle déterminante ?

Si la crise des années 30 a expulsé l’étalon-or des institutions, sa fin programmée s’annonce dès le XIXème en Grande-Bretagne puis aux Etats-Unis quand les banques centrales se constituent. C’est-à-dire que dès qu’on a voulu instituer la monnaie comme une marchandise, – la monnaie n’étant qu’une image de la marchandise alors que l’étalon-or était pensé comme un bien pouvant être échangé contre d’autres biens – les désordres économiques ont été tels, que les banque centrales sont entrées dans la politique. Dans les années 20, on assiste à une régulation de la macroéconomie pour essayer de mettre en œuvre la monnaie parce que cela ne marche pas tout seul et qu’il faut une intervention. Et très vite, les interventions prennent différentes formes ; monétaire budgétaire, etc.

Polanyi souligne que la gestion monétaire porte sur un contenu de classe…

Il y a effectivement un contenu de classe et plus globalement un contenu social. Polanyi montre que ce qui est fondamental dans toute société humaine c’est la question de la circulation de la dette. Ici, on se rend compte de l’importance de la politique monétaire. C’est elle qui permet d’assurer une bonne évaluation et circulation des dettes. Si l’on admet que la perpétuation des dettes et leur négociation permettent à la société de tenir debout, on réalise que la monnaie n’est plus quelque chose de purement technique mais permet de gérer les équilibre sociaux.

On pense à la crise actuelle…

Il est évident que l’effondrement de la finance est tout simplement l’effondrement d’un certain mode social d’accumulation des richesses. Il suffit de voir que la croissance américaine ne favorise qu’un pour mille de la population. Et la seule façon qu’on ait trouvé pour perpétuer ce système, est l’explosion de la dette dans les classes inférieures et moyennes de la société. Un compromis existait à la fois aux Etats-Unis et dans les pays émergents pour financer une dette qui était un peu le socle social de l’accumulation mondial du capital.

L’alternative appelle-t-elle une régulation ?

Oui, ce qui signifie une chose très simple, si l’on dit que la redistribution rend la dette acceptable, cela veut dire que le politique, qui est le vecteur de la redistribution, doit intervenir. Et le faire plus massivement qu’il ne le faisait.

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Les essais de Karl Polanyi, éd du Seuil

Effectivement, cette idée contredit certains historiens qui évoquent le terme de démocratie de marché. La survie de la société moderne est liée à une articulation fonctionnelle entre la sphère politique et économique. La sphère politique est fondée démocratiquement par le vote des citoyens selon l’idéal d’égalité et doit nécessairement se confronter à l’économie qui ne fonctionne pas sur ce principe. Il y a donc un risque de clash permanent. C’est tellement vrai que Polanyi invitait à prendre Hitler au sérieux quand celui-ci pose dans son discours de 1934, l’impossibilité de la coexistence de la propriété des moyens de production et du principe démocratique.

Polanyi s’inspire du Capital, comment se distingue-t-il de Marx ?

Son œuvre serait incompréhensible sans la lecture de Marx. Les textes qui sont publiés essayent de mettre en valeur une réactualisation du marxisme que Polanyi a pu faire dans les années 30 en tentant de saisir pleinement ce moment historique. Ce qui influence Polanyi c’est le Marx de l’aliénation, en revanche Polanyi est plus critique sur l’idée que l’économie serait le squelette de toute une société. Il concède cependant au marxisme ce fait dans la société capitaliste.

En quoi son œuvre peut-elle être utile à la gauche ?

Polanyi c’est toujours considéré comme un socialiste. Il a eu pleinement conscience, avant même son échec, de l’impossibilité d’une économie planifiée. S’il y a un message à donner aux gauches actuelles c’est que, si l’anticapitalisme se traduit par la négation absolue du marché, on court irrémédiablement à l’échec. Il y a énormément de confusions qu’il faudrait lever. Certains anticapitalistes sont peu conscients que le marché peut avoir une place dans une société qui n’est pas globalement capitaliste. Polanyi nous invite à penser au fonctionnement de la société à partir des méthodes de marché, de redistribution, et de réciprocités qui renvoient à l’économie solidaire.

Un autre message que l’on peut lancer à la gauche qui se dit libérale, c’est de créer un socialisme qui prenne en compte les problèmes de notre époque comme la question de l’environnement, de la brevatibilité du vivant et généralement de l’écologie. Il est évident que cela ne peut pas être résolu par des procédures marchandes. Or une bonne partie de la gauche libérale justement par son adhésion sans faille au traité européen, qui est un projet de privatisation de la société par le marché, n’est pas en mesure de proposer une alternative. Il serait bon que les socialistes libéraux tirent les conclusions de l’histoire et de leur échec au moment même où le capitalisme financier s’effondre. »

Recueilli par Jean-Marie Dinh

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Jérome Maucourant « Avez-vous lu Polanyi ?», éd. La dispute