Une défaite historique, mais on ne change rien : ce message des ténors socialistes, dimanche soir, était prévisible quel que soit le nombre de départements perdus par la majorité présidentielle.
Entre l’abstention d’un électeur sur deux, le vote FN massif là où il se maintenait même si cela ne se traduit pas en « prise » de département, et le succès sans précédent de l’UMP qui devient majoritaire à ce niveau de pouvoir, le Parti socialiste est face à un champ de ruines, même s’il se console en se disant que ça aurait pu être pire.
Ce n’est guère plus brillant pour le reste de la gauche, qui, s’il parvient à quelques bons résultats locaux, n’a pas offert d’alternative au discrédit du Parti socialiste.
« Unité » ?
Au lendemain de cette sombre journée électorale pour elle, où va la gauche ? Le mot « unité » a souvent été prononcé ces derniers jours, et, dimanche soir encore, la « désunion » a été rendue responsable des piètres résultats.
Nul doute qu’on va encore entendre, dans les prochaines semaines, les appels au « rassemblement » à gauche, sans que les termes de ce rassemblement ne soient évidents.
Comme il l’a dit dès dimanche soir, relayé par ses lieutenants sur les chaînes de télévision, Manuel Valls reste « droit dans ses bottes », s’appuyant sur les signes timides de reprise économique pour ne pas envisager de réorientation.
Dans ces conditions, quelles peuvent êtres les conditions d’un rassemblement, ne serait-ce qu’avec les « frondeurs » socialistes, ceux-là même qui refusaient il y a quelques semaines encore de voter la confiance à leur propre gouvernement ?
Difficile d’imaginer les acteurs de la « gauche de la gauche » accepter aujourd’hui un rapprochement avec le PS sur un programme politique qu’ils ont dénoncé avec véhémence depuis des mois.
Il y a quelques jours, Clémentine Autain, une des personnalités du Front de gauche, appelait ainsi à reconstruire la gauche en prenant « la mesure du désastre politique actuel ». Mais, dans son esprit, il s’agit d’un « Syriza à la française », allant des dissidents socialistes aux communistes en passant par une partie des écologistes, pas d’une « union de la gauche » avec le PS.
Pas de « Tsipras français »
Cette impossibilité à retrouver les chemins de l’unité à gauche a certes le mérite de la clarté programmatique – un « programme commun » n’est guère possible quand l’une des composantes de la gauche est au pouvoir et l’autre pas –, mais elle porte en germe les défaites à venir.
Le contexte politique français fait que là où la déception et la colère des électeurs populaires se tournent vers de nouvelles forces politiques de gauche en Espagne ou en Grèce, c’est le Front national qui, en France, en tire les bénéfices. Et ceux qui rêvent d’être les « Tsipras français » n’ont pas fait, jusqu’ici, la percée escomptée, au contraire.
Alors, défaite annoncée aux régionales de la fin de l’année, et défaite presque déjà programmée en 2017, avec un deuxième tour Marine Le Pen – Nicolas Sarkozy ?
La vie politique a ce talent d’imprévisibilité que les mutations économiques et sociales actuelles accentuent. Mais il est clair qu’il manque, aujourd’hui, les bases intellectuelles et conceptuelles de la reconstruction d’une gauche crédible en France.
Les électeurs, en particulier à gauche, ne s’y trompent pas, qui gardent désormais leurs distances avec le champ politique pour s’investir dans celui de la société, de leur cercle privé, faute d’espoir.
Cette défaite est d’abord celle des idées et d’une certaine pratique politique. Peut-être est-ce par là qu’il faut recommencer, par le bas, et pas par des accords d’appareils qui ne seraient guère crédibles.
Pierre Haski
Source Rue 89 29/03/2015
Voir aussi : Actualité France, rubrique Politique, Prévisible et imparable victoire de la gauche, rubrique Société,