La capacité de l’art à resister

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Photo Olivier Baudouin

Ecriture contemporaine. Après le Petit Bard la compagnie Sîn poursuit sa recherche en Cisjordanie. L’ artiste y est au carrefour de son intimité, de l’autre et du monde.

Après son escale en juin au Petit Bard, la compagnie Sîn a rejoint du 13 au 27 juillet le camp de réfugiés d’Aïda en Cisjordanie. Ce camp est situé à deux pas de Bethléem, de l’autre côté du mur de séparation de 12 m construit par l’autorité israélienne. C’est une initiative qui ne relève pas d’un projet de solidarité « classique » avec le peuple palestinien mais s’inscrit plutôt dans le cadre d’une démarche artistique innovante, au long court, là où s’initie un processus d’écriture. Un peu sur le modèle de l’événement qui s’est tenu en juin à Montpellier, dans le quartier du Petit bard. L’artiste devient témoin. Il se débarrasse de ses représentations. Il s’imprègne du mode de vie des gens, va à leur rencontre, échange, s’immerge personnellement dans leur environnement et trouve matière à créer.

Depuis 2002, la Cie Sîn s’est rendue à sept reprises en Palestine. Une dimension du temps importante et nécessaire pour fonder une démarche, tisser des liens de confiance, et approfondir des relations dans un monde étranger sous tension. Cette dimension temporelle participe à l’exigence d’un projet qui ne falsifie pas la réalité.  » En 2002, lors de notre premier séjour, nous sommes tombés en pleine indique le dramaturge Emilien Urbach à l’initiative de l’aventure. C’était la vraie guerre et en même temps nous nous trouvions au milieu d’un peuple plein d’espoir. Trois ans plus tard, le fatalisme avait gagné et l’espoir disparu. Désillusionnés, les gens s’etaient repliés sur la religion. » Le temps joue également sur l’expérience personnelle :  » la première fois tu pars avec des images symboliques, celles des résistants palestiniens. Tu te dis que tu vas rencontrer des enfants héros et puis sur place tu vois des connards, des esprits brillants, des allumés, des touristes militants, des gens qui résistent dans la durée, et l’usure qui gagne. Il y a de tout. C’est une situation extrêmement complexe. On doit toujours déconstruire les images médiatiques qui sont dans nos têtes. Il s’est passé la même chose au Petit Bard. On a concerné 2 000 personnes du quartier mais seulement une cinquantaine de l’extérieur. »

Habiter pleinement le monde

Le cadre de l’action menée par la Cie Sîn en Palestine vise à donner une visibilité à la création et à la culture palestinienne. Il est envisagé comme une participation artistique à la résistance. L’action a notamment permis six séjours d’artistes palestiniens en France et le déplacement d’une quinzaine d’artistes français en Palestine. Cette année la chorégraphe Lisie Phillip et le photographe Olivier Baudouin ont participé au voyage pour préparer une performance artistique prévue en Cisjordanie au printemps prochain. « C’était leur première rencontre avec ce territoire. Ils ont exprimé le désir de travailler avec des artistes israéliens, chose à laquelle nous avions renoncée. Mais on ne voulait pas rester figé et on a tenté l’expérience avec deux artistes israéliens, explique Emilien Urbach. Ca c’est bien passé avec l’un mais pas avec l’autre qui n’a pas pu intégrer la réalité. Plus tard nous en avons discuté avec Abdel Fatha qui s’occupe du centre culturel dans le camp d’Aïda. Il nous a expliqué qu’il trouvait déplacé qu’en Occident, à chaque fois que l’on donne la parole à un Palestinien, il faille qu’un israélien soit présent, comme si le Palestinien n’existait pas par lui-même. C’est un point vu intéressant. Ce n’est pas simple d’habiter pleinement le monde dont on fait partie. « 

Des quartiers à la Cisjordanie, la Cie Sîn part à la rencontre des territoires. Tels des ethnologues qui partent sur le terrain pour objectiver leur recherche, eux le font pour les subjectiver.  » On n’est pas des casques bleus de l’art, les choses se font si les artistes et la population y trouvent un sens. »

Jean-Marie Dinh


Voir aussi : Rubrique Palestine, Rachel une mort miroir , Rubrique Théâtre, Edward Bond en milieu rural , Sur le théâtre des opérations urbaines, On line Blog de voyage de la Cie Sîn http://outwallin.blogspot.com/

Poutine et les incendies

La Rynda

La Rynda

La couverture des incendies russes par la blogosphère a pris une tournure moins tragique lorsque le réputé Premier ministre russe Vladimir Poutine a répondu à un billet de LiveJournal, la populaire plate-forme de blogs, et a par inadvertance créé un nouveau thème Internet appelé “rynda.”

L’histoire commence avec un billet de blog très lu de l’utilisateur LJ top-lap re-publié par Aleksey Venediktov, le rédacteur en chef hautement respecté de la radio russe “Echo Moskvy,” sur le site internet de la station [en russe].

Dans son introduction, Venediktov s’addresse à Vladimir Poutine :

Cher Vladimir Vladimirovitch,
Savez-vous que la population est indignée du travail effectué par le gouvernement pour éteindre les incendies dans les régions de la Fédération de Russie ? Evidemment, personne ne vous le dira en face, mais Internet est rempli de critiques et de colère.
En particulier, de nombreux habitants des régions touchées parlent en termes extrêmement peu flatteurs de l’action de votre gouvernement.
Ceci est un exemple, et pas le plus vif, de billet sur Internet.
Que répondriez-vous à cet homme ?

Et Venediktov de poursuivre avec l’intégralité du billet de top-lap. En voici des extraits :

Vous savez pourquoi nous brûlons ? Parce que c’est un merdier. […] Dans mon village sous les connards de communistes – que tout le monde critique – il y avait trois étangs anti-incendies, une rynda [Note de l’auteur : apparemment le vieux mot russe de “rynda” désigne une clochette servant à signaler les événements importants du village] que l’on sonnait en cas d’incendie, et, miracle – un camion de pompiers, un pour trois villages il est vrai, mais au moins il y en avait. Puis messieurs les démocrates sont arrivés et le merdier a commencé. La première chose qu’ils ont faite, c’est de combler les étangs anti-incendies et de vendre les terrains pour la construction. On a aussi fait quelque chose au camion de pompiers, probablement les extra-terrestres l’ont embarqué, et la rynda a été remplacée (putain de modernisation) par un téléphone qui ne fonctionne que dalle parce qu’on a oublié de le connecter. Il est resté un pompier mais il n’a rien d’autre qu’un casque et une combinaison qui lui restent de ces mêmes méchants communistes.

Top-lap continuait en décrivant comment le manque de moyens élémentaires rendait impossible d’éteindre efficacement les incendies. Plein de rage, le blogueur interroge :

J’ai une question.
Où va notre argent ? Pourquoi est-ce que chaque année nous glissons toujours plus vers une société primitive ? A quoi bon un centre de recherche à Skolkovo [Note de l’auteur : à propos de ce projet, voir ici [en russe]] si nous n’avons même pas de camions de pompiers élémentaires ? Pourquoi avant, y avait-il des gens comme les gardes-forestiers, qui prévenaient des feux et transmettaient les informations opérationnelles aux pompiers, ne laissant pas ces incendies atteindre les habitations. Je ne veux pas un téléphone dans le village, je veux qu’on me rende les étangs d’incendie et ma rynda. Rendez-moi ma putain de rynda et creusez-moi un étang, je m’en occuperai moi-même et je le remplirai et si l’administration locale ne veut pas le faire, donnez-moi juste un emplacement.

Critiquant les autorités locales et préconisant l’autonomie, top-tap propose :

Libérez-moi de mes impôts ou enlevez-moi simplement mes déductions pour le fonds de pension, de toute façon, avec une vie pareille je n’arriverai pas jusqu’à l’âge de la retraite, et avec cet argent j’achèterai un camion de pompiers pour trois villages et je dormirai tranquille, sachant que personne ne l’enlèvera à mon peuple, à mes voisins villageois, parce que cette chienne sera à nous et que nous tuerons pour elle s’il le faut.

Top-lap conclut par ce cri :

Redonnez-moi ma putain de rynda et reprenez votre putain de téléphone.

Ce billet passionné et linguistiquement coloré aurait pu ne rester que l’une des millions de plaintes contre le gouvernement dans la blogosphère russe si la radio “Echo Moskvy” n’avait reçu une réponse officielle de Vladimir Poutine :

Cher usager,
Aujourd’hui, à la fin d’une journée de travail, respirant, comme tous les Moscovites, la fumée des forêts de banlieue en feu, c’est avec grand intérêt et plaisir que j’ai pris connaissance de votre appréciation sur la situation constituée en Russie centrale par les feux de forêt.
Pour être juste, il faut noter qu’il n’y a pas eu de températures aussi élevées en Russie en 140 ans et donc, non plus sous les communistes.

Un fait qui, pour Poutine, écarte en partie les reproches faits aux autorités. La réponse de Poutine conclut sur une vision positive de l’avenir et la promesse de rendre la rynda au blogueur :

Malgré tous les problèmes et toutes les difficultés, j’espère que nous tiendrons jusqu’à votre retraite.
Tous les moyens financiers nécessaires pour remédier aux conséquences de cette catastrophe naturelle et résoudre les autres problèmes urgents ont déjà été transférés du budget fédéral vers les comptes des sujets affectés de la Fédération de Russie.
Sur indication de votre adresse, vous recevrez immédiatement votre rynda de votre gouverneur.
Bien sincèrement à vous,
V. Poutine

Inutile de dire que la réponse inattendue et pince-sans-rire de Poutine a soulevé une vague de plaisanteries parmi les utilisateurs de RuNet. Jusque là largement inconnu, le mot “rynda” est devenu la nouvelle métaphore populaire symbolisant la lutte contre les incendies en Russie et l’incapacité des administrations locales actuelles à gérer efficacement la catastrophe naturelle. “Rynda” est aussi devenu un thème de caricatures politiques :

« Abramovitch? Salut ! Ecoute, tu as une rynda sur ton yacht? Voilà… Il faudrait la rendre. »

La popularité du site internet de “Echo Moskvy” semble être montée en flèche après la réponse de Poutine. L’utilisateur LJ teh_nomad affirme [en russe] que le site a reçu 50.000 visiteurs dans les deux heures qui ont suivi la publication de la réponse.

Voir aussi : Rubrique Russie Livre, Retour au pays des âmes piégées,

Paul Kagamé, un dictateur en voie de réélection

Le Président Paul Kagame

Le Président Paul Kagame

Il  n’y a pas qu’au Rwanda que la série d’assassinats d’opposants politiques et de journalistes suscite une désapprobation. L’élimination physique de tous ceux qui peuvent gêner Paul Kagamé à sa réélection du 9 août prochain ne plaît pas hors des frontières du pays des mille collines. Le chef de l’Etat Paul Kagamé s’en est lui-même rendu compte, le 16 juillet dernier,  à l’occasion d’un déplacement en Espagne. Le Premier ministre espagnol, Jose Luis Rodriguez Zapatero, a renoncé au dernier moment à co-présider avec lui une rencontre de l’ONU sur la pauvreté. En outre, le lieu de la rencontre a été changé au dernier moment comme pour éviter que Paul Kagamé ne souille le siège du gouvernement du sang que des ONG espagnoles l’accusent d’avoir sur les mains. Une véritable claque administrée malgré lui par Zapatero, obligé d’agir ainsi pour ne pas rester sourd au tollé suscité en Espagne par la visite du numéro un rwandais à un moment où des opposants politiques et des journalistes sont tués chez lui.

 Il a aussi été question au cours de la rencontre, suite à l’exhortation du secrétaire général de l’ONU d’élucider certains meurtres, dont ceux du vice-président du Parti démocratique vert, André Kagwa Rwisereka, dont le corps a été retrouvé pratiquement sans tête le 14 juillet, et du journaliste indépendant Jean Léonard Rugambage tué par balles à Kigali le 24 juin dernier. Il faut aussi dire qu’avant ces assassinats, la justice espagnole avait émis [en février 2008] des mandats d’arrêt internationaux [pour « génocide »] contre 40 militaires du régime de Paul Kagamé, pour des crimes commis avant l’arrivée au pouvoir du Front patriotique rwandais (FPR). Paul Kagamé est épargné par ces mandats du fait de l’immunité liée à sa fonction. Ce qui ne l’empêche nullement de se rendre en Espagne. Mais pour les défenseurs des droits humains ibériques, si l’on ne peut pas l’arrêter, on peut tout de même lui signifier qu’il n’est pas un ange, un saint et le sauveur du Rwanda que lui et son entourage s’évertuent à montrer. S’il est vrai que l’arrivée au pouvoir du FPR [qui a chassé en juillet 94 le régime génocidaire] a ramené la stabilité et favorisé la croissance, il n’en demeure pas moins que la traque, les assassinats d’opposants politiques, l’absence de libertés réelles comme celle d’expression et de la presse, l’opposition au révisionnisme ont fini par faire oublier aujourd’hui les bonnes actions des hommes forts du FPR.

Le Rwanda renvoie l’image d’un pays dirigé par un dictateur qui n’en a pas l’air, un militaire qui ne supporte pas la contradiction à tau point point que ceux de son camp qui se permettent un zeste de critique deviennent des ennemis à abattre quel que soit l’endroit du monde où ils se trouvent. Paul Kagamé donne aussi l’air d’une personne obsédée par le pouvoir qu’il veut garder à tout prix, quitte à marcher sur des cadavres d’opposants et de dissidents. Paradoxalement, ses agissements ne font pas l’objet de condamnations comme il se doit à cause d’un certain nombre de soutiens comme ceux des Américains qui se présentent comme des alliés sûrs pour l’homme mince de Kigali. C’est d’ailleurs ce qui fait que l’ONU ne peut véritablement pas taper du poing sur la table, amenant son secrétaire général à être prudent sur l’emploi des mots au point qu’il ne veuille « s’immiscer dans les affaires intérieures d’un Etat souverain ». D’autres pays sont dans leurs petits souliers pour avoir fait des mains et des pieds pour être dans les bonnes grâces de Kigali avec lesquels ils ont beaucoup de contentieux historiques. Et il ne faut pas compter sur leurs dirigeants pour oser une remarque « déplacée » sur l’attitude des autorités rwandaises par rapport au respect des droits humains et des libertés fondamentales. Leur société civile a beau grogner, cela ne les gêne pas de dérouler le tapis rouge à l’ami rwandais.

Séni Dabo Le Pays (Burkina Faso)

Voir aussi : Rubrique Rwanda Sarkozy en mission de réconciliation,

Guerre de l’info : l’UMP achète « Bettencourt » auprès de Google

Pas facile de gérer un contre-feu médiatique efficace pour l’UMP. D’un côté, taper sur les « rumeurs » d’un « blog » (François Baroin) aux « méthodes fascistes » (Xavier Bertrand), voire « un site aux méthodes inqualifiables financé par un riche homme d’affaires » (Frédéric Lefebvre dans une tribune mémorable). En gros, taper sur le méchant Internet, incarné pour l’occasion par Mediapart, responsable de tous les maux. Mais de l’autre, il faut aussi se servir du réseau pour défendre sa cause, on ne peut pas se passer d’un auditoire aussi important.

Attention publicité !

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Ainsi, sur le site de l’UMP, une page de soutien à Eric Woerth a été créée pour recueillir les messages en faveur du Ministre. « Contre la machination politique destinée à salir la réputation d’Eric Woerth, la majorité est plus que jamais mobilisée. Vous aussi, apportez votre témoignage de soutien au Ministre du Travail. » Pour l’instant, le serveur de l’UMP arrive sans mal à supporter l’ampleur de la mobilisation (630 commentaires). Il faut donc promouvoir cette page, la faire connaître. D’où l’achat auprès de Google des mots clé « Bettencourt » et « Liliane Bettencourt ». Il est difficile de connaître par ailleurs les autres mots concernés par cette campagne.

« L’UMP mobilisée pour soutenir Eric Woerth, un homme droit et intègre ». Il faut avouer que le message tranche aux côtés des autres liens qui s’affichent sur la page (Mediapart, le Monde, Wikipédia, etc.). Même si le trafic généré est au rendez-vous (dû, sans doute, au fait qu’on parle, ici et ailleurs, de l’opération), on peut douter de la pertinence de la démarche. Mais ce n’est pas vraiment un coup d’essai pour l’UMP. Fin 2005 déjà, le parti présidentiel s’était fait remarquer à la suite des émeutes en achetant toute une série de mots clé redirigeant (déjà) vers un site de soutien à la politique du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. Parmi ces mots clé, « banlieue », « insécurité », « voyou » ou « racaille ». Le parti avait récidivé l’année suivante en achetant les mots « Tsunami » ou « Ségolène ». Un sens certain de la continuité dans la finesse de leur démarche.

Erwan Cario (Ecrans)

Voir aussi : rubrique Affaire Woerth: la droite attaque violemment Mediapart , Rubrique Internet Très chère neutralité du Net,

Matin chagrin à la Maison ronde

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«Val démission ! Val démission !» En direct, hier, un peu après midi, le public du Fou du roi vient d’apprendre que Didier Porte est viré. A la fin de sa chronique, l’humoriste a indiqué avoir reçu une lettre recommandée lui annonçant son licenciement. Signée Philippe Val, le directeur de France Inter. Et les fidèles de l’émission de Stéphane Bern n’ont pas apprécié. Au point que l’antenne a résonné, donc, d’appels à la démission, huées incluses. Au point que Bern himself s’est fendu, et toujours en direct, d’un soutien à Didier Porte et s’est interrogé sur son propre avenir à France Inter. Deux heures plus tôt, dans un entretien au Monde, le président de Radio France, Jean-Luc Hees, annonçait qu’il éjectait Stéphane Guillon des ondes publiques. Il ne fait plus bon rire le matin sur France Inter.

Allégeance. La double éviction n’a pas fait marrer l’opposition qui, du NPA au Modem en passant par le PS, a dénoncé le licenciement des deux humoristes : François Bayrou jugeant que «la démocratie a besoin d’humoristes, même s’ils y vont parfois trop fort» et Martine Aubry défendant un «droit à la moquerie et même à l’outrance».

A Radio France, c’est la consternation. Le SNJ dénonce une «entreprise d’autodestruction» de la direction, tandis que, pour Sud, Hees et Val «sont les liquidateurs de l’indépendance, de la liberté de ton des antennes de la maison». Et c’est aussitôt le spectre élyséen qui fait son apparition : premier patron de l’audiovisuel public désigné par Nicolas Sarkozy, selon le nouveau pouvoir que le Président s’est arrogé par la loi de mars 2009, Jean-Luc Hees est poissé par ce mode de nomination, et le soupçon d’allégeance le suit comme son ombre

Au Monde, pourtant, Hees l’affirme : «J’assume.» «Si l’humour se résume à l’insulte, je ne peux le tolérer pour les autres mais aussi pour moi. […] J’ai un certain sens de l’honneur : je ne peux accepter que l’on me crache dessus en direct.» Val, qui n’a pas donné suite aux demandes d’interview de Libération, a abondé : «Où ailleurs peut- on supporter une chose pareille, se faire pourrir à l’antenne, c’était une atteinte à notre honneur et à notre considération en permanence», a déclaré à l’AFP l’ancien chansonnier et ex-directeur de l’hebdo satirique Charlie Hebdo.

Sûr que Stéphane Guillon et Didier Porte ne donnaient pas cher de leur peau. Guillon est dans le collimateur depuis qu’il a moqué Dominique Strauss-Kahn en infatigable coureur de jupons, en février 2009. La chronique déclenche alors l’ire élyséenne. Quand Jean-Paul Cluzel, alors président de Radio France, est remercié, Guillon en est l’une des causes. Du coup, à peine Hees désigné à la présidence de Radio France, il est déjà envisagé comme un tueur à gages de Guillon à la solde de Sarkozy.

Averto. Le cas de Didier Porte est plus récent : le 20 mai, il imagine un Dominique de Villepin atteint du syndrome de la Tourette (qui occasionne de brusques bordées d’injures) servant au Président de sonores «J’encule Nicolas Sarkozy !» L’affaire vaudra à Porte un avertissement et déclenchera une note de service de Val : défense de régler ses comptes à l’antenne, sinon, zou, averto. C’est que Stéphane Guillon – et dans une moindre mesure Didier Porte – ne se prive pas de rire à l’antenne de ses déboires avec sa direction. Une attitude de «petits tyrans», selon le terme de Hees.

Hier matin, la dernière chronique de Guillon a été applaudie dans le studio, à la demande de Nicolas Demorand. Avant même d’avoir la confirmation qu’il était viré, Guillon a livré un genre de testament radiophonique, raillant notamment «France Inter, une radio de gauche qui licencie comme la pire entreprise de droite».

Libération

Voir aussi : rubrique Médias : Recettes publicitaires en chute