Avant-première.
Siné n’est pas mort, comme quoi Dieu garde aussi les extrémistes laïcs. La documentariste Stéphane Mercurio, sa fille, vient de lui consacrer un film. L’opus a été diffusé hier en avant-première au cinéma Diagonal suivi d’un débat en présence du terroriste pâtissier, Noël Godin dit l’entarteur, un des nombreux copains déraisonnables du dessinateur. Qu’on se le dise, Godin est prêt à revenir dans la capitale surdouée à la demande, avis aux pompeuses personnalités locales…
Le doc est comme on pouvait s’y attendre bordélique à souhait. A l’instar de la première scène où Siné et Benoît Delépine négocient dans le bureau de la conservatrice du cimetière Montmartre l’achat d’un caveau collectif avec une pierre tombale qui évince, avec doigté, les images révérencieuses de circonstance. Comme le titre Mourir ? Plutôt crever !, cette scène emblématique affirme l’intégrité impertinente de l’artiste devant l’éternel.
Le film assassine la morale sans tomber dans le vulgaire. A quelques nuances près, la vie de Siné pourrait être celle d’un responsable d’une grande entreprise étrangère (la photo ci- dessus prise à l’université d’été du Medef en témoigne.) Il ne se dit pas motivé par les principes de la vertu mais par la provocation qui chez lui n’est jamais gratuite. Sa dernière entreprise, il l’a plantée sans délocaliser, préférant un enterrement joyeux lors de la manif du 1er mai dernier où toute l’équipe de « Siné Hebdo » a vendu le dernier collector en fanfare. Ce qui ne l’a pas empêché de réussir à faire la nique à son super démagogue d’ex-employeur qui sévit toujours à la radio nationale. Didier Porte qui signait mercredi chez Sauramps Odyssée en sait quelque chose.Mourir ? Plutôt crever! en salle le 13 octobre 2010.
L’espoir chevillé aux couilles
Comme son copain pâtissier, durant sa vie, Siné a rencontré de grands hommes et des petits aussi, pour qui il a sorti son crayon (en tout bien tout honneur) mais rarement son carnet de chèques. De sa longue carrière pour soutenir les causes perdues, il garde un sourire jovial et pas suspect. Carrière durant laquelle, s’il n’a jamais signé qu’un seul vrai contrat, c’est avec l’impertinence. Siné n’a pas les jetons. Il préfère l’esprit de famille aux réunions des conseils d’administration. Il n’a pas appris l’anglais dans une business school mais pour mieux comprendre les discours de son ami Malcolm X avec qui il partageait aussi sa passion pour le free jazz. De Prévert à Guy Bedos en passant par Jean Yanne et Jacques Vergès, Siné n’a pas tissé son réseau de potes au Lions Clubs International mais à travers ses engagements.
Armée de sa caméra, Stéphane Mercurio retrace les combats de son père avec un regard sensible : « Adolescente, j’adorais qu’il me raconte l’arrivée de » Fidel » par la fenêtre de son hôtel alors qu’il était à La Havane en 1962. Il avait une lettre de Ben Bella à lui remettre « , se souvient-elle.
Dans une impossible tentative d’analyse, le psychanalyste et ancien guévariste, Michel Benasayac souligne : » Aujourd’hui quelqu’un comme Siné n’est même plus considéré comme contestataire, mais médicalement comme anormal. » Ce que Siné nous met sous le nez doit décidément être trop proche de la réalité humaine…
Jean-Marie Dinh