L’éducation , priorité numéro 1 des Français

 

Selon un sondage BVA pour France Info, ils sont 60% à considérer que l’éducation doit être la priorité des pouvoirs publics. Un résultat qui traduit un discours politique, également source d’une inquiétude croissante au sein de la population.

Ce n’est pas une nouveauté, mais presque. Après une première en juin 2008, l’éducation est pour la deuxième fois placée au rang de préoccupation n°1 des Français: en juin 2011, 60% d’entre eux la considéraient comme une priorité, contre 43% l’an dernier. C’est ce que l’on retient du baromètre des services publics en Europe, réalisé par BVA pour l’Institut Paul Delouvrier, publié dans Les Echos et diffusé ce mercredi sur France Info.

 

Alors que l’emploi tenait le premier rang depuis deux ans – pour 75% des Français en 2010 – ils ne sont plus que 58% à le voir comme une priorité. Soit une baisse d’intérêt de 17 points, en seulement un an. Côté éducation, on note également 17 points, mais il s’agit cette fois d’une augmentation. Pour Emmanuel Davidenkoff, directeur de la rédaction de L’Etudiant, cette hausse « remarquable » de l’importance accordée à l’éducation traduit un contexte politique particulier: « La singularité de la présidence de Nicolas Sarkozy est qu’il est beaucoup plus présent sur la question de l’école. Cela fait bien longtemps qu’on a pas vu un président s’impliquer autant dans les affaires scolaires. Résultat: cela a créé une vraie attente de l’opinion publique sur ce point ».

« Une bonne nouvelle » que l’emploi ne soit plus priorité n°1

Une attente qui résulte aussi de la crise économique des trois dernières années: « L’éducation est encore un lieu d’espoir, de projection possible pour les Français, malgré tout » analyse ce spécialiste de l’éducation: « En période de crise, les familles attendent plus sur la question de l’éducation ».

Alors que la conjoncture économique très difficile des années 2009 et 2010 avait reporté l’attention des Français sur l’emploi, « ces peurs se sont dissipées » note Gaël Sliman, directeur de BVA Opinion: « On sort d’une période anxiogène sur l’emploi, les gens sont moins inquiets. En parallèle, on parle de plus en plus de l’éducation, des rythmes scolaires notamment ». Moins d’inquiétude d’une part, plus de mécontentement de l’autre: l’écart d’importance entre emploi et éducation – de 32 points en 2010 – s’est nettement resséré, faisant de cette dernière la priorité n°1 des Français en 2011.

« On a ancré dans l’opinion publique l’idée que l’école va mal »

Aujourd’hui pourtant, seuls 24% des Français se disent satisfaits de leur système éducatif. Soit le taux d’appréciation le plus bas d’Europe. Selon Gaël Sliman, cela fait déjà cinq à six ans que la confiance envers la politique éducative de l’Etat recule: « C’est une baisse constante, sur le temps long. Le remplacement d’un fonctionnaire sur deux, notamment, a été très impopulaire auprès des Français » explique le directeur de BVA Opinion. « Résultat: l’inquiétude grandit ».

Un mécontentement à imputer aussi aux discours politiques autour de l’éducation: « Il y a un consensus chez les politiques, c’est de dire que l’éducation ne va pas ».

« Depuis des années, l’opinion publique est irriguée par un discours qui dit que l’école va mal » déplore de son côté Emmanuel Davidenkoff. « Avec les politiques éducatives des dix dernières années, l’Etat central s’est désengagé, la part du PIB consacrée à l’éducation a diminué. Les Français perçoivent un retrait de l’Etat, se sentent moins protégés ». Et pourtant, rappelle le directeur de publication de L’Etudiant, « l’image des enseignants reste bonne auprès du public. C’est vis-à-vis de l’éducation nationale dans son ensemble que la défiance des Français est croissante ».

Valentine Pasquesoone

Voir aussi : Rubrique Education

Le Conseil Régional PACA se prononce contre les fichiers scolaires – A qui le tour ?

Les élus s’emparent d’une bataille qui est loin d’être dépassée

Lors de sa Séance Plénière du 24 juin 2011, le Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur a adopté un vœu contre le fichage numérique des scolaires déposé par le groupe Front de Gauche, soutenu par les groupes Socialiste, Radical et Républicain et Europe Ecologie, les Verts, Partit Occitan (? Lire la motion ci-dessous ou la télécharger au format pdf).

Le Conseil Régional PACA affirme que « construire un grand service public d’éducation efficace nécessite des enseignants formés, des moyens financiers et matériels, et non des systèmes informatiques permettant un pilotage automatisé et un contrôle individualisé des élèves » et s’engage « à apporter son soutien aux personnels des premier et second degrés qui se verraient sanctionnés du fait de leur refus de renseigner des bases contenant des données personnelles ». Il ne fait aucune concession à l’Etat, ni au ministère de l’Education nationale et leur demande solennellement :

de se conformer aux observations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU du 12 juin 2009, qui « recommande en outre que seules des données anonymes soient entrées dans des bases de données et que l’utilisation des données collectées soit régulée par la loi de manière à en prévenir un usage abusif », en renonçant à l’immatriculation des enfants (BNIE/RNIE) et à l’utilisation des bases de données personnelles en service au primaire (BE1D) et au secondaire (SCONET), ainsi qu’à la conservation numérique des parcours scolaires (LPC), et aux procédures automatiques d’orientation (Affelnet 6°, Affelnet 3°, Admission Post-bac).

D’organiser une remise à plat de tout le système informatique de l’Education nationale, en consultant les élus et les parents d’élèves, les syndicats et les enseignants, la CNIL et les défenseurs des droits de l’homme, afin de permettre un vrai débat sur l’utilisation des technologies numériques dans le service public d’éducation.

De lever toutes les sanctions à l’encontre des directeurs d’école qui ont refusé d’enregistrer des enfants dans BE1D, que ce soit pour s’opposer à ce fichage illégal ou respecter la volonté des parents, et d’appliquer le droit d’opposition rendu aux parents par l’arrêt du Conseil d’état du 19 juillet 2010.

Suite à la motion votée par l’Assemblée de Corse, Monsieur le recteur de Corse déclarait le 8 juin dans Corse Matin : « C’est la seule région de France à s’opposer au logiciel base élèves. Les élus corses sont probablement ignorants. Ils sont sur une bataille dépassée. (…) C’est une absurdité. Si on suivait cette motion ce serait une régression technique considérable. (…) Cette motion repose sur la méconnaissance, elle a sûrement été votée tard dans la soirée par des élus fatigués. » (1)

Balayant d’un revers de main les propos du recteur de Corse, les élus du Conseil de Paris et maintenant ceux de la Région PACA se positionnent contre Base élèves et les multiples fichiers créés par l’Education nationale, montrant bien à monsieur le recteur et à tous ceux qui pourraient le croire qu’ils ne sont ni ignorants, ni fatigués et qu’ils s’emparent volontairement d’une bataille loin d’être dépassée.

Lorsque les élus demandent que les données personnelles des élèves et de leurs familles restent leur propriété et ne sortent pas des établissements scolaires, ils savent très bien que ce ne sera pas une régression technique, mais une avancée considérable sur le chemin du respect des droits des enfants.

Ainsi, le Conseil de Paris a voté le 20 juin 2011 un vœu qui demande au Rectorat de Paris « de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que la collecte, le stockage et l’utilisation de données personnelles sensibles restent confidentiels et qu’elles soient compatibles avec les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 16 de la Convention relative aux droits de l’enfant ratifiée en 1990 par la France ». (2)

Les élus ne sont en effet pas dupes puisqu’ils continuent à demander le respect des recommandations du Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies adressées à la France en juin 2009, alors que Luc Chatel affirme toujours aux parlementaires que ces observations ont été rendues caduques par la publication en octobre 2008 de l’arrêté régularisant Base élèves ! (3)

Le vœu voté par le Conseil Régional PACA montre bien qu’ils ont conscience que Base élèves n’est pas un simple outil de gestion, qu’il s’agit bien de la première pierre d’une architecture de bases de données personnelles interconnectables grâce à l’Identifiant National Elève (INE), qui constitue un danger pour la préservation du droit à la vie privée et est incompatible avec le droit à l’oubli indispensable pour que les enfants et les jeunes puissent se construire et se structurer en individus épanouis et en citoyens responsables.

Le Collectif National de Résistance à Base Elèves se réjouit de cette position et invite tous les élus des assemblées nationales et territoriales à suivre le chemin ouvert par l’Assemblée de Corse, le Conseil de Paris et le Conseil Régional PACA et à intervenir à leur tour pour protéger les libertés des enfants et préserver leur avenir.

Le Collectif National de Résistance à Base Elèves

 

(1) http://www.corse.fr/Seance-publique-de-l-Assemblee-de-Corse-des-26-et-27-mai-2011-Compte-rendu_a3178.html
http://retraitbaseeleves.files.wordpress.com/2011/05/motion-assemblee-de-corse.pdf
http://retraitbaseeleves.wordpress.com/corse/

(2) http://retraitbaseeleves.wordpress.com/paris/

(3) http://retraitbaseeleves.wordpress.com/2010/11/15/le-cnrbe-ecrit-aux-parlementaires/
http://retraitbaseeleves.wordpress.com/2010/11/15/cnrbe-dementis/

Voir aussi : Rubrique Education , Avis du Conseil d’Etat, Nouvelle vague de plaintes des parents, Sévère rapport de la cour des compte sur l’EN, rubrique Société, La crise morale nous touche de l’intérieur, Mobilisation contre l’arsenal répressif , On line Lire la décision relative au fichier “Base élèves 1er degré” , Lire la décision relative au fichier “BNIE”

Primaire écologiste : « L’écologie de combat » d’Eva Joly porte ses fruits

D’un rien. C’est à 69 voix qu’Eva Joly a raté sa désignation au premier tour de la primaire écologiste. L’ancienne magistrate a atteint 49,75 % des voix contre 40,22 % à l’ex-animateur de télévision, Nicolas Hulot. Les deux petits candidats, étaient loin derrière (Stéphane Lhomme 4,44 % et Henri Stoll 5,02 %).

C’est bien à un duel entre les deux écolos venus de l’extérieur du mouvement que la primaire a donné lieu. Mais la surprise est venue de l’écart qui s’est dessiné entre les deux challengers. Le score de Mme Joly a ainsi contredit tous les pronostics qui donnaient M. Hulot largement vainqueur. Les proches du père du Pacte écologique pensaient même réussir à emporter le vote dès le premier tour.

En devançant largement son adversaire, la députée européenne démontre sa capacité à mener une campagne rythmée et qui a réussi à convaincre le peuple écolo. L’ex-juge avait adopté dès le début de la campagne interne une ligne plus radicale – insistant sur son « écologie de combat » – et cela a plu tant aux militants qu’aux sympathisants qui mesurent, dans leurs combats quotidiens, que les combats écologiques sont longs et âpres.

Hulot desservi par son positionnement « ni droite ni gauche »

Nicolas Hulot, lui, n’est jamais vraiment entré dans sa campagne. Réticent d’abord à se déclarer, puis à accepter les conditions du mouvement, il a sans cesse donné l’impression qu’il tablait d’abord sur sa popularité extérieure avant de comprendre qu’il lui fallait convaincre en interne. Il semblait oublier que popularité ne veut pas dire automatiquement intentions de vote : les derniers sondages le donnaient coude à coude avec Mme Joly.

Son positionnement « ni droite ni gauche » et son souci d’être toujours consensuel l’ont desservi. Enfin sa gaffe sur son souhait initial de faire un ticket avec Jean-Louis Borloo a brouillé un peu plus son image déjà floue et pas assez à gauche. Eva Joly, elle, avait dès le départ affirmé être à gauche et dit sa volonté de passer une alliance avec les socialistes pour 2012. Un positionnement qu’Europe Ecologie-Les Verts avait largement confirmé lors de son premier congrès en juin. Les militants ont donc joué la cohérence entre leur projet et leur candidate.

Sylvia Zappi

Dans le match PS-UMP, un partout, balle au centre

Décryptage

Cela ne fait guère de doute : le match présidentiel qui va se jouer dans l’année qui vient a fort peu de chance de ressembler à la finale de la Ligue des champions qui a opposé le FC Barcelone à Manchester United ! Il arrive que le football atteigne à une sorte de perfection esthétique. Le talent, alors, efface le labeur ; la fluidité des gestes individuels n’a d’égal que leur efficacité ; la précision des mouvements collectifs fait oublier l’infinie répétition qui a permis cette maîtrise. Etonnant ballet des Catalans, contre lequel l’abnégation des Britanniques fut impuissante.

Rien de tel sur le terrain politique national. A ce stade, ce serait plutôt « 1 partout, balle au centre » entre socialistes et sarkozystes, au terme d’un début de partie trop convenu pour susciter le moindre emballement.

Prenez la présentation des équipes, samedi 28 mai. Halle Freyssinet, dans le 13e arrondissement de Paris, les socialistes étaient tous là pour approuver, à l’unanimité, leur projet 2012. Alliés, rivaux ou adversaires d’hier ou de demain, tous les caciques, tout sourire, étaient au premier rang. Seul manquait Dominique Strauss-Kahn, exclu du terrain après un très mauvais geste (présumé), comparable au fameux « coup de boule » de Zidane lors de la finale du Mondial 2006. A deux arrondissements de là, Porte de Versailles, la même scène réunissait les hiérarques de l’UMP. Y compris, main dans la main, le premier ministre, François Fillon, et le secrétaire général du parti, Jean-François Copé, qu’oppose depuis des mois une sourde et inlassable rivalité.

Ici et là, la liesse des supporteurs était aussi démonstrative et les consignes de match quasiment identiques. « Les socialistes sont prêts » et doivent « mobiliser l’esprit d’unité et de responsabilité », a lancé leur première secrétaire, Martine Aubry. « L’unité est notre force et la condition de notre victoire », assurait comme en écho M. Copé, tandis que M. Fillon mettait chacun en garde contre « les sirènes de la division ». Un partout, balle au centre, donc.

De même, le patron de l’UMP et le chef du gouvernement peuvent bien se gausser – avec délectation – des affrontements fratricides auxquels la primaire socialiste pourrait conduire. Mais ils ne sont pas davantage à l’abri des turbulences dans leur camp. Alors même que la Confédération des centres a franchi une nouvelle étape, samedi, en accueillant en son sein la Gauche moderne de Jean-Marie Bockel, M. Copé a lancé un sérieux avertissement à tous ceux qui, Jean-Louis Borloo en tête, entendent s’émanciper de la férule de l’ UMP : « Ils devront assumer les conséquences de leur choix », a-t-il menacé.

Le mimétisme ne s’arrête pas là. Les responsables de l’UMP jubilaient depuis deux semaines du coup porté aux socialistes par l’affaire Strauss-Kahn. Si, à l’instar du président de la République, ils s’imposaient assez de retenue pour ne pas paraître à la manoeuvre, ils espéraient bien tirer un solide bénéfice des malheurs de l’ancien champion présumé de la gauche. Le premier ministre l’a résumé d’une phrase, samedi à la Porte de Versailles : voilà le PS contraint de « ravaler toutes ses leçons de morale », martelées sans relâche depuis quatre ans sur le comportement du chef de l’Etat ou de tel ou tel de ses ministres.

Hélas, dès dimanche, une méchante histoire est venue démontrer que l’affaire Strauss-Kahn – en libérant la parole des femmes – n’épargne personne. Accusé d’agression sexuelle par deux anciennes employées de sa mairie de Draveil et visé, à ce titre, par une enquête judiciaire, le secrétaire d’Etat à la fonction, publique, Georges Tron, a été contraint de démissionner sans tarder. Difficile pour la majorité, dans ces conditions, d’espérer se refaire à bon compte une vertu sur le dos de la gauche.

D’autant que le bilan du gouvernement en la matière devient décidément très lourd. En moins d’un an, c’est le septième ministre qui est obligé de quitter le gouvernement ou qui en est écarté : après le permis de construire très avantageux dont avait bénéficié Alain Joyandet pour sa résidence secondaire, après les cigares de Christian Blanc, après les commodités de logement de Fadela Amara ou de Christian Estrosi, après le conflit d’intérêts d’Eric Woerth dans l’affaire Bettencourt (par épouse interposée), enfin après les trop fameuses vacances tunisiennes de Michèle Alliot-Marie, voilà maintenant, si elle est avérée, une affaire de moeurs. Cette seule énumération est accablante.

Dernier ricochet, enfin, de l’affaire Strauss-Kahn : son remplacement à la tête du FMI. Après avoir, le 25 mai, annoncé son intention de se porter candidate, la ministre de l’économie, Christine Lagarde, paraît chaque jour davantage en position de favorite. La réunion du G8 à Deauville a été l’occasion de multiples apartés qui ont fait avancer sa cause. « Tout le monde pense qu’elle ferait une très bonne directrice générale », a glissé M. Sarkozy.

Tout le monde, sauf Jean-Louis Nadal, qui n’est pas le premier magistrat venu. Début mai, en effet, l’avocat général de la Cour de cassation a demandé à la Cour de justice de la République (CJR), seule compétente en pareil cas, d’ouvrir une enquête sur la manière dont la ministre avait clos le contentieux Tapie-Adidas – Crédit lyonnais, en 2008, en faisant appel à une procédure de justice arbitrale privée. Pour le plus grand bénéfice de Bernard Tapie, indemnisé à hauteur de 285 millions d’euros.

Impavide, la ministre de l’économie assure avoir agi dans l’intérêt de l’Etat et dans le respect de la loi. Rien ne dit que, le 10 juin, la CJR répondra favorablement à la demande de M. Nadal et ouvrira une enquête pour « abus d’autorité ». Mais si elle s’engage dans cette voie, l’on imagine difficilement comment la ministre, ainsi suspectée, pourrait échapper au hors-jeu. Drôle de match, là encore, dont on peu craindre que les Français finissent par se lasser.

Gérard  Courtois (Le Monde)

Des collégiens en stage dans l’armée : retour sur un fiasco

Tribune de  Sébastien Ledoux / Enseignant et chercheur

Les collégiens au 121e régiment.Image extraite du reportage France 3 Paris

Le stage en immersion à la caserne de Monthléry s’est révélé une expérimentation hasardeuse et à l’idéologie dangereuse.

Cela s’est passé durant la semaine du 2 au 6 mai, dans la caserne militaire du 121e régiment de Montlhéry. Dix collégiens venus de l’établissement de réinsertion scolaire (ERS) de Nanterre ont été aux ordres de l’armée pendant une semaine. Ce stage en immersion était présenté par l’inspecteur d’académie des Hauts-de-Seine comme une « expérimentation de coopération entre l’Education nationale et la Défense ».

Etaient concernés des élèves exclus définitivement de leur établissement au moins une fois, et pour lesquels l’Education nationale espérait, semble-t-il, qu’une telle expérience leur apprendrait à marcher « au pas cadencé » (formule extraite d’un document de l’inspection d’académie pour ce stage), en entonnant La Marseillaise comme un seul homme à la levée du drapeau tricolore tous les matins.

Car le principe d’une immersion a été respecté à la lettre : uniforme pour tout le monde, y compris pour le personnel présent sur le terrain (dont une psychologue scolaire ! ), réveil à 5h30 du matin, garde-à-vous, hymne national, travaux d’intérêt général, apprentissage du code du soldat, parcours d’obstacles, marche à pied…

Des sorties ont aussi été organisées, notamment la visite du musée de l’Armée aux Invalides et le ravivage de la flamme du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe. L’opération de com tourne au cauchemar pour les autorités. Non, ce n’est pas un mauvais rêve. Nous sommes en France et cela se passe en 2011. On imagine la suite.

Ce fut une semaine émaillée d’incidents, d’altercations entre les élèves eux-mêmes, entre les élèves et les gradés. Insultes, coups, menaces. « C’était très difficilement gérable », reconnait même un gradé dans Le Parisien. Ainsi, la cérémonie du ravivage de la flamme sous l’Arc de Triomphe a été suivie seulement par trois élèves, les huit autres en ont été exclus, les gradés et le personnel de l’Education nationale craignant un incident… Dès le deuxième jour de stage, une journaliste de télévision qui devait tourner un reportage toute la semaine sur cette expérience s’est vue refuser la possibilité de rentrer dans la caserne.

Un tel fiasco n’avait apparemment pas été prévu ni par l’armée, ni par l’Education nationale qui avaient donné au départ l’autorisation de filmer largement pour mettre ainsi en avant un projet académique innovant. La journaliste n’a pu revenir que le vendredi, et les élèves ont alors toujours été « accompagnés » lors de leur interview ce jour-là.

Absence de réflexion et sirènes idéologiques inquiétantes

Cette « expérimentation » consternante réalisée par des fonctionnaires de l’école républicaine nous dit plusieurs choses. D’abord, l’absence de réflexion de certains responsables de l’Education nationale s’agissant des problématiques concernant les élèves en voie de déscolarisation. Au point de se bercer de douces illusions, espérant qu’un tel cadre proposé redonnerait, comme par magie, aux adolescents concernés le goût de l’effort et le sens de la discipline. Ensuite, derrière cette naïveté qui révèle un vide conceptuel sur les notions d’apprentissage et de politiques éducatives, pointent des sirènes idéologiques particulièrement inquiétantes.

Ce stage en immersion dans une caserne militaire marque la volonté de faire adhérer spécifiquement ces élèves à la nation française dont l’armée serait le dépositaire, et dont eux, issus de l’immigration, seraient dépourvus. Le parcours chaotique de la semaine de stage révélerait alors immanquablement le caractère définitivement inassimilable de ces catégories de population « pas comme nous », et qui ne « nous » veulent pas.

Les sites d’extrême droite réjouis par l’échec de l’opération

De multiples sites d’extrême droite (Fdesouche.com, Defrancisation.com entre autres) et le Front national lui-même (sur le site de la Fédération départementale de l’Essonne) ne s’y sont pas trompés en reprenant immédiatement l’article du Parisien (6 mai) qui évoquait ce stage, comme nouvelle preuve du bien fondé de leur position. Le titre « Réinsertion de la racaille : échec total » du site Françaisdefrance apparait comme un condensé de ces points de vue.

Cet événement nous montre également que les discours entendus sur les immigrés, les « jeunes des cités » et sur l’identité nationale depuis plusieurs années au sein même du pouvoir ont des effets concrets sur des politiques publiques que mènent certains agents de l’Etat sur le terrain. Les dépositaires de cet ordre du discours ne sont pas seulement des responsables académiques censés répondre aux attentes du pouvoir pour traiter ces exclus du système scolaire.

Le fait que différents agents de l’Education nationale se soient pris au « jeu » en enfilant un uniforme pendant toute la semaine face à leurs élèves n’est pas l’élément le moins troublant de cette confusion des genres.

Des réminiscences du colonialisme à la française

Les héritages de la France coloniale résident aussi dans cette intention partagée de confier ces jeunes, rebelles à l’autorité, par des soldats. Le revêtement de l’uniforme, on l’a dit, mais également les marches à pied, la mise au garde à vous, le réveil matinal, tout cela participe d’une volonté de domestiquer ces « corps-frontières », comme le définit la sociologue Nacira Guénif-Souilamas, que l’on enferme.

L’exercice de coercition n’a pu aller à terme, les soldats ne pouvant appliquer les sanctions habituelles, et en premier lieu, les séries de pompes… Mais nous sommes bien là face à une catégorisation ethno-raciale mis en œuvre dans le fonctionnement ordinaire d’un organisme public.

Ce référent ethno-racial, implicite au sein de l’Education nationale – explicite sur les sites d’extrême droite précités –, est mobilisé par ses agents pour naturaliser leurs difficultés professionnelles. Un tel stage aboutissant à un échec permet d’ailleurs de justifier le discours déculpabilisant mettant en avant le fait qu’il n’y a rien à faire avec « eux ».

Même en situation d’échec, ces jeunes sont confiés à l’école

Pour finir, envoyer ces collégiens vivre une semaine « à la dure » dans une caserne, revient à les engager eux-mêmes dans un processus de désinstitutionalisation dont ils n’ont évidemment pas besoin. Quelles que soient les fautes commises qui leur ont valu une ou plusieurs exclusions de leur établissement scolaire, ils restent des élèves dont l’institution scolaire a encore la charge.

L’école renonce à sa mission dès lors qu’elle décide – même provisoirement – de ne plus s’adresser à l’enfant comme élève, mais comme personne portant un uniforme militaire et enfermé dans une caserne. L’organisation d’un tel stage participe du processus de disqualification dont ces élèves sont l’objet dans notre société, processus dont l’Education Nationale apparait aussi comme l’un des principaux acteurs.

Rue 89

Voir aussi : Rubrique Société, Jeunesse