Les protestants solidaires des sans papiers

Le pasteur Florence Blondon

Le synode national de l’Eglise réformée de France, réuni à Toulouse début mai, s’inquiète des conséquences de la politique menée dans le domaine de l’immigration par le gouvernement Sarkozy. Les effets des quotas d’expulsion de la politique du gouvernement sont contraires aux convictions chrétiennes et peuvent être dramatiques pour les étrangers que les protestants côtoient dans leurs paroisses, au travail ou ailleurs. C’est ce que dénonce le Synode (parlement) protestant de France. Il attend aussi que les pouvoirs publics proposent des solutions humaines aux salariés sans papiers et garantissent l’égalité de chacun devant la loi.

« Localement, c’est de plus en plus difficile, indique le pasteur Florence Blondon. Il y a six mois, la police est venue arrêter des gens à la sortie de la Cimade. » L’injustice rappelle, sans souffrir la comparaison, les heures sombres de l’antisémitisme d’Etat.

« Lorsqu’ils ont arrêté les communistes, je n’ai pas élevé la voix ; lorsqu’ils ont interné les juifs, j’ai gardé le silence ; lorsqu’ils s’en sont pris aux sociaux-démocrates, je me suis tu … Lorsqu’ils sont venus me prendre, il n’y avait plus personne pour me défendre. » Ce texte écrit en 1935 par Martin Niemöller, à l’origine de l’Église confessante, mérite d’être réactualisé. Dès les années 30, les synodes allemands s’élèvent contre une prédication de l’Eglise aux ordres de l’Etat. Le mouvement de conscience donnera naissance en 1939, à la Cimade qui organise en France la résistance au régime nazi en soutenant ses victimes.

«Les protestants réformés ont toujours été très engagés sur ces questions. Beaucoup de paroissiens sont engagés dans des lieux de combat aux côtés de personnes qui ne sont pas des religieux. Mais avec le durcissement des lois qui laisse de moins en moins de failles, le savoir-faire juridique de la Cimade touche à ses limites », explique le pasteur montpelliérain. D’autres formes de solidarité se font jour. « Nombre de paroisses servent de domiciliation à des travailleurs sans papiers. » Il y a six ans, des sans papiers se sont installés au temple de la rue Maguelone. « On réfléchit sur ces sujets dans les églises. C’est important. Les paroissiens sont plus ou moins sensibles. Certains gardent une certaine distance, d’autres nous suivent ou nous précèdent. On a des enfants en situation irrégulière qui viennent parler de leur situation. Et d’autres qui n’osent pas venir. Quand on les entend, on ne peut que dénoncer ce type de politique. »

Dans ce monde où les origines religieuses sont parfois une source d’aveuglement, où le politique n’hésite pas à se rabattre sur la religion pour définir telle ou telle communauté, l’église se voit contrainte d’assumer ses responsabilités historiques. A Montpellier, le pasteur Florence Blondon suit simplement sa conscience : « Pour moi la séparation ne se fait pas entre chrétien ou non, entre croyant ou pas, je suis plus proche des gens qui se mobilisent. Avec d’autres ils m’arrivent de penser que nous n’avons pas le même Dieu. »

Les témoignages tombent partout dans le pays comme une condamnation sans appel contre la politique discriminatoire du couple Sarkozy-Hortefeux.

Au niveau national, les délégués du synode se sont élevés contre le projet de directive européenne concernant le retour des étrangers illégaux, qui banalise leur enfermement, dont la possibilité est portée à 18 mois assortis d’une interdiction de territoire européen de 5 ans. Le parlement protestant espère que la future présidence française de l’Union européenne permettra de considérer les ressortissants des pays tiers de manière humaine et digne de la Déclaration des droits de l’Homme.

Jean-Marie Dinh

L’Eglise réformée de Montpellier participe au Cercle de silence organisé à Montpellier

Couple mixte : « La police fouille dans nos sentiments »

Reportage. Dans le train qui les amène à Paris, les conjoints français d’étrangers confient les humiliations incessantes dont ils font l’objet.

Ils sont de plein droit sur le sol français. C’est leur pays et pourtant l’envie d’être heureux leur est refusée par la loi. C’est ainsi qu’ils ont rejoint le collectif pour la défense du droit à une vie familiale des couples mixtes, initié par la Cimade de Montpellier sous la bannière évocatrice Les Amoureux au Ban public. Seize d’entre eux, époux et épouses français de sans papiers, ont pris le train mercredi pour la capitale, direction le Sénat et l’Assemblée nationale. L’idée d’une intervention collective des conjoints auprès des parlementaires donne une autre portée à la démarche. « Et puis au moins on sait qu’ils ne risquent pas de se faire ramasser à la descente du train », précise le responsable régional de la Cimade, Jean-Paul Numez.

Dans le TGV qui les conduit à Paris où les députés débattent du nouveau projet de loi sur l’immigration, les langues se délient. « Je connais mon mari depuis 2003. Il est entré légalement. Nous sommes mariés depuis 14 mois. Ca n’a pas été facile, ils sont venus l’arrêter à domicile deux jours avant notre mariage. Le tribunal administratif a annulé l’arrêter de reconduite à la frontière. Mais la préfecture refuse de lui délivrer un certificat de long séjour, explique Delphine. En juillet dernier, la police a multiplié les descentes, nous avons dû nous éloigner. On vit dans la peur, les enfants ne comprennent pas. »

Beaucoup font état des exactions commises par l’administration française dans leur vie personnelle. D’autres regardent le paysage qui défile en silence, conscients du durcissement qui se joue à l’Assemblée, alors qu’ils se trouvent déjà en prise à des embûches kafkaïennes. Plus que la colère, c’est l’incertitude ravageuse qui se lit sur les visages. Celle d’une situation qui rend tous ces amoureux vulnérables, à la merci d’une administration suspicieuse régie par l’arbitraire.

Vivre dans la peur

La loi exige que les maires saisissent le procureur de la République de tous les mariages mixtes. Celui-ci demande systématiquement une enquête de police ou de gendarmerie pour évaluer la capacité au mariage mais sans plus de précision. « On doit se justifier. C’est très humiliant quand la police fouille dans vos sentiments, confie une femme de 35 ans. Ils m’ont demandé où vous êtes-vous rencontrés pour la première fois ? Mon mari est libraire. A la papeterie, ai-je répondu.  Quelle est le nom de cette papeterie m’ont-il demandé, et là, je ne sais pas pourquoi, j’ai eu un trou. Le dossier a été rejeté. » Le plus souvent les refus ne sont pas justifiés. Il n’y a pas de critères objectifs. « Je suis mariée depuis quatre ans, mon mari est algérien, il est entré en France avec un titre de plein droit. Nous nous sommes mariés, il a obtenu une carte de 4 mois. Nous n’avons jamais reçu sa carte d’un an. Au bout de deux ans, je suis allée à la préfecture pour savoir pourquoi. La gendarmerie est venue faire une enquête à la maison. Ils ont constaté qu’il n’y avait pas de photo de nous sur les murs. Que nous n’avions pas d’enfant et pas de compte commun et  ont conclu au mariage de complaisance ! J’ai attaqué devant le tribunal administratif qui a suspendu la décision. Mais nous sommes toujours coincés. Nous attendons les papiers. »

Quitter la France

« Vous ne cherchez pas la situation, elle vient vers vous. » témoigne un cadre financier à la retraite. Il a choisi d’être du voyage pour soutenir sa fille. « Elle était dans une école internationale. Il y avait de fortes chances pour qu’elle rencontre un étranger, constate-t-il. Magali a rencontré un Tunisien. Ils s’aiment et comptaient se marier en juin. Quitte à le faire dans un pays qui accepterait leur union, mais ma fille a trouvé un poste à responsabilité à Cannes. Du coup ils sont passés dans la clandestinité parce que la préfecture refuse de renouveler le visa de mon futur beau-fils. C’est absurde et inacceptable. Et je sais bien qu’il existe des situations beaucoup plus difficiles. Moi je vais les encourager à quitter la France. »

Préoccupante réalité

Le train des amoureux arrive à la gare de Lyon. Direction l’Assemblé nationale où les Montpelliérains et les Nîmois rejoignent d’autres conjoints parisiens. Françoise de la Cimade de Marseille explique qu’une arrestation a retenu les Marseillais sur place. Aux abords de l’Assemblée, le groupe se scinde en deux, sous le regard vigilant du service de sécurité. Une partie des amoureux prend la direction du Sénat où ils seront reçus par le groupe PS en charge de l’immigration. L’autre rencontrera le député UMP Etienne Pinte qui s’est distingué de son groupe sur cette question et le député PCF Patrick Braouzec qui souhaite défendre un amendement dans l’après-midi. Devant les parlementaires attentifs, chacun prend la parole succinctement pour expliquer sa situation et les humiliations vécues. Les membres de la Cimade ponctuent les explications de courts commentaires techniques sur les dossiers. L’opération ne vise pas à régler les dossiers individuels mais à informer les élus sur la préoccupante réalité du terrain.

Il est déjà l’heure de quitter les palais de la République pour le retour. A l’Assemblée, les débats se poursuivent. Tout est ficelé. Tard dans la nuit, le projet de loi sur l’immigration, le plus régressif et radical depuis les années les plus sombres de la France passe comme une lettre à la poste. Seuls 45 députés ont voté contre le retour du droit du sang. Les amoureux au ban public se séparent en gare de Montpellier « Je sais que je ne suis pas plus avancée sur mon dossier, dit Audrey dont l’aimé est coincé au Maroc, mais cette journée m’a redonné du punch. » On promet de se revoir très bientôt.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Société, citoyenneté, rubrique Politique de l’immigration,

Patrick Chaudet « L’efficacité passe par l’équilibre »

patrick-chaudetEntretien avec Patrick Chaudet. Le nouveau directeur départemental de la sécurité publique qui vient d’être nommé entend redresser l’image de marque du commissariat de Montpellier.

Dans quel état d’esprit appréhendez-vous le cadre de vos nouvelles fonctions ?

Je suis assez serein, parce que je trouve une situation correspondant à ce que j’imaginais. Joël Guenot que je connais bien, m’en a souvent parlée. Elle est plutôt favorable.

Avez-vous des priorités face à la diversité des missions qui sont les vôtres ?

Il y en a deux, qui sont la lutte contre la petite et moyenne délinquance et la lutte contre l’insécurité routière qu’il faut maintenir dans le département. La priorité, c’est aussi que la police soit réactive par rapport aux événements, comme à l’égard d’elle-même. Il est important que l’image de marque du commissariat soit bonne pour les partenaires qui travaillent avec nous, parce que le problème de la sécurité ne relève pas seulement de la police, c’est l’affaire de tous.

Comme au niveau national, la situation se caractérise par une réduction des délits de voie publique, mais une hausse des violences faites aux personnes ?

C’est vrai que statistiquement ces infractions augmentent, mais il faut comprendre que le législateur a augmenté le nombre d’incriminations dans ce domaine. Ce qui fait que l’on a une vision un peu déformée du nombre de faits concernés. Autrefois, les coups et blessures volontaires étaient poursuivis lorsqu’il y avait une incapacité de travail supérieure à huit jours. Pour protéger la sphère familiale, le législateur a considéré que les cas de violence étaient des délits. Donc, fatalement, ces infractions augmentent artificiellement les statistiques. S’agissant des vols avec violence, je note qu’ils n’ont globalement pas augmenté depuis cinq ans. Mais rien n’est jamais vraiment acquis.

Quel est l’équilibre à trouver  entre le répressif et le préventif ?

L’équilibre, c’est d’abord la dissuasion, c’est-à-dire une présence policière visible. C’est aussi établir une bonne complémentarité entre les services de l’Etat et les services locaux. Ce qui implique des diagnostics pertinents sur la délinquance et permet d’impliquer tout le monde. Dissocier la prévention de la répression est une erreur.

Faut-il renforcer la présence policière dans les quartiers sensibles ? Doit-on avoir recours à un personnel plus expérimentés ?

Les gens plus expérimentés, on les voudrait partout, mais il faut faire avec les moyens que l’on a. Avec le mouvement massif de départ à la retraite, on est dans une période de rajeunissement de nos effectifs. Il ne doit pas y avoir de zone de non-droit. Les quartiers ne doivent ni être abandonnés, ni surfliqués. Je pense qu’à Montpellier, les choses sont assez équilibrées.

Quelle place tient le rôle de l’orientation politique en matière de sécurité ?

La sécurité ne relève pas seulement d’une fonction politique, même si elle reste une fonction régalienne de l’Etat. Dans la loi sur la prévention de la délinquance, le maire dispose désormais d’un rôle très important. Mais c’est aussi l’affaire des associations d’aide aux victimes qui sont impliquées notamment dans l’accueil des personnes victimes de violence. Le politique donne les moyens et les orientations, mais la sécurité implique aussi les citoyens qui doivent faire preuve de vigilance et de solidarité.

Après Outreau, on vient de voir paraître le décret d’application qui supprime le critère protéiforme de trouble à l’ordre public. Qu’est ce que cela vous inspire ?

Selon ma conviction personnelle, je pense que ce n’est pas une bonne mesure. Surtout pour les infractions graves. Prenons un exemple : quelqu’un en état d’ivresse tue quelqu’un. Si une information est ouverte, sans le recours au trouble à l’ordre public, cette personne sera remise tout de suite sous contrôle judiciaire et peu recommencer demain. Je crois que cela va handicaper les magistrats dans leurs actions.

Comment développer la capacité d’anticipation des services de police marqués par une culture de réaction ?

Certains idéologues considèrent que la police est réactive mais pas proactive. Pour moi, c’est un faux problème. Proactif, cela veut dire que l’on anticipe les problèmes. C’est sûr qu’on dispose d’un bon contact avec la population qui nous permet de savoir si des tensions sont en train de naître. C’est le rôle des renseignements généraux de jouer les météorologues de la sécurité et de la situation sociale. Dès lors que la police est présente et efficace sur l’ensemble d’un territoire, cela lui permet de mesurer les degrés de tension. La police est à la fois réactive et proactive.

Vous avez déclaré que la police ne doit pas être critiquable. Avez-vous fait des recommandations dans ce sens au service de la BAC souvent mis en cause ?

Toute action de police peu à un moment ou à un autre être mis en cause sur ses méthodes ou sur son action. Je veillerais à ce que les principes de déontologie soient respectés et que les principes d’action soient dans le droit. Il n’est pas acceptable que des violences ne soit pas légitimes, même s’il y a aussi parfois des réactions disproportionnées par rapport à l’événement. Je ne veux pas que, sous le prétexte de l’efficacité, on se permette des dérives. Et ça, j’y veillerais.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique société statistiques de la délinquance dans l’Hérault, hausse de la violence des jeunes en question, Affaires Affaire Villiers-le-Bel,

Petit-Bard. S’achemine-t-on vers une incroyable indulgence ?

Délinquance en cols blancs au Petit-Bard. Un rapport épluche les graves errements des anciens syndics

Au moment où la copropriété du Petit-Bard vient d’être divisée en neuf, le volet judiciaire mettant en cause les trois syndics sur la période 1999/2001 qui s’empoussiérait sur le bureau du juge d’instruction depuis 31 mois, risque tout bonnement de passer à la trappe.

Un peu tardivement certes, le juge d’instruction Youl-Pailhes a fait entrer au dossier, le rapport d’expertise civil Trabé et celui réalisé par une enquête du SRPJ qui épluchent les graves errements des syndics et évaluent partiellement les préjudices soufferts par la copropriété du Petit Bard. Mais le juge n’envisage pas de donner suite à la plainte des copropriétaires et locataires. Le dossier Trabé révèle pourtant d’étonnantes irrégularités : honoraires prélevés indûment par les administrateurs pouvant être qualifié d’abus de confiance, travaux réalisés par des salariés de la copropriété dans les appartements privés des gestionnaires, nombreux surcoûts constatés dans les charges, comptabilité à trous, forte présomption de détournement financier… La liste des abus émanant des trois syndics qui se sont succédé entre 1999 et 2001 est édifiante. Le préjudice financier constaté sur cette période est estimé à 157 566F

Si la réalité des dépenses effectuées dans un autre intérêt que celui de la copropriété était avérée, de tels agissements seraient d’ailleurs susceptibles de recevoir une qualification pénale » note l’expert mandaté par le TGI. « Le même tribunal a déjà eu à considérer un abus de confiance commis par un des gestionnaires à l’encontre de cette copropriété mais seulement sur 51% des sommes que l’expert considère avoir été perçues indûment. La responsabilité pénale peut donc être encore recherchée » estime l’avocat Stéphane Fernandez qui a fait une demande d’actes au nom de la partie civile afin que l’enquête soit poursuivie. Le temps de la justice étant, comme l’on sait, une arme redoutable, les périodes antécédentes sont tombées sous le coup de la prescription. Le président de la chambre d’instruction de La Cour d’Appel, Georges Moitié, doit rendre maintenant une ordonnance pour dire s’il y a lieu ou non de donner suite à cette demande. S’il la rejette il ne restera plus aux plaignants qu’à deviser et se répéter la phrase de Saint-Just : «  rien ne ressemble à la vertu comme un grand crime. »

Jean-Marie DINH

Voir aussi :  Rubrique Justice Syndic Petit bard Bien loin des comparutions immédiates