«Videz votre compte en banque ! » : l’appel de Cantona monte en puissance

Les banquiers après le krac

34 000 personnes disent, sur Facebook, vouloir participer à ce retrait massif d’argent le 7 décembre. François Baroin juge le mouvement «grotesque et irresponsable»

Va-t-il faire sauter la banque ? Economistes et spécialistes du monde bancaire s’accordent pour dire que l’appel d’ aux Internautes à vider en masse leurs comptes courants relève de l’utopie. Pourtant, le mouvement continue de prendre de l’ampleur sur Internet. 19 000 le 27 novembre, 30 000 le 2 décembre, plus de 34 500 le 4 décembre. Le nombre de personnes qui ont proclamé leur «participation» sur Facebook au mouvement initié par l’ancienne star du ballon rond ne cesse d’enfler.

Sur la page du réseau social intitulée «Révolution! Le 7 décembre on va tous retirer notre argent des banques», l’appel de l’ancien de est relayé en ces termes : « Parce que visiblement aujourd’hui manifester ne sert plus à rien pour se faire entendre de nos élites dirigeantes et que le pouvoir est tenu par les banques, allons tous d’un seul homme retirer notre argent des banques et fermer nos comptes épargne et pension le 7 décembre 2010».

cantonaL’appel de Cantona, relayé sur la toile, peut-il vraiment inquiéter les géants bancaires ? Jeudi, certains sont sortis de leur réserve comme le directeur général de BNP Paribas, Baudoin prot, qui affirmait «mal fondé» sur le plan bancaire cet appel. Le président de la Fédération bancaire française (FBF), François Pérol, a pour sa part expliqué ne pas croire que l’appel «traduise un malaise» des Français, mais estime qu’il «ne rend service à personne».C’est le 6 octobre dernier, dans un entretien au quotidien Presse-Océan, qu’Eric le Rouge avait prôné une «révolution». Le principe : une déferlante de retraits massifs dans les banques. Le résultat : faire en sorte que «le système s’écroule», expliquait Cantona. Jeudi, dans un entretien au journal Libération, l’ex footballeur était clair : «Le 7 décembre, je serai à la banque». «Le système tient par les banques, il doit être détruit par les banques. Et si 20 millions de personnes retirent leur argent, tout s’écroule. C’est une révolution sans armes, ni sang», rajoutait l’acteur, bien décidé à ne pas laisser passer ce casse du siècle.

Du côté des politiques, chacun tente un appel au calme. , Ministre de l’économie tentait mercredi un tâcle, rappelant que si Cantona était un «immense footballeur», il n’était pas…banquier. Ce samedi, François Baroin lui a même adressé un carton rouge : «C’est grotesque et irresponsable. Cantona en conseiller financier, ce n’est pas très sérieux (…) A chacun son métier, et les vaches seront bien gardées!», a brocardé le ministre du Budget dans une interview à France-Soir.

Reste que 99% des Français possèdent un compte en banque et que Cantona profite d’une cote de popularité inébranlable. Si les «participants» Facebook se donnent réellement rendez-vous, cela risque de causer des désagréments dans les agences bancaires… mais pas de quoi renverser un système fort de ses 40 000 agences et 53 000 distributeurs de billets.

Le Parisien

Un appel « Mal fondé » et « insécuritaire » pour Directeur général de BNP Paribas…

Le directeur général de BNP Paribas, Baudoin Prot, a jugé jeudi l’appel de l’ex-footballeur à retirer son argent des banques « mal fondé » et « insécuritaire ». M. Prot a indiqué respecter le « grand sportif et son souci de s’intéresser aux questions de pauvreté », mais a affirmé que « sur le plan bancaire », cet appel était « typiquement mal fondé ». « La recommandation de retirer les dépôts est totalement insécuritaire » tout en étant « complètement contraire à ce qui peut assurer le fonctionnement de l’économie », a-t-il ajouté.

Le directeur général de BNP Paribas s’exprimait lors du lancement du « Concept Store » à Paris, un nouveau format d’agence lancé par la banque. M. Prot a souligné que les 400.000 salariés du secteur en France « méritent davantage de reconnaissance que cet appel », rappelant que « les banques françaises sont au service de toutes les clientèles ». En outre, a-t-il dit, « les banques françaises n’ont aucunement contribué aux origines de la crise » et les aides de l’Etat de l’époque n’ont rien « coûté aux contribuables ».

Dans une vidéo sur internet, l’ancien joueur vedette de affirme que « s’il y a 20 millions de gens qui retirent leur argent, le système s’écroule », jugeant que « la révolution se fait par les banques ». Cet appel a donné des idées à des internautes qui ont créé une page sur Facebook sur laquelle plus de 27.000 personnes affirment vouloir participer à l’événement spécialement créé: « Révolution! Le 7 décembre, on va tous retirer notre argent des banques ».
M. Prot a affirmé qu’il n’avait mis en place aucune « campagne » ou « action particulière », pour cette échéance.

S’exprimant sur cette affaire sur RMC, le ministre du Budget et porte-parole du gouvernement François Baroin a jugé de son côté que « ce serait comique si ce n’était tragique », jugeant cet appel « pas sérieux ». « C’est un très bel avant-centre. Il n’a pas fait la Coupe du monde (1998, ndlr). Il n’a pas été sélectionné par Aimé Jacquet (sélectionneur de l’ à l’époque, ndlr). Il y a sûrement des raisons à cela », a dit M. Baroin.

AFP

A gauche les politiques prennent leur distance

Mélenchon sur France Info. Selon lui, ce n’est pas « la bonne stratégie ».Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) et Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) se sont démarqués vendredi de l’appel de Cantona à retirer massivement l’argent des banques le 7 décembre, estimant que provoquer la faillite du système bancaire n’était pas la bonne solution. « Je ne sais pas si on gagnerait quelque chose à une faillite générale et instantanée du système. Je me représente la chose autrement, avec des élections, avec des programmes », a déclaré M. « En même temps, je ne perds pas de vue que Cantona se moque de tout le monde, et il a bien raison », a toutefois ajouté le leader du Parti de gauche. « Il montre que ce système est un tigre de papier » qui « ne marche que par la peur que nous avons de lui et la soumission des gouvernements aux banquiers ».

Pour Nathalie Arthaud (LO), la solution pour empêcher les banquiers de « nuire » serait plutôt de les « mettre sous contrôle » en les expropriant. « Le problème c’est que les banques, on en a besoin, elles sont utiles », a-t-elle fait valoir sur LCI. « Mais par contre les banquiers qui transforment les salles de banque en casino, eux on doit le leur interdire. Et c’est pour ça que nous, nous sommes pour l’expropriation des banques, pour qu’elles soient fusionnées en une seule » afin de les mettre « véritablement au service de la population et de l’économie », a expliqué la porte-parole du parti trotskiste.

Mercredi, avait jugé « séduisant » l’appel d’mais pour le porte-parole du NPA, « s’attaquer aux banques n’est qu’une partie du problème » et « la réalité, c’est que beaucoup de ceux qui rêveraient de le faire n’ont plus forcément de l’argent sur leur compte en banque ».

Quand le chercheur cultive la pensée unique

Frédéric Martel. Photo DR

Essai. Frédéric Martel entreprend une enquête fouillée sur la culture de masse à travers le monde.

Dans Mainstream, Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, le chercheur et journaliste Frédéric Martel, a mené une enquête sur la culture grand public dans trente pays. L’auteur analyse le jeu des acteurs, les logiques des groupes et suit la circulation des contenus sur cinq continents.

Un ouvrage riche en information pour aborder le fonctionnement et les enjeux de la culture de masse à travers le monde. Dans ce nouveau schéma du capitalisme culturel, les médias, Internet et la culture sont étroitement mêlés. On apprend beaucoup sur le modèle de production de contenu qui reste l’apanage des Etats-Unis. Avec 50% des exportations mondiales de contenu de bien ou de service culturel et d’information, le géant américain domine le secteur sans avoir vraiment de concurrence. Mais tout en usant de barrières protectionnistes efficaces sur leur marché intérieur, les Chinois se sont mis aux travail et leur fusée culturelle décolle. L’Inde, l’Indonésie, L’Arabie Saoudite sont dans la course. On assiste aussi à une montée significative des pays émergents comme le Brésil qui mise sur Internet et le potentiel de la jeunesse de sa population. L’Europe apparaît bien fragile. L’auteur évoque une juxtaposition de cultures nationales fécondes qui peinent à s’exporter.

Frédéric Martel s’oppose  à la lecture néo-marxiste qui considère que l’important pour analyser l’industrie créative est de savoir qui détient le capital et qui est le propriétaire des moyens de production avec le présupposé que celui qui les possède les contrôle. La nature de ses recherches démontre  que l’articulation entre créateurs, intermédiaires, producteurs et diffuseurs s’inscrit désormais dans une organisation interdépendante plus complexe. Reste que la nouvelle grille de lecture prônée par l’auteur ne propose rien d’autre qu’une adaptation à la financiarisation de l’économie. L’ensemble du livre repose sur une structure qui répond à « une guerre mondiale des contenus », une forme de pendant à la vision géopolitique du Choc des civilisations. On garde espoir qu’il existe d’autre manière de concevoir la modernité que sous l’angle de l’uniformisation culturelle.

Jean-Marie Dinh

Mainstream, éditions Flammarion, 455p, 22,5 euros

Invité des rencontres Sauramps, Frédéric Martel a présenté son dernier livre à l’Université Montpellier 3.

Voir aussi : Rubrique politique culturelle, Crise et budgets culturels, l’effet domino, Garder des forces pour aller à l’efficace, Régionales : visions croisées sur l’enjeu de la culture , le modèle français,

Le Parlement irlandais sera dissous après le vote du budget 2011

à l'heure de la crise

Au lendemain de l’annonce du plan d’aide à l’Irlande de l’Union européenne et du Fonds monétaire international, le premier ministre irlandais Brian Cowen a finalement cédé aux pressions de plusieurs partis réclamant la tenue d’élections anticipées. Après s’être réuni avec ses ministres, le chef du gouvernement a annoncé lundi soir qu’il entendait faire adopter le projet de budget 2011 au Parlement le 7 décembre prochain et dissoudre le « Dail », le Parlement, en janvier, comme le réclamaient des membres de sa coalition.

Arrivé au pouvoir quand l’Irlande est entrée en récession et tenu pour responsable de la crise, le premier ministre se trouve dans une position de plus en plus incertaine. Le plan d’aide, dont l’approbation a été officialisée dimanche soir, est perçu par une partie de la population et de la presse comme une perte de souveraineté pour Dublin ; les mesures de rigueur qui seront annoncées mercredi risquent d’écorner encore plus l’image du « Taoiseach » (premier ministre).

Lundi matin, les Verts, membres de la coalition gouvernementale, ont appelé à des élections générales en janvier prochain. « La semaine passée a été traumatisante pour l’électorat irlandais. Le peuple se sent trompé et trahi, a estimé le chef des Verts, John Gormley dans un communiqué qui ouvre une brèche au sein de la coalition au pouvoir. Le peuple irlandais a besoin de certitude politique (…). Donc nous pensons qu’il est temps de programmer des élections générales pour la deuxième quinzaine de janvier 2011. »

Au sein même du Fianna Fail, le parti de Brian Cowen, des parlementaires estiment, selon le Guardian, que M. Cowen devra renoncer à ses fonctions de Taoiseach peu après la mise en place du plan de rigueur, estimant que sa crédibilité a été durablement éreintée.

L’opposition – notamment le parti Fine Gael, première formation d’opposition, et le Parti travailliste – a quant à elle réclamé la dissolution immédiate du Parlement, avant la discussion du budget 2011, mais le premier ministre n’a pas suivi leur demande. Le Fine Gael a notamment exprimé le souhait dans un communiqué qu’un nouveau gouvernement soit en place à la mi-décembre pour « préparer le projet économique pour les quatre prochaines années, achever les négociations avec l’UE et le FMI et cadrer un budget pour 2011 ».

Les chances pour le Fianna Fail de garder la majorité au Dail après les élections sont quasi nulles, à en croire les sondages. Selon une enquête publiée dimanche, le parti ne recueille que 17 % des intentions de vote et les Verts 3 %, loin derrière le Fine Gael (33 %), les travaillistes (27 %) et le Parti nationaliste de gauche Sinn Fein (11 %).

Troisième budget d’austérité

Le mécontentement de la population irlandaise et de l’opposition porte en particulier sur le plan de rigueur, qui sera annoncé mercredi et qui vise à économiser sur quatre ans 15 milliards d’euros, afin de ramener à 3 %, comme le veut l’UE, un déficit public qui est aujourd’hui de 32 %. Les Irlandais en sont déjà à leur troisième budget d’austérité : plus de 100 000 suppressions d’emplois publics sont prévues, ainsi que des coupes dans les allocations chômage et familiales. Le nouveau plan de rigueur devrait aller encore plus loin en touchant au salaire minimum, jusqu’alors tabou.

Le Monde et AFP

Voir aussi : Rubrique UE Le vote Irlandais deuxième, rubrique Finance Les contribuables européens au secours des banques irlandaises Rubrique Finance La crise de la zone Euro mode d’emploi, Barnier rassure les fonds spéculatifs, Les banquiers reprennent leurs mauvaises habitudes, Un an après la city zen, rubrique UE sous pression, L’europe répond au marché, rubrique Société GB Les Britanniques à l’heure du travail forcé, Grèce Plan d’austérité inefficace et dangereux, Livre Kerviel dénonce sa banque , Susan Georges de l’évaporation à la régulation, Aux éditions la Découverte La monnaie et ses mécanismes, Les taux de change,

Derrière les morts du Mediator, des soupçons de collusion

medicsLe Mediator, un médicament pour diabétiques en surpoids produit par les laboratoires Servier et interdit depuis novembre 2009, aurait causé entre 500 et 1 000 morts, selon l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Mardi, cette agence a recommandé aux personnes ayant suivi un traitement à base de Mediator pendant plus de trois mois de consulter leur médecin. Mardi après-midi, Xavier Bertrand a appelé « tous ceux qui ont pris du Mediator » à « consulter un médecin ». L’avocat de plusieurs victimes évoque un « scandale sanitaire », alors que des connaisseurs du dossier dénoncent une interdiction trop tardive du médicament et le rôle joué par l’Afssaps elle-même. Le Mediator est un médicament réservé à l’origine aux diabétiques en surpoids. Son effet coupe-faim en a peu à peu fait l’un des médicaments les plus prescrits aux patients souhaitant maigrir. La molécule benfluorex, qui fait partie de la famille des fenfluramines et rentre dans la composition du Mediator, appartient à une famille cousine des amphétamines. Le médicament est commercialisé depuis 1976 par le groupe Servier — deuxième groupe pharmaceutique français après Sanofi-Aventis. Il a longtemps été l’un des produits phare du laboratoire : 88 % des ventes mondiales ont été réalisées en France (en 2007, il était le 44e médicament le plus vendu dans l’Hexagone) ; deux millions de patients français en ont pris entre 1976 et 2009, selon les chiffres du député socialiste Gérard Bapt, qui a travaillé sur le sujet ; 7 millions de boîtes étaient encore vendues en 2009 et remboursées par l’assurance-maladie à hauteur de 65 %. Selon les estimations de M. Bapt, qui a travaillé sur le sujet, ce médicament aura généré un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros pour le groupe Servier.

En un peu plus de trente ans, entre 500 et 1 000 personnes seraient mortes des pathologies liées à la prise du médicament : ces données proviennent d’une estimation de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et ont été relayées par l’Afssaps. Selon la même source, les effets secondaires du Mediator sont graves — maladies des valves cardiaques ainsi que des cas rares d’hypertension pulmonaire. Ils perdurent au-delà de la période de prise du médicament et entre 150 et 250 hospitalisations seraient directement liées à une toxicité du Mediator chaque année en France. Pour l’avocat Charles Joseph-Oudin, qui représente douze victimes qui ont décidé d’attaquer le laboratoire Servier, ces chiffres confirment l’existence d’un « scandale sanitaire majeur ». En 1997, le New England Journal of Medicine publie un article détaillant les effets nocifs du dexfenfluramine sur les valves cardiaques. La même année, les fenfluramines — dont le célèbre coupe-faim Isoméride, également vendu par Servier — sont interdites aux Etats-Unis et en Europe. Le Mediator, qui n’est commercialisé qu’en Europe, échappe à l’interdiction, alors même que sa parenté avec les coupe-faim interdits est connue.

Le médicament est finalement retiré du marché français le 30 novembre 2009 par l’Afssaps, et la décision définitive d’interdiction prise le 14 juin 2010 par l’Agence européenne du médicament. L’interdiction fait notamment suite aux travaux menés à partir de 2006 par le docteur Irène Frachon qui mettent en évidence le rôle du Mediator dans les valvulopathies diagnostiquées chez les patients utilisant le médicament. Cette pneumologue au CHRU de Brest a raconté dans un livre — Mediator 150 mg (Editions-dialogues.fr) présenté dans Le Monde en juillet 2010 — l’inertie des autorités sanitaires et la façon dont le laboratoire Servier s’est employé à repousser l’interdiction. Lequel laboratoire obtiendra de la justice, en juin, le retrait du sous-titre du livre au motif qu’il causerait des dommages aux laboratoires Servier… si le médicament était remis en vente.

C’est la question que pose sans relâche le député Gérard Bapt, par ailleurs médecin cardiologue. « Pourquoi le Mediator échappe-t-il [en 1997] à la proscription générale des fenfluramines ? Son appartenance à cette famille était pourtant anciennement connue !, écrivait-il en août 2010 dans une tribune au Monde. Le premier cas de valvulopathie sous Mediator est décrit en France en 1999, sans qu’une suite soit donnée. Le premier cas espagnol décrit en 2003 amène son interdiction dès 2005. Deux ans plus tard, Servier ne demandera pas le renouvellement de l’AMM [autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Afssaps] en Italie. En France, (…) il est seulement demandé de nouvelles études. » Directement mise en cause, l’Afssaps se défend. Selon Fabienne Bartoli, l’adjointe du directeur général, « l’établissement a mis le médicament sous surveillance dès 1997, mais a concentré ses recherches sur les cas d’hypertension artérielle-pulmonaire, et non sur les pathologies des valves cardiaques », celles que provoque majoritairement le Mediator. Mais pour l’avocat Charles Joseph-Oudin, l’Afssaps a surtout joué le jeu du laboratoire Servier, contestant toutes les études qui auraient pu mener à une interdiction plus rapide.

Un avis que le député Bapt partage, évoquant une « insensibilité française au risque » : « Nous avons été le dernier pays au monde à interdire le Distilbène. » Dans le cas du Mediator, « l’Afssaps prétend n’avoir pas trouvé de raisons d’interdire le médicament. Mais si on ne cherche pas, on ne trouve pas : jamais l’Afssaps n’a fait part aux médecins de ses doutes, alors que ce sont eux qui, par leur nombre et leur proximité avec le patient, peuvent fournir les informations qui permettent d’évaluer la nocivité d’un médicament. Que Servier diffuse des contre-vérités, c’est une chose, mais que l’Afssaps lui serve de relais… »

Cette mission est au cœur du travail de cet établissement public, mais de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer son fonctionnement, estimant que celui-ci ne garantit pas une prise de décision indépendante. C’est notamment le cas d’Irène Frachon, qui a dû mener de son propre chef les études ayant amené à l’interdiction du Mediator puis batailler pour se faire entendre pendant de longs mois : « Les raisons de ce retard sont multiples, mais reposent essentiellement sur une gestion qui n’est pas satisfaisante des conflits d’intérêts au sens large et des pressions » au sein de l’Afssaps, explique-t-elle dans un chat au Monde.fr.

En cause dans ces « pressions » évoquées par la praticienne, le financement de l’organisme. En 2005, une commission d’enquête du Sénat avait dénoncé le désengagement de l’Etat dans cette structure censée pourtant être indépendante : « En 2003, les ressources de l’Afssaps provenaient pour 83 % de l’industrie pharmaceutique et pour seulement 6,4 % de l’Etat » écrivait la commission d’enquête. Conclusion des sénateurs : « N’étant plus soutenue financièrement par l’Etat, l’Afssaps n’ose plus prendre de décisions contrariant un tant soit peu les intérêts immédiats des firmes. (…) La préservation de la santé de l’industrie pharmaceutique semble ainsi passer avant celle des patients. » Aujourd’hui, l’Afssaps dépend à 100 % des laboratoires pour vivre, même si, rappelle Fabienne Bartoli, cet argent est récolté par l’Etat via une taxe puis attribué à l’établissement, « exactement comme l’impôt ».

Gérard Bapt critique quant à lui à le climat d’« opacité » dans lequel les décisions de l’agence sont prises, et leur caractère « anonyme ». Il dénonce surtout la « collusion » existant entre les laboratoires pharmaceutiques et les organismes de contrôle : « Le trésorier de la société française de pharmacologie, qui a plus que son mot à dire dans les interdictions, est le directeur scientifique de Servier ; M. Servier lui-même a été fait grand-croix de la Légion d’honneur par Sarkozy… [le 31 décembre 2008]«  Autre exemple apporté par M. Bapt et développé dans ce courrier adressé en août au directeur général de l’Afssaps, Jean Marimbert : Gérard Bapt y fait part de sa « stupeur » d’avoir découvert que des courriels échangés entre deux membres de la commission d’autorisation de mise sur le marché au sujet du Mediator et des travaux d’Irène Frachon étaient également adressés « aux représentants du laboratoire Servier ». Des mails envoyés « sous le coup de la colère d’avoir été traînés dans la boue », justifie Fabienne Bartoli, colère que les deux membres voulaient partager avec leurs « pairs » du groupe pharmaceutique. Me Charles Joseph-Oudin, qui estime que « la question de la collusion se pose dans cette affaire », dit de son côté « envisageable » de poursuivre l’Afssaps dans ce dossier où le groupe Servier est déjà poursuivi au civil.

Benoît Vitkine Le Monde

Voir aussi Rubrique Santé Guerre mortelle aux kilos superflus, Entretien avec Patrick Pelloux, On line, D’autres scandales sanitaires

Accord a minima en vue au G20

Les Etats-Unis ont affiché ouvertement leur discorde sur la question des changes.

Les dirigeants du G20, réunis en sommet à Séoul, s’orientaient vendredi vers la conclusion d’un accord limité permettant de réduire les tensions, notamment entre les Etats-Unis et la Chine, sur les changes et les déséquilibres économiques.

Les progrès des discussions sont « très encourageants », a déclaré un haut responsable américain à la presse, à quelques heures de la clôture de la réunion. Le communiqué final, attendu pour 16 heures, va « réduire quelque peu la pression et les tensions que nous avons vues » et décevoir ceux qui prédisaient que le sommet allait s’achever sur un constat de divisions, a souligné ce responsable, sous couvert d’anonymat.

Le texte devrait être assez semblable, mais sans doute plus fort, que le communiqué adopté lors de la réunion des ministres des Finances du G20 fin octobre à Gyeongju (Corée du Sud), a-t-il précisé. « D’une certaine manière, le langage sera plus fort », a-t-il souligné. Les ministres des Finances s’étaient engagés à éviter toute dévaluation compétitive et à favoriser des taux de change davantage déterminés par le marché.

Les discussions pour rapprocher les points de vue à Séoul ont été particulièrement difficiles. Elles ont duré jusqu’à 3 heures vendredi entre négociateurs des dirigeants du G20, selon le porte-parole du sommet. « La Chine se montre très difficile dans la phase d’adoption des textes », a indiqué jeudi soir un haut responsable européen, sous couvert d’anonymat. Hôte du sommet, le président sud-coréen Lee Myung-Bak en a appelé à la responsabilité de chacun. « Nous apprécierions que tous les pays fassent des concessions », a-t-il déclaré avant la première réunion vendredi matin.

Yuan

La chancelière allemande Angela Merkel avait laissé entendre la veille que l’accord s’annonçait comme un compromis limité entre les pays à fort excédent commercial, dont l’Allemagne ou la Chine, et les pays fortement déficitaires, comme les Etats-Unis, qui ont affiché ouvertement leur discorde. Plus question de fixer des objectifs chiffrés, comme le réclamaient les Etats-Unis. « Il y a maintenant une option largement acceptée prévoyant que nous examinions plutôt les indicateurs structurels », comme les facteurs démographiques ou la législation du travail dans chaque pays, avant de se prononcer sur les déséquilibres, a assuré Angela Merkel. Les ministres des Finances du G20 seront chargés de travailler en ce sens, a-t-elle précisé.

Le président américain Barack Obama avait de son côté indiqué mercredi que le communiqué final du sommet ferait référence à des « mécanismes », qu’il n’a pas détaillés, devant permettre « d’identifier et d’encourager une croissance équilibrée et durable ». Le président chinois Hu Jintao a pour sa part présenté à ses homologues un plan en quatre points dont l’objectif est d’assurer une croissance mondiale « forte, durable et équilibrée ». Il s’était engagé jeudi devant Obama à continuer sur la voie d’une réévaluation du yuan, réclamée avec insistance par Washington. Mais, a-t-il averti, cela ne pourra se faire que dans un « environnement extérieur favorable » et de manière progressive.

Berlin, Pékin et d’autres capitales ont accusé les Etats-Unis d’égoïsme en faisant tourner la planche à billets, via l’injection de 600 milliards de dollars supplémentaires, favorisant ainsi la faiblesse du dollar au détriment de leurs économies. Cette politique vise à « stimuler la croissance » aux Etats-Unis « mais aussi à l’étranger », a rétorqué jeudi Obama. La veille, il avait déjà assuré qu’une forte reprise américaine était « la meilleure contribution » que les Etats-Unis pouvaient faire à la croissance mondiale.

AFP

Voir aussi : Rubrique Finance, La décision de la Fed suscite des critiques,