Une tentative d’assassinat, des millions d’euros transitant par des circuits opaques, des élections municipales annulées, la cinquième fortune de France mise en cause, et voilà la ville de Corbeil-Essonnes qui tremble, à trois mois de nouvelles échéances électorales.
Qui sont les principaux protagonistes ?
Serge Dassault. Il a donné son nom à l’affaire. Industriel multimilliardaire, propriétaire du Figaro, Serge Dassault se retrouve aujourd’hui empêtré dans une histoire à multiples fronts judiciaires. Maire de Corbeil-Essonnes entre 1995 et 2009, il est soupçonné d’avoir mis en place un système clientéliste visant à garantir la paix sociale dans les quartiers sensibles de la ville et à acheter les votes de l’électorat populaire afin d’assurer sa réélection à la tête de la ville. En 2009, le conseil d’Etat a annulé son élection pour dons d’argent.
Jean-Pierre Bechter. Il est le bras droit de Serge Dassault. Administrateur de la Socpresse, la société qui possède le Figaro, il a pris la suite de l’industriel à la mairie de Corbeil-Essonnes après l’invalidation de son élection en 2009. Son élection est annulée cette même année après que la mention « secrétaire général de la fondation Serge Dassault » sur le bulletin de vote ait été jugée non conforme. Il est finalement élu maire en 2010. Aujourd’hui, la justice s’interroge afin de déterminer si des achats de votes ont eu lieu pendant sa campagne.
Younès Bounouara. Aujourd’hui incarcéré pour tentative d’assassinat, il a été l’homme de main de Serge Dassault dans les quartiers sensibles de Corbeil-Essonnes pendant de nombreuses années. Serge Dassault a reconnu sa proximité avec lui, ainsi que le rôle qu’il avait joué afin de lui permettre d’entrer en contact avec des familles des Tarterêts, l’un des quartiers sensibles de la ville. En 2011, Serge Dassault lui a donné 2 millions d’euros. D’après l’industriel, il s’agissait de l’aider à investir en Algérie. « Comme il m’avait pas mal aidé, et que je ne lui avais jamais donné d’argent, je lui ai dit OK », a affirmé le sénateur au Journal du dimanche.
Certains considèrent qu’il était destiné à acheter des votes et donc à rétribuer les intermédiaires du système. Younès Bounouara est soupçonné d’avoir gardé cet argent pour lui, suscitant jalousie et convoitise. C’est dans ce contexte qu’en février il a tiré sur un homme, Fatah Hou, le blessant grièvement. Lui affirme qu’il était victime de menaces de la part d’un « gang qui pense que Dassault [lui] a donné beaucoup d’argent pour [qu’il] redistribue ».
Fatah Hou. Boxeur de 32 ans, il connaît le système Dassault de l’intérieur. Il fait partie d’une équipe qui a filmé clandestinement Serge Dassault. Pour sa part, M. Hou affirme ne pas avoir été à l’origine, ni avoir été le détenteur des vidéos dont des extraits ont été relayés par des médias et où on entend Serge Dassault évoquer le versement d’importantes sommes d’argent. Il se dit persuadé cependant qu’il a été pris pour cible car il voulait « balancer le système ». En novembre, les avocats de Serge Dassault ont déposé plainte à Evry pour « appels téléphoniques malveillants réitérés, tentative d’extorsion de fonds, chantage, menaces, recel et complicité de ces délits » visant Fatah Hou et René Andrieu.
René Andrieu. Ancien proche de Serge Dassault, il est l’un des premiers à l’avoir introduit dans les quartiers populaires de la ville. Cet homme de 62 ans, ancien braqueur, a longtemps travaillé pour l’édile avec les jeunes des Tarterêts. Accusé aujourd’hui de faire partie d’une équipe de maîtres-chanteurs, il était avec Fatah Hou quand celui-ci a été visé par les tirs de Younès Bounouara. Il serait à l’origine de la vidéo clandestine révélée par Mediapart, ce qu’il s’est toujours refusé à confirmer.
Quelles sont les enquêtes en cours ?
De nombreuses enquêtes judiciaires sont en cours à Evry et à Paris. Chaque partie assure être la victime et a déposé des plaintes en ce sens, à l’image de M. Dassault qui a de nouveau saisi la justice de « menaces » et d’un chantage dont il se dit la victime.
A Evry, les juges enquêtent sur deux tentatives d’assassinat dans le cadre de procédures distinctes. La première concerne celle qui a visé Fatah Hou. C’est dans cette procédure que Serge Dassault et Jean-Pierre Bechter ont été entendus. La seconde concerne les tirs dont a été la cible Rachid Toumi, un jeune homme de Corbeil-Essonnes. Il dénoncera ensuite dans le Parisien le système d’achat de votes auquel il a participé liant à ce contexte la tentative d’assassinat dont il a été victime.
Après une enquête préliminaire, une information judiciaire est ouverte à Paris en mars 2013 pour corruption, abus de biens sociaux, blanchiment et achat de votes présumés aux élections municipales, entre 2008 et 2010. Dans sa décision annulant l’élection municipale de 2008, le Conseil d’Etat avait tenu pour « établis » des dons d’argent aux électeurs, sans se prononcer sur leur ampleur. Les juges financiers en charge de ce dossier ont demandé au bureau du Sénat, qui doit se prononcer mercredi 8 janvier, de lever l’immunité parlementaire de Serge Dassault.
Vendredi 5 janvier, comme l’a révélé France Inter, Fatah Hou a porté plainte auprès du parquet d’Evry, notamment pour association de malfaiteurs, une procédure qui vise Serge Dassault, son successeur à la mairie Jean-Pierre Bechter, un employé municipal et un diplomate marocain. Il les soupçonne d’avoir ourdi un stratagème pour le faire arrêter au Maroc et l’éloigner ainsi de Corbeil-Essonnes. Le parquet peut classer cette plainte, joindre les faits reprochés à une des enquêtes en cours à Evry, ou diligenter une enquête préliminaire avant d’éventuellement saisir des juges.
Après des plaintes d’enfants de Serge Dassault victimes d’appels malveillants, une information judiciaire est ouverte à Paris le 24 janvier 2013. Trois frères, originaires de Corbeil-Essonnes, ont été mis en examen à la fois pour appels téléphoniques malveillants, tentatives d’extorsion de fonds, atteintes à l’intimité de la vie privée ou encore violation du secret des correspondances et des communications téléphoniques. Le sénateur UMP Olivier Dassault fait partie des plaignants.
Une enquête préliminaire est en cours au parquet de Paris pour extorsion en bande organisée, après des prêts accordés par M. Dassault à des habitants de Corbeil-Essonnes. Cette enquête a été confiée à l’Office central de lutte contre le crime organisé (Oclo).
Deux plaintes ont été déposées le 4 novembre par Serge Dassault pour « appels téléphoniques malveillants réitérés, tentative d’extorsion de fonds, chantage, menaces, recel et complicité de ces délits », l’une à Evry visant René Andrieu et Fatah Hou, l’autre à Paris visant Mamadou K., mis en examen dans le dossier d’appels malveillants.
Quel rôle jouent les enregistrements ?
Depuis plusieurs années déjà, alors que les rumeurs d’achats de votes n’ont fait qu’enfler, de nombreuses vidéos tournées clandestinement et mettant en cause Serge Dassault circulent dans la ville. Certaines d’entre elles ont été publiées dans les médias. Ce fut d’abord le cas d’une vidéo diffusée par Canal Plus dans laquelle plusieurs jeunes viennent demander de l’argent à Serge Dassault pour financer des projets d’entreprises.
Puis en septembre, Mediapart a révélé des extraits d’une autre vidéo où l’avionneur échange avec René Andrieu, et reconnaît avoir donné de l’argent de manière illégale à Younès Bounouara. L’intégralité de la vidéo a ensuité été mise en ligne par le JDD. Pour l’entourage de Dassault, ces vidéos n’ont qu’un seul but, le faire chanter afin qu’il continue à distribuer de l’argent.
Mercredi 8 janvier, à la demande des magistrats qui instruisent le volet financier de l’affaire, le bureau du sénat doit examiner la demande de levée d’immunité du sénateur UMP de l’Essonne. C’est la condition sine qua non pour que les juges puissent l’entendre dans le cadre d’une garde-à-vue. Les magistrats d’Evry avait fait unedemande similaire mais ils s’étaient heurté, en juillet 2013, au refus du Sénat qui lui-même s’était rangé à l’avis défavorable du parquet général.
Lire : Le Sénat refuse de lever l’immunité parlementaire de Serge Dassault
A l’issue d’une éventuelle garde-à-vue, Serge Dassault pourrait être mis en examen pour « corruption », « abus de biens sociaux », « blanchiment » ou encore « achat de votes », des infractions passibles de peines de prison ferme.
Depuis la révélation par Mediapart d’une vidéo dans laquelle Serge Dassault reconnaît avoir donné de l’argent à Younès Bounouara via le Liban, ses avocats ont ouvert plusieurs front judiciaires pour expliquer que leur client était avant tout une victime. Pour Me Jean Veil, l’un de ses conseils, cela ne fait aucun doute. Il en veut pour preuve les menaces dont il a fait l’objet encore récemment. Il a ainsi déposé plainte le 8 septembre dernier après avoir reçu des SMS d’insultes et de menaces de mort.
Concernant les dons d’argent M. Dassault a assuré au JDD qu’il n’avait pas « le billet facile. Ce que j’ai fait, après 1995, après être devenu maire, c’est d’aider les gens à travailler. Il m’est arrivé de donner de l’argent, mais jamais sans raison. J’ai acheté un camion à l’un, une pizzeria à un autre, des choses comme cela. Tout ce que j’ai financé, je l’ai financé avec mon argent personnel et toujours officiellement » démentant par ailleurs tout système d’achat de votes.
Le nouveau Papivore s’appuie sur quatre fidèles lieutenants pour contrôler la Socpresse. Chacun a son rôle pour influencer, gérer les finances, communiquer ou déjouer les pièges.
Pas une ligne ni même un mot dans le Who’s who.Rien dans les bases biographiques diverses. Pas une photographie dans les banques d’images. Très peu de traces sur Internet. Cités de temps à autre, généralement entre deux virgules, les membres de la garde rapprochée de Serge Dassault cultivent une discrétion qui confine à l’organisation secrète. À croire que pour ses affaires de presse, le patron de la Socpresse s’appuie sur des individus aussi dévoués à leur maître que les soldats de la Vieille Garde l’étaient à l’empereur ! Jean-Pierre Bechter, le politique, Philippe Hustache, le financier, et Rudi Roussillon, le communicant, se rencontrent formellement autour de Dassault, chaque mardi matin, pour parler des affaires de presse. En réalité, les contacts ne cessent jamais. Pas une journée sans que Serge Dassault ne mobilise ses lieutenants, le plus souvent via des textos, tôt le matin et jusqu’à 1 h 30 de la nuit, vacances et week-ends compris.
Jean-Pierre Bechter, le politique.
Il est administrateur de la Socpresse et duFigaro,patron de la Semif (Société d’édition de médias d’information franciliens, la société éditrice duRépublicain de l’Essonne,deLa Gazette du Val-d’Oiseet deToutes lesNouvelles de Versailleset de Rambouillet). Quasiment inconnu dans la presse, jusqu’à la prise de contrôle de la Socpresse par Serge Dassault en 2004, d’une discrétion absolue par nécessité autant que par inclination, Jean-Pierre Bechter est le principal artisan de ce coup de maître. C’est lui qui a mené de bout en bout les délicates négociations avec l’ensemble des héritiers de Robert Hersant. C’est encore lui qui faisait l’interface avec Yves de Chaisemartin, l’ex-PDG du groupe, récent candidat malheureux à la reprise des Nouvelles de Versailles et deLa Gazette du Val-d’Oise.C’est toujours Jean-Pierre Bechter qui a géré l’aspect politique et fiscal du dossier. Sa simplicité cordiale, ses relations au sommet de l’État, son sens politique et son carnet d’adresses, réputé l’un des meilleurs de Paris, ont fait merveille.
Belle prestance, l’oeil bienveillant sous un large front dégarni, ce sexagénaire fils d’un gendarme corrézien est tombé très jeune dans la politique. En 1986, il entre à l’Assemblée nationale comme député RPR de Corrèze, suppléant de… l’actuel président de la République. Installé dans le douzième arrondissement de Paris dans les années quatre-vingt, il en est depuis conseiller municipal et fut adjoint au maire. Il est actuellement vice-président du groupe UMP de la capitale. Imaginatif et plein d’idées, gros travailleur coutumier des journées de 15 heures, Bechter a la bonhomie communicative, aussi bien à droite qu’à gauche de l’échiquier.« L’homme est assez agréable de rapport »,confirme Christophe Nadjovski, conseiller vert du 12e. On ne lui connaît qu’un seul ennemi déclaré : Jean de Gaulle, petit-neveu de Charles et son compétiteur à droite lors des récentes municipales, qu’il rend responsable de l’échec de cette dernière, à mille voix près, dans son arrondissement fétiche.
Philippe Hustache, le financier.
Patron des finances du groupe Dassault, il est aussi administrateur de la Socpresse, duFigaro,deL’Express,de Valmonde (Valeurs actuelles, Le Spectacle du monde,etc.) et duJournal des finances.Ancien directeur financier d’Elf de 1985 à 1994, en pleine période de l’affaire Elf, Philippe Hustache n’a été inquiété à aucun moment par la justice. Requis par le parquet, il a expliqué au tribunal le jeu des commissions de la compagnie pétrolière.
Installé depuis 1994 au rond-point des Champs-Élysées auprès de Serge Dassault, cet inspecteur des finances sexagénaire travaille entouré d’une dizaine de collaborateurs seulement. Pas de consultants, pas de grands cabinets, Hustache s’appuie sur des circuits courts. On le présente comme un génie de la gestion, des finances, du contrôle de gestion, mais aussi des structures de société. C’est lui qui s’est attelé à la tâche titanesque de simplification des cascades de sociétés de la Socpresse, issues des rachats successifs effectués par Robert Hersant et pieusement conservées depuis par ses successeurs.« Une immense rigueur et une droiture extrême »,dit de lui un cadre de Dassault Aviation.
Bernard Monassier, le notaire.
Bernard Monassier, administrateur de la Socpresse, est le conseil et le notaire de Serge Dassault depuis 1986. Ce sexagénaire à grosses lunettes est le propriétaire de la première étude française. Passé du droit notarial au droit commercial, il a su mettre un incontestable sens des affaires au profit de ses clients, sans oublier le sien. Son étude parisienne compte 70 collaborateurs, auxquels s’ajoutent quelque 600 employés de 24 études associées en France et 17 bureaux de représentation à l’étranger.
Il est l’oeil juridique et fiscal de Serge Dassault. C’est lui qui avait tiré la sonnette d’alarme sur le projet d’échanges de participations avec le groupe Bouygues, décelant un piège dans le projet de ce dernier de monter à la minorité de blocage. Avec le financier Hustache, le notaire Monassier s’attache à démêler l’écheveau de… 197 sociétés existant sous le holding Socpresse.
Rudi Roussillon, le communicant.
Il est administrateur de la Socpresse, du Figaro, de L’Expresset président de la Société de gestion du Figaro.Rudi Roussillon figure aussi dans le personnel de la Semif et occupe la vice-présidence du groupe Valmonde et celle de la Société du Journal des finances.
Présent depuis neuf ans aux côtés de Serge Dassault, Rudi-Pierre Johnston-Roussillon pour l’état civil, gère la communication et les relations extérieures du patron. Cordial et fin, Rudi Roussillon joue avec un art consommé du discours officiel et de l’information confidentielle… contrôlée. Il accompagne Dassault dans certains rendez-vous politiques, auprès des instances de presse ou des étudiants, il gère ses interviews dans les médias, aplanit les émois suscités parfois par les appréciations à l’emporte-pièce de l’avionneur.
L’homme parle volontiers de tous les sujets, sauf de son passé de communicant, dans les années 1980, dans le giron du Parti républicain et de ce que l’on appelait alors la « bande à Léo » (François Léotard, Alain Madelin et Gérard Longuet). Lui aussi tient à rester dans l’ombre.« Vous ne trouverez aucune photo de moi,prévient-il.Je les ai toutes fait enlever. »Recherches faites, c’est vrai, pour lui comme pour ses compagnons. Pour le public, les lieutenants de Dassault n’ont pas de visage.
Information traitée dans Stratégies Magazine n°1352
Fort de trente ans d’expérience opérationnelle, l’Etat hébreu s’est imposé comme le premier exportateur mondial de drones militaires. Une longueur d’avance que le pays s’efforce de conserver.
On se croirait sur le plateau de tournage d’un film de science-fiction. Mais l’engin futuriste qui trône dans le bureau d’études tout en longueur de la start-up Urban Aeronautics, nichée dans la zone industrielle de Yavne, au sud de Tel-Aviv, n’est pas sorti de l’imagination d’une poignée de doux rêveurs. Fruit de onze années de recherche (soit 37 brevets au compteur) et de 20 millions de dollars d’investissements, l’hélicoptère sans pilote « Air Mule », financé en partie par le ministère israélien de la Défense, ambitionne d’apporter aux flottes militaires une solution totalement inédite. Avec deux rotors intégrés à son châssis, cet aéronef « tout-terrain » à décollage et atterrissage vertical, a été conçu pour voler à basse altitude en milieu urbain, afin de permettre aux armées de ravitailler leurs contingents et d’évacuer leurs blessés. Deux types d’interventions qui échappent encore au rayon d’action des drones militaires spécialisés dans des missions de surveillance ou de combat. Sans doute pas pour très longtemps.
Derrière le projet d’Urban Aeronautics, dont le lancement commercial est prévu à l’horizon 2018, se trouve le gotha de la filière. Le fondateur de la jeune pousse, Rafi Yoeli, soixante et un ans, est passé par les rangs de l’entreprise étatique « Israel Aerospace Industry » (IAI). Ce champion national est à l’origine du Heron, le système d’avion sans pilote Male (moyenne altitude longue endurance) ayant servi de base aux quatre drones Harfang – issus d’une coopération avec EADS – que possède la France. Ce docteur en aéronautique a aussi officié chez Boeing avant de créer la société à l’origine des minidrones Skylark, qu’il cédera au groupe israélien Elbit Systems, l’autre grand nom du secteur, coté au Nasdaq. « Notre équipe ne compte pas moins de trois ingénieurs ayant participé à Scout, le premier programme d’appareils télécommandables lancé par Israël », souligne l’inventeur de la « Mule », bien décidé à poursuivre sur cette lancée. « L’Etat hébreu a inventé le concept des drones. Le pays a été le seul à occuper le créneau pendant une quinzaine d’années. La même chose se produira avec la nouvelle catégorie d’appareils sans pilote que nous cherchons à promouvoir. »
La leçon de la guerre de Kippour
C’est un fait que nul ne conteste. Israël est devenu le premier exportateur mondial de drones militaires, qu’il utilise depuis près de trente ans pour protéger son territoire. Selon une étude du cabinet Frost & Sullivan publiée en mai, le pays a vendu pour quelque 4,6 milliards de dollars de drones tactiques (d’observation) ou stratégiques (dotés de capacités offensives) entre 2005 et 2012 : une catégorie qui pèse près de 10 % de ses exportations de matériel militaire. A titre de comparaison, les firmes américaines – traditionnellement tournées vers leur marché domestique – arrivent en seconde position, avec un chiffre de 2,9 milliards de dollars sur la période. Totalisant près de 1 millier de drones vendus dans 42 pays utilisateurs (à 80 % par IAI), l’Etat hébreu a pu, il est vrai, fonder son leadership sur une expérience opérationnelle inégalée.
« Ce n’est pas un hasard si l’idée du drone militaire, qui a récemment démontré son efficacité au Mali, en Irak ou en Afghanistan, est née en Israël. Notre pays a dû livrer très tôt des conflits asymétriques et affronter des organisations terroristes dotées d’armes avancées », fait valoir Yaki Baranes, du bureau israélien de Frost & Sullivan. Pour comprendre l’origine de la success-story des drones israéliens, il faut se rendre dans les locaux de la division Malat (avions sans pilote, en hébreu) du fabricant IAI. C’est dans l’enceinte de ses ateliers sécurisés, situés à quelques encablures de l’aéroport international Ben Gourion, que la technologie des drones a été imaginée de A à Z, dans le sillage de la débâcle de la guerre de Kippour survenue voilà tout juste quarante ans.
« L’offensive surprise des forces égypto-syriennes de 1973 avait coûté la vie à environ 200 pilotes et hommes d’équipage israéliens. C’est alors qu’une petite équipe d’ingénieurs dont je faisais partie s’est mise à concevoir une sorte de caméra volante, susceptible de transmettre des informations en temps réel et de permettre à l’armée de mener des opérations en 4D. Au sein d’IAI, c’est un euphémisme, peu de gens ont cru au projet », raconte au terme de quarante ans de carrière, le franco-israélien David Harari, artisan de la division Malat, et ex-vice-président de la R&D du groupe.
En 1977, IAI signe toutefois un premier contrat avec le ministère de la Défense et le programme national d’appareils sans pilote peut prendre son envol. « Scout » fait rapidement ses preuves. « L’armée israélienne a été l’une des premières à comprendre qu’il lui fallait changer de doctrine militaire et intégrer cet outil à son système de renseignements », poursuit le « père » des drones israéliens.
Si ces derniers sont utilisés pour la première fois lors de la guerre du Liban de 1982, c’est la guerre du Golfe de 1991 qui en fait décoller les ventes à l’international. Après avoir livré une centaine de drones de reconnaissance Pioneer à la marine américaine, IAI met au point son produit best-seller le système Heron 1 (inauguré en 1994). Cet engin totalise dix-huit clients dans le monde, et s’est vendu à 150 exemplaires (une trentaine de modèles sont en cours de livraison), dans une fourchette de 20 à 50 millions de dollars en fonction des charges utiles et des options. A savoir des caméras optiques et thermiques, des radars et autres viseurs laser qui constituent le nerf de la guerre, et le principal poste budgétaire de l’appareil. « Le principal avantage de notre modèle Male est de proposer un système ouvert et flexible. Le client peut choisir d’installer son propre système d’informations. Ou d’utiliser le matériel d’IAI. Puisque nous sommes un des rares fabricants à effectuer des transferts de technologies », explique Jacques Chemla, l’actuel directeur de Malat, un autre pionnier de l’industrie des drones, qui fut à l’origine de la technologie israélienne « d’atterrissage et de décollage » automatique.
La volte-face française
Une réponse à peine voilée à la décision française, annoncée peu avant l’été, d’acquérir douze drones de fabrication américaine Reaper (General Atomics), pour le renouvellement de ses drones Male. Plutôt que se fournir en Heron TP, le dernier né d’IAI (mis en service en 2010), capable de frappes lointaines, et dont la « francisation » devait être assurée par Dassault. Conçu dans le cadre programme national associant Elbit Systems et le missilier Rafael, cet appareil qualifié pour emporter une tonne de charge utile qui intéresserait notamment l’Allemagne, n’a pas encore trouvé son premier client à l’export. Cette situation n’inquiète pas outre mesure la division Malat : le délai avait été de six ans pour le Héron 1. En revanche, la volte-face française est présentée côté israélien comme une décision allant à l’encontre de toute logique industrielle. « Non seulement la francisation du Reaper est une utopie, prévient-on dans l’entourage de l’avionneur, mais jamais l’armée de l’air française n’aura accès au coeur du système (d’espionnage) américain. L’Union européenne s’offense de l’affaire Snowden, alors comment Paris peut-il prendre le risque d’introduire le loup dans la bergerie ? » A en croire Jacques Chemla, il reste néanmoins acquis qu’Israël ne pourra conserver son avantage dans les drones militaires « qu’en continuant à partager sa technologie ». A fortiori, dans un environnement de plus en plus porteur…
Un diagnostic confirmé par son concurrent issu du secteur privé, Elbit Systems. Comme IAI, le groupe de Haïfa qui assure 85 % de l’équipement de l’armée de l’air israélienne en drones tactiques avec son modèle Hermès 450, constate que la place des drones ne cesse de croître au sein des forces aériennes. Pour Tsahal, qui a mobilisé pour la première fois sa flotte de Heron lors de l’opération menée en 2008 dans la bande de Gaza, l’évolution est nette : le nombre de missions assurées par des avions sans pilote, au coût moindre que celui des avions de combat, devrait passer de 50 à 80 % dans les décennies à venir. Une tendance observée au plan mondial et que les coupes claires dans les budgets défense ne peuvent que renforcer. « Le marché des drones militaires reste promis à une belle croissance, mais il nous faut saisir de nouvelles opportunités, en particulier du côté des pays émergents » pointe Danny Israeli, en charge du développement commercial de la branche d’appareils sans pilote (UAS) d’Elbit. Fournisseur de drones tactiques de l’armée de terre britannique en coopération avec Thalès, la firme a annoncé voilà deux ans un accord de coopération stratégique dans le secteur des avions sans pilote avec le constructeur brésilien Embraer.
Afin de rester dans la course, la filière doit aussi redoubler d’efforts en matière d’innovation. Investissant le quart de sa R&D dans le secteur des drones, IAI joue à fond la carte de la miniaturisation, avec son modèle Bird Eye (4 kilos), exporté depuis six ans, qui tient dans un sac à dos et peut être lancé avec un lance-pierres en caoutchouc. « A terme, l’avionique du Heron tiendra dans un boîtier de la taille d’un téléphone portable », prédit Jacques Chemla. Parmi les avant-projets mobilisant les nanotechnologies : le drone papillon qui sera opérationnel dans un peu plus d’un an. Pesant moins de vingt grammes, le « Butterfly » a été mis au point par Dubi Benyamini, un ingénieur d’IAI spécialisé en microrobotique, par ailleurs président de la société israélienne des lépidoptères… Autre piste de réflexion : le développement de satellites tactiques à usage militaire, sachant qu’il est aussi techniquement possible de produire des drones capables de sortir de la stratosphère avec des capteurs de très longue portée.
Reste que la filière des drones israéliens lorgne sur un autre débouché à fort potentiel : le marché des applications civiles. « Pour l’heure, on se heurte à des obstacles majeurs en matière de réglementation comme sur le plan technique puisqu’il n’existe pas encore de système d’évitements de type « sense and avoid », souligne-t-on chez Elbit. Mais il est évident que l’on se tient prêt à effectuer des transferts de technologies (du militaire vers le civil) de façon à accompagner cette révolution. » C’est aussi l’avis de Rafi Yoeli, l’ingénieur d’Urban Aeronautics qui envisage à terme de lancer une version civile de son engin pour desservir le secteur agricole ou intervenir lors de catastrophes naturelles. Même si sa priorité du moment reste d’introduire le premier son drone ambulance (et ravitailleur) pour accompagner les guerres du futur…
Les points à retenir
Les drones militaires israéliens ont été utilisés pour la première fois lors de la guerre du Liban, en 1982. Mais c’est la guerre du Golfe, en 1991, qui a fait décoller les ventes à l’international.Via ses deux fabricants IAI et Elbit Systems, Israël a vendu pour quelque 4,6 milliards de dollars de drones tactiques ou stratégiques entre 2005 et 2012.Les firmes américaines en ont vendu pour 2,9 milliards sur la période.D’après l’armée israélienne, le nombre de missions assurées par des avions sans pilote devrait passer de 50 à 80 % dans les décennies à venir.
Le procureur général de Thaïlande a annoncé qu’il comptait poursuivre l’ancien Premier ministre Abhisit Vejjajiva pour meurtre.
La situation politique thaïlandaise devient de plus en plus tendue. Hier soir, le procureur général de Thaïlande a annoncé qu’il comptait poursuivre l’ancien Premier ministre Abhisit Vejjajiva pour meurtre en liaison avec son rôle dans la répression des manifestations de 2010. A l’époque, le chef du gouvernement, qui est repassé dans l’opposition depuis la défaite en 2011 de son parti démocrate, avait autorisé les forces de sécurité à intervenir pour déloger des manifestants fidèles à Thaksin Shinawatra, l’ancien homme fort du pays vivant en exil depuis un coup d’état militaire de 2006. Les affrontements entre les différents camps avaient alors fait 90 morts et plus de 1.900 blessés. « Les preuves montrent que leurs ordres ont poussé d’autres personnes à commettre des meurtres et des tentatives de meurtres », a expliqué, hier, Nanthasak Poonsuk, le porte-parole du bureau du procureur général.
Les proches d’Abhisit Vejjajiva ont immédiatement condamné cette décision et accusé le procureur de répondre à des ordres politiques du gouvernement qui est actuellement emmené par Yingluck Shinawatra, la sœur de Thaksin. Selon eux, l’accusation pour meurtre devrait effrayer les dirigeants de l’opposition et les inciter à soutenir le grand projet de loi d’amnistie actuellement proposé par l’exécutif. Ce texte, qui vise officiellement à refermer les années d’affrontements sanglants entre une élite urbaine liée au Parti démocrate et le mouvement plus populiste de la famille Shinawatra, très populaire dans les campagnes pauvres du royaume, effacerait l’ensemble des charges retenues contre tous les responsables politiques de l’époque et pourrait ainsi permettre le retour dans le pays de Thaksin, qui avait notamment été reconnu coupable, après sa chute, de plusieurs faits de corruption.
Pour l’instant, le Parti démocrate assure qu’il ne soutiendra pas le texte d’amnistie et que ses responsables feront face, devant la justice, aux accusations de meurtre.
Après une attaque du groupe de narcotraficants, les proches des victimes ont laissé ces croix et photos en leur mémoire. Reuters/Daniel Becerri
Les Origines des Zetas
Les Zetas (Les « Z »), ont été créés à la fin des années 1990 par des militaires d’élite de l’armée mexicaine -les Grupos Aeromóviles de Fuerzas Especiales (GAFE)-, spécialisés dans la contre-insurrection. Ils se sont d’abord mis au service d’Osiel Cárdenas Guillén, chef du cartel du Golfe, l’une des principales organisations de narcotrafiquants du Mexique, dont ils sont devenus le bras armé.
« Z »
Le fondateur des Zetas, Arturo Guzmán Decenas, qui utilisait le nom de code de « Z-1 » lorsqu’il était au service de la Police judiciaire fédérale, est à l’origine du nom pris par le groupe. Il avait, selon le quotidien mexicain El Universal, réussi à corrompre les principaux chefs de la police fédérale de l’Etat de Tamaulipas. Quand Guzmán Decenas est abattu en 2002, Heriberto « El Lazca » Lazcano prend la relève.
L’autonomie
Après la capture d’Osiel Cárdenas en 2003, puis son extradition quelques années plus tard, le groupe des Zetas se sépare progressivement du cartel du Golfe, ce qui provoque un sanglant conflit entre narcotrafiquants dans l’est et le nord du Mexique. Dès 2009, les Zetas sont considérés par le gouvernement américain comme le cartel le plus avancé technologiquement, le plus sophistiqué et le plus dangereux du Mexique », selon CNN.
Ses activités criminelles
En raison de ses origines, l’activité du cartel des Zetas n’est pas principalement axé sur la drogue à la différence des autres groupes mafieux mexicains. Il pratique les enlèvements, le racket de la population, le trafic d’armes, le blanchiment d’argent et la piraterie. Son aire d’influence couvre tous les Etats proches du Golfe du Mexique.
Un groupe ultra Violent
Le groupe est à l’origine de nombreuses exactions. Les Zetas sont considérés comme responsables du massacre de 72 migrants d’Amérique centrale et du Sud, retrouvés les mains liés dans le dos, dans la cour d’un ranch de l’Etat du Tamaulipas, en août 2010. Ils sont aussi les auteurs de l’incendie volontaire d’un casino de Monterrey, au nord du Mexique, qui a fait 52 morts en 2011. Apparemment, parce que le patron refusait le racket auquel il était soumis.
Décapité à plusieurs reprises
Avant l’arrestation de Miguel Angel Treviño, dit « Z-40 », lundi, une douzaine de chefs des Zetas ont été arrêtés ou abattus par la police, dont celui qui dirigeait le groupe depuis 2002, Heriberto « El Lazca » Lazcano. Si son arrestation le conduit hors de la voie du cartel, Treviño devrait donc bientôt avoir un successeur.