Rencontre Sauramps. « L’homme qui s’est perdu » de Francesc Trabal, le 28 avril à l’auditorium Musée Fabre.
Francesc Trabal (1899-1957), journaliste catalan républicain, exilé à l’issue de la guerre civile en France puis au Chili, nous ouvre les portes du surréel dans son roman L’homme qui s’est perdu. L’ouvrage vient de paraître dans la collection tinta blava créée par Llibert Tarrago qui a rejoint les éditions Autrement. Il est traduit de sobre et belle façon par la journaliste montpelliéraine Marie-José Castaing. Cette ahurissante histoire narre l’ascension fulgurante de l’entreprise de Lluis Frederic Picàbia. Elle entraîne le lecteur dans un jeu vertigineux. Il importe, pour compréhension des règles, d’enjamber les frontières de la raison, ce qui place résolument l’auteur catalan dans l’espace de la littérature vivante. La vie du jeune bourgeois barcelonais Lluis Frederic, bascule le jour ou sa fiancée le quitte. Accablé, le jeune homme décide de faire de la perte son mode de vie. Ce véritable défi prend forme sur le mode binaire de choses à perdre et à retrouver. Les objets où les choses perdues par Lluis Frederic sont variables et ses expériences toujours plus extravagantes. L’essence de la pensée surréaliste plane dans ce roman qui nous conduit aux quatre coins de la planète en bousculant les puissants codes de la propriété et de l’esthétique bourgeoise. Mu par une irruption émotive, le personnage principal jouit d’une capacité d’adaptation étonnante qu’il met à profit dans des projets toujours plus imprévisibles. Devenu un grand professionnel désintéressé Lluis Frederic va tenter le top, et il va l’atteindre, sauf imprévu…
Jean-Marie Dinh
L’homme qui s’est perdu. Editions Autrement, 15 euros.
Une littérature captivante de l’ancienne civilisation aux chroniques urbaines contemporaines
Culture politique et esthétique populaire
L’Egypte a toujours tenu une grande place dans l’imaginaire collectif. Le dynamisme de la culture du pays traverse les millénaires. De Ramsès à Cléopâtre en passant par le panarabisme de Nasser et son rôle dans le mouvement des non alignés. Avec sa tirade « Soldat du haut de ces pyramides quarante siècles vous contemplent», Napoléon himself, décrit avec étonnement le tableau qui se trouve devant lui. Mais ce que retient l’histoire prête toujours à caution. Les collections égyptiennes du Louvre ne doivent rien à l’expédition de Bonaparte. Dans la petite histoire on apprend que battus par les soldats de la couronne britannique, les Français remirent aux vainqueurs toutes les antiquités. Dans Turbans et chapeaux, Sonallah Ibrahim offre une vision égyptienne de la campagne napoléonienne avec la profondeur et le sens de l’ironie qui lui est propre.
Après le retrait de l’armée napoléonienne, les échanges culturels entre les deux pays se poursuivent dans le mouvement égyptien de « la renaissance ». Beaucoup d’étudiants égyptiens prennent le chemin de Paris, ce qui contribue à un important mouvement de traduction. A partir de 1882, la domination politique anglaise va renforcer l’influence culturelle française sous forme de protestations nationalistes des intellectuels.
Suivent la prise de conscience nationale qui voit l’abdication du roi Farouk en 1952 et l’arrivée de Nasser deux ans plus tard. Puis une succession de guerres : 1956, 1967 et 1973. Durant cette période, c’est dans ce pays en mutation que les écrivains égyptiens décrivent la société pour contribuer à la changer. Ce qui participe avec des auteurs comme Mahfouz a reconfigurer l’expression de langue arabe. L’aspiration à la liberté du peuple égyptien trouve sa place dans la littérature mondiale.
Auteurs contemporains
Il y a quelque temps, à l’occasion de la sortie de son roman Taxi, Khaled Al Khamissi avançait que le bouillonnement des rues du Caire traduisait l’échec total du système politique. Face à cette impasse, il s’inspire de la colère collective, des émeutes, et des grèves dans les usines qui se multipliaient et transpose cette matière littéraire à travers la réflexion des chauffeurs de taxi. Ce sont finalement les chauffeurs du Caire qui dessinent la personnalité égyptienne de la rue. Le livre annonçait clairement ce qui vient de ce passer.
Alaa El Aswahny nous avait plongé lui au cœur du Caire dans un immeuble naguère prestigieux qui a perdu sa splendeur, où cohabitent toutes les classes sociales. L’immeuble Yacoubian a été porté à l’écran par Marwan Hamed. Alaa El Aswahny a signé depuis : « J’aurais voulu être égyptien ». Un roman interdit où la fiction ne se départit pas d’une ironie très modérément appréciée par le pouvoir. « Le destin décide de notre sort de la même façon que la main dirige la marionnette d’une poigne solide. »
En ce début de XXIe siècle la littérature exprime encore, avec une certaine sagesse, la colère l’humour et la désillusion, liés aux difficultés de vivre du peuple égyptien. Elle ouvre aussi les fenêtres sur l’espoir des Egyptiens d’être respectés en tant que citoyens. Reste à espérer que le départ de Moubarak permette à ses successeurs de libérer la culture du pays vers le destin qui lui est promis.
Livre. Redécouvrir Naguib Mahfouz avec Karnak Café.
Modernité boulversée et roman
La littérature égyptienne va chercher dans ses fissures identitaires. Comme dans toutes les nations du monde dont la culture fait partie de l’histoire universelle, elle permet de mieux comprendre l’âme humaine d’un peuple. A l’aube d’un nouveau jour égyptien, on se replonge avec plaisir dans l’œuvre de Mahfouz qui compte une cinquantaine de romans. Prix Nobel de littérature en 1988, l’écrivain fait partie des auteurs que l’on garde en mémoire. Dans ses premières œuvres, il peint minutieusement la société traditionnelle en dressant un panorama qui porte le souffle patriotique d’une Egypte marqué du sceau de l’humain. La démarche d’écriture a recours au réalisme, parfois cruel, qui recherche dans le passé pharaonique les raisons de la fierté d’un peuple. L’auteur de L’impasse des deux palais rend compte avec ses romans des bouleversements sociaux et politiques de son pays. L’engagement descriptif de l’écrivain traduit aussi l’esprit de révolte si décisif dans l’histoire moderne du pays. Il appartient à une génération qui a vécu l’écrasement de l’armée égyptienne dans le conflit contre Israël en 1967. Les années 60 et l’échec des politiques post-révolutionnaires, marquent d’ailleurs un tournant dans son œuvre. L’auteur débouche sur un constat inquiet de l’évolution de la société.
Les éditions Actes Sud viennent de traduire pour la première fois en français « Karnak Café ». Ecrit en 1971 et publié en 1974, cet audacieux roman de Naguib Mahfouz livre la chronique sociale d’une génération perdue. Le livre qui pointe la répression policière a eu un grand retentissement. L’action se passe au Caire au milieu des années 1960. Le narrateur entre au Al Karnak café géré par Qurunfula, une ancienne star de danse orientale dont il a reconnu l’éclat mué en beauté mélancolique. Dans ce lieu populaire se retrouvent trois étudiants. Tous se disent les enfants de la révolution de 1952. Il va faire leur connaissance mais un jour ils disparaissent. La guerre n’est jamais très loin et les petites histoires ouvrent sur la grande tragédie d’un peuple. Le roman dépeint la tyrannie du présent impérialiste et l’oubli qui pèse sur le passé. A travers l’ambiance d’un petit café où se confrontent les idées politiques de trois étudiants, on découvre le microcosme d’une Egypte en train de perdre ses repères.
Décédé en 2006, Naguib Mahfouz est à l’origine d’un roman typiquement égyptien dont on trouve toujours trace chez les auteurs contemporains.
Karnak Café, éditions Actes Sud, 16 euro
Livre. Turbans et Chapeaux : Une histoire romancée de la présence française en Egypte qui dura trois ans et vingt et un jours.
Récit d’une relation orageuse
Sonallah Ibrahim a écrit ce roman en 2003 lors de l’invasion américaine en Irak
« Chaleur étouffante, atmosphère chargée de poussière. Je me jette dans la foule en furie. Dégoulinant de sueur, je trébuche sur un obstacle au milieu de la rue : un amoncellement d’ordures. » Ce moment pourrait avoir eu lieu à la suite de la charge à dos de chameaux des partisans de Moubarak. Sur la place Tharir où les mamelouks modernes du souverain ont brandi leur sabre devant un peuple affamé de démocratie. Mais il se déroule à midi le 22 juillet 1798. On vient d’apprendre la défaite de Moura Bey et d’Ibrahim Bey. Les deux émirs rivaux sont en fuite et l’on annonce l’entrée imminente de Napoléon au Caire.
Le journaliste égyptien Sonallah Ibrahim signe avec Turban et chapeaux un récit parallèle aux chroniques de l’historien Jabarti témoin oculaire de la conquête de son pays par Bonaparte. On suit l’itinéraire d’un jeune disciple égyptien recruté comme aide bibliothécaire par L’Institut des arts et des sciences d’Egypte. Celui-ci tisse une relation avec Pauline Fourès, connue pour avoir été la maîtresse de Napoléon. C’est la fille d’une comtesse guillotinée pendant la Révolution française. Dans cette petite histoire qui côtoie la grande, le jeune Egyptien s’imprègne de son odeur de savon et Pauline lui apprend entre autre, à jouer du piano.
Sonallah Ibrahim qui a séjourné dans les prisons égyptiennes entre 1959 et 1964 a écrit ce roman historique en 2003 lors de l’invasion américaine en Irak. En toile de fond se propage la relation orageuse entre les Arabes et l’Occident. Il est vrai que l’idée de Bonaparte selon laquelle la guerre offensive soutient l’économie ne diffère en rien de celle de Bush père. La technique brutale s’enrobe de beaux principes. Avec une malice toute égyptienne, l’auteur ne manque pas de souligner qu’elle fait appel à la collaboration du pouvoir local. Et le lecteur prend toute la mesure de la propagande politique qui sévissait déjà à l’époque. « A la mosquée aujourd’hui, il se disait que le Prophète est apparu à Bonaparte et lui a demandé d’annoncer publiquement sa foi dans les piliers de la religion d’Allah. Bonaparte lui aurait alors demandé un délai d’un an, le temps de préparer son armée, ce que le Prophète lui aurait accordé. » Comme quoi les professions de foi politiques appellent toujours des contre-enquêtes.
Turbans et Chapeaux, éditions Actes-Sud 22 euros.
Actualité éditoriale
Actualité Internationale
Deux mois après la chute de Moubarak, les manifestants protestent au Caire contre l’armée et à sa tête le maréchal Hussein Tantaoui, accusé de freiner les réformes. Plus d’un millier de manifestants occupait toujours dimanche 10 avril la place Tahrir au Caire au lendemain d’affrontements qui ont fait un mort, mettant en évidence les tensions autour de l’armée accusée de freiner les réformes, deux mois après la chute du président Moubarak.
Amnesty International a dénoncé dans un communiqué « l’usage excessif de la force par l’armée égyptienne », citant sur la foi de témoignages l’usage de matraques électriques et l’envoi de véhicules blindés qui ont fait de nombreux blessés en entrant dans la foule. L’armée a nié avoir agi avec brutalité et démenti des accusations selon lesquelles elle aurait ouvert le feu sur des manifestants. Elle les a qualifiés de « hors-la-loi » en laissant entendre qu’ils pourraient agir à l’instigation de partisans de Moubarak.
Ces événements témoignent d’une récente montée des tensions autour du rôle de l’armée, après une période de large consensus sur son action pour stabiliser le pays et organiser le retour à un pouvoir civil élu promis pour la fin de l’année.
La détermination des figures féminines qui sont de premier plan
La mise en scène contemporaine de Brigitte Jacques-Wajeman aux Treize Vents nous conduit au cœur de l’intrigue cornélienne.
A travers cette pièce, Corneille s’est donné pour « principal but de peindre la politique des Romains en dehors, et comme ils agissaient impérieusement avec les rois leurs alliés » explique Brigitte Jacques-Wajeman dans sa note d’intention. En cornélienne avertie, l’artiste formée par Vitez, restitue le cadre de ce rapport politique colonial à la lumière de notre époque. Elle conserve la dimension classique du texte en opérant une mise à jour subtile et précise qui en révèle sa dimension actuelle. Elle joue sur les métaphores galantes, appuie la détermination des figures féminines qui sont de premier plan, donne du plaisir dans les jeux de langages qui abondent chez l’auteur. Le tragique repose sur la problématique de l’affirmation de soi qui touche les jeunes, Nicomède, Laodice et Attale dont les émotions se heurtent aux froids calculs et aux basses compromissions de leurs puissants aînés.
Amour et pouvoir
Le public entre dans l’intimité de la famille royale de Bithynie (actuelle Turquie), il s’installe à sa table qui constitue le décor unique de la tragédie. Voilà le prince Nicomède qui revient victorieux d’une campagne menée en Asie. Il vient retrouver son aimée la princesse Laodice, fille du roi d’Arménie en exil chez le Roi Prusias. La belle-mère de Nicomède tient le roi dans ses pattes. Elle veut voir monter son fils Attale sur le trône à la place de Nicomède et projette de le marier à Laodice avec l’appui de Rome, la puissance dominante qui fait et défait les royaumes selon ses intérêts géostratégiques.
Corneille organise l’intrigue autour de l’amour contrarié par les enjeux de pouvoir. Mais ne nous y trompons pas, chez l’auteur du Cid, le lyrisme n’est pas réductible à l’amour. La gloire a partie liée avec la cruauté, merveilleusement incarnée par Sophie Daull (la reine marâtre Arsinoe) qui tient le roi Prusias (Pierre-Stéfan Montagnier) par sa libido.
Héros de justice
Brigitte Jacques-Wajeman reste fidèle à l’auteur et à son personnage Nicomède (Le comédien Bertrand Suarez-Pazos). Taillé dans l’étoffe des héros, celui-ci demeure un monarchiste loyal mais sans concession aux puissants. Et si l’on pense au rôle hypocrite de l’Occident dans son rapport à l’Afrique, c’est bien un héros de la justice qui est restitué sur scène, non un idéologue. Adulé par le peuple, ce Nicomède puissant et magnanime confère au roi une nouvelle dignité qu’il ne conservera pas longtemps.
La pièce peut être lue autant comme un dialogue avec le pouvoir qu’avec le public qui attend avidement son Nicomède du XXIe siècle pour se réconcilier avec la politique.
Jean-Marie Dinh
Avec la même équipe de comédiens Brigitte Jacques-Wajeman propose vendredi 8 avril à Grammont Suréna une autre tragédie (coloniale) de Corneille. Nicomède est donné ce soir et samedi. Rens : 04 67 99 25 00
Atiq Rahimi, l’écrivain franco-afghan, était jeudi dernier l’invité de la librairie Sauramps pour évoquer son dernier roman « Maudit soit Dostoïevski ». Une déclinaison de Crime et Châtiment dans une Kaboul secouée par les bombes, où «tuer est l’acte le plus insignifiant qui puisse exister».
A la différence de Syngué Sabour qui s’inscrivait dans un huis clos, votre dernier roman nous invite à une errance dans Kaboul, espace qui donne un sentiment de détachement où le vide occupe une place centrale…
Le vide, je suis en plein dedans. Ce sera le sujet de mon prochain livre et d’un projet d’exposition qui m’occupe actuellement. Dans Maudit soit Dostoïevski le personnage de Rassoul vit dans le vide. Au début, il sombre dans son orgueil comme le Raskolnikov de Dostoïevski dans Crime et Châtiment. Puis, il évolue au fil de sa discussion avec le narrateur. Rassoul pense que sans lui le monde serait vide mais celui-ci lui fait comprendre que sa disparition aurait pour effet un monde sans lui. Dans ce parcours se définit quelque chose qui aboutit à un détachement.
Votre livre comporte un aspect métaphysique à travers la recherche du personnage mais aussi celle d’un pays mystique, l’Afghanistan, qui a perdu le sens des responsabilités ?
La littérature persane afghane est peuplée de grands penseurs mystiques qui ont mis l’accent sur le sens, le retour sur soi alors que la pensée religieuse n’a pas de pensée individuelle. Elle considère l’individu au nom de son identité ethnique, politique ou religieuse. En Afghanistan s’ajoute la situation propre à l’état de guerre qui annihile aussi la liberté individuelle.
Le meurtre que commet Rassoul est une façon d’affirmer sa liberté dans une guerre civile où il n’a pas choisi son camp ?
Il le croit. Mais son crime ne le rend pas plus libre. Cela réduit au contraire sa liberté alors que ceux qui continuent à tuer autour de lui parviennent à se sentir libre parce qu’ils n’ont pas de conscience. Rassoul va chercher à faire reconnaître sa culpabilité. Lacan disait que la pathologie de la culpabilité aboutit à deux résultats : la névrose chez ceux qui s’enferment avec leur culpabilité ou la psychose quand les gens refusent de l’endosser.
Guidé par une des femmes qui le hantent tout au long du récit, Rassoul se livre aux autorités mais ne parvient pas à faire exister son crime ?
Pour les autorités son appartenance supposée communiste revêt plus d’importance que l’acte criminel. Rassoul souhaite que l’on reconnaisse sa faute. Il veut être jugé. Cela peut nous renvoyer aux procès des criminels de guerre. Si le jugement n’a pas lieu, la loi aveugle de la vengeance demeure.
Elle se résout aussi parfois par un recours à l’amnistie nationale…
Oui, ce fut au cœur de la polémique entre Mauriac et Camus au sortir de la guerre. Mauriac prenant le parti de l’amnistie au nom de la cohésion nationale et Camus se prononçant pour un jugement. Le débat est toujours d’actualité.
A vous lire on réalise à quel point la littérature nous est nécessaire pour porter l’histoire humaine et ses absurdités.
Maudit soit Dostoïevski est précisément un livre sur la littérature depuis son titre qui rend hommage à l’auteur russe jusqu’aux questions de conscience qu’il est, je l’espère, susceptible de soulever.
Recueilli par Jean-Marie Dinh
Maudit soit Dostoïevski, éditions P.O.L 19,5 euros
Initié en 1999, le Printemps des poètes est une manifestation nationale qui incite le plus grand nombre à fêter la poésie sous toutes ses formes d’expression. Il a contribué à changer la perception de la poésie en désacralisant le genre. Dans la région, La Maison de la poésie qui essaime à tous vents les voies poétiques avec une contagieuse passion a relayé la manifestation dès 2006. L’association présidée par le poète Jean Joubert vient de trouver cette année auprès de la Ville de Montpellier une juste reconnaissance. Elle dispose désormais d’un local et d’un soutien au fonctionnement. A l’occasion du 13e Printemps des poètes plus d’une vingtaine de rencontres gratuites sont programmées en ville.
Lundi 7 mars à l’occasion du lancement de la manifestation, l’adjoint à la culture Michaël Delafosse a salué l’éclectisme de la programmation concoctée par Annie Estèves, pour sa qualité et son ouverture en direction de la jeunesse et de la poésie contemporaine. Puis tout le monde s’est engouffré dans le tramway jusqu’à la Comédie pour suivre une intervention poétique. Symbolique démonstration du déploiement possible et nécessaire de cet art vivant dans l’espace publique. Un art dont le pouvoir vibratoire ouvre sur la profondeur du réel. La semaine s’est poursuivie au rythme de deux rendez-vous par soirée. A la Maison de la poésie à 18h30 et à la Salle St Ravy à 21h.
Le poème carrefour des arts
Mettre en avant la richesse poétique, c’est faire résonner le fil intérieur du public, le captiver en croisant les arts. Lors de cette première semaine, la guitare flamenco de Pedro Soler s’est mêlée à la voix du poète Bruno Doucey pour un oratorio dédié à Federico Garcia Lorca. La puissance sauvage et citoyenne du comédien Julien Guill a fait retentir les paroles de Léo Ferré dans une interprétation hypnotique. Les comédiens David Léon et Frédérique Dufour ont marché sur le fil tendu de sang et de conscience par Jean Genet dans Le funambule.
« Poètes vos papiers. » scandait Ferré ce qui est aussi une façon de dire qu’on ne décrète pas un territoire poétique comme un couvre feu. Pour ouvrir un espace urbain sur l’infini, il faut l’irriguer de liberté. La ville entend affirmer la présence essentielle des poètes au sein d’une cité qui en a grand besoin. Ce ne sera pas une sinécure dans cet environnement de rails, de bruit et de poussière. La fuite effrénée au développement permanent et le conformisme des représentations qui l’accompagne n’est guère propice à l’espace poétique. Mais on le sait, quand la fenêtre est ouverte, le poème sait entrer avec une sincérité déconcertante. Il nous traverse, et nous habite seulement quand on lui laisse le temps de poser son souffle. Il parcourt actuellement la ville. Sachez en profiter.