Théâtre : Les souffrances de l’amour

Mama Prassinos et Béla Czuppon  credit photo dr

Mama Prassinos et Béla Czuppon credit photo dr

La Baignoire. Mama Prassinos met en scène Une séparation de Véronique Olmi.

La Baignoire a ouvert sa saison à Montpellier par l’histoire intime d’un homme et d’une femme. Marie et Paul sont en couple sans partager le quotidien. Ils ont la cinquantaine et vivent à Paris. Un matin, Marie écrit à Paul une lettre de rupture.

Terrassé par cette nouvelle, Paul lui répond aussitôt pour lui exprimer son refus : il l’aime et ne se séparera pas d’elle. Et elle l’aime aussi, il en est sûr. Une Séparation  est une pièce épistolaire qui déroule ce que fut une magnifique histoire d’amour, depuis la première rencontre jusqu’au dernier jour, avec ses fulgurances, ses doutes, ses erreurs et sa souffrance.

« C’est une histoire d’amour avant tout confie Mama Prassinos, qui met en scène et interprète avec  Béla Czuppon le texte de Véronique Olmi. C’est une histoire de séparation entre deux êtres qui s’aiment. Ils n’ont pas d’enfant, ne vivent pas sous le même toit, en d’autres termes, ils se sont donner les moyens de construire une relation fondée sur l’autonomie et pourtant Marie décide de rompre parce qu’elle a la certitude que le couple a échoué. Le texte aborde cette question. La femme décide. C’est difficile d’aimer et de se quitter..

La pièce est bâtie sur un échange épistolaire. Dans sa première lettre Marie signifie sa décision. Paul lui répond qu’il refuse cette séparation. S’en suit un échange dans le temps qui retrace la nature de la relation amoureuse tout en la prolongeant. Comme si le sentiment d’impasse et d’ennuie dépendait de ces moments perdus, de la cruauté du temps qui interdit tout retour. La scénographie de Gérard Espinosa place le public dos à dos au centre de la scène.

Très engagés, à la hauteur de l’exigence du texte, les deux comédiens évoluent à partir de leur vécu, chacun dans leur propre espace. Un espace physique et mental qui laisse peut de place à l’environnement extérieur. C’est la dimension intime plus que sentimentale qu’ausculte la mise en scène de Mama Prassinos.

Il est avant tout question du désir de vie et de l’entretien de ce désir au sein de la relation. S’il souhaite se garder du torticolis, selon le côté où il se trouve, le spectateur suit un des acteurs et ne fait qu’entendre le second. Ce qui invite à aller voir le spectacle une seconde fois. Pour y laisser couler les larmes sans les combattre.

JMDH

Source: La Marseillaise 24/10/2015

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« When I die » de Thom Luz . Ovni théâtral et musical hybride

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Le vide qui entoure l’action prend une dimension spectrale. Photo dr

Théâtre de la Vignette. « When I die » mis en scène par Thom Luz.

L’histoire de fantôme qui ouvre la saison du Théâtre de la Vignette ouvre aussi une fenêtre sur le renouveau du théâtre européen. Avec When I Die, ovni hybride entre l’art musical, théâtrale, voire philosophique, le metteur en scène suisse Thom Luz nous emporte bien loin, rappelant au passage qu’au théâtre l’essentiel ne réside ni dans l’intrigue ni dans les dialogues, du moins classiques.

La pièce s’attache aux liens que Rosemary Brown (1917/2001), femme de ménage anglaise et médium, entretenait avec les spectres de Chopin, Liszt, Schubert, Debussy… Ces relations, lui ont permis d’enregistrer une somme d’oeuvres impressionnantes à partir d’un bagage musical pourtant très modeste. La pianiste médium au centre de ce prodige irrationnel captive toujours l’intérêt.

Thom Luz ramène à la vie ce mythe en convoquant les compositeurs défunts sur les planches. L’action est scandée par l’enchaînement de notes, qui font tourner à la parodie le temps dramatique traditionnel. Le propos centré sur la nature de la présence et de l’absence, se passe de cohérence, rejoignant parfois le théâtre de l’absurde, sans valeur morale, ou psychologique.

La musique, le chant ainsi qu’un ballet de langues entrent en scène, comme des personnages omniprésents dans l’espace. Bien qu’aucune action ne se mette en place la dimension sensitive s’éveille de manière particulière. C’est un autre procédé du théâtre qui se met en oeuvre, drôle, sensible, d’une profondeur sans fin.

JMDH

Source: La Marseillaise 15/10/2015

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Saison Théâtre de de la Vignette. Diversité des contextes de création

When I Die mis en scène par Thom Luz

When I Die mis en scène par Thom Luz

Théâtre de La Vignette. La douzième saison du Théâtre universitaire entre l’esprit de découverte et la culture de l’esprit critique.

La saison du théâtre de la Vignette est ouverte. Après avoir abrité une escale  de Magdalena France, le théâtre universitaire de Montpellier ouvrira les 13 et 14 octobre prochains avec When I Die mis en scène par Thom Luz qui a pour point de départ une histoire de spiritisme, un de ces faits divers pour lesquels on ne trouve aucune explication rationnelle. A découvrir parmi les nombreux spectacles qui rythmeront la saison.

« Le grand principe sur lequel s’appuient nos choix artistiques repose sur l’ouverture et la diversité des contextes de création, indique le directeur Nicolas Dubourg qui brasse les origines en invitant des artistes russes, capverdiens, suédois..On constate que le contexte de création entre comme un élément de la pièce elle-même, c’est intéressant de l’affirmer dans le contexte de repli que nous connaissons » , soutient le directeur. La capacité à s’affranchir des formes classiques constitue un autre axe des choix opérés.

En novembre, Le songe de Sonia mise en scène par Tatiana Frolova s’inspire du Songe d’un homme ridicule de Dostoïevski mais pour mieux déplier le champ du théâtre documentaire en s’intéressant au phénomène du suicide dans la Russie d’aujourd’hui. On est bien loin de la routine institutionnelle.

Dans L’Ogre et l’enfant (du 03 au 05 nov) créé par le théâtre Pôle Nord les personnages sont muets et les acteurs donnent vie au plateau sur la voix rauque de Nina Simone. En Janvier la Cie Moébius accueillie en résidence l’an passé, livrera Pharmakos,  une réflexion sur le thème du bouc émissaire qui a vu le jour à partir de l’environnement social et notamment les observations des spectateurs.

Le partenariat avec l’Orchestre national de Montpellier (ONM) se poursuit. Il donnera lieu à un concert d’un sextuor à cuivres de L’ONM le 24 octobre, un concert pour cordes en janvier et un programme autour du quadricentenaire de la mort de Shakespeare avec les choeurs de l’Orchestre national de Montpellier LR le 18 février.

Côté danse, le partenariat avec Montpellier Danse évolue. Il est désormais l’objet d’un choix artistiques commun entre les deux structures. On pourra voir la pièce de Laurent Chétouane Considéring/Accumulations qui associe le texte d’Henrich von Kleist Sur le théâtre de marionnettes. Jonathan Capdevielle revient présenter Saga et la décapante chorégraphe Monteiro Freitas est attendue en avril pour Jaguar.

                           JMDH

Source La Marseillaise 06/10/2015

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Grand bain dans un petit labo

La baignoire se rêve en piscine

La baignoire se rêve en piscine

Création théâtrale. Des découvertes, de l’étonnement, de l’émotion, on trouve tout cela dans le laboratoire artistique de la rue Brueys qui fête ses 10 ans.

« Bienvenue dans l’intimité de la création et des écritures contemporaines »  lit-on dans le programme de la dixième saison de la Baignoire. Cette phrase posée comme un épitaphe par l’artiste fondateur du lieu Béla Czuppon s’inscrit toujours comme une invitation, car ce lieu d’à peine 100 m2 reconnu par les meilleurs comédiens de la région et les plus grands auteurs de théâtre contemporain d’Europe existe encore. Mais qui se soucie aujourd’hui de l’intimité de la création et de la pertinence de l’écritures contemporaine théâtrale ?

« Le péril n’est pas tant la fonte générale des budgets que l’idéologie répandue laissant entendre, à qui veut, que la disparition de la culture, n’est pas si grave que ça » constate le maître des lieux qui sort la vraie baignoire de son lieu pour gagner un peu de place.

La Baignoire se rêve en piscine laisse entendre l’image de couverture du programme, peut-être un clin d’oeil, aux partenaires institutionnels qui maintiennent le lieu en survie sans mesurer les enjeux d’une démarche qui explore les savoirs sensibles en tenant à bout de bras depuis dix ans.

Suivant une alternance dans le temps entre textes contemporains et dispositifs sonores, l’offre proposée cette année, aborde des questions humaines. « C’est sans doute moins politique, observe Béla Czuppon, les textes procèdent par infusion pour produire une perception du réel.»

Le 9 octobre, pour l’ouverture de la saison le spectacle Lever l’encre propose des textes littéraires écrits par des chercheurs. Du 14 au 17 oct, « Nous  jouerons un texte sur l’amour évoque Mama Prassinos qui met en scène et interprète avec Béla Une séparation, un texte de Véronique Olmi. « C’est difficile d’aimer et de se quitter…»

En préambule à la création Air Vivant, performance sonore et chorégraphique pour cinquante performers, Maguelone Vidal et Dalila Khatir offriront un aperçu de cette joyeuse exploration du souffle à nu, les 13 et 14 nov. Du 18 au 21 nov on retrouvera Du côté de la vie de Pascal Lainé, un texte inspiré par Récit d’un jeune médecin de Mikhail Boulgakov magistralement interprété par Philippe Goudard.

La Baignoire clôturera l’année en musique du 10 au 12 décembre avec deux créations Far Est’ Depuis l’Est féminin  et un Hommage à Thomas Edison,  des Kristoffk. Roll en compagnie de Jean Kristoff Camps et Carole Rieussec qui placent l’écoute, le son, l’histoire, la performance au centre de la Dramaturgie.

Sont annoncés pour 2016 un Stanislas Cotton Le roi Bohême, mis en scène par Béla Czuppon qui avait déjà monté du même auteur Le Bureau National de Allogènes, l’adaptation intégrale de Dr Folamour par le collectif la carte blanche.

A noter également, un fascinant texte de Frédéric Vossier La forêt ou nous pleurons proposé par Fabienne Augié et deux pièces de Sarah Fourage. La Baignoire, les artistes connaissent l’adresse.

JMDH

La Baignoire 7 rue Brueys à Montpellier : Tel 06 01 71 56 27

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Un souffle pour dire

Alex Selmane le visage charbonné et le souffle fort. Photo dr

Alex Selmane le visage charbonné et le souffle fort. Photo dr

Domaine D’O. «L’art du Théâtre» mis en scène par Julien Bouffier.

Il y a ce texte de Pascal Rambert fils spirituel de Vitez et directeur du théâtre de Gennevilliers qui évoque avec une réaliste beauté l’état d’un art coincé par certaines représentations vivaces, en rupture totale avec ce qui se passe. Et il y a le travail de mise en scène de Julien Bouffier qui s’en saisit, s’en nourrit et le restitue à travers une rencontre forte entre l’acteur Alex Selmane et le chanteur guitariste du groupe Skeleton Band, Alex Jacob.

L’acteur parle à son chien. Un comportement très courant pour dire librement ce qu’on garde pour soi. Il évoque les multiples impostures de son art. Sur scène, et en dehors. Avant, dans le travail avec les metteurs en scène qui se bercent de leur propres illusions. Chacun à sa place, l’acteur exécute, se fourvoie parfois dans des impasses qui ne sont pas les siennes. Après, dans l’autre jeu qu’incarne l’acteur hors de la piste, pour y rester. Car rien n’est plus douloureux que l’oubli pourtant inévitable que l’acteur s’efforce toujours de retarder.

La mise en scène, inventive joue sur la dualité dehors/dedans avec une belle maîtrise de l’espace, toujours renouvelé. Impulsé par un souffle profond le rythme d’Alex Selmane excelle dans les variations. Il est partagé par le chien musicien à la voix rocailleuse et pleine de ressources.

Les constats qui sont faits à propos du théâtre peuvent paraître cruels. Ils sont extensibles à nos vies. Et ne sont en fait, rien d’autre qu’une déclaration d’amour.

JMDH

Source La Marseillaise 05/10/2015

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