Montpellier Danse. D’ivoire et de chair – les statues souffrent aussi, Marlene Monteiro Freitas fige son expressivité pour mieux la dépasser. Chaud devant…
D’origine capverdienne, Marlène Monteiro Freitas a suivi des cours à l’Ecole supérieure de danse à Lisbonne. Elle a ensuite poursuivi son apprentissage à l’école P.A.R.T.S., à Bruxelles. Elle a été interprète pour divers chorégraphes, tels Emmanuelle Huynh, Loïc Touzé, Boris Charmatz. Performeuse singulière, elle appartient au collectif lisboète Bomba Suicida, et crée depuis 2006 des œuvres dont le dénominateur commun est l’ouverture, l’impureté et l’intensité. Marlène Monteiro Freitas ne cesse de jouer sur l’étrangeté. Elle vient de présenter au Théâtre de La Vignette D’ivoire et chair – les statues souffrent aussi pièce pour quatre danseurs et trois percussionnistes interprètes, s’inspirant des mythes d’Orphée et de Pygmalion ainsi que du film Les statues meurent aussi d’Alain Resnais et Christ Marker.
Marlène Monteiro Freitas fait partie des êtres dotés d’une énergie primaire renouvelable à toute épreuve, toujours à la recherche de nouveaux défis. L’idée pourrait lui être venue avec cette création de la contenir, mais c’est un peu comme si l’on demandait à Sid Vicious de retrouver la petite boîte contenant ses dents de lait. « Au départ il y avait l’idée d’immobilité et celle de l’animation, de la construction et de la déconstruction. Travailler sur l’immobilité ne veut pas dire que les performers sont immobiles », explique la chorégraphe. Avec les statues s’ajoute l’idée de pétrification, la plus étrangère au mouvement. Et serait-ce par goût du désordre si la pièce se déroule à l’occasion d’un bal ? « Le bal appelle aux mouvements, les statues à la fixité. A partir de là nous avions les tensions nécessaires pour le départ. »
Sur scène débute le bal des automates aux expressions figées et déformées. La gestuelle précise se déploie comme une mécanique, dans un espace géométrique parfaitement balisé. Parfois la machine se bloque soulignant le grotesque des situations puis redémarre. On est captivé par l’énergie interne contenue qui cumule la force de la machine et la sauvagerie humaine de l’émotion cadenacée. « Quoi que je fasse, je suis du côté des affects. Le déplacement des intensités m’intéresse. Dans cette pièce il y a une intensification de ce qui n’est pas et une désentification de ce qui pourrait être. Le choc entre les idées déclenche de l’émotion. » La pièce comporte des passages chantés, moments de haute intensité liés à l’effet vibratoire. Les danseurs dansent, souffrent, attendent aussi par leurs yeux. Les corps contraints ruminent, patientent, fissurent et s’émancipent de leur socle pour faire la bombe…
Jean-Marie Dinh
Source L’Hérault du Jour 05/07/2014
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