Printemps des Comédiens Quand le théâtre vole au secours de l’imaginaire

Festival. Le rideau de tissu et de pins se lèvent aujourd’hui sur la 28e édition du Printemps des Comédiens. Un moment fort et novateur pour un public avide de rencontres et découvertes théâtrales.

Sous les feux de l’actualité l’année dernière, le Printemps des Comédiens s’est illustré à travers la parole révoltée des artistes et des techniciens du spectacle. Il a été le cœur national de la mobilisation des intermittents et précaires ne craignant pas d’engager son avenir, dans ce conflit éprouvant. Faute de budget, la manifestation sera un peu écourtée cette année mais cette lutte brille pour souligner que la création ne se met pas toujours au service du pouvoir et rappelle que le théâtre est sans doute la forme d’expression artistique qui présente le plus souvent des sujets politiques et sociaux. Enfin le combat de 2014 n’est pas étranger à la délibération de l’Assemblée nationale, qui vient de graver dans le projet de loi sur le dialogue social et l’emploi le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle.

«Le Printemps a eu à vivre une édition 2014 singulière dans un moment complexe. J’ai soutenu sa démarche, indique Michaël Delafosse qui vient de prendre les rênes de L’Epic du Domaine D’O. Je me réjouis que l’Epic ait été un lieu de débats sur le rôle de la culture. Les artistes ont des choses à exprimer. Ce qui s’est passé a généré de la souffrance et en même temps, les gens se sont solidarisés, il y a eu un vrai dialogue avec le public. La culture ne se résume pas à des actes de gestion.»

Le choix de la qualité

C’est donc avec joie que ce beau festival reprend sa vocation aujourd’hui jusqu’au 28 juin. Le théâtre est entendu au Printemps des comédiens comme un médium qui développe l’imaginaire. Il est question de mettre en relation notre quotidien avec le fantastique, comme le spectacle Nobody qui débute ce soir. Cyril Teste met en scène de manière novatrice la vie compliquée d’une entreprise de bureaux d’après un texte de Falk Richter.
Avec une quinzaine de spectacles sur 18 jours le Printemps joue la carte de la qualité. Le directeur artistique Jean Varéla a concocté une affiche qui compte des grands noms de la scène contemporaine tels que l’Italien Romeo Castelluci qui poursuit sa quête spirituelle.  Après le Christ il évoque la vie de Moïse dans Go down, Moses, pour la projeter dans notre époque. Benjamin Lazar usera des cordes baroques pour un Roméo et Juliette yiddish avec Dibbouk de Lazar. Le jeune metteur en scène Julien Gosselin s’attaque aux Particules élémentaires de Michel Houellebecq en partenariat avec le h.T.h CDN de Montpellier. Décollage lyrique et poétique assuré, proche des rivages de Verlaine et Rimbaud avec L’autre hiver mis en scène par Denis Marleau et Stéphanie Jasmin sur un opéra innovant de Dominique Pauwels. Autre sortilège à suivre la fable philosophique de Carlo Gozzi, L’oiseau Vert dans une très belle mise en scène de Laurent Pelly.

Le festival croise depuis 28 ans les expériences artistiques de tous les continents avec une connaissances singulière des univers du théâtre, du cirque et du spectacle de rue. Dans ce registre on retrouvera le Nouveau cirque du Vietnam pour A Ô Làng Phô. Les artistes nous entraînent dans leurs pulsations poétiques à travers des tableaux vivants. Avec le spectacle En avant marche, le Flamand Alain Platel s’intéresse aux artistes de fanfare, réjouissances populaires et notes en folies. Le festival est passé maître dans le mélange des techniques scéniques pour les mettre au service des personnages et de la mise en scène. Une idée du théâtre pour tous avec le souci du détail et une haute exigence artistique.

Jean-Marie Dinh

Les Rencontres

Le festival permet d’échanger avec les metteurs en scène invités. Les rencontres gratuites sont animées par Gérard Lieber. A vos agendas : Rencontre Cyril Teste le 11 juin à l’issue du spectacle. Rencontre Louise Moaty et Benjamin Lazar le 11 juin à l’issue du spectacle. Rencontre Laurent Perry le 13 juin à 19h sous chapiteau à la Pinède. Rencontre Roméo

Castelluci le 18 juin à 18h sous chapiteau à la Pinède. La rencontre avec Ariane Ascaride initialement programmée le 19 juin à 19h, aura lieu à 18h, sous chapiteau à la Pinède. Rencontre Alain Platel et Frank Van Laeche le 23 juin à 19h sous chapiteau à la Pinède. Rencontre Tiago Rodrigues le 27 juin à l’issue du spectacle. Rencontre Denis Marteau le 28 juin sous chapiteau à la Pinède.

Source La Marseillaise : 10/06/2015

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Arabesques. La liberté sous le signe de la République

urlArabesques. C’est le dernier jour pour profiter du festival des arts arabes au Domaine d’O. La manifestation célèbre sa dixième année d’existence dans une clairvoyante chaleur humaine.

Au moment où la dixième édition du festival Arabesques s’apprête à conclure avec une dernière journée peuplée de belles rencontres, il peut être opportun de rappeler le lien et la continuité entre cette vitrine exceptionnelle des arts arabes et l’esprit républicain qui anime la manifestation depuis ses premiers pas. Parce qu’il s’est ancré dans la découverte, à la fois du patrimoine culturel et des expressions artistiques émergentes et plurielles du monde arabe, cet esprit transcende les clivages et les crises politiques d’ici et d’ailleurs.

Lors de l’édition 2011, au coeur des événements du Printemps arabe, la sphère médiatique a immédiatement cherché à faire une connexion en se pressant pour recueillir l’avis de l’équipe d’Arabesques sur la situation. «?Au moment des révolutions arabes tous les journalistes m’ont demandé de me prononcer, se souvient le directeur Habib Cherkaoui. Je connais bien la situation. J’ai des amis au Yémen, en Irak, en Egypte dont les familles ont été décimées, mais cela ne me met pas en position de juger sous prétexte que je m’occupe d’un festival.?»

Cette clairvoyance, sans doute héritée de l’action culturelle menée par l’association UNI’SONS depuis quinze ans à la Paillade semble salvatrice. Elle permet du moins de poursuivre la mission de défrichage artistique sans s’égarer dans les aléas du temps médiatique ou politicien.

Culture populaire

La responsabilité de déchiffrer et de faire circuler l’expression artistique s’exerce aussi ici et maintenant, avec l’exigence d’un présent et d’une identité digne de ce nom. On retrouve ce combat contre le racisme et les stéréotypes au coeur du réjouissant travail d’Ali Guessoum dont il ne faut pas manquer l’exposition  L’arabe du coin pleine d’humour et de défis qui revisite la place de l’arabe dans notre roman national.

Si tous les membres de l’équipe d’Arabesques ne sont pas Charlie, la défense de la liberté d’expression ne passe pas par une distinction rigide entre les artistes et ceux qui ne le seraient pas. L’unité du monde arabe incarnée par Oum Kalsoum à qui le festival a rendu cette année un vibrant hommage, n’existe plus mais le statut d’artiste reste reconnu de Dubaï à Marrakech en passant par Barbès, ce qui laisse de belles perspectives pour les dix prochaines années d’Arabesques.

Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise 24/.05/2015

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Cannes 2015 : la palme d’or à « Dheepan », de Jacques Audiard

650x260Dheepan-e7ff7C’est la palme que personne n’attendait. Jacques Audiard est un cinéaste intéressant, qui n’est certes pas manchot en matière de mise en scène, et qui a signé des films marquants : Sur mes lèvres ou Un Prophète. Mais Dheepan ne laisse d’interroger sur la vision de la banlieue qu’il développe. Le pitch : trois Sri Lankais, plus particulièrement des Tamouls, un homme, Dheepan (Jesuthasan Anthonythasan), une jeune femme, Yalini (Kalieaswari Srinivasan) et une petite fille, Illayaal (Claudine Vinasithamby) arrivent en France, fuyant la violence de leur pays. Ils se font passer pour une famille, alors qu’ils n’ont aucun lien entre eux. Ils trouvent à s’installer et à travailler (comme gardiens, tandis que la petite est scolarisée) dans une cité, en grande banlieue, tenue par des dealers. Dheepan est particulièrement marqué par les atrocités commises par les armées qui se sont opposées pendant la guerre civile.

Le film raconte d’abord différents apprentissages qui se déroulent simultanément : entre Dheepan, Yalini et Illayaal, qui, au commencement, ne se connaissent pas. Mais aussi entre ces trois-là et la France, qui se réduit à l’écran à cette cité, et plus encore aux dealers, puisqu’on ne voit pratiquement pas les autres habitants — ce qui a son efficacité cinématographique mais qui n’est pas sans interroger dans un film qui assume une grande part de réalisme. Yalini vient faire le ménage chez le père physiquement diminué d’un chef des dealers, Brahim (Vincent Rottiers), et la confiance qui s’instaure entre eux deux agit comme un contrepoint face à l’inquiétude qui monte progressivement chez Dheepan.

Or, l’équation que le film va poser à travers ce personnage entre la « jungle » de la guerre civile au Sri Lanka et la « jungle » des banlieues crée finalement un malaise qui n’est jamais dissipé, bien au contraire. « Cela nous a vraiment touchés ces personnes qui vivent dans des conditions difficiles », a déclaré l’actrice Rossy de Palma, membre du jury, lors de la conférence de presse qui a suivi la cérémonie. Cette vision du film à courte vue, strictement compassionnelle, écarte ce que le film a de politiquement gênant. Une palme d’or problématique, donc.

Grand prix : « le Fils de Saul », de Laszlo Nemes

Annoncé comme le film choc de la compétition par Thierry Frémaux, ce premier long métrage (c’est à souligner) du Hongrois Laszlo Nemes, très à l’aise avec le français comme on a pu s’en rendre compte pendant la cérémonie de remise des récompenses, est plus intéressant que la polémique escomptée par le délégué général du festival, sur la question de la représentation des camps de la mort et des chambres à gaz. Une polémique qui n’aura pas lieu, car Claude Lanzmann a adoubé le film. Il n’empêche que certains choix esthétiques et scénaristiques de Laszlo Nemes peuvent laisser dubitatif, sinon choquer. Ce prix important aura le mérite d’ouvrir grand le débat autour de ce film.

Prix de la mise en scène : Hou Hsiao-Hsien, pour « The Assassin »

Hou Hsiao-Hsien ne pouvait repartir bredouille, tant son film en impose grâce à sa plastique fulgurante et ses batailles au sabre éblouissantes. Le prix de la mise en scène lui convient parfaitement, même si on peut penser que la beauté poussée jusqu’à sa perfection peut devenir étouffante.

Prix d’interprétation masculine : Vincent Lindon dans « la Loi du marché »

Rien à redire. Vincent Lindon est l’un des plus grands comédiens en France aujourd’hui, et il le prouve particulièrement dans la Loi du marché de Stéphane Brizé, avec qui il tournait pour la troisième fois.

Prix d’interprétation féminine : ex aequo, Rooney Mara, dans « Carol » et Emmanuelle Bercot, dans « Mon roi »

Étrange choix de récompenser à juste titre Rooney Mara et d’écarter injustement Cate Blanchett qui, dans le beau film de Todd Haynes, sont inséparables aussi bien par leur jeu que par leurs personnages. Emmanuelle Bercot n’est pas particulièrement mauvaise dans Mon roi, même si cette actrice est dépourvue de charisme. C’est surtout, à travers elle, honorer un film accablant .

Prix du jury : « The Lobster », de Yorgos Lanthimos

Le cinéaste grec, parvenu à la reconnaissance internationale – d’où un casting mené (fort bien) par Colin Farrell, où l’on retrouve aussi Léa Seydoux –, poursuit dans une veine aux atours transgressifs. The Lobster se veut une satire cruelle des apparentements identitaires que concoctent notamment les sites de rencontres. Pour finalement nous dire que l’amour doit rester aveugle. Yorgos Lanthimos se voit en nouveau Bunuel, il n’est qu’un anodin Michel Deville.

Prix du scénario : « Chronic », de Michel Franco

Ce prix du scénario veut sans doute saluer l’audace du Mexicain Michel Franco de s’être emparé d’un sujet pour le moins délicat : la fin de vie. Pour autant, le cinéaste était-il obligé d’infliger à son spectateur autant d’épreuves ? Comme si Michel Franco, imbu de son « courage » de s’emparer d’une question aussi grave, voulait tester celui de son spectateur. Haneke a trouvé un successeur.

C’est ainsi que se termine cette chronique de Cannes 2015 sur ce palmarès peu engageant, qui oublie le superbe Mia Madre de Nanni Moretti. Merci à celles et ceux qui l’ont suivie. Et rendez-vous dans l’hebdo de jeudi prochain pour un bilan plus large de cette quinzaine festivalière.

Christophe Kantcheff

Source Politis : 24/05/2015

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Arab new sound. Sur les chemins de traverse

Orange Blossom

Arabesques Montpellier

Soirée Arabesques, vendredi à l’Amphi d’O qui s’offrait selon l’appellation souvent galvauldée, de faire entendre les nouveaux sons de la scène arabe. Un triple plateau avec le groupe de Casablanca N3RDistan qui chauffe la scène alternant les rythmes entre planant et le rap dur. Le groupe, dont les paroles prônent la liberté et dénoncent l’injustice, donne dans un répertoire très large, un peu trop. Les morceaux s’enchaînent avec de curieuses transitions et une synergie musicale qui mériterait d’être renforcée. Le meilleur surgit dans les morceaux les plus déjantés mais l’ensemble reste un peu déroutant pour se laisser vraiment emporter.

La part two de la soirée, s’avère  plus convaincante avec le retour du groupe nantais Orange Blossom, autour de la chanteuse égyptienne Hend Ahmed dont la voix nous ennivre sur le troisième album. Avec un set live très bien rodé, Orange Blossom démontre qu’il n’est pas un groupe de studio. Autour de Hend Ahmed, le duo mélodique se compose d’un violonceliste punk qui ne tient pas en place, et d’un guitariste un peu approximatif qui semble tout droit sorti de Las Vegas Parano.

Côté rythmique le duo très complémentaire batterie percussion s’avère redoutable. Ca bastone à mort sur des compos ciselées entre rock world et Electro et quand le percu tunisien Imed Alibi rejoint le plateau pour en remettre une couche,  on ne répond plus de rien…

On conclut avec Mashrou’Leila groupe de rock alternatif de Beyrouth qui pratique une musique saturée mais tout en retenue avec un côté provoc minimaliste. Une source originale, pour les bonnes oreilles, sans doute pour échapper à la cynique réalité.

JMDH      

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Alsarrah et Nass el Ghwane

 

Alsarrah l’étoile montante entre Brooklyn et l’Afrique de l’Est.

Alsarrah l’étoile montante entre Brooklyn et l’Afrique de l’Est.

Arabesques. Un double plateau qui conjugue la musique nubienne, le Jazz et la généreuse énergie marocaine.

Arabesques se poursuit avec une floraison de propositions qui font dialoguer les arts du monde arabe.

Une judicieuse rencontre musicale aura lieu samedi 23 mai à l’Amphi d’O avec Alsarah, qualifiée comme « the new star of Nubian pop » par « The Guardian ». Elle vient tout droit de Brooklyn, et puise sa force musicale de son pays natal, le Soudan. Elle s’honore d’ un parcours musical très complet en tant qu’auteur-compositeur et interprète, mais aussi ethnomusicologue. Un parcours qu’elle complète aujourd’hui avec le groupe « The Nubatones ».

Largement influencé par la musique nubienne des années 1960 et 1970, la formation nous propose un son jazzy, très percussif et festif, véritablement contagieux. C’est un premier album que nous offre le groupe entre tradition et renouveau. Alsarah qualifie sa musique de « rétro-pop de l’Afrique de l’Est ».

On ne présente plus le groupe marocain Nass El Ghiwane né à Casa dans les années 70. Leur répertoire est puisé dans le creuset de la culture et la poésie marocaine, mais aussi dans des textes soufis issus de grande figures religieuses. Grâce à leurs paroles engagées et poétiques reflétant les malaises de la jeunesse marocaine de l’époque et à leurs rythmes puissants, joués à l’aide d’instruments traditionnels, Ils ont révolutionné la musique marocaine et maghrébine.

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