Printemps des comédiens. Un vrai festival qui affirme son identité

 Kristien De Prooste dans Au courant un morceau de la planète belge qui jamais ne s’arrête. Photo dr


Kristien De Prooste dans Au courant un morceau de la planète belge qui jamais ne s’arrête. Photo dr

Théâtre. A l’heure du bilan, le Printemps des Comédiens passe la barre de la vingt-neuvième édition. Sans repêchage il se transporte vers le large de la 30e

Le Domaine d’O poursuit ses réjouissantes propositions culturelles alors que le Printemps des Comédiens dresse le bilan de sa 29e édition. 29 000 spectateurs sont venus cette année prendre part au festin de théâtre en répondant à une invitation non consumériste.

Resserrée d’une semaine, la programmation artistique est restée fidèle aux critères de qualité, de diversité et d’équilibre. Sans réduire le taux de risque alors que l’annulation de l’édition 2014 inclinait à jouer la sécurité, le directeur Jean Varéla a maintenu la barre aux frontières contemporaines en proposant des formes de théâtre loin du prêt à porter. Dans ce registre, on a découvert le Dibbouk de Benjamin Lazar d’après la pièce de An-ski qui a reçu un accueil  mitigé. Cette création comporte de beaux passages, mais sans prendre suffisamment de distance par rapport au sujet.

La présence de Castellucci avec Go down, Moses comme celle de Dominique Pauwels pour son opéra L’autre hiver qui imbrique  théâtre musique et vidéo, sont des oeuvres qui défrichent et interrogent le public dans ses propres représentations. C’est le rôle d’un vrai festival. A noter que la programmation a enregistré un taux de remplissage de 90%.

On a pu voir aussi du Beaumarchais avec le Barbier de Séville, Le Mariage de Figaro, découvrir L’oiseau Vert de Carlo Gozzi mis en scène par Laurent Pelly, et apprécier la comédienne Ariane Ascaride approcher Molière sous un jour méconnu. Des spectacles de facture plus classique mais sans jamais tomber dans l’attendu. By Heart de Tiago Rodrigues, Nobody mis en scène par Cyril Teste ou Au courant de Kristien De Proost ont dressé un état des lieux de l’extraordinaire vivacité du théâtre d’aujourd’hui.

Jean Varéla et son équipe passent brillamment la barre de cette édition de tous les dangers en gardant l’esprit d’un festival ouvert sur le monde.  Pour la trentième, le directeur du Printemps souhaite voir le lieu gagner en convivialité. L’ambiance participe il est vrai, pleinement à l’identité du festival et mérite qu’on y attache de l’attention en cette période un peu tendue.

JMDH

Source La Marseillaise 07/07/2015

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Bouchra Ouizguen et Christian Rizzo : Les corps qui donnent, de l’art qui sonne

Christian Rizzo « C’est quand on se tient trop sur ses gardes que le pire finit par se produire ». Photo dr

Christian Rizzo « C’est quand on se tient trop sur ses gardes que le pire finit par se produire ». Photo dr

Montpellier Danse. Des ouvrières du quotidien de Bouchra Ouizguen au voyageur de l’existence et de l’exil de Christian Rizzo, le festival oxygéné par la recherche.

Montpellier Danse entre dans sa deuxième semaine. Du rythme effréné de la première partie et par delà le fleuve des grandes scènes, réside l’engagement d’une recherche renouvelée. En suivant le cours des affluents d’eau pure, on retient la création Ottof de Bouchra Ouizguen qui poursuit une oeuvre collective sans concession avec Fatima, Halima, Fatma et Fatéma, quatre Aïtas, femmes libres, chanteuses et danseuses de cabaret reconverties sur le tard à l’univers de la danse contemporaine.

La chorégraphe qui pourrait être leur fille, les entraîne, depuis huit ans dans sa recherche artistique. Les poussant à puiser à la source des racines culturelles marocaines les plus profondes mais aussi à celles de leur expérience humaine la plus authentique, pour faire immerger un état présent de femmes porteuses d’énergie et de renouveau.

La pièce débute dans une lenteur où les corps deviennent vecteur d’une coïncidence physique telles des antennes émettrices et réceptrices. L’énergie canalisée se déploie progressivement à travers la singulière personnalité des quatre danseuses dont l’état de transe semble les avoir transportées dans le temps pour nous rejoindre dans un présent sans tabou. Expression d’une culture corporelle qui libère, assumée comme antidote aux blocages sociaux.

On retrouve la même préoccupation d’un rapport entre présent et existence dans le solo Sakinan  göze çöp batar C’est l’oeil que tu protèges qui sera perforé proposé par Christian Rizzo. Vécu par le chorégraphe comme un double incarné, le danseur turc Kerem Gelebek interprète avec plénitude l’expérience émotive d’un arrachement et d’une reconquête transmise par le nouveau directeur du CCN de Montpellier.

« J’ai le sentiment d’organiser de la pensée en mouvement », indique Rizzo à propos de ce travail. Ce pourrait être le récit d’un homme assis sur une caisse contenant tout ce qu’il possède. D’un homme posant avec incertitude le pied sur un nouveau territoire. D’un être qui déverse, sur un sol nouveau les cailloux de son histoire révolue, avant d’initier une tentative d’appropriation de l’espace.

A la laborieuse reconquête que lui renvoie la disparition de toute certitude s’ajoute la (re) découverte de sa capacité corporelle, le besoin d’énergie nécessaire au mouvement qui parfois fait défaut. Le chorégraphe aborde son sujet comme une question Baudelairienne : « Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme ? » en explorant attitudes et libertés du corps face au néant.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 04/07/2015

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Le secteur artistique et culturel face à la parité

la-greve-des-femmes-10414073jgkch_1879Politique culturelle. L’association HF L-R dévoile une étude qui révèle l’inégalité homme/femme en Languedoc Roussillon comme ailleurs en France.

Le domaine des arts et de la culture, que l’on pourrait croire enclin à interroger la société et à en dénoncer les injustices est un secteur où se traduit comme ailleurs l’inégalité entre les hommes et les femmes. C’est fort de ce constat révélé par une première étude du ministère de la Culture en 2006 que des acteurs et des actrices de la société civile  ont décidé d’agir. Des collectifs et associations HF voient ainsi le jour en région. A l’occasion du festival d’Avignon en 2011 se fonde une fédération interégionale du Mouvement HF qui compte aujourd’hui quatorze collectifs régionaux.

En finançant une première étude quantitative sur cette problématique, la Région Languedoc-Roussillon a répondu à la demande de l’association HF-LR de disposer d’indicateurs sur la situation régionale. « L’étude conduite par le sociologue Aurélien Jackouane  permet notamment de mesurer à quelle hauteur nos impôts financent la vision des hommes de culture et pas celle des femmes, souligne un brun provocateur, le militant Bruno Paternot, comédien, directeur de la compagnie Soliloque, un des rapporteurs de l’étude en région.

Les femmes pénalisées

Ce premier état des lieux des inégalités hommes/femmes dans le monde de la culture en L-R vient d’être présenté aux spectateurs du Printemps des Comédiens et de donner lieu à une  journée de travail en atelier avec les professionnels dans le cadre du festival Montpellier Danse. La situation globale sur la totalité du secteur du spectacle vivant donne une représentation de 24% de femmes contre 76% d’hommes. Concernant la direction de lieux, les femmes occupent 38% des postes et les hommes 62%. Elles sont 48% à diriger des compagnies contre 52% d’hommes.

« On est globalement dans les clous par rapport aux chiffres nationaux, indique Bruno Paternot, mais il faudrait affiner pour obtenir une analyse régionale plus précise. Par exemple pouvoir déterminer la différence de coûts alloués aux hommes et aux femmes pour des spectacles comparables.» Au niveau national le coût moyen du montage d’un spectacle dans les CDN et CDR s’élève à 77 271 euros s’il est mis en scène par un homme et à 43 791 s’il est mis en scène par une femme.

« Les inégalités apparaissent également dans la gestion des lieux. On a souvent un directeur et une administratrice qui bute sur le plafond de verre. L’homme prend les décisions, la femme gère les relations publiques, et la médiation

L’association HF-LR dresse un premier état des lieux, sensibilise et ouvre le débat sur un aspect méconnu de la politique culturelle pourtant essentiel. Peut-être parce que cette inégalité concerne la politique tout court. Les soixante membres de l’association rencontreront prochainement à Avignon leurs homologues de Midi Pyrénées bien déterminés à faire évoluer le socle de notre société si paternaliste.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 02/07/2015

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Israel Galvan et Akram Khan la rencontre de deux maîtres

Les deux grands chorégraphes Israel Galvan et Akram Khan.

Les deux grands chorégraphes Israel Galvan et Akram Khan.

Montpellier Danse. « Torobaka », en référence au toro et à la vache, rencontre de deux animaux sacrés et deux maîtres.

Sur le papier la rencontre Israel Galvan Akram Khan programmée sur la scène du Corum peut paraître vendeuse et elle l’est comme on l’a constaté avec l’engouement du public qui a empli la grande salle de l’Opéra Berlioz deux soirées d’affilée. Au delà de l’événement, la création Torobaka répond à une longue fidélité du festival envers ces deux artistes qu’il a contribué à faire découvrir. Elle conforte aussi la place de Montpellier en tant qu’espace de rencontre et de création. Lieu singulier en Europe où la danse contemporaine pétille, se cherche, prend des risques, innove.

Ici, ces dispositions ne sont pas que des mots. Elles concourent à la qualité du spectacle offert par les deux artistes exigeants qui ne se contentent pas de jouer sur l’effet de notoriété cumulé. C’est une vraie rencontre qui se déroule sur scène entre deux grands chorégraphes.

Chacun se livre pleinement au jeu de cette confrontation de culture avec la force et l’irrévérence créative qui les caractérise individuellement. Israel Galvan que des fées sévillanes ont trempé bébé dans l’essence du flamenco pour lui donner le don de s’émanciper de la gestuelle traditionnelle, poursuit son exploration.

Akram Khan Britannique d’origine bangladaise chorégraphe de la mondialisation inspiré par la danse kathak de l’Inde du nord semble happé par des esprits païens.

Les deux chorégraphes s’imprègnent mutuellement de leur énergie. Partagent les planches avec la complicité rythmique de leurs musiciens et chanteurs dont B.C. Manjunath, grand maître des percussions vocales et instrumentales. Chacun apporte sa langue, vibrante, sèche, et pointue chez Galvan, ronde, souple, et envoûtante chez Khan, et les deux corps conducteurs habités par une lointaine mémoire nous emportent, très loin.

JMDH

Source La Marseillaise 01/07/2015

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Dominique Pauwels. La beauté des masques

VDE9358Printemps des Comédiens. L’autre hiver, opéra fantasmagorique et dramaturgique de Dominique Pauwels.

« Il y eut un soir où contrairement aux autres soirs, les chants se mirent à se brouiller dans leurs échos. » Il y a la force du livret de Normand Chaurette. Il y a ce découpage scénographique qui laisse la part belle à la profondeur de champs comme pour rendre transparente la brume obsessionnelle emplissant les deux voyageurs. Peut-être Verlaine et Rimbaud dont la relation amoureuse fut expérimentale. Nous sommes sur le pont d’un navire errant à travers les glaces du nord.

Entre expérimentation et lyrisme L’autre hiver, nouvel opéra de Dominique Pauwels mis en scène par le duo Denis Marleau et Stéphanie Jasmin poursuit l’exploration des rapports entre théâtre et musique. La pièce conclut le Printemps des Comédiens sur une note profondément évaporée et en même temps très puissante.

Le processus de création associe la vidéo à travers un dispositif de mannequins fantômatiques incarnant le choeur. La capacité expressive de la musique associant un orchestre à cordes avec des sonorités électro se rapproche de l’art pictural. On touche à l’art total pour un spectacle qui campe les esprits.

JMDH

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