Trois jours de Tohu Bohu

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Matthew Dear mercredi à Montpellier

Versan électro du festival de Radio France c’est ouvert hier. Il se tiendra jusqu’à mercredi sur un nouveau site symbolique, celui du parvis de la mairie, baptisé comme l’on sait, place Georges Frêche. La programmation bien dosée, assurée par Pascal Maurin rassemble depuis une quinzaine d’année le public le plus jeune du festival et sans doute le plus incompris. Il suffit de dénombrer les annulations et difficultés rencontrées par les organisateurs de ce genre musical en France pour s’en convaincre.

Montpellier n’a pas dérogé à la règle après avoir frôlé l’annulation Tohu Bohu a été déplacé au Rockstore l’année dernière et retrouve l’air libre cette année, grâce à une mobilisation soutenue. Mais toujours pas les étoiles puisque que les sets sont programmés entre 19h et 22h.

On aurait tord de s’en priver pour autant. Ce soir DJ Molly se colle aux platines suivi de David Auguste jeune surdoué de la House natif de Hambourg. Demain ce sera au tout du duo parisien Syracuse, qui caressent la pop psyché et flirtent avec la bossa et l’acid house. A signaler le retour d’une pointure texane en la personne de  Matthew Dear. Et c’est gratuit…

JMDH

Matthew Dear – « Her Fantasy »

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Concert Marcus Miller. La boite noire de la musique

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Photo. Jmdi

C’est un paradoxe, les moments de haute musique en live se font rares alors que les propositions  émanant des festivals explosent. Dimanche, le concert de Marcus Miller en clôture de l’édition 2015 de Jazz à Sète compte parmi ces instants inoubliables.

On le doit sans doute à une conjonction de phénomènes comme le lieu, l’antre magnifique du Théâtre de la mer que ce bassiste hors pair foulait pour la première fois, une formation sans égal soudée au titane, un public avide d’oxygène, et l’énergie prodigieuse, positive et spirituelle, d’un moment unique qui vient de loin.

L’héritage vient des work-songs des esclaves, pour devenir les negro spirituals, le gospel, le dixieland, le jazz original, le blues, le R’n’B, la soul, le jazz, le funk, le hip hop. Aujourd’hui Marcus Miller remonte à la source des rythmes qui font la richesse de ce patrimoine musical, partant de l’Afrique pour les suivre, comme à la trace, jusqu’aux États-Unis en passant par le Brésil et les Caraïbes.

Né en 1959, il est devenu l’ambassadeur naturel des racines de la musique noire. « Après avoir été sélectionnés dans des conditions inhumaines sur l’île de Gorée au Sénégal, les esclaves franchissaient la porte de non retour vers l’Afrique. On les entassaient dans les cales comme des bêtes. Ils n’avaient pas le droit de se parler. Alors ils chantaient. La musique était plus que de la musique, c’était le seul et dernier lien avec l’Afrique. Cette musique a transporté toute l’histoire » explique celui qui a accepté d’être porte parole du projet de l’UNESCO. « La route de l’esclave » source d’inspiration de son dernier album « Afrodeezia ».

A l’instar de Miles Davis qui lui avait donné sa chance à 25 ans, Marcus s’entoure de musiciens confirmés et de jeunes très prometteurs avec une forte volonté de transmission.

JMDH

Source : La Marseillaise 20/07/2015

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Maguy Marin. BiT une créa anti Créon

Recherche d’un équilibre sur un sol incliné

Montpellier Danse. Bit de Maguy Marin en clôture du festival.

Maguy Marin suit depuis le début des années 80 le mouvement des sans futur pour être pleine et entière dans le présent. C’est l’Antigone française de la danse contemporaine. Celle qui percute les murs comme les graffers, en choisissant ses bombes.

La scénographie de BiT, sa dernière pièce, comporte sept échafaudages. On songe aux rambardes de lancement des skaters et autres pratiquants du deux roues en mode extrême. Plongé dans l’obscurité face à ces tremplins fatidiques, on entre dans une atmosphère inquiétante, proche de l’ambiance des films de Dario Argento où la présence musicale suggère l’existence d’un rite satanique.

Nous prenant au jeu des faux semblant, Maguy Marin instaure un climat noir terrifiant que contredit l’apparition des danseurs exécutant une rassurante farandole très ancrée au sol. Dans la première partie, lorsque les corps se lâchent, c’est pour se rattraper, avec le sentiment justifié que l’union assure. Mais bien vite les danseurs montent et descendent sur les rampes, glissent, apparaissent et disparaissent, changent, se perdent et le lien d’humanité se distend.

Intéressant sur le plan technique BiT n’est pas dénué de sens en référence à l’affrontement, à la continuité et au discontinu. Le trait de colère est précis et la couleur, politiquement non correcte, n’en demeure pas moins active. Chez Maguy, le moyen d’expression reste un moyen de lutte.

JMDH

Source : La Marseillaise 10 07 15

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Création Luis Garay. Mythique vision du vide saturée

Cocooning_2Montpellier Danse. Cocooning de Luis Garay avec les performeurs d’hTh & co.

C’est une collaboration qui décoiffe embarquant les performeurs de hTh & Co et le chorégraphe colombien Luis Garay. La création in situ Cocooning vient d’être donnée au Théâtre de la Vignette qui avait des allures d’après tsunami après le passage de ces mercenaires de l’ennui. Contrairement à l’univers fascinant du dispositif qui dématérialise la notion de spectacle et de temps, c’est à partir de l’état d’ennui profond que lui inspire le monde que Luis Garay le repense.

Cocooning ouvre un espace apocalyptique dont on se demande s’il reflète, ce qui vient juste de se produire, le présent, ou la vision d’un proche avenir. A mesure que le public se fraye un chemin à l’intérieur de ce compost géant du XXIe, il signifie son appartenance au désordre.

En nageant dans la glaise et les restes organiques d’un accouplement surnaturel entre l’Homme, la nature et les machines, on croise certains survivants. On découvre leur corps en état de pénible renaissance mais toujours respectueux des addictions, sexe, image, connexions, bagnole, masturbations, physique et intellectuelle… Ils sont déterminés comme le sont les larves pour se mouvoir. Chacun se démène avec son handicap tout le monde communique, personne n’est ensemble.

L’inconfort physique est majestueusement ignoré, la souffrance effacée, les corps des hommes et des femmes empêchés persistent à vivre pour reproduire leur aliénation. Une vraie vision.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 08/07/2015

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Va Wölfl a-t-il tiré dans le disjoncteur ?

limousine 3Montpellier Danse. Un spectacle reporté pour panne de secteur à l’Opéra.

Ne pas savoir à quoi s’attendre est l’état d’esprit le plus adapté pour se rendre à un spectacle de l’imprévisible Va Wölfl. Cette figure radicale de la scène allemande fait du reste tout pour préserver l’effet de surprise en laissant le moins de trace possible sur ses méfaits passés et en devenir.

Chor(e)ographie:Journalismus programmé dans le cadre de Montpellier Danse est un spectacle performatif adaptable. Vendredi, l’arrivée en limousine devant l’Opéra Comédie avec en arrière plan, une manif en soutien au peuple Grec donnait déjà un premier goût du sens des contrastes et de la mise en scène de Va Wöfl.

A l’intérieur la cage de scène de l’opéra transformée en White Cube cher aux Galerie d’art, donnerait envie d’aller se trémousser sur la musique techno de superette qui fait légèrement vibrer le grand lustre. Seulement il y a ces carabines, un peu dissuasives qui tournent sur le sol de l’avant scène.

Durant la présentation aussi profonde que les campagne électorale aux USA les danseurs saisissent les fusils en visant le plafond. Au deuxième acte, un chef dirige un orchestre à partir d’un lance-balles qui projette violemment ses boules vertes sur une ligne de guitares électriques qui sonnent déglingues. Deux danseuses s’écroulent et puis c’est le grand noir.

Suite à l’incident, jamais vu en 35 ans de festival, on ne peut s’empêcher de se demander si Va Wöfl n’a pas eu la brillante idée de loger une balle dans l’armoire électrique.

JMDH

Source La Marseillaise 07/07/2015

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