Adaptation de l’œuvre de Lobo Antunes. Demande de mutation

Madame monsieur,

nous vous invitons à porter une attention particulière à la présente note interne qui s’avère importante pour le bon fonctionnement de nos services en vertu de l’application des dernières circulaires ministérielles destinées à guider le débat sur l’identité nationale. L’affaire concerne la transcription des actes d’état civil du célèbre écrivains portugais Lobo Antunes.

L’agent en charge de ce dossier, un certain Georges Lavaudant, n’a visiblement pas respecté son contrat ni les règles d’usage les plus élémentaires. Est-il pensable de ne pas valoriser la nationalité portugaise de l’artiste ? Dans cette pièce incompréhensible, on entend même Antunes dire qu’il se sent angolais, vous imaginez ?

Cette pièce ne veut rien dire. Elle traverse sans respect chronologique, ni esprit de contradiction l’œuvre subversive de l’auteur, et  rend compte à l’aide de tableaux fort suggestifs de son univers malsain.

Tout cela manque vraiment d’ordre et le texte est bourré de contradictions. On parle de nos colonies, de la femme de l’auteur, on excuse les disfonctionnements mentaux de toute une génération. Il y a des scènes où l’honneur de nos glorieux soldats envoyés en Angola en prend un coup.

D’autres où l’on valorise la divagation des soldats livrés à eux-mêmes. Je ne m’explique pas  comment un médecin comme Antunes n’a pas compris qu’il devait soigner au lieu de perdre son temps à écouter les divagations de ses patients.

Le travail de cet homme qui se dit metteur en scène nuit gravement à l’efficacité de nos services administratifs et plus encore à l’intérêt général de notre nation. D’autant qu’il a fait appel à de jeunes comédiens du conservatoire de Montpellier auxquels il semble avoir injecté tout le poison de son âme.

Il faut voir sur scène la gravité de cette jeunesse. Les postures lascives des jeunes filles ne sont vraiment pas un exemple à suivre. L’effet s’intensifie encore avec la présence d’une voix puissamment évocatrice d’un activiste culturel dénommé Gabriel Monnet, encore un Français.

Nous étions déjà défavorable au montage de ce projet de spectacle pour aborder l’œuvre de Lobo Antunes. Malgré ses  origines bourgeoises, cet auteur s’applique à noircir tout ce qui fait l’honneur de notre beau pays, en dénonçant l’hypocrisie et le mensonge à l’endroit où se niche notre fierté historique.

Ce Lavaudant a beaucoup de peine à rétablir la réalité. Il se permet de prolonger les thèses d’Antunes en donnant un écho nouveau à son œuvre. C’est intolérable et véritablement dangereux dans un cadre de crise comme celle qui traverse actuellement notre nation.

En conséquence, nous vous demandons de prendre les mesures nécessaires pour le suspendre de ses fonctions dans les plus brefs délais. Une mutation au service des espaces verts pourrait être envisagée. Nous avons en ville de nombreux ronds-points où l’herbe folle et les œillets reprennent du terrain.

Jean-Marie Dinh

 

Il faut voir sur scène la gravité de cette jeunesse et les postures lascives des filles.


Etat civil : spectacle donné dans le cadre du Printemps des comédiens.

Antonio Lobo Abtune dernier ouvrage paru : Mon nom est légion , janvier 2011, éditions Bourgeois

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Festival,  Jean Varela « rassembler autour d’un projet artistique », rubrique Rencontre Gabriel Monnet,

Brassaï en Amérique : des villes et des hommes

L’ambition du Pavillon populaire de devenir l’un des lieux de rendez-vous international de l’art photographique se poursuit. Sous l’impulsion de l’adjoint à la culture Michaël Delafosse et du directeur artistique Gilles Mora, l’expo Brassaï en Amérique* porte une significative contribution à cette idée. Elle propose 50 images en couleur et 110 tirages d’époque en noir et blanc jamais publiés par l’artiste français d’origine hongroise. L’expo s’inscrit comme « une découverte  qui devrait faire date dans l’histoire de la photo », note le spécialiste de la photo américaine Gilles Mora.

Greenwich Village, New York 1957. Mise en espace d’une curieuse et très contemporaine façade.

Brassaï (1899/1984), pseudonyme de Gyula Halász, a trois ans quand sa famille emménage à Paris. Ses études de peinture et de sculpture le conduisent à devenir un artiste multifacette. Au cœur des années 20, Brassaï fréquente Montparnasse. Il peint dessine, écrit et sculpte mais au grand dam de son ami Picasso, il choisit de se consacrer prioritairement à la photographie. Paris demeure sa ville de prédilection. Le recueil « Paris la nuit » réalisé en 1932 est à l’origine de son succès. Un travail qui a vu le jour avec la complicité amicale et décadente de son ami Henri Miller qui l’accompagne dans ses pérégrinations nocturnes. « Jusqu’en 57, la carrière de Brassaï fut une succession de rendez-vous manqués avec les USA, souligne la commissaire de l’exposition Agnès de Gouvion Saint-Cyr. Il fut sollicité en 1932 par le galeriste new-yorkais Julien Lévy puis en 36 par le directeur artistique du magazine de mode  Harper’s Bazaar, mais il ne se sentait pas prêt. » En 1957, il accepte l’offre du magazine  Holiday qui lui donne carte blanche. La commande lui impose juste de photographier la foule dans la 5e avenue et de se rendre en Louisiane. « Une année plus tôt, son exposition sur le graffiti avait révolutionné la vision des Américains sur la photo » précise la commissaire.

C’est cette appropriation d’une culture et d’un territoire urbain par un photographe complice des surréalistes qui nous est donnée à voir au Pavillon Populaire. Brassaï pour qui l’urbain est un sujet de prédilection s’adapte à ce nouvel espace. Il joue des oppositions entre la foule et l’environnement, ne s’arrête pas aux sens nouveaux qui lui apparaissent mais cherche à le dépasser en sortant de la réalité par la lumière. Il suit les passants pour s’imprégner de leur vie, utilise la couleur,  se lance dans les petits formats… Le talent s’impose avec des photos comme celle du laveur de vitres où son sens de l’esthétique et du flou se conjugue à celui du mouvement.  La force de l’histoire s’affirme dans ce regard sur le dernier bateau à roue du Mississipi porté par des vagues angoissantes qui semblent le conduire vers son dernier voyage. La scène a lieu sous les yeux de quatre minuscule spectateurs. L’humour ne fait pas défaut comme on l’observe avec ces trois clichés d’une statue de Napoléon que l’on imagine pris sur le vif.  L’empereur trouve à mesurer sa fierté avec une femme de Louisiane.

Les femmes, un autre sujet majeur de l’univers pictural de Brassaï qui mériterait bien des développements… Le mieux est de se rendre au Pavillon Populaire en toute liberté pour les découvrir…

Jean-Marie Dinh

Au pavillon Populaire du 17 juin au 30 octobre, entrée libre.

Un beau catalogue rend compte de cette exposition éditions Flammarion.

Voir aussi : Rubrique Photo Lumière sur les chambre noires du Sud, Optiques ouverts pour un voyage dans les villes, rubrique Art, rubrique Expositions,

Festival d’Avignon : La force artistique

Vincent Baudriller, directeur du festival d’Avignon a répondu à l’invitation du Printemps des Comédiens pour nous entretenir de la manière dont il a conçu son rôle au côté d’Hortense Archambault. Répondant aux questions de l’universitaire Gérard Lieber, le directeur est revenu sur les partis pris de la programmation depuis 2004. Ceux-ci participent des principes fondateurs du festival posés par Jean Vilar : celui d’un lieu de création qui  s’adresse à un large public.

Mots de circonstance qui prennent toute leur force dans la capacité de saisir leur temps démontrée par les deux directeurs. Le pari de la création s’affirme ainsi à travers la remise en question de leurs propres convictions en complicité avec les artistes associés issus de différentes origines et pratiques artistiques. Thomas Ostermeier en 2004, Jan Fabre en 2005, Josef Nadj en 2006, Frédéric Fisbach en 2007, Valérie et Romeo Castelluci en 2008, Wajdi Mouawad en 2009, Olivier Cadiot et Christoph Marthaler en 2010, la liste des artistes est parlante, elle révèle le goût du risque et celui de la confrontation incarnés cette année par le chorégraphe Boris Charmatz.

L’autre axe prioritaire concerne le désir de convier le spectateur dans l’aventure artistique de la modernité en lui réservant un espace. L’école d’art d’Avignon est à cet effet devenu le foyer des spectateurs pour échanger et penser un théâtre d’idées où l’art renoue avec sa dimension symbolique et solidaire. Le temps démontre que les spectateurs sont prêts à jouer le jeu. Le jour de l’ouverture de la billetterie, 30 000 places ont été vendues. Signe concret et réjouissant d’une énergie artistique nouvelle qui déconstruit l’individualisme en faisant lien entre l’intime et la dynamique collective.

Jean-Marie Dinh

Le Festival d’Avignon se tient cette année du 6 au 26 juillet .

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Festival,  Jean Varela,  rubrique Danse, Boris Charmatz : danse des ténèbres,

Montpellier : à la Paillade, Mélenchon s’engage en faveur des Assises nationales des quartiers populaires

 

Le candidat à la présidentielle du Front de Gauche FG, Jean-Luc Mélenchon était hier dans le quartier de La Paillade à Montpellier où il a tenu une réunion avec les habitants dans un café du quartier. Entouré de René Revol, candidat  F.G aux dernières élections régionales, et de Mohamed Bouklit, le candidat (FG) qui s’est incliné au second tour des cantonales, avec 34,5 % des suffrages, contre le Président (PS) du Conseil général André Vézinhet, Mélenchon bouscule : « Avec Frêche, on me parlait de l’Hérault comme d’un territoire où la pratique politique est caricaturale. Mais le post-frêchisme, c’est encore le frêchisme. J’ai la conviction que ce qui s’est passé ici aux dernières cantonales concerne tout le pays.« 

En franc tireur, le candidat à la présidentielle fonde sa campagne sur le réveil citoyen qui voit jour avec la décomposition des appareils politique qu’il pousse à sortir de leur routine. Après le lancement de sa campagne place des martyrs de la bataille de Stalingrad, il s’est rendu près de Marseille auprès des salariés de l’usine Thé Elephant menacés de délocalisation. L’étape montpelliéraine apporte une pierre supplémentaire à l’édifice du F.G pour défendre l’expression citoyenne des quartiers populaires.

« Ce matin nous avons passé un accord morale avec le Front de Gauche des Quartiers Populaires (FGQP), explique le candidat à la présidentielle, sans rien demander à personne, ils ont pris l’initiative de s’organiser dans le quartier pour proposer une autre politique. Tout repose la dessus. Nous l’avons rêvé, ils l’on fait et ils pensent pouvoir le développer au niveau national. Moi je leur fais confiance parce que se sont des gens raisonnables et sensés.  Je les accompagnerais dans cette démarche. »

En attendant les Assises nationales des quartiers populaires qui devraient se tenir en octobre à Montpellier Mohamed Bouklit et son équipe s’engagent à diffuser le mouvement dans l’hexagone. « Le FGQP souhaite répondre au malaise et à l’angoisse sociale que vivent durement nos concitoyens dans les quartiers populaires. Localement on a tenté d’ethniciser cette lutte sociale avec des rhétoriques fallacieuses alors  que nous participons pleinement au rassemblement et à la construction du Front de Gauche. »

 

Trois questions à Mélenchon

Ne présagez-vous pas un peu vite de la validation de cet accord avec le FGQP par les différentes composantes du Front de Gauche ?

Ca ne paie pas de mine comme çà. On est quelques uns dans un bistrot et on lance des idées qui changent fondamentalement le cours des choses. Mais on va au bout, et c’est bien souvent de cette manière que les bouleversements voient le jour. Je vais demander à Pierre Laurent d’inviter Mohamed Bouklit et ses amis à participer au Conseil national du F.G pour que nous puissions travailler ensemble. Les initiatives de terrain sont inscrites dans le code génétique du Front de Gauche.

Comment adapter une stratégie de campagne sur le modèle du non au référendum sur le TCE à une élection présidentielle où la personnalisation joue à plein ?

C’est une vraie difficulté mais on ne parviendra pas à une révolution citoyenne pacifique et démocratique sans le peuple. Il faut partir du terrain. Si quelqu’un est capable de me dire comment il faut régler le problème des quartiers. Alors qu’il vienne l’expliquer aux gens qui sont ici. On ne sort pas l’œuf. On a déjà trois campagnes derrière nous. On sait comment cela se passe et on a confiance dans la force qui se dégage.

Quel est l’état de votre budget de campagne ?

La campagne de l’UMP c’est 23 M, celle du PS, 21 M, nous, nous sommes en train de le boucler. Si on arrive à 2 M ou 3 M ce sera le bout du monde. C’est un prêt gagé sur le parti et le parti est gagé sur le candidat. Nous partageons avec le PCF. On ne s’inscrit pas  dans la compétition de l’argent et c’est tant mieux. Tout part de la base.

Jean-Marie Dinh

 

Voir aussi : Rubrique Politique, Les engagements de Mélenchon, rubrique politique locale, Cantonales : Le parti présidentiel submergé par le FN, Rubrique Société Médias banlieue et représentations,

Peter Brook réinvente la flûte

Pour Peter Brook l’intention prime sur le résultat. Photo Pascal Victor.

Peter Brook aime Mozart, mais qui ne l’aime pas ? Après avoir monté Don Giovanni en 1998, il s’attache à la Flûte enchantée. On ne va pas voir cette Flûte comme une mise en scène de plus de l’œuvre mozartienne mais pour découvrir ce qui fait battre le cœur de Brook dans cette histoire maçonnique. Il y a là, matière à attiser notre curiosité d’autant que Peter Brook n’aime pas l’opéra, qu’il considère comme une forme figée dans son imagerie comme dans son institution. 

Son travail  a consisté pour une large part à se débarrasser des conventions pour être plus proche de Mozart. « Il disait toujours que là où est la profondeur  sont la légèreté et l’improvisation », observe le metteur en scène britannique. Monté dans son théâtre des Bouffes du Nord fin 2010, le spectacle tourne depuis dans le monde. Il a fait une escale en queue de Printemps des Comédiens grâce à l’ami de longue date, Jean-Claude Carrière.

La scène des Micocouliers offre un écrin naturel parfaitement adapté à la volonté de proximité souhaitée par Brook. Sur scène, un piano seul. Entre le musicien Franck Krawczyk qui a assuré la transcription musicale originale de la partition pour un pianiste. L’homme pose ses doigts sur les touches et l’histoire commence. L’économie de moyens n’a pour une fois aucun lien avec la crise. Elle vise à peupler l’imaginaire dans un rapport inversé où l’absence de parti pris esthétique en est un. Celui de saisir l’instant en tant qu’acte théâtral. L’enchantement  de Brook est de conserver la trame d’un parcours initiatique qui se joue sous nos yeux. Avec malice, les deux comédiens balisent les épreuves des candidats en quête d’amour. Le dépassement de soi qui permettra de toucher au but, s’incarne aussi dans les efforts physiques et mentaux exigés des jeunes chanteurs. Pour Peter Brook l’intention prime sur le résultat et tant pis si on se plante un soir sur les trilles diaboliques de l’air de la Reine de la nuit.

Cette libre adaptation ne répond pas à une volonté de grand chamboulement. Elle déplace sensiblement les formes, déshabille les conventions, trompe les attentes tout en amorçant un retour vers une essence perdue. Il est question de jeu, de sincérité et de morale. On prend plaisir à ce spectacle comme on le fait en observant les enfants jouer.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Festival,  Jean Varela « rassembler autour d’un projet artistique », rubrique Musique,