Des ONG réclament la vérité sur la mort d’un journaliste franco-congolais

Bruno Ossebi

Bruno Ossebi

Des ONG de défense de la presse et de lutte contre la corruption ont appelé mardi le président français Nicolas Sarkozy à « s’engager pour que toute le lumière soit faite » sur le décès suspect, il y a tout juste un an à Brazzaville, du journaliste franco-congolais Bruno Ossébi. Les associations, dont Sherpa et le Comité de protection des journalistes, se disent, dans un communiqué, « extrêmement préoccupées par les circonstances de son décès, par l’inertie dont font preuve les autorités judiciaires congolaises, et par le silence des autorités françaises s’agissant d’un ressortissant français ». Dénonçant « le contexte de répression qui sévit au Congo-Brazzaville à l’encontre des acteurs de la société civile », elles appellent le président français « à s’engager personnellement pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire ».

Très critique envers le régime du président Denis Sassou Nguesso, Bruno Ossébi, 44 ans, est mort le 2 février 2009 dans un hôpital de Brazzaville. Il y avait été admis après avoir été blessé dans un incendie qui avait ravagé sa maison, tuant sa compagne et les deux filles de cette dernière, selon une enquête menée par Reporters Sans Frontières (RSF) citée par le communiqué. Selon l’enquête de RSF, la maison du journaliste avait été rasée moins de 14 heures après l’incendie et le corps de Bruno Ossébi n’a fait l’objet d’aucune autopsie. Les ONG rappellent que Bruno Ossébi enquêtait notamment sur les scandales de corruption au Congo et soutenait les enquêtes menées par des associations sur les suspicions de détournements par la famille présidentielle. En France, des plaintes déposées en France en 2007 et 2008 pour détournements de fonds publics contre plusieurs dirigeants africains, dont Denis Sassou Nguesso, n’ont abouti à aucune poursuite.

Voir aussi : Rubrique France politique internationale La françafrique se porte bien, Rubrique Congo : harcèllement de journalistes lors des présidentielles,

Les médias et la banlieue de Julie Sedel

L’Essai de la sociologue Julie Sedel Les médias et la banlieue a reçu le prix des Assises du Journalisme 2009.

mediasbanlieue2À la fin des années 1990, le traitement journalistique des quartiers populaires périphériques s’est focalisé sur des faits de violence impliquant des jeunes hommes issus de l’immigration. Pourquoi l’attention des journalistes s’est-elle portée sur cette fraction de la population des cités ? Ce livre se propose d’y répondre à travers l’étude des quartiers populaires et des logiques journalistiques. Depuis les années 1970, les cités HLM périphériques ont été marquées par un double mouvement de paupérisation et de disqualification sociale. La dégradation du cadre bâti sur fond de crise économique s’est accompagnée du départ des petites classes moyennes françaises et de l’installation puis de la relégation durable d’un prolétariat en grande partie immigré.

Progressivement, les jeunes gens ayant investi les espaces collectifs sont devenus le point de focalisation des regards et leurs usages de l’espace comme leurs formes de sociabilité, ostensiblement présentes, une source de tensions. Parallèlement, le fonctionnement journalistique a été marqué par des profonds changements : libéralisation des médias audiovisuels, concentration de la presse… Dans les rédactions, les faits divers ont pris le pas sur les sujets sociaux et le modèle du journalisme « professionnel » a remplacé celui du journalisme engagé. Leurs manières de travailler se sont également trouvées modifiées par la professionnalisation croissante des sources d’informations

En effet, pour se prémunir des incursions médiatiques et éviter les dérapages journalistiques, des institutions et des groupes plus informels ont mis en place des stratégies de communication. Dans les quartiers populaires de la périphérie, certains habitants et acteurs sociaux se sont ainsi transformés en attachés de presse.

Loin d’être statique, la médiatisation apparaît donc comme un processus à l’intérieur duquel les médias sont de plus en plus devenus des acteurs de la réalité sociale qu’ils prétendent seulement « enregistrer » ou « photographier ».

Voir aussi : Rubrique Société Banlieue Médias et représentations

Stratégie en Afghanistan: un bel exemple de la pratique des petits soldats du journalisme

Tactiques de la cloche à fromage

A l’heure où la conférence de Londres accouche d’une souris et au moment où les français se prononcent majoritairement pour le retrait des soldats français d’Afghanistan, Hervé Asquin signe pour l’AFP ce jolie article sous le titre  Stratégie en Afghanistan: variations françaises sur un thème américain… Un bel exemple de la pratique des petits soldats du journalisme qui devrait ravir Claude Guéant.

BASE AVANCEE DE NIJRAB (Afghanistan, 24 jan 2010) Tactiques de la cloche à fromage, du mikado, du pare-feu ou du billard: les officiers français se succèdent dans l’est de l’Afghanistan où ils rivalisent d’ingéniosité pour accommoder à leur façon la stratégie américaine de contre-insurrection. Commandant en chef des forces américaines et de l’Otan en Afghanistan, le général Stanley McChrystal a pris un virage à 180 degrés au cours de l’été, constatant l’impuissance de la coalition à maîtriser l’insurrection après huit ans de guerre. Son nouveau mot d’ordre: privilégier la sécurisation des populations sur la traque des insurgés.

Depuis le 1er novembre, la plupart des 3.300 soldats français sont rassemblées dans la province de Kapisa et le district de Surobi, à une cinquantaine de kilomètres au nord-est et à l’est de Kaboul. A la tête de cette « Task Force La Fayette », le général Marcel Druart tente d’appliquer « l’esprit » sinon la lettre des nouvelles priorités de McChrystal, exercice grandement facilité par le goût du général américain pour la « pensée stratégique » française. McChrystal se revendique volontiers de Lyautey, le Maréchal de France qui prônait le respect des populations et de l’islam dans le Maroc du Protectorat, ou de David Galula, l’officier français passé par Harvard, auteur, dans les années 60, de « Contre-insurrection, théorie et pratique ».

Sur la ligne stratégique, il y a tout au plus l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre Français et Américains. McChrystal entend gagner la « confiance » des populations afghanes, « conquérir les coeurs et les esprits ». Patron du 2e régiment étranger d’infanterie, le colonel Benoît Durieux qui vient d’achever une mission de six mois à la tête des forces françaises en Surobi, parle plutôt de « libérer les coeurs et les esprits de l’obscurantisme des talibans ». Avant son retour en France, l’officier avait présenté sa stratégie du Mikado au ministre de la Défense Hervé Morin, venu partager le réveillon de la Saint-Sylvestre avec le contingent français. « Les membres de la société afghane sont liés par des liens familiaux, ethniques, tribaux, des souvenirs communs, des projets, des intérêts… », avait-il expliqué au ministre, et il s’agit « d’observer comment le jeu est tombé » pour retirer une baguette sans faire bouger les autres.

Cette stratégie a permis aux forces françaises de « remonter jusqu’au nord d’Uzbin », la vallée autrefois interdite où 10 soldats français étaient tombés sous le feu des talibans à l’été 2008, se félicite le général Druart, s’exprimant à Nijrab, son quartier général. En février 2009, le colonel Nicolas Le Nen expliquait à l’AFP comment il avait piégé les insurgés « comme des mouches sous une cloche à fromage » en déployant 150 hommes sur les crêtes. Son successeur à Nijrab, le colonel Francis Chanson, a élaboré la théorie du pare-feu, visant à contenir les foyers insurrectionnels les plus radicaux en gagnant les populations alentour à la cause de la coalition. Quant au général Druart, il propose une stratégie dite du billard, « un réseau de forces positives -autorités, policiers, militaires ou commerçants- pour faire pencher la population indécise en notre faveur ».

Si ces diverses stratégies semblent avoir porté leurs fruits en Surobi où la situation paraît apaisée, la partie est encore loin d’être gagnée en Kapisa, reconnaît cependant le général Druart. Les Français ont perdu trois des leurs en trois jours à la mi-janvier dans cette province, deux d’entre eux tombés sous le feu des insurgés, le troisième victime d’une mine artisanale.

Florence Aubenas juge les déclarations de Guéant Très blessantes

La journaliste Florence Aubenas, ex-otage en Irak, a jugé lundi « très blessant » le commentaire du secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant, qui a estimé, à propos des journalistes de France 3 enlevés en Afghanistan, que le « scoop ne devait pas être recherché à tout prix ». « Je trouve cela très blessant, et pour eux et pour les familles. J’espère très profondément qu’on ne leur fera pas entendre cela, parce que c’est pour eux un motif de désespoir terrible », a-t-elle indiqué lors d’une interview sur Public Sénat. Interrogé dimanche sur le sort des deux journalistes, M. Guéant a assuré qu’ils étaient « en vie ». « Ils font courir des risques aussi à beaucoup de nos forces armées qui, du reste, sont détournées de leurs missions principales », a-t-il ajouté, soulignant le « coût tout à fait considérable » de cet enlèvement.

« On parle de la liberté d’informer et on vient leur dire que l’addition est lourde. Elle est d’abord lourde pour eux (les otages, NDLR) », a réagi Florence Aubenas. « Je suis très surprise parce jusqu’à présent il avait été recommandé à toute la profession d’être très discrète sur ce dossier, et ne même pas donner le nom des journalistes enlevés », a-t-elle ajouté. « Tout le monde s’y est tenu. Je suis très étonnée que cette discrétion soit rompue par ceux qui la demandent, par le gouvernement lui-même, et profitent que deux personnes soient en détention pour instruire un procès contre eux, un procès que je trouve malvenu en ce moment », a-t-elle dit. Florence Aubenas, à l’époque journaliste à Libération, a été enlevée et détenue en otage en Irak de janvier à juin 2005.

AFP

Soutien aux deux journalistes détenus en Afghanistan.

Après les propos controversés de Claude Guéant, sur «l’imprudence coupable» des deux reporters de France 3 enlevés en Afghanistan, leurs amis et confrères demandent aux responsables politiques de «faire preuve de retenue». Le vent se lève soutient cet appel.

«Nous, amis et soutiens des deux journalistes et de leurs accompagnateurs afghans comprenons et respectons les consignes de silence et de discrétion autour de leur enlèvement afin de ne pas gêner les négociations qui s’engageraient avec les ravisseurs. Pour autant, nous ne pouvons pas admettre que des responsables politiques mettent en cause la probité professionnelle de nos confrères et amis. Les journalistes de France Télévision enlevés sont tous deux très expérimentés, avec chacun plus de vingt ans d’expérience professionnelle sur de nombreux théâtres d’opération. Afghanistan, Proche Orient, conflit de l’ex-Yougoslavie, Rwanda, guérillas du Cambodge, ex-URSS, ils ont effectué de nombreux reportages dans des pays en guerre. C’est à ce titre que la rédaction de France 3 leur a confié cette mission d’information en Afghanistan.

Journalistes et amis, nous n’accepterons pas que la réputation de nos confrères soit salie et diminuée alors même qu’ils sont encore aux mains de leurs ravisseurs et qu’ils n’ont pas encore livré le récit de leur enlèvement. Les propos tenus sont outrageants au regard du parcours professionnel de nos confrères, des risques qu’ils ont encourus avec certains d’entre nous pour informer le public lors d’autres conflits et des motivations profondes qui les guident dans l’accomplissement de leur métier. Le dénigrement de nos confrères est en outre très blessant pour les familles. Et puisque la recommandation est à la discrétion, nous aurions souhaité que les responsables politiques soient les premiers à faire preuve de retenue. Loin des contre-vérités et des polémiques. L’Etat doit assistance à tout citoyen français, fût-il journaliste.»

Vous pouvez signer l’appel ici, ou rejoindre le groupe de soutien, .

Voir aussi : Rubrique Médias , Montpellier soutien, rassemblement de soutien aux otages ,exemple pratique d’un petit soldat du journalisme , entretien avec Florence Aubenas,