La
« On parle de la liberté d’informer et on vient leur dire que l’addition est lourde. Elle est d’abord lourde pour eux (les otages, NDLR) », a réagi Florence Aubenas. « Je suis très surprise parce jusqu’à présent il avait été recommandé à toute la profession d’être très discrète sur ce dossier, et ne même pas donner le nom des journalistes enlevés », a-t-elle ajouté. « Tout le monde s’y est tenu. Je suis très étonnée que cette discrétion soit rompue par ceux qui la demandent, par le gouvernement lui-même, et profitent que deux personnes soient en détention pour instruire un procès contre eux, un procès que je trouve malvenu en ce moment », a-t-elle dit. Florence Aubenas, à l’époque journaliste à Libération, a été enlevée et détenue en otage en Irak de janvier à juin 2005.
AFP
Soutien aux deux journalistes détenus en Afghanistan.
Après les propos controversés de Claude Guéant, sur «l’imprudence coupable» des deux reporters de France 3 enlevés en Afghanistan, leurs amis et confrères demandent aux responsables politiques de «faire preuve de retenue». Le vent se lève soutient cet appel.
«Nous, amis et soutiens des deux journalistes et de leurs accompagnateurs afghans comprenons et respectons les consignes de silence et de discrétion autour de leur enlèvement afin de ne pas gêner les négociations qui s’engageraient avec les ravisseurs. Pour autant, nous ne pouvons pas admettre que des responsables politiques mettent en cause la probité professionnelle de nos confrères et amis. Les journalistes de France Télévision enlevés sont tous deux très expérimentés, avec chacun plus de vingt ans d’expérience professionnelle sur de nombreux théâtres d’opération. Afghanistan, Proche Orient, conflit de l’ex-Yougoslavie, Rwanda, guérillas du Cambodge, ex-URSS, ils ont effectué de nombreux reportages dans des pays en guerre. C’est à ce titre que la rédaction de France 3 leur a confié cette mission d’information en Afghanistan.
Journalistes et amis, nous n’accepterons pas que la réputation de nos confrères soit salie et diminuée alors même qu’ils sont encore aux mains de leurs ravisseurs et qu’ils n’ont pas encore livré le récit de leur enlèvement. Les propos tenus sont outrageants au regard du parcours professionnel de nos confrères, des risques qu’ils ont encourus avec certains d’entre nous pour informer le public lors d’autres conflits et des motivations profondes qui les guident dans l’accomplissement de leur métier. Le dénigrement de nos confrères est en outre très blessant pour les familles. Et puisque la recommandation est à la discrétion, nous aurions souhaité que les responsables politiques soient les premiers à faire preuve de retenue. Loin des contre-vérités et des polémiques. L’Etat doit assistance à tout citoyen français, fût-il journaliste.»
Vous pouvez signer l’appel ici, ou rejoindre le groupe de soutien, là.
Voir aussi : Rubrique Médias , Montpellier soutien, rassemblement de soutien aux otages ,exemple pratique d’un petit soldat du journalisme , entretien avec Florence Aubenas,
La Société des journalistes (SdJ) de France 3 s’est déclarée « scandalisée »: « Cette grave remise en cause de nos collègues, kidnappés dans l’exercice de leur métier, révèle un cynisme effrayant ». M. Guéant « choisit de polémiquer, alors que leur vie est actuellement en danger (…) en communiquant sur le +coût+ supposé des recherches entreprises pour nos collègues et leurs accompagnateurs, le conseiller Guéant ne craint ni l’outrance, ni l’indécence », ajoute-t-elle.
« Albert Londres n’aurait jamais accepté de se laisser dicter les sujets sur lesquels il devait enquêter, encore moins ceux sur lesquels il ne devait pas enquêter, quels que soient les dangers. Cette règle est un principe de base de notre métier, aujourd’hui comme hier », selon l’association du Prix Albert-Londres.
« Comment peut-on, trois semaines après la disparition de nos confrères, continuer de les accuser d’avoir fait leur métier », a demandé Jean-François Téaldi, secrétaire général du SNJ-CGT de France Télévisions.
« Les journalistes font leur travail, que les politiques fassent le leur », a déclaré Dominique Pradalié, secrétaire générale du SNJ.
Pour la SdJ de France 2, « Claude Guéant insulte le journalisme ». « Ces déclarations témoignent d’une méconnaissance totale de notre métier: si l’on suit son raisonnement nous n’aurions couvert aucune guerre de ces dernières années, à commencer par le Liban, l’Irak, la Géorgie, Gaza et aujourd’hui l’Afghanistan », dit-elle.
Qualifiant les déclarations de M. Guéant de « choquantes », Reporters sans frontières (RSF) a demandé un rendez-vous officiel à l’Elysée.