Congo : le président Sassou réélu au premier tour, l’opposition conteste

Denis Sassou-Nguesso au Bourget, le 30 novembre pour la COP21. Photo Loïc Venance. AFP

Denis Sassou-Nguesso au Bourget, le 30 novembre pour la COP21. Photo Loïc Venance. AFP

Denis Sassou Nguesso, qui cumule 32 ans de pouvoir à la tête de son pays, a été réélu au premier tour pour un nouveau mandat de 5 ans, selon des résultats officiels publiés alors que le pays était privé de télécommunications depuis plus de quatre jours.

Le président congolais Denis Sassou Nguesso, qui cumule 32 ans de pouvoir à la tête de son pays, a été réélu au premier tour pour un nouveau mandat de 5 ans avec 60,39 % des voix, selon les résultats officiels publiés jeudi et contestés par ses deux principaux concurrents. L’annonce officielle de sa victoire au scrutin de dimanche est tombée peu après 3 h 30 du matin à la télévision nationale, alors que le pays était privé de télécommunications depuis plus de quatre jours.

Les autorités avaient annoncé la coupure de services SMS, d’internet et de téléphone, la veille du scrutin, pour des raisons de «sûreté nationale», afin d’empêcher l’opposition de commettre une «illégalité» en publiant elle-même les résultats de l’élection. Après l’annonce des résultats, les télécommunications ont été rétablies progressivement dans la matinée.

Selon le décompte officiel, Guy-Brice Parfait Kolélas arrive deuxième avec de 15,05 % des voix, devant le général Jean-Marie Michel Mokoko (13,89 %). Ce dernier a lancé jeudi un «appel à la désobéissance civile généralisée», demandant aux Congolais de réclamer [leur] vote confisqué et volé», sans préciser les formes que pourrait prendre cette action. «Ce n’est pas un appel à manifester, l’opposition ne veut pas un bain de sang. Il est demandé à la population de ne pas aller au travail, c’est une grève générale, une protestation pacifique», a déclaré à Paris Me Norbert Tricaud, un des avocats de celui qui était jusqu’en février conseiller du président Sassou Nguesso pour les affaires de paix et de sécurité.

«Notre constitution ne prévoit pas la désobéissance civile […] quand on lève ce genre d’appel, on s’expose aux rigueurs de la loi», a mis en garde le porte-parole du gouvernement, Thierry Moungalla.

L’opposition dénonce une «fraude massive»

Le général Mokoko et Guy-Brice Parfait Kolélas sont deux des cinq participants à la présidentielle de dimanche (sur un total de neuf candidats) ayant signé une alliance contre Denis Sassou Nguesso. Tout en estimant que sa réélection relevait d’une «fraude massive», le porte-parole de Guy-Brice Parfait Kolélas, Vivien Manangou, a indiqué que ce dernier ne comptait pas «entrer dans une épreuve de force» avec le pouvoir, répétant que son candidat était déterminé à contester les résultats officiels par les voies légales.

Les candidats disposeront de 15 jours après le dépôt des résultats officiels à la Cour constitutionnelle (chargée de les valider) pour introduire leurs recours.

Denis Sassou Nguesso, dont la candidature a été rendue possible par un récent changement de constitution qualifié de coup d’Etat électoral par l’opposition, a estimé jeudi que le peuple congolais avait «pris son destin en main» et jugé que la campagne électorale avait donné lieu à un «débat démocratique […] très ouvert». Dans l’après-midi, un millier de ses partisans se sont réunis sur un terrain de football de l’est de la capitale.

Des journalistes molestés

Mercredi, deux journalistes de l’AFP et un confrère du journal Le Monde couvrant l’élection présidentielle ont été molestés par des hommes se présentant comme des policiers. La France a réclamé des explications au gouvernement congolais, demandant que «toute la lumière soit faite sur cet incident». Le département d’Etat américain a explicitement condamné l’agression appelant Brazzaville à «assurer le respect des libertés d’expression, de rassemblement et de mouvement». Les trois journalistes ont été reçus par Thierry Moungalla, qui a dit condamner «fermement l’agression» et promis d’oeuvrer pour élucider cette affaire.

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Congo : plus aucune télécommunication en pleine élection présidentielle

Le climat s’est tendu brusquement en République du Congo alors que le président en place Denis Sassou Nguesso a coupé toute communication pour 48 heures. La tension est montée d’un cran en République du Congo. En pleine élection présidentielle, le président Denis Sassou Nguesso a annoncé une coupure totale des communications au Congo pendant 48 heures, officiellement pour empêcher l’opposition de publier des résultats «?illégaux?». Denis Sassou Nguesso brigue un nouveau mandat dimanche face à huit candidats. Selon les autorités, la décision de couper toutes les télécommunications (téléphone, internet, SMS) dans le pays dimanche et lundi a été prise «?pour des raisons de sécurité et de sûreté nationales?». A Brazzaville, des électeurs formaient déjà des files d’attente devant les bureaux et le début des opérations se déroulait dans le calme, a rapporté un journaliste de l’Agence France Presse. Bataille de chiffres N’ayant aucune confiance dans la Commission nationale électorale indépendante (CNEI) chargée de publier les résultats, les cinq candidats du pacte anti-Sassou - Guy-Brice Parfait Kolélas, Jean-Marie Michel Mokoko, Claudine Munari, André Okombi Salissa et Pascal Tsaty Mabiala - ont créé une «?commission technique?» parallèle pour surveiller le scrutin. L’opposition, qui compte avoir des délégués dans chaque bureau du pays, voulait y photographier à l’aide de téléphones portables les procès-verbaux afin de compiler ses propres résultats et de pourvoir les comparer à ceux publiés au niveau national. La coupure des communications devrait sérieusement limiter sa capacité à le faire. La fraude «?a déjà commencé?», estime l’opposition Coalisés contre Denis Sassou Nguesso, qui cumule plus de 32 ans au pouvoir à la tête du Congo, petit Etat pétrolier d’Afrique centrale peuplé de 4,5 millions d’habitants, les cinq candidats d’opposition estiment que les conditions ne sont pas remplies pour des élections «?sincères, crédibles et transparentes?». Affirmant que la fraude «?a déjà commencé?» avec des votes par anticipation, la création de bureaux de vote fictifs ou encore la distribution de fausses cartes d’électeurs, ces candidats n’envisagent pas de boycotter les élections mais ont appelé le peuple à «?exercer sa souveraineté?» dans le cas où le président sortant l’emporterait dès le premier tour, comme celui-ci l’a promis à ses partisans. Les Nations unies appellent au calme Les Nations unies ont appelé au calme, exhortant les autorités à garantir un scrutin libre et transparent et l’opposition à faire valoir ses éventuelles contestations par des voies légales afin de garantir la tenue du scrutin «?dans une atmosphère apaisée et exempte de toute violence?», dans un pays encore marqué par le traumatisme de la guerre civile de 1997 à l’issue de laquelle Denis Sassou était revenu au pouvoir. Selon une source gouvernementale, la décision de couper les communications n’entraîne «?aucune entrave au vote?» et «?n’entrave en rien l’accès de l’opposition aux résultats?», mais l’Etat cherche «?à se prémunir contre la publication illégale de résultats?». L’UE n’a pas envoyé d’observateurs A la tête du Congo de 1979 à 1992 sous le régime du parti unique, M. Sassou Nguesso était revenu aux affaires par les armes en 1997, avant d’être élu en 2002 et réélu en 2009 lors d’élections contestées par l’opposition. Sa candidature a été rendue possible par un changement de Constitution ayant fait sauter les deux verrous qui l’empêchaient de se représenter. Jugeant que les conditions pour un scrutin transparent et démocratique ne sont pas réunies, l’Union européenne a renoncé à missionner des observateurs électoraux. L’Union africaine (UA) n’a pas eu ces réticences. A la tête d’une mission d’observation électorale de l’UA d’une trentaine de personnes, l’ancien Premier ministre de Djibouti, Dileita Mohamed Dileita, a souhaité vendredi «?des élections libres et transparentes?» et a exhorté l’opposition à faire valoir ses éventuelles revendications par des «?voies légales?» sans appeler «?à ce que les gens sortent dans la rue?» pour contester les résultats. Source AFP

Les soutiens du président Denis Sassou Nguesso ont manifesté, alors que ce dernier a coupé toute communication pour 48 heures. – AFP

Le climat s’est tendu brusquement en République du Congo alors que le président en place Denis Sassou Nguesso a coupé toute communication pour 48 heures.

La tension est montée d’un cran en République du Congo. En pleine élection présidentielle, le président Denis Sassou Nguesso a annoncé une coupure totale des communications au Congo pendant 48 heures, officiellement pour empêcher l’opposition de publier des résultats «illégaux». Denis Sassou Nguesso brigue un nouveau mandat dimanche face à huit candidats.

Selon les autorités, la décision de couper toutes les télécommunications (téléphone, internet, SMS) dans le pays dimanche et lundi a été prise «pour des raisons de sécurité et de sûreté nationales». A Brazzaville, des électeurs formaient déjà des files d’attente devant les bureaux et le début des opérations se déroulait dans le calme, a rapporté un journaliste de l’Agence France Presse.

Bataille de chiffres

N’ayant aucune confiance dans la Commission nationale électorale indépendante (CNEI) chargée de publier les résultats, les cinq candidats du pacte anti-Sassou – Guy-Brice Parfait Kolélas, Jean-Marie Michel Mokoko, Claudine Munari, André Okombi Salissa et Pascal Tsaty Mabiala – ont créé une «commission technique» parallèle pour surveiller le scrutin.

L’opposition, qui compte avoir des délégués dans chaque bureau du pays, voulait y photographier à l’aide de téléphones portables les procès-verbaux afin de compiler ses propres résultats et de pourvoir les comparer à ceux publiés au niveau national. La coupure des communications devrait sérieusement limiter sa capacité à le faire.

La fraude «a déjà commencé», estime l’opposition

Coalisés contre Denis Sassou Nguesso, qui cumule plus de 32 ans au pouvoir à la tête du Congo, petit Etat pétrolier d’Afrique centrale peuplé de 4,5 millions d’habitants, les cinq candidats d’opposition estiment que les conditions ne sont pas remplies pour des élections «sincères, crédibles et transparentes».

Affirmant que la fraude «a déjà commencé» avec des votes par anticipation, la création de bureaux de vote fictifs ou encore la distribution de fausses cartes d’électeurs, ces candidats n’envisagent pas de boycotter les élections mais ont appelé le peuple à «exercer sa souveraineté» dans le cas où le président sortant l’emporterait dès le premier tour, comme celui-ci l’a promis à ses partisans.

Les Nations unies appellent au calme

Les Nations unies ont appelé au calme, exhortant les autorités à garantir un scrutin libre et transparent et l’opposition à faire valoir ses éventuelles contestations par des voies légales afin de garantir la tenue du scrutin «dans une atmosphère apaisée et exempte de toute violence», dans un pays encore marqué par le traumatisme de la guerre civile de 1997 à l’issue de laquelle Denis Sassou était revenu au pouvoir.

Selon une source gouvernementale, la décision de couper les communications n’entraîne «aucune entrave au vote» et «n’entrave en rien l’accès de l’opposition aux résultats», mais l’Etat cherche «à se prémunir contre la publication illégale de résultats».

L’UE n’a pas envoyé d’observateurs

A la tête du Congo de 1979 à 1992 sous le régime du parti unique, M. Sassou Nguesso était revenu aux affaires par les armes en 1997, avant d’être élu en 2002 et réélu en 2009 lors d’élections contestées par l’opposition. Sa candidature a été rendue possible par un changement de Constitution ayant fait sauter les deux verrous qui l’empêchaient de se représenter.

Jugeant que les conditions pour un scrutin transparent et démocratique ne sont pas réunies, l’Union européenne a renoncé à missionner des observateurs électoraux. L’Union africaine (UA) n’a pas eu ces réticences.

A la tête d’une mission d’observation électorale de l’UA d’une trentaine de personnes, l’ancien Premier ministre de Djibouti, Dileita Mohamed Dileita, a souhaité vendredi «des élections libres et transparentes» et a exhorté l’opposition à faire valoir ses éventuelles revendications par des «voies légales» sans appeler «à ce que les gens sortent dans la rue» pour contester les résultats.

Source AFP 20/03/2016

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Éradiquer Facebook pour sauver la démocratie

Richard Stallman a lancé le mouvement du logiciel libre.. Photo: François Guilllot AFP

Richard Stallman a lancé le mouvement du logiciel libre..
Photo: François Guilllot AFP

Richard Stallman, le père des logiciels libres, appelle les citoyens à reprendre le contrôle de leur vie

Pour le fondateur du mouvement du logiciel libre, Richard Stallman, impossible de vivre libre dans des environnements où la socialisation et où l’informatique sont assujetties à des entreprises privées qui balisent les activités humaines avec des logiciels privateurs ou avec des services dont les codes et leurs intentions sont gardés secrets.

L’homme, de passage au Québec cette semaine, où il a été invité par l’Université Laval et par le Collège Dawson à parler de liberté numérique et de logiciel libre, demande d’ailleurs aux gouvernements et aux citoyens de prendre conscience des injustices qui accompagnent ces nombreuses soumissions et appelle même au démantèlement du réseau Facebook, pour sauver la démocratie.

« Il faut éliminer Facebook pour protéger la vie privée», a lancé en entrevue au Devoir le célèbre programmeur américain, président-fondateur de la Free Software Foundation et militant de longue date pour une informatique libre et ouverte. L’homme est, par exemple à l’origine du système d’exploitation GNU/Linux qui, depuis des années, fait la nique aux systèmes informatiques privateurs développés par Apple ou Microsoft. Sans cette vie privée, sans la possibilité de communiquer et d’échanger sans être surveillé, la démocratie ne peut plus perdurer. » Pour M. Stallman, dans un monde où les communications sont surveillées, les possibilités de dénoncer les abus, de savoir ce que l’État fait diminuent forcément, avec à la clé une perte de contrôle du citoyen sur ce même État.

Utiliser ou se faire utiliser ?

Le réseau social numérique de Mark Zuckerberg « utilise bien plus ses usagers que ses usagers ne l’utilisent », dit-il en boutade. « C’est un service parfaitement calculé pour extraire et pour amasser beaucoup de données sur la vie des gens. C’est un espace de contraintes qui profile et fiche les individus, qui entrave leur liberté, qui induit forcément une perte de contrôle sur les aspects de la vie quotidienne que l’on exprime à cet endroit. » Et selon lui, même si le plaisir d’utilisation accentue une certaine dépendance chez plusieurs utilisateurs, les conséquences sociales et politiques ne peuvent être que délétères à moyen ou long terme, surtout si le pouvoir de ce réseau se voit renforcé au fil du temps par les abonnés qui se multiplient en son sein.

« On le voit avec l’informatique privative [celle portée par les Apple et Microsoft de ce monde] qui, depuis des années, ne laisse aucune place à l’alternative de l’informatique libre, résume M. Stallman. Les entreprises qui soumettent les gens avec ces produits gagnent beaucoup d’argent, argent qu’elles utilisent pour amplifier l’inertie sociale qui bloque toutes les portes de sortie. »

Liberté sous surveillance

Et pourtant, une telle domination est néfaste pour les gouvernements assure-t-il. En laissant leurs administrations publiques se placer sous le joug d’entreprises, ils perdent de leur pouvoir tout en ne servant pas très bien les citoyens qu’ils représentent. « Une informatique publique dans l’intérêt du peuple n’est pas une informatique dont le contrôle est dans les mains d’entreprises privées qui cultivent le secret sur leurs codes informatiques, dit cet ancien du Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui pourfend les brevets logiciels et la gestion des droits numériques. Le logiciel privateur surveille ses utilisateurs, décide de ce qu’il est possible de faire avec ou pas, contient des portes dérobées universelles qui permettent des changements à distance par le propriétaire, impose de la censure. Lorsqu’on l’utilise, on se place forcément sous l’emprise de la compagnie qui le vend. Avec ce pouvoir, le propriétaire est tenté d’imposer des fonctionnalités pour profiter des utilisateurs. On ne peut décider librement du code que l’on installe ou pas. On est donc forcément soumis et moins libre. »

À Québec mercredi, lors d’une conférence organisée par l’Institut Technologies de l’information et Sociétés (ITIS) de l’Université Laval, puis à Montréal jeudi, au Collège Dawson, l’homme va d’ailleurs réitérer les appels qu’il lance désormais aux quatre coins du globe à se défaire de ces chaînes numériques pour retrouver la liberté de créer, de partager, de construire des données, loin des contraintes imposées par les géants du numérique. « Les gouvernements ont un rôle important à jouer pour combattre ces injustices en s’échappant des cadres privateurs dans lesquels ils se sont placés, dit-il. Le système scolaire, aussi, doit apporter sa contribution en n’imposant plus la dépendance des élèves à des entités informatiques privées. Il ne devrait enseigner que le logiciel libre. C’est la seule façon de regagner collectivement la liberté perdue et de reprendre le contrôle sur des activités qui nous ont d’ores et déjà échappé », conclut-il.

Fabien Deglise

Source Ledevoir 14/03/2016

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Mathieu Gallet décroche la pub par décret

98479-une-mathieu-gallet_3143-300x130La contre-offensive des dirigeants d’Europe 1, de RTL et de RMC n’y aura rien fait: Matignon vient de rédiger un décret pour ainsi dire historique, que le CSA doit encore valider, autorisant les stations de Radio-France, dont France Inter au premier chef, à diffuser de la publicité commerciale. Ces spots, très ciblés et encadrés par la loi, ne devront pas pour autant inonder ces antennes et vanter des secteurs comme la grande distribution ou des industries comme celles de l’automobile ou des lessiviers. Ce sont pourtant 40 millions d’euros de recettes publicitaires , – sur un marché de quelques 800 millions d’euros en radio -, qui vont rentrer dans les caisses de la maison présidée par Mathieu Gallet: un PDG au bord du gouffre l’été dernier avec l’affaire de la rénovation de son bureau, mais qui fort de ses bons rapports avec Manuel Valls et Emmanuel Macron s’est remis en selle, dans un climat social maintenant apaisé, pour aller arracher cet arbitrage inédit.

Renaud Revel

Source Immédiat 09/02/2016

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Théâtre. « Hate Radio » Campagne de pub pour le génocide

radio

Théâtre. « Hate Radio » par Milo Rau. Une entrée dans le rouage médiatique du génocide rwandais. A 20h à hTh.

Sans image, ni cri de victimes, le metteur en scène suisse Milo Rau conçoit avec Hate radio une installation théâtrale qui donne à entendre la puissance performative de la voix. Les paroles nous font toucher le réel. Elles se sont manifestées lors des appels au génocide au Rwanda via les transmissions radio de station Radio-Télévision libre des Milles collines. Du mois d’avril au mois de juin 1994, la RTLM a préparé et facilité le génocide dont le bilan s’élève à près d’un million de morts dans la minorité Tutsi et des milliers de Hutus modérés assassinés.

Ce n’est pas par frilosité que la mise en scène délaisse le choc des images violentes. C’est tout au contraire pour se centrer sur les effets bien plus dévastateurs de la violence invisible issue de la manipulation psychologique. Le décor se constitue d’une réplique du studio de RTLM à l’identique. On pénètre dans l’ambiance du studio après les témoignages poignants d’humanité de quelques victimes et témoins du génocide.

Dans la phase préparative, Milo Rau et son équipe se sont rendus au Rwanda à la rencontre des bourreaux et des victimes. Ils ont collecté plus de 1 000 heures d’émissions, réalisé près de 50 interviews, pour les condenser en une émission imaginaire, en réduisant les animateurs au nombre de quatre personnages. En ce sens, il ne s’agit pas à proprement parler de théâtre documentaire mais d’une dramatisation d’une réalité qui pointe un cynisme indescriptible. Aux platines, on mixe les tubes congolais et internationaux du moment en les entrecoupant de messages subliminaux. On incruste des appels aux meurtres au coeur de reportages sportifs ou de pamphlets politiques et historiques. On encourage la délation pour « écraser les cafards ». On vante l’efficacité des massacres comme on le ferait pour une marque de lessive.

Equipé d’un casque, chaque spectateur gère individuellement la propagande qui passe entre ses oreilles, le pouvoir des mots, du médium et leurs horribles conséquences. La liberté d’expression trouve ici ses limites.

JMDH

« Hate Radio » produit par International institute of political murder (IIPM). Photo dr

Source : La Marseillaise 19/02/2016

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