La Repubblica
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Banksy a-t-il inventé l’arme anti-récupération du street art ?
Vous connaissez l’expression « se faire bankser » ? Elle vient de rejoindre le vocabulaire de l’art contemporain. C’est un responsable de la maison d’enchères Sotheby’s qui l’a employée pour la première fois suite au dernier coup de maître du street artiste Banksy.
Vendredi soir, si tôt le marteau retombé pour adjuger à plus d’un million de dollars une reproduction en bombe aérosol et acrylique de sa célèbre « Girl with balloon », l’œuvre s’est automatiquement déchiquetée.
#Banksy you animal. Now this is art.pic.twitter.com/fmqjFyQTfS
— Godfather (@CryptoGodfatha) October 7, 2018
« Adjugé…disparue » Et non pas vendue. La formule est signée du street-artiste lui même sur son compte Instagram. Après la stupéfaction chez Sotheby’s, il a révélé que, quelques années plus tôt, il avait incorporé en secret une déchiqueteuse à papier dans le cadre de cette peinture, au cas où elle serait mise en enchères. Vidéo à l’appui, le montrant, toujours anonyme et en capuche, entrain d’installer le système autodestructeur.
Comme dans Mission Impossible, le message de Bansky doit donc s’autodétruire pour ne pas être « récupéré » par le marché de l’art. La déchiqueteuse fonctionnant même comme une sorte d’antivol.
Sitôt les portes de la spéculation franchies, ses œuvres, qui ne sauraient être soustraites à la rue et au public, leurs véritables propriétaires, se mettent donc à bipper avant d’être définitivement sabotées. A la manière de ces ancres indélébiles, qui viennent maculer les vêtements qu’on tenterait de voler.
« Le besoin de détruire est aussi un besoin créatif»
C’est une première dans l’histoire de l’art et des ventes aux enchères. Mais est-ce pour autant l’invention d’une véritable arme d’autodéfense du street-art contre un marché qui voudrait l’enfermer et corrompre sa visée ?
Il y a cinq ans déjà, Bansky avait tenté de répondre à ces enjeux lors d’une résidence à New York pour son exposition « Better out than in » comprenez « Mieux vaut à l’extérieur que dedans ». Toujours incognito et toujours sans prévenir, il avait monté un stand sur un bout de trottoir près de Central Park où ses œuvres étaient vendues à un prix maximum affiché de 60 dollars. Toutes authentiques et signées, elles étaient parties in fine pour un montant total de 309 dollars. Sachant que la plus petite de ses toiles était alors estimée à 20 000 dollars. Court-circuit réussi !
Afin de contre-carrer la commercialisation de grandes œuvres de la rue, une stratégie de « non authentification » a également été adoptée pour Banksy, comme pour d’autres street-artistes. C’est le cas par exemple des dessins au fusain de Keith Haring dans les stations de métro new yorkaises, la Keith Haring Foundation ayant toujours refusé de les authentifier.
Mais cette fois le graffeur aurait-il trouvé la parade suprême ? Sur le compte Instagram de Banksy, la vidéo explicative de sa mystification s’accompagnait comme toujours d’une citation laconique « Le besoin de détruire est aussi un besoin créatif» présentée comme une formule de Picasso. Or elle est attribuée au théoricien de l’anarchisme Bakounine.
Le geste de Banksy peut donc se lire comme un acte qui a faussement pris les contours d’un happening artistique pour mieux en saborder le principe. Sauf que selon les experts, sa « Girl with balloon » ainsi déchiquetée en lamelles, bénéficie d’un effet « Joconde ». Devenant une œuvre iconique de l’Histoire de l’art, sa valeur s’en trouverait au moins doublée.
L’effet anti-spéculatif fait donc pschitt et c’est Banksy au final qui se serait fait « bankser » ! A moins que cet épisode ne mette encore d’avantage en lumière la folie d’un système (ou que Banksy prépare de nouveaux rebondissements).
France Culture 08/10/2018
Le Brésil entre vote de rejet, vote utile et vote de déraison
Au mois d’octobre 2018 se déroulent des élections générales au Brésil, permettant d’élire le président, les gouverneurs des États, les députés fédéraux, deux tiers du Sénat et les députés des Etats fédérés. Le premier tour des élections a lieu le 7 octobre 2018, et le second tour trois semaines après, le 28 octobre 2018. L’OPALC, en partenariat avec les centres de recherche CEVIPOL et AmericaS de l’Université Libre de Bruxelles, réalise une enqête électorale pour évaluer les logiques du virage conservateur dans des quartiers populaires de Rio de Janeiro et São Paulo.
Le navire « Mare-Ionio », contre-attaque de la gauche italienne face à la politique de Salvini
Battant pavillon italien, le navire, acheté et affreté par des militants, est parti jeudi matin pour secourir des migrants au large des côtes libyennes.
15 heures, jeudi 4 octobre. Le Mare-Ionio vient de quitter les eaux territoriales italiennes. Dans quatre-vingts heures, il patrouillera au large des côtes libyennes pour porter secours aux migrants en perdition. Affrété par des militants de la gauche italienne, ce nouveau venu dans le sauvetage en mer lance un véritable défi à l’Europe forteresse et adresse un pied de nez au ministre de l’intérieur italien, Matteo Salvini.
Mercredi soir, alors que le soleil se couche sur le port d’Augusta, au sud de la Sicile, une dizaine d’hommes s’affairent sur le bateau. Pendant que deux mécaniciens soudent des parois, des volontaires de l’ONG Sea Watch terminent d’installer des caillebotis en caoutchouc noir qui permettront d’accueillir des migrants à l’avant du navire.
L’atmosphère est tendue. Erasmo Palazzotto fait du surplace, téléphone collé à l’oreille. « Il y a trois mois, je ne connaissais rien aux bateaux. Aujourd’hui, j’en possède un », rigole-t-il. Avec deux collègues du parti Sinistra Italiana (Gauche italienne), Nichi Vendola et Nicola Fratoianni, et Rossella Muroni, présidente du parti Liberi e Uguali (Libres et égaux), ils ont acheté le Mare-Ionio. Un prêt de 465 000 euros de la Banca Etica (Institut de la finance éthique) leur a permis d’acheter 110 000 litres de pétrole, de l’électronique, et de payer l’équipage. Leur budget s’est aussi enrichi de 70 000 euros de donations qui permettront de maintenir le bateau à flot. Pour la suite des opérations, l’équipe compte sur un financement participatif sur la plate-forme sociale Mediterraneo.
Afin d’éviter les déboires de l’Aquarius, le navire bat fièrement pavillon italien, un pavillon très difficile à obtenir, certes, mais qu’il sera quasiment impossible de lui retirer au vu de la nationalité de l’équipage et du propriétaire. Ce qui n’empêche pas Erasmo Palazzotto d’être prudent. « Tout ce que nous avons fait est légal et transparent. Nous respectons le droit maritime en allant porter secours en mer », observe-t-il, avant d’ajouter : « Lorsque les réfugiés que nous aurons secourus mettront le pied sur le Mare-Ionio, ils seront en territoire italien ! »
« Population dans la rue »
Préparée dans le plus grand secret, cette opération a pris corps en juin, alors que l’Italie fermait ses ports. « Au début, nous voulions partir pendant l’été, mais cela a été plus compliqué que prévu, raconte Erasmo Palazzotto. Du coup, nous serons en mer pour marquer la date symbolique du 3 octobre 2013. » Il y a exactement cinq ans, un gigantesque bateau de pêche coulait au large de Lampedusa, causant la mort de près de 400 migrants, pour la plupart érythréens. Ce naufrage, pour lequel l’Italie avait décrété un jour de deuil national, a durablement choqué l’opinion publique de la Péninsule.
Mercredi soir toujours, l’équipage attend anxieusement la réponse de la capitainerie, censée lui délivrer l’autorisation de prendre le large. Dans un climat politique aussi tendu, le petit groupe s’attend à tout. Si tout se passe comme prévu, le navire aura atteint les côtes libyennes ce week-end, après quatre-vingts heures de mer, et devrait être rejoint par deux voiliers privés ainsi que par l’Astral, la barque d’Open Arms. L’ONG espagnole et son fondateur, Oscar Camps, participent activement au projet.
A bord du Mare-Ionio, un médecin, quatre personnes chargées du secours en mer ainsi que quatre membres d’équipage. Viennent s’y ajouter le militant Luca Casarini, fondateur du mouvement anti-mondialisation No Global et responsable des manifestations anti-G8 à Gênes, ainsi que Giuseppe Caccia, armateur du navire. Le groupe qui reste à terre est composé, lui, d’une alliance hétéroclite de militants anarchistes et de catholiques qui en ont en commun le refus de laisser des gens mourir en mer. Et, derrière eux, « nous avons créé un réseau qui ne passe plus par les gouvernements. Les villes de Palerme, Bologne, Amsterdam et Berlin ont décidé de nous soutenir. Non seulement en acceptant d’accueillir les personnes que nous sauverons mais également en nous appuyant dans notre mission », rappelle Giuseppe.
Avant de prendre la mer, l’homme a dû apprendre un nouveau métier, celui d’armateur. Mais l’ex-consultant en urbanisme – pour la ville de Bologne et la fondation Rosa-Luxembourg à Berlin – se veut confiant. De toute façon, il n’avait pas le choix puisque ces nouveaux venus du sauvetage n’ont pas réussi à trouver un armateur prêt à leur louer son bateau. « La plupart nous ont dit qu’ils craignaient des mesures de rétorsion du gouvernement ! Cela permet de se rendre compte de la gravité de la situation en Italie en ce moment », décrypte l’homme.
Le Mare-Ionio n’hésitera pas à appeler à la mobilisation politique en cas de refus des autorités de lui ouvrir l’un des ports italiens : « Nous ne sommes pas une nouvelle ONG mais une plate-forme sociale, affirme le militant Luca Casarini. Ce bateau doit devenir un symbole, un défi aux politiques menées par l’Italie et l’Europe. S’ils ferment leurs ports, nous appellerons la population à descendre dans la rue. »
Antoine Harari
Source Le Monde 04/10/2018
Etats-Unis L’abrogation de la neutralité du Net fait sentir ses premiers effets
Quelques mois après l’abrogation aux Etats-Unis d’un des principes fondamentaux d’Internet, la neutralité du Net, les internautes américains ont pu en constater les premières conséquences. Selon une étude des universités de Northeastern et du Massachusetts, les opérateurs ont réduit le débit de plusieurs plates-formes. La neutralité du Net obligeait les opérateurs à traiter de la même manière tous les contenus passant dans leurs « tuyaux » et de ne pas en favoriser ou discriminer un, ni demander aux internautes de payer davantage pour avoir un très bon débit.
Après l’abrogation de ce principe, les opérateurs ont donc sanctionné les gros consommateurs de trafic, au premier rang desquels les plates-formes vidéos telles que Youtube, Netflix, Amazon Prime Vidéo ou encore NBC Sports. Ces services n’ont pas été indisponibles pour les internautes, mais ont vu la qualité de la vidéo dégradée par moments.
Google à la manœuvre
Du fait du poids de la vidéo et de leur large audience, ces sites sont en effet très gourmands en bande passante. Netflix et Youtube représentent à eux seuls, plus de la moitié du trafic aux Etats-Unis. Risque donc de s’ouvrir un conflit entre d’une part ces géants du net, de Google (propriétaire de Youtube) à Amazon en passant par Netflix, et d’autre part les fournisseurs d’accès à Internet.
Ces derniers pourraient soit demander à ces plates-formes de payer davantage pour ne pas être discriminées ou alors proposer des abonnements à des prix plus élevés aux internautes pour avoir un accès garanti et de qualité à ces plates-formes. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’étude qui révèle que ces plates-formes ont été ralenties a été réalisée grâce à un outil financé par Google, et également par l’Arcep, le gendarme français des télécoms.
Une décision contestée
Par ailleurs, l’abrogation de la neutralité du Net ne passe pas comme une lettre à la poste et de nombreux acteurs essaient de remettre en cause cette décision. Des organisations comme Mozilla, qui est derrière le navigateur Firefox, ou Vimeo ont lancé une procédure pour contester l’abrogation, décidée par la Commission fédérale des communications (FCC), le gendarme américain des télécoms, en décembre 2017.
Quelque 22 Etats américains ont quant à eux saisi la justice pour demander le rétablissement de la neutralité du Net. Parmi eux, la Californie, qui abrite la Silicon Valley et donc la plupart des géants du numérique, est montée d’un cran et a voté une loi rétablissant la neutralité du net. Ce texte, voté en juin par le sénat californien, a été signé par le gouverneur démocrate de l’Etat Jerry Brown le 30 septembre dernier. Le ministère américain de la Justice a immédiatement répliqué en déposant plainte contre la Californie, reprochant à l’Etat de « détourner l’approche de déréglementation du gouvernement fédéral en imposant des réglementations étatiques lourdes sur l’Internet gratuit, ce qui est illégal et anti-consommateur ». Le début d’un combat judiciaire, dont l’issue sera déterminante pour l’évolution du Net.