Festival Arabesques. Rabah Mezouane : « Le mouvement de l’histoire s’est accéléré « 

 

Rabah Mezouane est journaliste, critique musical spécialisé dans les musiques du monde. Il est aussi conférencier et chargé  de programmation pour l’Institut du Monde arabe. Fidèle du festival Arabesques, il anime aujourd’hui salle Pétrarque une table ronde sur le thème « Réinventer l’esprit andalou ».

On ne peut parler de la culture arabe sans évoquer le vent de démocratie qui souffle sur l’autre rive de la Méditerranée. Quelle y est la place des artistes ?

Elle est prédominante. Du raï au rap en passant par les folksong, les chansons contestatrices sont en prise avec le réel. Comme le festival Arabesques qui a toujours laissé une large place aux artistes engagés dans sa programmation. Avec ce qui s’est passé, on peut dire que le mouvement hip hop en total osmose avec la jeunesse network est entré dans l’histoire de la musique.

Qu’est ce qui a changé ces derniers mois au sein du couple aspiration démocratique/ expression artistique ?

Le mouvement s’est globalisé. Il ne concerne pas seulement l’Egypte et la Tunisie. Il secoue tout le bassin méditerranéen l’Algérie, la Lybie, Bahreïn, la Jordanie… Dans tous ces pays on trouve des artistes qui affirment de façon plus ou moins virulente les attentes légitimes de la jeunesse, souvent au péril de leur vie. Les jeunes ont déjoué la censure. Leur parole s’est libérée. Les luttes anciennes de l’indépendance ne sont plus d’actualité. Elle représentaient l’idéologie du pouvoir qui était de se replacer dans le passé sans jamais considérer l’avenir.

On évoque le rôle d’Internet et la force de la jeunesse. Mais à quel type d’acteurs cela correspond-il ? De quels  leviers d’action les jeunes disposent-ils pour construire l’avenir ?

En Tunisie, la classe moyenne est assez cultivée, ce qui a facilité la prise de conscience. Le problème vient du fait que la jeunesse est numériquement majoritaire mais socialement minoritaire. L’anti-jeunisme est un phénomène assez commun dans les pays de la zone méditerranéenne où l’on trouve beaucoup de jeunes diplômés sous-employés. On a assisté à un mouvement sans leader. En Egypte, les Frères musulmans apparaissent comme la seule force organisée qui peut tenir les rênes. La jeunesse a réussi à déboulonner l’autoritarisme réfractaire mais le chemin de la reconstruction promet d’être long.

L’autre constat de taille de ces soulèvements populaires, c’est le postulat d’échec de l’islamisme…

C’est en effet un élément marquant. En Egypte et en Tunisie, les mouvements populaires reflètent en grande partie des conditions de vie où la pauvreté est écrasante, mais le peuple luttait clairement pour la démocratie et pas pour un Etat islamique. C’est un camouflet de plus pour les pouvoirs en place qui ont toujours brandi l’arme extérieur de l’impérialisme, de  l’islamiste, du néo-colonialisme ou du sionisme.

Dans le cadre du festival, vous animez la rencontre « Réinventer l’esprit andalou » dont l’intitulé invite à partager une nouvelle aventure culturelle …

A l’aube des révoltes que nous venons de connaître, la question de renouer ou de réinventer cet esprit mérite d’être posée. L’histoire de cette brillante civilisation qui a fleuri aux portes de l’Europe moyenâgeuse comporte quelques imperfections. Il y a eu des relations conflictuelles, mais il existait un modus vivendi entre les trois religions monothéistes. Et les foyers multiculturels de Grenade, Séville ou Cordoue ont permis aux  universités, aux savants et aux artistes d’enrichir et de transmettre leur savoir-faire. A l’heure où l’Europe se replie sur elle même, où la montée de l’extrême droite est palpable, il n’est pas inutile de s’interroger sur les manières de vivre ensemble en nous nourrissant de nos différences.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

« Réinventer l’esprit andalou » à 16 h salle Pétrarque, entrée libre.

Voir aussi : Rubrique Méditerranée, rubrique Festival, Arabesques 2011,

Festival Arabesques : Ces chevaux qui passent les frontières

Photo Audrey Le Mault

Arabesques est un festival qui s’est bâti ici sur l’enthousiasme et la volonté d’échanges avec les cultures de l’autre rive de la méditerranéenne. En rendant compte d’une pluralité d’expression artistique où se mêle tradition et modernité, il offrait en perspective le désir d’une jeunesse que confirme le mouvement de démocratisation impulsé dans les pays arabes qui surprend le monde depuis six mois. Il faut rendre hommage à l’équipe d’Uni’Sons pour la volonté de conduire ce projet et au Conseil général de l’Hérault de lui avoir fait confiance, car souvent les vérités ne sont pas bonnes à dire avant l’heure.

On peut s’attendre à ce que cette sixième édition soit emprunte d’un vent de joie et de liberté particuliers dont la mesure nous en sera  offerte dès ce soir. A 18h débute sur l’esplanade royale du Peyrou de Montpellier – qui porte singulièrement bien son nom pour l’occasion –  la parade équestre et musicale marocaine. Un avant goût des réjouissances à retrouver au Domaine D’O du 20 au 22 mai.

Cette année Arabesques investit l’ensemble du site départemental dédié à la culture. Al andaluz, le paradis éternel ouvre vendredi la grande soirée de l’amphithéâtre avec le spectacle Rêves d’Andalousie qui fusionne l’esprit andalou. Une ébullition joyeuse et colorée de musiques et de danses arabes, de flamenco et de poésie s’inscrit sur scène sous le signe de la tolérance propre à cette civilisation.
Samedi ce sera au tour de l’orchestre national de Barbès de faire vibrer la grande scène qui donne la part belle aux « péchés originaux ».

Dimanche l’orchestre traditionnel Marrakechi Jil Jilala jouera sur les modulations vocales pour exhumer les textes malhouns du terreau de la culture maghrébine et renouer avec les maîtres musiciens de l’art gnaoua. Les spectacles de 19h de la Kasbah D’o sont très alléchants. A ne pas manquer notamment le Trio Joubran qui fera parler le oud avec la Palestine au cœur et de nombreuses rencontres autour du monde arabe.

L’historienne Agnès Carayon retrace  » la destinée héroïque des cavaliers zénètes berbères « 

Agnès Carayon est historienne, spécialiste du cheval dans le monde arabe médiéval. Elle s’est intéressée au statut du cheval et du cavalier dans la civilisation  d’al-Andalus, notamment au rôle décisif des berbères zénètes et de leur chevaux à barbes dans l’armé musulmane d’opposition à la Reconquista (reconquête chrétienne des royaumes musulmans de la péninsule ibérique).  Elle consacre aujourd’hui ses recherches  à un autre peuple d’éminents cavaliers en terre d’islam : les Mamlûks d’Egypte.

D’où vient l’origine des Fantasias dites aussi Tbourida ?

« A l’origine la Tbourida provient des zénètes une branche de la confédération berbère qui  occupait les hauts plateaux du Sahara et les franches côtières au Moyen âge. Les membres de la cavalerie légère des Berbères zénètes étaient renommés  pour être de grands guerriers. A l’époque il n’y avait pas d’arme à feu. Durant la Reconquista, la cavalerie lourde des Chrétiens s’est trouvée dans un premier temps décontenancée par cette façon de combattre. Puis ils décidèrent de l’adopter, lui donnant le nom de monta a la gineta (Le bon cavalier) en l’honneur de ces Berbères qui excellaient en sa maîtrise. Les Zénètes qui étaient nomades se sont progressivement sédentarisés. Ils ont fondé des dynasties importantes notamment au Maroc. Ils ont mis le cavalier à l’honneur. Ce sont les ancêtres de la Fantasia.

L’Andalousie actuelle reconnaît-elle ou ignore-t-elle plutôt l’héritage de ses cavaliers Berbères ?

Cet héritage a été accepté dès le Moyen âge. A l’époque, l’art équestre des cavaliers guerriers a été intégré dans toutes les cours d’Espagne. On montrait  ainsi une certaine  admiration à l’égard des Maures. Les cavaliers zénètes sont également entrés dans la littérature. Le cheval andalou provient du croisement avec des purs sangs arabes.  Aujourd’hui toutes ses choses sont un peu noyées.

Le Maroc célèbre ses fêtes nationales et religieuses avec des Fantasias, ces manifestations véhiculent-elles une dimension spirituelle ?

La destinée fantastique du cheval arabe est étroitement liée à l’Islam. Selon la légende, Allah aurait créé le cheval arabe. « Deviens chair, car je vais faire de toi une nouvelle créature, en l’honneur de mon Saint Dieu, et pour la défaite de mes ennemis, afin que tu sois le serviteur de ceux qui me sont soumis », aurait-il dit au vent du Sud avant de prendre une poignée de vent, de souffler dessus et de créer l’animal. Ce qui donne au cheval un statut particulier. Mais aujourd’hui  les Fantasias font partie du folklore. Ce sont surtout des mises en scène qui donnent à voir le savoir-faire des cavaliers.

De quelle façon ?

L’équipe de cavaliers se met en place. Elle vient saluer le jury puis exécute une charge suivie d’un arrêt brusque et d’une salve de tirs. La rapidité de la charge et la simultanéité de l’arrêt et des coups de feu donnent toute la beauté à la chevauchée.

L’invitation d’Arabesques concernait la troupe cavalière de Sofia Balouk. A l’arrivée on trouve des cavaliers n’est ce pas significatif d’une certaine crispation à l’égard des femmes ?

La société royale d’encouragement du cheval est le principal levier du développement de la filière équine au Maroc. Elle est dirigée  par la princesse Lalla Anima qui avait donné son accord. Le fait que cette tradition marocaine soit représentée par des femmes qui sont pourtant de plus en plus nombreuses à accéder à cette discipline, n’a pas été apprécié au plus au niveau marocain. Ce qui est de mon point de vue assez significatif ».

Jean-Marie Dinh

Agnès Carayon évoquera les origines de la Fantasia lors des veillées équestres les 20 et 22 mai au Domaine d’O.

Tout le programme du festival Abesques en ligne

Parade équestre et musicale ce soir à 18 h sur esplanade du Peyrou à Montpellier.

Voir aussi : Rubrique Méditerranée, rubrique Festival

Festival Jeune public : Saperlipopette 2011

La barbe bleue, La Compagnie

Saperlipopette a débuté ce week-end au Domaine d’O en s’ouvrant sur une profusion de propositions artistiques. Destinées prioritairement au jeune public mais pas seulement. La manifestation a survécu au désistement du CDN* grâce à la volonté politique du Conseil général qui affirme son plein soutien au festival. Saperlipopette a su démontrer la pertinence de ses objectifs. Celle d’une offre artistique de qualité en direction de l’enfance d’abord et dans la perspective plus lointaine mais tout aussi importante, d’éveiller culturellement le public de demain.

Pour Isabelle Grison qui conduit le projet et en assure la programmation sous la responsabilité de Christopher Crimes, il s’agit métaphoriquement d’offrir des cadeaux. Sans se départir de son enthousiasme, elle évoque aussi l’intérêt de s’éloigner de la télévision. On trouvera peu de monde pour la contredire. Le succès de la manifestation, qui rassemble 20 000 personnes à Montpellier sur deux week-ends et 10 000 sur les spectacles décentralisés avec un final à SortieOuest, en témoigne.

Autre critère qualitatif, la satisfaction du public se jauge sur place. Chaque année les artistes soulignent la qualité de sa réception. Par ailleurs, les adultes sans enfant croisés sur les lieux semblent tout aussi captivés par ce qui se passe que les familles accompagnatrices. Ce qui plaide objectivement en faveur de cet espace dédié à l’imaginaire.

Saperlipopette essaime sa bonne humeur sur 19 communes du territoire départemental. Les propositions de spectacles sont relayées par les quatre agences culturelles du Conseil général qui œuvre à l’année avec les forces vives locales – souvent issues de la société civile – pour répartir et faire émerger l’offre culturelle. Dans le cadre du festival, les communes intéressées par un spectacle bénéficient d’une subvention à hauteur de 50% du coût global de production.  A Montpellier, le Domaine d’O inaugure cette année l’Espace planète dédié aux découvertes prenant en compte le futur du monde. Cet espace se joint aux cinq autres champs d’exploration artistique : musique, théâtre, danse, marionnettes et cirque. Bref, on peut plonger à tout âge dans Saperlipopette, l’eau y est pure et pas froide.

Danse : Le spectacle d’Anne Lopez explore avec humour l’univers corporel du Duel. En un clin d’œil

A l’origine, la pièce Duel n’était pas destinée au jeune public. Le spectacle de la chorégraphe Anne Lopez a pourtant été sélectionné par la programmatrice Isabelle Grison qui y a décelé une matière propre à emporter les jeunes spectateurs. Rien de violent, tout au contraire, explique la chorégraphe montpelliéraine. « Je suis tombée sur la réforme de 1828 qui met fin à la pratique des duels jusqu’alors très prisée chez les hommes soucieux de laver leur honneur. Je me suis dit que parfois un bon duel vaut mieux qu’une longue procédure. Cela permet souvent de désamorcer les conflits sans faire de victime et par extension d’éviter des guerres.  De là m’est venue l’envie de faire un spectacle avec l’hypothèse que la danse, qui est accessible à tout le monde, permet aussi d’éviter les conflits. »

Avant cette législation, l’homicide commis en duel ne pouvait constituer un meurtre ce qui a ouvert une voie royale à toutes sortes de fantasmes exploités au cinéma. La pièce de la Cie Les gens du Quai les passe en revue avec humour. Le spectacle s’articule comme une série de clins d’œil en référence aux scènes d’anthologie de Il était une fois dans l’Ouest, Les sept samouraïs, Les duellistes… « Duel offre une vision kaléidoscopique où l’on passe d’un pays, d’une époque, d’une temporalité à l’autre en jouant sur les représentations de manière ludique confie Anne Lopez, Les cinq danseurs ne font pas semblant. Ils sont vraiment dans le jeu. J’aime ancrer les situations dans la réalité. »

Sur scène, cette volonté se traduit par un plateau nu où les corps des cinq duellistes se déploient dans l’espace en une infinité de figures, sans renoncer pour autant à la transgression des modèles. « Je souhaitais que les danseurs expriment leurs côtés sensibles. L’homme n’est pas qu’un type fait pour partir au combat. » La pièce a déjà été présentée aux scolaires. Anne Lopez évoque la spécificité du jeune public dont le rapport au corps est « plus naturel ». Contrairement aux adultes chez qui la volonté de conscientiser limite parfois la transmission d’imaginaires, les émotions passent plus simplement, de manière plus directe et plus fluide. « C’est impressionnant, les enfants lisent le spectacle par empathie physique en se projetant dans les corps qu’ils voient sur scène. Parfois je les vois monter sur le dos du danseur. »

Dépasser une situation qui prête au drame, un vrai art

« Je me rappelle à toi » un spectacle de marionnettes autour de la mémoire brouillée de grand mère.

La Cie héraultaise les Voisins du dessus présente « Je me rappelle à toi », un spectacle de marionnettes destiné au public de 6/12 ans qui aborde une réalité à laquelle sont confrontés les enfants face à la mémoire défaillante de leurs grands-parents. Cette création signée  Dominique Latouche s’inspire d’un livre jeunesse de Jo Witek. « Nous avons été saisis par ce sujet sensible qui concerne beaucoup de monde, explique le metteur en scène qui fabrique lui-même les marionnettes et les décors de ce spectacle. Les maladies liées à la perte de la  mémoire posent souvent les conditions d’une relation pénible, lourde et immuable. Cette situation où l’on ne sait pas ce qu’il se passe dans la tête d’une personne que l’on aime s’apparente au drame mais on peut voir les choses autrement ».

A travers la relation privilégiée d’une petite fille avec sa grand-mère, la pièce donne une lecture très poétique du lien filial. Le spectacle s’empare de cette matière dramatique pour nous faire pénétrer dans un univers onirique presque surréalisme, où le cocasse a sa place. L’octogénaire ne parle pas. Elle est simplement au centre de ce qui lui arrive. La curiosité de sa petite fille motive sa mémoire. L’enfant décrypte les attitudes imperceptibles traduites sur la scène par le mouvement d’une vie qui passe. La grand-mère s’éloigne, l’immédiateté lui échappe. Sa vie d’hier et d’aujourd’hui se mêlent. L’esthétique tire partie de cette vision déformée. « La maladie transforme les éléments scénographiques pour virer à l’abstrait. C’est un peu l’illustration du cheminement de la pensée », commente humblement  Dominique Latouche. La manipulation à vue libère une émotion perceptible. Les spectateurs sont saisis par la sincérité des artistes. L’impact est immédiat.

Jean-Marie Dinh

Les 7 et 8, 14 et 15 mai au Domaine d’O. Du 27 au 29 mai au Domaine de Bayssan et dans tout le département. Programme et Rens www.domaine-do-34.eu

Voir aussi : Rubrique Politique Culturelle, rubrique Danse, rubrique Théâtre ,

Jean Varela “ Rassembler autour d’un projet artistique ”

 

Le nouveau directeur évoque les conditions de sa nomination à la tête du festival du Printemps des comédiens et le projet artistique de la 25e édition du 1er juin au 1er juillet.

A 44 ans, le comédien issu du conservatoire de Montpellier et créateur de SortieOuest, Jean Varela est le nouveau directeur du Printemps des Comédiens. Retour sur les conditions de sa nomination après le départ précipité de son fondateur Daniel Bedos. Et levée de rideau sur les enjeux futurs de la manifestation qui se tiendra du 1er juin au 1er juillet prochain à Montpellier.

Peut-on revenir sur la feuille de route que vous a confié le Conseil général en vous nommant à la direction du Printemps après le départ précipité de Daniel Bedos ?

« J’ai été sollicité en septembre par la voie de Jacques Atlan en accord avec Jean-Claude Carrière qui préside l’association pour assurer l’édition 2011. Je suis le directeur de sortieOuest créée pour rééquilibrer l’offre culturelle  en faveur de l’Ouest du département donc j’étais déjà un bras séculier de l’action culturelle du Conseil général.

Vous avez demandé un court délais de réflexion que vous est-il passé par la tête à ce moment ?

Quand on vous fait ce type de proposition c’est très angoissant. Que faire ? Comment faire ? On se dit j’y vais, j’y vais pas…  Et en même temps cela fait plaisir, je l’ai vécu comme une reconnaissance de mon travail à SortieOuest, mission que je souhaitais poursuivre.

Avez-vous négocié ?

Il n’était pas question de négocier, vu que le Conseil-général m’a tendu la main le jour où je me suis fait licencier par le Maire de Sérignan alors que je venais lui présenter ma saison. Cela fait partie de notre profession de prendre des engagements et de relever des défis. Il fallait essayer de maintenir la manifestation dans un temps difficile avec les incertitudes liées à la réforme des collectivités territoriales tout en bénéficiant d’un soutien politique. J’ai accepté cette mission qui prend fin au 1er juillet prochain.

Entreteniez-vous des relations avec le fondateur du Printemps des comédiens ?

C’est un ami. Je ne pensais pas que Daniel quitte le navire si vite. Je sortais du Conservatoire de Montpellier quand il a créé le Printemps des Comédiens il y a plus de 25 ans. Avec Daniel Bedos, on partage la même géographie héraultaise, autour de Pézenas notamment, la ville de Molière.

Le Conseil général semble manifester la volonté de poursuivre le festival. Ce qui laisse présager que votre contrat pourrait être reconduit. Comment trouver un nouveau souffle après 25 ans d’existence ?

Je suis entré dans mes nouvelles fonctions en novembre dernier. On apprend à marcher en marchant. La réponse à cette question ne se trouve pas dans l’édition 2011. En arrivant à Montpellier j’ai trouvé une équipe enthousiaste et ouverte sur l’avenir sans idée préconçue.

Les préoccupations politiques que vous avez évoquées se traduisent-elles par une baisse du budget* en 2011 ?

L’Etat nous a annoncé via la DRAC un retrait de l’ordre de 60 000 euros. Pour le reste on est à peu près sur la même base que l’année précédente.

Vous qui êtes artiste comment concevez-vous le rôle d’un programmateur culturel ?

Il faut rassembler le public autour d’un projet artistique, faire une proposition de programmation et tenter d’en donner les clés. Pour l’édition 2011 du Printemps des Comédiens, j’ai prévu entre 15 et 20 présentations du programme dans le département. Je vais aller à la rencontre du public. J’essaie de défendre le service public en créant du lien. La façon dont on conçoit les saisons fait évoluer le public. Le public actuel de SortieOuest n’est pas le même que celui de la Cigalière en 2003. Nous avons grandi ensemble. Une confiance commence à naître entre la direction artistique et le public. Les gens viennent voir un spectacle qu’ils ne connaissent pas. Ils se déplacent parce qu’ils savent qu’ils peuvent y trouver quelque chose. Cela implique un travail sur la durée qui peut s’évaporer très vite. C’est pour cela qu’il faut sauver les institutions.

Comment avez-vous abordé la programmation du 25e Printemps des Comédiens ?

Ce n’est pas la même chose qu’à SortieOuest. Là-bas nous avons creusé un sillon pied à pied, ici le bateau est en marche et cette édition présente un enjeu particulier. Par ailleurs beaucoup de choses diffèrent : la géographie, l’offre culturelle, la population… L’objectif n’est pas de transformer mais de mener le festival à bon port.

L’identité forte de la manifestation est en partie liée à la composition de son public et notamment à la déambulation que Daniel Bedos avait mis au cœur de la programmation et qui représentait 30% des entrées. Comment prenez-vous cette problématique en charge ?

En effet, il a fallu répondre à ce questionnement du 18h/20h et des cultures du monde autour duquel était construit le festival. Après un temps de réflexion, il nous a semblé que le moment était venu de passer à autre chose. Je ne suis pas Daniel Bedos. Le nouveau projet artistique souhaite redonner au théâtre une place importante. Est-ce qu’un festival de théâtre peut trouver sa place ? Nous pensons qu’une exigence artistique  plurielle et populaire, peut ouvrir de nouvelles perspectives.

Quelles seront les grandes lignes de la programmation 2011 ?

La programmation qui a été conçue dans l’urgence fera place à des metteurs en scène qui jalonnent notre histoire de spectateurs. Georges Lavaudant qui vient présenter sa Tempête, un hommage à deux pièces de Shakespeare, Peter Brook, pour une libre adaptation de La Flûte enchantée. Il y aura aussi des  personnalités plus jeunes comme Dorian Rossel, ou Dag  Jeanneret. Richard Mitou monte Les règles du savoir vivre de Lagarce en déambulation festive. On pourra assister à des spectacles où le théâtre croise d’autres disciplines artistiques, la musique, le cirque… Un travail sur la figure du clown avec le retour de Pierre Etaix, le grand clown russe Slava Polinin et Pierre Rigal qui développe des images drôles sur le rapport du musicien et de son instrument. Cette édition propose un large éventail du théâtre d’aujourd’hui. Le festival est dédié à Gabriel Monnet qui représente les grand idéaux de la décentralisation du théâtre public. »

Recueilli par Jean-Marie Dinh

* Le budget du Printemps 2010 était de l’ordre de 2,2 M d’euros.

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Festival, Printemps des Comédiens 2010 une Orageuse réussite , Connaisseur en la chose, Rubrique Politique culturelle, Politique cuturelle 34, Crise : l’effet domino,

Pays du métissage des arts et des cultures

Festival ThéâViDa cap sur le Mexique

« Pour la première édition du festival nous avions choisi le thème du combat. Tant il n’a pas été facile de monter le projet, cette fois le thème c’est  la liberté, explique Gabrielle Gonzales. Une valeur qui n’est pas étrangère au pays invité et qui signifie aussi que nos partenaires locaux  (Mairie de Montpellier, Conseil Général et Région…ndlr) nous ont fait confiance », indique encore l’initiatrice de ThéâVida. Cette année, la seconde édition du festival latino-américain qui associe théâtre, vidéo et danse, est entièrement consacrée au Mexique. L’annulation de l’année du Mexique en France par le gouvernement mexicain, lié comme on le sait aux brillants exploits des sarkoboys de la diplomatie française, a laissé sur le carreau pas moins de 360 manifestations culturelles prévues sur toute l’année. « Nous avons dû revoir le programme et renoncer à recevoir certains invités mexicains, mais finalement nous maintenons l’objectif qui est de faire découvrir la culture contemporaine latino américaine à travers la diffusion d’œuvres et de spectacles. »

Dans divers lieux de Montpellier, la programmation propose de partir à la découverte du pays de Frida Khalo. Un hommage sera notamment rendu à cette artiste qui a joué un rôle important dans le mouvement artistique de son époque avec une lecture théâtralisée/vidéo et une table ronde en partenariat avec les éditions Actes Sud. La Cie K-Mélodie adaptera au Théâtre de la Vista le roman La Rosa Blanca de B Traven d’après une mise en scène d’Adel Hakim qui retrace la ruée vers l’or noir au début du XXe siècle. Une tragédie  d’une troublante actualité produite par le CDN du Val de Marne.

« Sa liberté, le Mexique l’a gagnée en bataillant ferme mais l’envie de gagner le « paradis » nord américain l’obsède toujours », soulignent les organisateurs du Festival. Au sein de l’Espace Kawenga, l’installation AmeXica sKin de Sylvie Marchand et Lionel Camburet dévoilera la brutalité de la zone frontalière US-Mexique. Sur le terrain pendant six mois, les deux artistes aborderont à l’occasion d’une table ronde la question : « Quelle est la portée symbolique et concrète du témoignage et de l’engagement d’un artiste ? ».  Une autre installation multimédia éclairera les pratiques rituelles des indiens Raràmuris ayant échappé à la colonisation des conquistadors grâce à leurs talents de coureurs raconte-t-on. Le festival propose tout à la fois de poser un œil nouveau sur la création mexicaine et de nous entraîner vers les contrées de son imaginaire.

JMDH

Du 12 au 17 avril programme www.theavida.com/

Voir aussi : Rubrique Festival, rubrique Mexique, L’échec du mur, rubrique Amérique Latine,