Théâtre et Philosophie : Spinoza au domaine D’O

Jean marc Bourg joue Spinoza. Photo Marc Ginot

Le pari du metteur en scène montpelliérain Didier Mahieu  redonne vie aux grands philosophes en  puisant dans le Panthéon des penseurs pour en faire des êtres de chair.

C’est une expérience humaine qui est à l’origine de ce mariage osé entre philosophie et théâtre : « Je suis retourné en fac assez tardivement, pour étudier la philosophie et je m’y suis retrouvé avec des jeunes, explique Didier Mahieu. Un jour que je lisais le texte d’un philosophe à voix haute, ceux qui m’entouraient m’ont fait remarquer que cette approche leur permettait une meilleure compréhension des idées développées. Cela m’a poussé à approfondir et à formuler une proposition dans laquelle j’ai mis à profit mon expérience théâtrale. »

Ainsi est née une série de spectacles-rencontres où les auteurs parlent de leurs textes sur scène. « Dramatiquement, j’essaie de retrouver le moment où les philosophes sont en prise avec leur pensée pour la rendre lisible. Ma démarche n’est pas didactique. C’est une forme de jeu qui vise à faire remonter le spectateur vers l’auteur en respectant le texte. Chaque spectacle est suivi d’une discussion. On peut même revenir en arrière, en rejouant certains passages. »

Platon, Descartes, Nietzsche, Bachelard…, la collection Philosophie de chair compte une douzaine d’auteurs. La dernière création coproduite par le Théâtre d’O et le théâtre de Chelles est dédiée au rationaliste du XVIIe Benoît de Spinoza, interprété par le comédien Jean-Marc Bourg .

« C’est pas du Feydeau »

Le philosophe qui tire les conséquences de la révolution scientifique, n’est pas d’un abord facile. Le spectacle s’appuie sur deux textes majeurs que Spinoza ne put conduire à leur fin, Le traité de la réforme et de l’entendement, et L’Ethique qu’il avait refusé de faire paraître de son vivant.
« Monter un spectacle philosophique, c’est pas comme un Feydeau, on peut ramasser et quitter la pensée discursive. Pour Spinoza nous innovons avec un travail sur les costumes et la scénographie. Nous nous sommes appuyés sur la géométrie et sur le métier de Spinoza, qui polissait des lentilles optiques, pour élaborer un travail sur la lumière en tant qu’objet physique pour matérialiser sa pensée. »

On a souvent dit que l’auteur avait rédigé L’Ethique selon la méthode géométrique, à partir  de définitions, de postulats aboutissant à des théorèmes. Mais Spinoza est souvent infidèle à sa méthode. Ce qui fait le plaisir de Didier Mahieu : « En tant qu’homme de théâtre, je traque les faiblesses du philosophe. Stendhal disait qu’il faut être sec et froid comme banquier pour être philosophe. Parce que le philosophe essaie d’être objectif alors que c’est un homme. Cà, c’est du pain béni pour l’art dramatique. »

Les grands thèmes abordés par Spinoza se concentre dans la typologie des genres de connaissances, la distinction entre le vrai et l’adéquat, ou la relativité du bien et du mal. Le spectacle s’appuie sur un dialogue entre le philosophe et un contradicteur qui incarne sa voix intérieure. C’est à Gilles Deleuze pour qui rien n’est moins fondateur que la pensée qui dépasse la conscience, que Didier Mahieu a judicieusement confié ce rôle. « Spinoza est un philosophe fou de raison. Il défend l’idée que c’est grâce à la conscience du fait que l’on n’est pas libre, que l’on est libre, » avance le metteur en scène qui précise : « Pour moi un philosophe est un créateur

Jean-Marie Dinh

Cet Asile de l’Ignorance, du 7 au 9 décembre Resa : 0 800 200 165

Voir aussi : Rubrique  Théâtre, rubrique Sciences humaines, rubrique Philosophie,

Le dessin dans le champ de l’art actuel

Jusqu'à dimanche 20H au Carré st Anne. Photo Eclairage

Jusqu'à dimanche 20H au Carré st Anne. Photo Eclairage

On a jusqu’à dimanche 20h pour entrer dans la Drawing Room, histoire de se faire une idée de la vivacité de la création plastique d’aujourd’hui. L’initiative revient à six galeries montpelliéraines (AL/MA, Aperto, BoiteNoire, Iconoscope, Trintignan et Vasistas) qui choisissent en 2008 le dessin comme une approche pertinente de l’art contemporain sans se prendre la tête entre les mains. D’autres lieux comme Aldebaran (Castries), Hambursin-Boisanté (Montpellier), L’ISBA (Perpignan) et La Vigie (Nîmes) ont rejoint la manifestation depuis. Avec 8 000 visiteurs attendus pour cette troisième édition, le succès se confirme.

Du mur en 3D de Boulard et Vitré aux croquis sur les courriers de relance de la BNP de Benois Chaléas, le parcours proposé au Carré st Anne donne un aperçu de la grande liberté de moyens et de formes offerte par le dessin contemporain. Toutes les tendances sont représentées, du dessin très graphique proche de la BD aux travaux plus conceptuels. Les œuvres graphiques présentées peuvent avoir recours aux ordinateurs ou faire appel à des pratiques manuelles appliquées. C’est le cas de l’artiste coréen Monn Phi Shin qui présente de petits formats sur papier où les lignes incisées au cutter laissent transpercer la lumière.

L’idée de mouvement et de transition voire de métamorphose semble transversale aux œuvres présentées. L’émergence de l’humain revient également avec une certaine constance sous forme de traces, ou de manière franchement organique comme dans la série de Carole Challeau.

Le statut du dessin naguère considéré comme l’esquisse d’un travail à achever, change pour devenir un premier jet définitif. Ce retour au dessin propulsé par le marché de l’art depuis une dizaine d’années est un moyen d’amortir la crise en proposant des œuvres d’artistes cotés mais à petits prix. C’est aussi un stimulant pour la créativité des jeunes plasticiens qui trouvent l’occasion d’exprimer leurs rêves fugitifs.

Jean-Marie Dinh

Samedi 26 novembre à 15h rencontre avec Yan Chevallier et Georges Boulard autour du « mural » , suivie à 16h d’une signature de la dernière parution de l’artiste Hugues Reip.

Voir aussi : Rubrique Art, rubrique Exposition,

On a jusqu’à dimanche 20h pour entrer dans la Drawing Room, histoire de se faire une idée de la vivacité de la création plastique d’aujourd’hui. L’initiative revient à six galeries montpelliéraines (AL/MA, Aperto, BoiteNoire, Iconoscope, Trintignan et Vasistas) qui choisissent en 2008 le dessin comme une approche pertinente de l’art contemporain sans se prendre la tête entre les mains. D’autres lieux comme Aldebaran (Castries), Hambursin-Boisanté (Montpellier), L’ISBA (Perpignan) et La Vigie (Nîmes) ont rejoint la manifestation depuis. Avec 8 000 visiteurs attendus pour cette troisième édition, le succès se confirme.

Du mur en 3D de Boulard et Vitré aux croquis sur les courriers de relance de la BNP de Benois Chaléas, le parcours proposé au Carré st Anne donne un aperçu de la grande liberté de moyens et de formes offerte par le dessin contemporain. Toutes les tendances sont représentées, du dessin très graphique proche de la BD aux travaux plus conceptuels.

Les œuvres graphiques présentées peuvent avoir recours aux ordinateurs ou faire appel à des pratiques manuelles appliquées. C’est le cas de l’artiste coréen Monn Phi Shin qui présente de petits formats sur papier où les lignes incisées au cutter laissent transpercer la lumière. L’idée de mouvement et de transition voire de métamorphose semble transversale aux œuvres présentées. L’émergence de l’humain revient également avec une certaine constance sous forme de traces, ou de manière franchement organique comme dans la série de Carole Challeau.

Le statut du dessin naguère considéré comme l’esquisse d’un travail à achever, change pour devenir un premier jet définitif. Ce retour au dessin propulsé par le marché de l’art depuis une dizaine d’années est un moyen d’amortir la crise en proposant des œuvres d’artistes cotés mais à petits prix. C’est aussi un stimulant pour la créativité des jeunes plasticiens qui trouvent l’occasion d’exprimer leurs rêves fugitifs.

JMDH

y le samedi 26 novembre à 15h rencontre avec Yan Chevallier et Georges Boulard autour du « mural » , suivie à 16h d’une signature de la dernière parution de l’artiste Hugues Reip.

Breakdance et création contemporaine

Les Pockemon se confrontent "au principe féminin".

Danse. Jeudi la Cie Urumaki et la Cie Pockemon ont offert deux regards sur la création au Théâtre des 13 Vents.

L’événement culturel Battle of the year qui distinguera aujourd’hui à l’Arena les meilleurs Crew (équipes) de breakdance de la planète a rayonné toute la semaine sur la cité. Jeudi le Théâtre des Treize Vents accueillait le spectacle de deux compagnies s’étant naguère distinguées dans  la compétition mondiale pour une soirée dédiée à la création.

S’il peut paraître surprenant de voir les Bboy lustrer le plancher du hall de Grammont en tournant sur leur tête, c’est tout naturellement que la manifestation intègre la programmation de Montpellier Danse centrée sur les chorégraphes contemporains. Rien d’étonnant à cela, puisque l’univers du hip hop est désormais communément admis dans le réseau national de création et de diffusion chorégraphique. Kader Attou, le directeur artistique et chorégraphe de la compagnie Accrorap a succédé à Régine Chopinot à la tête du Centre chorégraphique national de La Rochelle en 2008. Le CCN de Créteil a été confié au danseur chorégraphe issue du hip hop, Mourad Merzouki, en 2009. Et le pôle Pik, centre chorégraphique entièrement dédié à la création et à la diffusion du hip hop a été inauguré l’année dernière dans la banlieue lyonnaise. L’arrivée en force du hip hop dans le champ chorégraphique, dit en crise de la représentation, ne manque donc pas d’intérêt.

Hip hop et représentations
Cette soirée consacrée à la création a donné l’occasion  d’observer la nature de cette confrontation, car on le sait, la reconnaissance institutionnelle correspond rarement à un mariage d’amour.

Avec la pièce Sadako, Valentine, chorégraphe d’origine japonaise de la Cie Uzumaki, replonge au plus profond de sa culture. Elle organise la dramaturgie de ses solos en convoquant l’esthétique du butô et les esprits qui hantent les vieilles légendes nippones. Nappé de mélodies enfantines, la bande musicale allie le souffle inquiétant des machines, au son entêtant des instruments traditionnels. Les mouvements maîtrisés de breakdance se figent dans de curieuses postures évoquant d’étranges créatures. L’usage de pliage d’origami comme seul élément du décor, confère une solennité à l’espace dépouillé et tient lieu de volumes modulables qui orientent les mouvements de la danseuse. La pièce qui synthétise d’improbables composants culturels ouvre un autre espace temps.

Avec Second souffle les huit Bboy  de la compagnie Pockemon, champion du monde du Boty 2003, « se confrontent au principe féminin ». La pièce s’articule autour de tableaux successifs entre le groupe d’hommes et la danseuse contemporaine Sandra de  Jesus. Le spectacle qui fait appel à l’humour est plaisant. Prisonniers de leur mâle attitude, les danseurs en deviennent attendrissant. Ici, il ne s’agit pas de s’affranchir de l’étiquette banlieue mais d’en pousser les traits pour le théâtraliser à l’américaine. On passe du meilleur, genre : Usual suspects, au pire exemple de la mauvaise comédie musicale, type fleur bleue.

Présenté comme transversal, le travail de création autour de la breakdance*, pose question quand il quitte un lieu commun pour en rejoindre un autre. Mais l’énergie du hip-hop, peut aussi  agir comme un puissant levier. La part de révolte contenue dans la breakdance est un outil pour aller à la rencontre de l’autre et notamment de nouveaux publics.

Jean-Marie Dinh

* La breakdance n’est évidemment pas la seule concernée.

Voir aussi : Rubrique Danse, Battle Of The Year 2011,

Battle of the Year : Esprit créatif hors normes

Battle of the Year 2011. Montpellier au cœur de la culture hip hop mondiale du 11 au 19 novembre.

Sur la planète hip hop, Montpellier s’identifie désormais comme une ville incontournable de la breakdance et pour cause puisqu’elle accueille pour la seconde année le Boty international du 11 au 19 novembre prochains.

La montée en puissance de cette culture est liée aux artistes passionnés qui émergent localement et au travail de l’association Attitude et du réseau hip hop qui leur permet en région d’accéder à la scène à travers des Buzz boosters, un dispositif national de repérage et d’accompagnement des artistes. Depuis  1989, Attitude œuvre aussi pour la structuration et la reconnaissance des différentes disciplines de la culture hip hop.

Cette reconnaissance passe aujourd’hui en partie par un financement institutionnel. Hier lors de la présentation du Boty, Josiane Collerais, vice-présidente en charge de la culture à la région, rappelle la prise en compte de la culture urbaine par Georges Frêche avec un budget en constante évolution : « On est passé de 27 000 euros en 2007 à 307 000 euros cette année dont 138 000 pour Battle of the Year. » De son côté, l’adjoint au maire Philippe Saurel évoque la refonte globale de l’espace Grammont, sur lequel il verrait bien : « l’occasion de reconfigurer le skatepark. » En l’absence de Jean-Paul Montanari, Gisèle Depuccio, la directrice adjointe de Montpellier Danse fait savoir que les portes de La Cité de la danse demeurent grandes ouvertes à la culture hip hop qui l’a pleinement intégrée dans la programmation de sa saison.

Passion et synergie

Le Boty international met en compétition les meilleurs groupes de breakdance venus  des quatre coins du monde. Il présente un rapide spectacle (choré) mettant en avant leurs qualités scéniques. La durée maximum du show est de 6 minutes. Un jury de 5 personnes, constitué strictement de danseurs confirmés, choisit les 4 meilleurs groupes qui s’affronteront en défis. La finale aura lieu  le 19 novembre à l’Arena. Un prix est également décerné pour la meilleure performance scénique (best show). Du 14 au 17 novembre, la cité de la danse accueillera 45 danseurs amateurs qui participeront à une formation avec des professionnels du secteur. A ne pas manquer la soirée Hip Hop en création programmée par Montpellier Danse  au Théâtre des 13 vents le 17 novembre.

le Boty international s’ouvre cette année pour la première fois au continent africain. En accueillant des danseurs algériens, tunisiens, marocains et en ouvrant la compétition à l’Afrique du Sud, le Zimbabwe et le Nigeria, « nous espérons contribuer en 2012 à une sélection sur le continent africain qui n’a pas été possible cette année », indique Thomas Raymond de l’association Attitude.

L’événement donnera lieu au tournage d’un long métrage qui se déroulera au cœur de la compétition 2011. Les b.boys et les b.girls de la région s’entraînent déjà pour transmettre à la ville les valeurs participatives propres à la culture hip hop.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Danse, rubrique Montpellier, rubrique Politique culturelle,

L’expo Gallimard, Un siècle d’édition au Musée Fabre

Par Jean-Marie Dinh

L’expo Gallimard, Un siècle d’édition accueillie au Musée Fabre, retrace une affaire de famille. Ce que donne à voir la première salle d’exposition en localisant les lieux d’implantation successifs de la maison d’édition le confirme. Les images évoquent plutôt le cadre chaleureux d’un foyer, où le bureau du directeur jouxte la salle des auteurs, que les centres d’affaires impersonnels où se façonnent aujourd’hui les grands traits de l’hégémonie culturelle.

Lors de l’inauguration de l’exposition à Montpellier, Antoine Gallimard, un homme en phase avec son temps, a fait cette remarque à propos de l’histoire de son entreprise : « J’éprouve tout à la fois un sentiment de proximité et d’éloignement. » Comme si le Pdg de Gallimard s’interrogeait sur le destin de la maison, une des dernières réellement indépendantes à cette échelle. Il s’est ensuite attardé sur l’amitié que  tissent à Montpellier Gide et Paul Valery en 1890. Cette relation se poursuivra dans les méditations entretenues par les deux jeunes auteurs sur le rôle de la littérature. « A l’heure du numérique, on dit la littérature menacée, mais elle résistera sous différentes formes parce qu’elle nous permet de vivre », affirme Antoine Gallimard.

Le patron de la librairie Sauramps, Jean-Marie Sevestre, qui entretient une complicité de longue date avec l’éditeur confirme : « Montpellier est une ville de lecture, une ville culturelle, une ville intellectuelle, si nous sommes là aujourd’hui c’est grâce à cet entourage. » Mais si le terreau de matière grise montpelliérain était fertile, il a aussi fallu la volonté politique de l’Agglo, qui prend en charge le budget de l’exposition (200 000 euros) et, à la différence de Paris, permet le libre accès à un siècle d’histoire littéraire.

 

L'inauguration à Montpellier

L’esprit Maison

La création de Gallimard en 1911 fait suite à la volonté de La Nouvelle Revue Française de prolonger l’aventure  intellectuelle de la revue en éditant des auteurs auxquels elle croit. Le 31 mai 1911, André Gide et Jean Schlumberger qui président à la destiné de la NRF signent avec Gaston Gallimard l’acte de naissance des Editions Gallimard.

La première partie de l’exposition est consacrée au  processus de l’édition. On découvre l’esprit d’ouverture de la maison, du premier livre de la collection blanche L’otage de Claudel au lancement de la série noire en 1945 par Marcel Duhamel avec les traductions  de La môme vert-de-gris de Peter Cheyney ou du célèbre Pas d’orchidée pour Miss Blandish de James Hadely Chase. Dès 1919, Gaston Gallimard se lance dans l’édition pour enfant avec  Macao et Cosmage dont l’histoire merveilleusement illustrée délivre un message écologique avant l’heure. Chez Gallimard, on a le goût du livre pour le fond et la forme.

La seconde partie du parcours donne à comprendre la complexité du métier d’éditeur. La stratégie éditoriale à long terme implique une gestion faite d’interventions multiples, des relations délicates avec des auteurs comme Camus, Céline, Giono, Sartre, Breton, Michaux… aux adaptations techniques, politiques et commerciales.

L’exposition fait sortir de la confidentialité des documents exceptionnels. A travers les extraits de correspondances, le visiteur trouvera des éléments clés pour approfondir les œuvres des plus grands auteurs du XXe et saisir le contexte de leur époque. A découvrir crayon ou iPhone en main.


Musée Fabre : Gallimard Un siècle d’édition jusqu’au 3 novembre

 

La bibliothèque de la Pléiade ici et maintenant

Musée Fabre. Gros plan sur les petites lettres d’une prestigieuse collection dans le cadre de l’expo Gallimard.

La bibliothèque de la Pléiade est une collection de référence qui rassemble les plus grandes œuvres du patrimoine littéraire. Abritée par les éditions Gallimard depuis 1933, le premier exemplaire est édité par Jacques Schiffrin qui publie le premier tome de l’œuvre de Baudelaire en septembre  1931. L’idée d’offrir au public des œuvres complètes d’auteurs classiques en format poche compact intéresse André Gide qui intercède en faveur de son ami Schiffrin auprès de Gaston Gallimard pour que celui-ci reprenne sa bibliothèque.

Dans la dernière salle de l’exposition Gallimard Un siècle d’édition, on peut appréhender l’impact de cette collection prestigieuse sur les auteurs à travers différentes correspondances. Deux ans après la disparition de Camus (1), René Char renonce à écrire la préface des œuvres de son ami (2) à paraître dans La Pléiade : « Je dois ajouter que l’affection fraternelle que j’éprouvais pour Camus fait encore écran à mes possibilités de jugement touchant son œuvre grande ouverte. »

Soucieux de la postérité de son œuvre, Céline manifeste dès avril 1951 le désir d’entrer de son vivant dans La Pléiade. C’est assez rare. Gide, Montherlant, Malraux y sont parvenus. Sa demande tourne à l’obsession. Un contrat est signé en 1959, mais le premier volume de ses œuvres ne paraît qu’en 1962. Quelques mois après sa mort.

A l’inverse, Henri Michaux prie son éditeur de ne pas le faire entrer dans La Pléiade. Le poète assimile cette reconnaissance imprimée sur papier bible à un enfermement, au fait de devenir définitivement un professionnel alors qu’il revendique son statut d’amateur. « Nous ne sommes pas un répertoire des monuments historiques de la littérature française ou internationale. Nous proposons des œuvres susceptibles d’être lues, ici et maintenant même si elles ont été écrites ailleurs, il y a trois, cinq ou vingt siècles », affirme aujourd’hui Hugues Pradier qui conduit cette Rolls-Royce de l’édition.

(1) Camus dispose à partir de 1946 d’une collection chez Gallimard qu’il baptise « Espoir »
(2) Concernant la relation Char Camus voir correspondance 1946-1957, Gallimard 2007.

Voir aussi : Rubrique Exposition, rubrique Edition, rubrique Livre,