Ben Laden mort, l’Otan estime que sa mission en Afghanistan doit continuer

Le secrétaire général de l’Otan Anders Fogh Rasmussen a salué lundi le « grand succès » que représente selon lui la mort de Ben Laden, tout en estimant que les opérations militaires de l’Alliance en Afghanistan devaient continuer.

« C’est un grand succès pour la sécurité des alliés de l’Otan et de tous les pays qui se sont joints à nous pour combattre le fléau du terrorisme mondial et rendre le monde plus sûr pour nous tous », a déclaré M. Rasmussen en « félicitant le président (américain) Barack Obama et tous ceux qui ont rendu cette opération possible ».

Le secrétaire général de l’Otan a rappelé que l’alliance militaire occidentale s’était engagée en Afghanistan aux côtés des Américains car « elle considérait l’attentat du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis comme une attaque contre tous les alliés », conformémement à l’article 5 de son traité fondateur. Or « le terrorisme continue de menacer directement notre sécurité et la stabilité internationale », a estimé M. Rasmussen. Donc, « les alliés de l’Otan et leurs partenaires continueront de mener leur mission en Afghanistan afin de s’assurer que ce pays ne redevienne jamais un havre pour l’extrémisme », a-t-il souligné. « Nous continuerons de défendre les valeurs de liberté, de démocratie et d’humanité que Oussama Ben Laden voulait détruire », a-t-il ajouté.

L’Isaf, la force internationale sous commandement Otan depuis août 2003 et qui a actuellement 140.000 soldats en Afghanistan, prévoit de ne transférer la responsabilité de toutes les opérations aux troupes afghanes qu’à la fin de 2014, à l’issue d’un processus de transition entamé cette année. Selon la décision prise par le sommet de l’Otan à Lisbonne en novembre dernier, elle ne devrait ensuite à partir de 2015 qu’assumer un rôle de soutien plus limité.

AFP

Voir aussi : Rubrique Afghanistan, L’enlisement total,  L’exemple russe pour la sortie, Rubrique Méditerranée, Al-Quaida totalement dépassée par la lame de fond arabe,

Jean-Pierre Filiu : « Al-Qaida est totalement dépassée par la lame de fond arabe »

Jean-Pierre Filiu :

Les manifestants se sont mobilisés au nom de valeurs que les Djihadistes récusent.

Entretien avec Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po, conseiller des Affaires étrangères, il a été en poste en Jordanie, en Syrie et en Tunisie, ainsi qu’aux États-Unis.

Mouamar Kadhafi  dénonce l’influence d’Al-Qaida dans le soulèvement de la Libye. Que sait-on vraiment de la présence ou non de djihadistes dans ce pays ?

La dénonciation de Ben Laden par M. Khadafi serait dérisoire si elle n’intervenait pas dans un contexte aussi tragique. La Libye a certe été, en mars 1998, le premier Etat à émettre un mandat d’arrêt international contre le chef d’Al-Quaida, à l’heure où peu de service de renseignement avaient pris la mesure de cette menace globale.

Tripoli avait en effet écrasé les maquis  djihadistes de Cyrénaïque et les dirigeants des groupes islamiste combattant libyens (GICL) avaient rejoint Oussama Ben Laden en Afghanistan. Le GICL a depuis été absorbé par Al-Quaida et il n’existe plus sur le terrain depuis une quinzaine d’années. Un certain nombre de djihadistes repentis se sont même ralliés dernièrement au régime de Kadhafi, qui agite cet épouvantail pour repousser l’heure de vérité.

Le colonel Kadhafi a été, par le passé, un parrain du terrorisme international, pourquoi cette opposition, aujourd’hui à Al-Qaida ?

Il est le doyen des chefs d’Etat arabes et tous les moyens lui ont été bons pour perpétuer un pouvoie absolu. La confrontation avec l’Occident a longtemps été son fonds de commerce et les sanctions internationales lui ont permis de resserrer le contrôle de la population par les Comités révolutionnaires. Il a ensuite profité de l’effet d’aubaine suscité, après les attentats du 11 septembre, par « la guerre globale contre la terreur ». Il a proposé ses services dans ce cadre et renoué avec les Etats-Unis sur cette base. Il n’a dès lors plus cessé d’exagérer la menace d’AL-Quaida, alors même qu’elle  avait disparu en Libye.

Comment Al-Qaida vit-elle ces soulèvement et ces révolutions arabes ?

Al-Qaida est totalement dépassée par le vague de fond qui traverse le monde arabe, car ce mouvement démocratique invalide tout ce qui les djihadistes proposent en termes de programmes et professent en termes d’analyses. Ces soulèvements populaires ont renversé, en peu de temps, des régimes qu’Al-Qaida n’a jamais sérieusement menacé en plus de vingt ans d’existence. Les manifestants se sont mobilisés en masse au nom de valeurs démocratiques que les djihadistes abhorrent et combattent.

Ben Laden et ses acolytes espèrent une contre-révolution violente qui pourrait les remettre en selle. Une fois de plus, Al-Qaida attend son salut de ceux qu’elle présente comme ses pires ennemis et qui, tel Kadhafi, la désigne pour s’accrocher au pouvoir.

Recueillis par Gilles Paris (Le Monde)

Jean-Pierre Filiu est l’auteur de La Véritable histoire d’Al-Qaida (Pluriel, 384 p., 9,50 euros) .

Voir aussi : Rester mesurés face à la menace du terrorisme

Algérie : « On ne peut rien construire sur l’oubli »

Le peuple algérien dans la rue

Le peuple algérien dans la rue

Pavé. En partenariat avec la librairie le Grain des mots, Les Amis du monde Diplomatique ont invité Lounis Aggoun pour son livre accablant sur l’Algérie : La colonie Française en Algérie, 200 ans d’inavouable.

Le livre très documenté du journaliste indépendant Lounis Aggoun La colonie Française en Algérie, 200 ans d’inavouable a donné lieu jeudi à un échange édifiant sur une histoire de l’Algérie qui ne fait pas débat. L’auteur s’explique d’entrée sur son « forfait ». Il a voulu se confronter à la vérité sur l’histoire de l’Algérie. D’où ce pavé de 600 pages dont les faits ne prêtent pas à l’interrogation. « Ce qui s’est passé est reconnu. Je me suis contenté de réunir bout à bout des documents éparses et des travaux de différents historiens pour reconstituer un puzzle. A partir de là j’en ai tiré les conclusions…« 

Si les rapports entre la France et l’Algérie ont souvent été qualifiés d’exécrables, depuis 62 la seule ligne qui n’a jamais été rompue est celle des services secrets français avec leurs homologues algériens. Il reste à ouvrir bien des archives pour que l’on en sache davantage. Mais celles-ci demeurent toujours fermées.

200-ans-algeriesLe regard linéaire proposé par Lounis Aggoun sur la période qui fait suite à l’indépendance de 1962 fait resurgir une série d’épisodes chaotiques, qui laissent cruellement imaginer la souffrance d’un peuple. Peuple littéralement sacrifié par les intérêts d’un petit groupe de généraux algériens. La thèse principale que développe l’auteur entre en contradiction avec l’histoire officielle. Elle accrédite l’idée que le pouvoir n’a pas été rendu au peuple algérien en 62, mais a été accaparé par un groupe initialement choisi par De Gaulle pour protéger les intérêts de la France. Après une désertion organisée, le groupe d’officiers glissé auprès des résistants algériens pour noyauter le FLN apparaît au journaliste comme un acte fondateur qui va jeter les jalons de la dictature. Un demi siècle plus tard, celle-ci perdure après de multiples purges et manipulations dont celle des islamistes. Il apparaît que le groupe islamique armé (GIA) était une émanation de la Sécurité militaire algérienne. Tous les chapitres du livre sont passionnants notamment celui qui met en évidence le contrat passé entre Charles Pasqua et le pouvoir algérien. Un deal d’escrocs qui aboutit à l’arrêt des attentats contre le nettoyage des opposants au régime algérien en France. Un pacte diabolique qui s’inscrit à la suite de la vague d’attentats en France dans les années 85-86.

La vision réaliste qu’offre Lounis Aggoun est aussi celle d’un homme meurtri par le mensonge des usurpateurs et l’atroce condition dans laquelle se trouve son peuple. « Les Algériens souhaitaient la liberté; on les a plongés dans la dictature. Ils ont voulu imposer la démocratie en 1988; on les a plongés dans l’horreur. » Mais une nouvel ère s’ouvre peut-être au Maghreb pour le peuple algérien à genoux après la désertion de Ben Ali en Tunisie.

Jean-Marie Dinh

La colonie Française en Algérie 200 ans d’inavouable Editions Demi Lune 23 euros.

Karachi : l’UMP refuse de communiquer des documents à la justice

Y a-t-il « entrave à la justice » dans le cadre de l’enquête sur l’affaire Karachi ?

dossier-karachiInterrogée sur ce point mercredi lors de la séance des questions au gouvernement par le député PS Bernard Cazeneuve (rapporteur de la mission parlementaire sur l’attentat de Karachi en 2002 qui avait coûté la vie à onze salariés de la Direction des constructions navales et fait naître des soupçons sur le financement de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995), la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie a nié toute obstruction au travail judiciaire.

Pourtant, si les documents que publie Mediapart, jeudi 14 octobre, ne suffisent à accréditer cette accusation, ils montrent néanmoins que rien n’est fait pour faciliter la tâche de la justice. Il s’agit de lettres échangées ces derniers mois entre le député UMP Guy Teissier, président de la commission de la défense à l’Assemblée, et le juge d’instruction Marc Trévidic, chargé du versant terroriste de l’affaire Karachi.

Quand le juge menace de perquisitionner l’Assemblée

Dans ces courriers, le magistrat réclame que lui soit communiqué le contenu des auditions réalisées par la mission d’information parlementaire sur l’attentat, présidée par Yves Fromion (député UMP du Cher), qui a rendu son rapport le 12 mai dernier. Mais Guy Tessier lui oppose une fin de non-recevoir, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs.

Revenant à la charge, Marc Trévidic va alors jusqu’à invoquer l’article 99-3 du code de procédure pénale qui permet au magistrat « par tout moyen, de requérir (…) de toute administration publique » la transmission de documents. Se faisant menaçant, il déclare : « Comme j’ai l’habitude d’agir de façon courtoise (…), je n’ai certes pas utilisé l’imprimé comminatoire appelé ‘réquisition judiciaire' ». Ce qui revient, souligne le site d’information, « à adresser une ‘sommation’ judiciaire à l’Assemblée nationale avant, pourquoi pas, d’y conduire une perquisition ».

Le PS demande la réouverture de la mission parlementaire

C’est en raison de ces obstacles auxquels se heurte la justice que Bernard Cazeneuve devait défendre ce jeudi « trois amendements rédigés ces derniers jours dans l’urgence », comme le souligne le site d’information dans un autre article.

L’un de ces amendements obligerait ainsi les présidents de mission d’information parlementaire à transmettre l’ensemble des éléments qu’ils collectent aux magistrats qui en font la demande.

Un autre vise à rendre publiques les conclusions des rapporteurs adjoints du Conseil constitutionnel, dès qu’il s’agit de valider ou rejeter des comptes de campagne. Cette disposition tient sa raison d’être au fait que l’on a récemment appris que trois rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient proposé le rejet des comptes de campagne du candidat Balladur en raison de dons douteux en espèces d’une dizaine de millions de francs. Un avis que le Conseil constitutionnel n’avait finalement pas suivi, validant les comptes de campagne en octobre 1995.

Enfin, une troisième disposition autoriserait le Parlement à mener une « commission d’enquête » en bonne et due forme sur des faits dont l’autorité judiciaire a déjà été saisie – et non pas seulement un « mission d’information », dotée de pouvoirs d’investigation bien moindres. « Nous allons regarder comment l’on peut réouvrir la mission d’information parlementaire compte tenu des éléments nouveaux, éventuellement en la transformant en commission d’enquête pour qu’elle dispose des moyens dont la mission ne pouvait disposer », a ainsi expliqué Bernard Cazeneuve mercredi.

Des amendements qui n’ont aucune chance d’être adoptés, compte tenu du rapport de force très favorable à l’UMP dans l’hémicycle, souligne néanmoins Mediapart.

(Nouvelobs.com)

Voir aussi : Rubrique Affaires : Sarkozy mis en cause par la police luxembourgeoise , Attentat Karachi, Le parlement se couche, Chronologie ,

Le terrorisme en dix leçons

Enard

Mathias Enard est un membre actif du collectif Inculte*. La loi de la force prime chez cet auteur français né en 1972. Depuis La perfection du tir (Actes Sud 2003), on connaît son goût de la perfection. En 2008 il frappe fort avec son roman Zone, qui relatait la mémoire de l’Occident en oubliant peu des crimes commis contre l’humanité. Le livre composé d’une seule phrase de 500 pages emportait le Prix Décembre 2008 suivi l’année suivante du Prix du Livre Inter. Cette rentrée, il tisse le portrait de Michel Ange dans Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants (Acte Sud) sur lequel nous reviendrons

En attendant, on peut découvrir Le bréviaire des artificiers son troisième roman qui vient de sortir chez Folio. La collection poche de Gallimard, s’associe à la rentrée littéraire en publiant parallèlement des auteurs qui y participent.

breviere-artificiersPetit manuel du terrorisme à destination des débutants, le livre est agrémenté d’une cinquantaine d’illustrations signé Pierre Marquès. Ce graphiste illustrateur, né à Béziers avant de s’exiler à Barcelone, renoue à cette occasion avec le dessin. Son sens de l’humour décalé s’allie avec l’esprit sérieusement dévissé de Mathias Enard. L’écrivain met en scène un succulent couple maître – esclave en la personne de Virgilio, apprenti artificier des Caraïbes et son sage gourou formé au terrorisme par un grand maître maoïste du siècle dernier. Leur projet n’est pas, comme on pourrait le penser, totalement dénué de morale. Passé les premières marches de la résistance, s’ouvre une autre vision du monde ! On comprend avec l’initiation du servile Virgilio, ce que le Plan Vigipirate a d’inutile, du moins dans sa vocation déclarée. Les auteurs, qui ne perdent pas le nord, déclinent toute responsabilité quant aux conséquences esthétiques morales et digestives liées à la mise en pratique des conseils explosifs que le lecteur pourrait recueillir.

Jean-Marie Dinh

*Les éditions Inculte ont été créées en septembre 2004. Elles éditent une revue, autour d’un collectif d’écrivains francophones et de nombreux invités de tous horizons.

Voir aussi : Rubrique Livre littérature Française