Bilan Comédie du livre 2016. Le pouvoir littéraire réaffirmé

penalva

Le directeur artistique Régis Pénalva et son assistante Juliana Stoppa


La Comédie du livre 2016 confirme Montpellier comme un carrefour des  littératures méditerranéennes

L’heure n’est pas encore aux bilan chiffré, elle reste aux lettres. Les trois jours de la 31e Comédie du livre se sont achevés hier sur un sentiment partagé de satisfaction. Le public nombreux et diversifié aura assurément trouvé matière à épancher sa soif de curiosité dans une manifestation conçue pour ouvrir toutes les portes vers le livre sans se réduire à la coûteuse et facile recette des auteurs passe-partout. Une nouvelle fois, tous les acteurs de la chaîne du livre étaient concernés mais ici encore, les choix  consistent à inviter les meilleurs représentants de chaque  secteur, à un moment T en fonction de la thématique.

Celle de 2016, consacrée à la littérature italienne, respirait le Risorgimento. La présence rarissime des plus prestigieux écrivains italiens, venus de toutes les régions, a pu rappeler les grands moments de l’unification. Croisé au  fleuron de la littérature contemporaine convié par les éditions Verdier et Maylis de Kerangal, qui a généreusement usé de sa carte blanche, le grand rendez-vous littéraire de la Métropole s’est inscrit dans un processus d’échange commun à toutes l’Europe et plus largement , dans l’immense champs de pensée méditerranéen.

Rien pour déplaire à Phillipe Saurel, toujours sous le charme excentrique de Palerme qui devrait prochainement se concrétiser par un septième jumelage et une grande conférence des villes de la méditerranée en 2018.  Tout pour le conforter à investir dans la culture –140 M d’investissements annoncés d’ici la fin de sa mandature – en laissant a-t-il indiqué à cette occasion  « une liberté totale aux directeurs artistiques.»

Autre acteur déterminant pour le soutien de la filière, la Région  a  aussi débuté  son unification autour du livre en invitant 46 éditeurs sur le stand Languedoc-roussillon Midi Pyrénées. Elle devra prochainement signifier son soutien aux librairies indépendantes à travers les choix d’attribution du marché des livres scolaires. Comme l’avait annoncé Carole Delga au MRAC de Sérigan, le Conseil Régional a confirmé cette semaine une volonté significative en matière de politique culturelle en consacrant  à la culture 3,2% de son budget global.

Pour revenir aux lettres, et à l’ouverture d’esprit, l’Inde sera le pays invité en 2017.

JMDH

Auteur

L’écrivain romaine Franceca  Melandri livre un roman  politique  envoûtant

FM cusanusFrancesca Melandri est née à Rome, en 1964. Réalisatrice de documentaires et scénariste de nombreuses séries télévisées très populaires, elle est également romancière depuis 2011. Son premier texte, publié par Mondadori, Eva dorme (Eva dort), dresse le portrait d’une Italie à l’unité encore fragile, tout au long des 1397 kilomètres que parcourt Eva, de sa région natale, le Haut-Adige, jusqu’en Calabre. Partie retrouvée Vito, l’homme qu’aima sa mère et qu’elle connaît si peu, Eva se remémore l’histoire douloureuse de ce Tyrol du sud que Mussolini tenta d’italianiser de force, ainsi que l’admirable figure de sa mère, Gerda, et l’amour impossible d’une fille-mère pour un jeune homme riche. Avec Plus haut que la mer, la romancière romaine nous livre un grand roman politique, un récit d’une envoutante poésie. Pour cadre, une prison de très haute sécurité au moment des années de plomb, située sur une île d’une grande beauté. À la brutalité de la tempête, Francesca Melandri oppose la douceur des solitudes partagées, à la violence psychologique et physique de l’enfermement les odeurs épicées et les couleurs de la nature, en une évocation saisissante des paysages méditerranéens. Pas de péripéties extraordinaires dans Plus haut que la mer : le roman est avant tout l’histoire d’une rencontre, entre trois êtres marqués par la douleur et la violence, réfugiés au quotidien dans l’abstraction et le silence, qui trouvent là l’occasion d’exprimer un peu de leur peine et de s’en libérer. Plus haut que la mer a remporté le prix Stresa en 2012 et terminé finaliste du prix Campiello. Francesca Melandri est éditée en France chez Gallimard. 1979.

Plus haut que la mer
Luisa se rend en bateau sur l’île où est incarcéré son mari. Dans l’embarcation se trouve aussi Paolo qui vient rendre visite à son fils, condamné pour actes terroriste. Mais, après les visites au parloir, le mauvais temps les empêche de regagner la côte. Ils doivent passer la nuit sur l’île.
Plus haut que la mer, éditions   Gallimard 2015.

31 e  Comédie du  livre.  Rencontres pour le plaisir et  les idées

verdier

Programmer comme hier, quatre rencontres littéraires en parallèle avec une proposition de contenu assez soutenue, un dimanche matin à 10h, c’est prendre un certain risque. Cependant les quatre lieux de rendez-vous ont affiché un taux de fréquentation équivalent à au moins deux -tiers des jauges proposées.

(Photo du haut) : les auteurs et traducteurs de l’excellente collection italienne des éditions Verdier, Terra d’Altri qui ont notamment démontré la collaboration étroite entre les acteurs de la maison.

ESPAÑA MAYLIS DE KERANGAL

Au même moment (photo du centre) la rencontre féminine proposée par Maylis de Kerangal au Jardin des plantes a dû être déplacée, pour cause d’inondation, salle Pétrarque pleine comme un oeuf. La veille le débat entre Le magistrat anti-mafia Roberto Scarpinato et Edwy Plenel a provoqué un gros embouteillage.

milner

La littérature mais aussi la question de la crise démocratique abordée  dans une conférence de Jean-Claude Milner (photo du bas) suscitent beaucoup d’intérêt.

Significatif non ?

Source La Marseillaise 30/05/2016

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Montpellier Comédie du Livre « Nous ne voulions pas d’un programme convenu »

93023e0669508d0434f7a9812c4792c2_XLEn charge de la préparation de la Comédie du livre, Régis Penalva, passionné de littérature évoque les choix ayant présidé à cette 30e édition consacrée aux œuvres de la péninsule ibérique.

Chargé de mission responsable de la Comédie du livre à la Ville de Montpellier, l’ex-libraire Régis Pénalva tient le pari de l’intelligence. Vendredi 29  mai débute la trentième édition de cette grande fête du livre et de la lecture qui se poursuivra tout le week-end. Le maître d’oeuvre discret de cet événement évoque l’alchimie concourant à la réalisation de cette grande cuisine littéraire qui rassemble près de 100?000 visiteurs.

Quels sont les grands axes et les nouveautés de cette trentième édition ?

Il y a d’abord les littératures invitées. Cette année, en s’intéressant à la péninsule ibérique nous proposons d’aller à la rencontre de deux grandes littératures mondiales. Les littératures espagnole et portugaise seront abordées à travers une approche qui concerne cinq langues le castillan, le portugais, le galicien, le basque et le catalan.

Côté éditeur, après les 35 ans des éditions Métailié l’an passé nous fêterons cette année les 25 ans des éditions Viviane Hamy. L’ouverture au très jeune public compte parmi les nouveautés avec la création d’un espace dédié à la petite enfance encadré par des professionnels qui proposent différents ateliers pour les moins de 4 ans avec leurs parents. L’autre nouveauté, c’est la métropolisation de la manifestation rendue effective en amont et pendant la manifestation avec une sensibilisation des publics aux littératures invitées et des rencontres avec des auteurs dans le réseau très actif des médiathèques. La carte blanche offerte à Lydie Salvayre constitue également un temps fort de la manifestation.

Avec une sélection d’auteurs plutôt alléchante…

Lydie invite effectivement des écrivains appartenant à la grande tradition littéraire dont la venue tient sur le facteur confiance comme Jêrôme Ferrari, le rejeton des éditions de Minuit Eric Chevillard ou encore Antoine Volodine et ses hétéronymes qui ne se déplacent nulle part.

La qualité de la proposition littéraire est un facteur de succès important, comment travaillez-vous pour équilibrer les enjeux politique, économique tout en maintenant l’attractivité ?

Tout commence par le choix du pays. A partir de là nous avons entre 30 et 40 écrivains à inviter avec l’appui des éditeurs qui nous font connaître les auteurs de qualité et l’expertise des libraires qui s’opère sur deux critères, à la fois le choix littéraire et les ventes. Nous prenons également en compte la dimension collective, celle de porter au mieux le livre et ses acteurs dans l’espace public.

On aboutit ainsi à une liste diversifiée où se retrouvent des écrivains qui concernent un large lectorat des auteurs reconnus, et des auteurs au potentiel prometteur à découvrir. La Comédie du livre a aussi une vocation de défrichage. Le goût du public s’affirme en rapport avec les propositions qui sont faites.

L’année dernière sur la thématique des littératures nordiques, Katja Kettu, quasiment inconnue, a réalisé de très belles ventes. Pour aller dans ce sens, les participants aux rencontres pourront aussi acheter les ouvrages sur les lieux même des débats et dans les médiathèques.

L’Espagne et le Portugal partagent une histoire marquée par des régimes totalitaires. Ces deux pays doivent aujourd’hui faire face à une crise économique et sociale aiguë. Cela transparait-il dans la littérature ?

Nous ne voulions pas d’un programme convenu pour éviter de retrouver les écrivains que l’on voit partout et ne pas répéter l’édition hispanique de 2009. Les 35 auteurs invités permettront cette année de découvrir les nouvelles générations. Leurs aînés étaient en contact direct avec les événements tragiques tout au long du XXème siècle. Ils avaient pour habitude d’affronter le sujet frontalement comme l’a fait à sa manière Manuel Rivas. Avec les générations suivantes et particulièrement les plus jeunes, si l’on retrouve bien des traces vivaces des dictatures et de la répression politique, les stratégie littéraires et narratives ne sont plus les mêmes.

Dans Plus jamais ça Andrés Trapiello fait appel à la résurgence de la mémoire. Il est question de la souffrance des descendants. Avec Encore un fichu roman sur la guerre d’Espagne Issac Rosa, interroge la façon dont un écrivain se saisit de l’Histoire… Dans Quatre par quatre Sara Mesa questionne à la fois le passé le présent et l’avenir de son pays et de l’Europe en utilisant la stratégie de la fable. Des thèmes transversaux se dégagent, l’enferment comme dans le conte d’Ivan Repila Le puits, mais aussi le voyage comme dans La mort du père, de José Luis Peixoto qui signe un grand roman de l’immigration portugaise en France. Voyage encore, avec l’ouverture sur des fictions exotiques comme celles de Pedro Rosa dans Pension des mondes perdus.

Comment se porte le marché du livre espagnol et portugais. En quoi se distingue-t-il du marché français ?

Le marché du livre portugais est aux mains de l’Espagne qui dispose de très grands groupes d’édition bien implantés en France. Planeta a d’ailleurs pris le contrôle du groupe français Editis (Plon, Presses de la Cité, la découverte, Robert Lafont, Bordas…). C’est le second groupe d’édition en France derrière Hachette et le 7e au niveau mondial. Si la diversité des publications reste assez grande, elle est différente du paysage français qui se distingue par le nombre de ses éditeurs et son réseau de librairies indépendantes. La puissance des gros éditeurs espagnols également bien implantés en Amérique Latine a pour incidence de privilégier l’exportation des livres espagnols en France où l’on trouve assez peu de traduction d’auteurs portugais qui passent souvent par le filtre de la langue castillane.

Quel avenir pour la Comédie du livre après 30 ans ?

La Comédie du livre n’est pas rentable mais reste absolument indispensable. Elle permet de rendre visible dans l’espace public, les livres, les librairies, les auteurs, les maisons d’édition. La crise que traverse le secteur est liée à la conjugaison de la baisse du pouvoir d’achat à celle des pratiques de lecture, à la baisse des achats de livre et à l’émergence de groupes comme Amazon. La Comédie du livre se maintient au plus près des acteurs de la chaîne du livre. Elle doit porter ses efforts sur l’accès à la lecture et l’éveil à la lecture dès le plus jeune âge.

Propos recueillis par Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 28/05/2015

Voir aussi : rubrique Edition, rubrique Lecture, rubrique Littérature, Les grands auteurs classiques ibériques, Littérature Espagnol,  rubrique Livres, rubrique Montpellier, rubrique Portugal, Pessoa et les mystères de la création, rubrique Politique culturelle, La comédie du livre vers un avenir métropolitain,

La mostra du livre vers un avenir métropolitain

Temps fort. Carte Blanche à Lydie Salvayre

Temps fort. Carte Blanche à Lydie Salvayre

Comédie du Livre. Pour son trentième anniversaire, l’événement rend dignement hommage aux littératures de la péninsule ibérique et se projette vers la rencontre de nouveaux publics.

La Comédie du Livre fête ses trente ans cette année. L’histoire de ce grand rendez-vous du livre à Montpellier, initié par les libraires de la ville avec la bénédiction de Georges Frêche, n’est pas un long fleuve tranquille. Il coule cependant toujours pour la grande satisfaction des Montpelliérains qui répondent fidèlement et massivement à cette grande fête du livre où se croisent les passions.

Depuis quatre ans, la Ville de Montpellier a recentré la manifestation autour de la littérature des pays invités. Devenu chargé de mission pour la ville, l’ex-libraire Régis Pénalva a su palier à la dispersion des propositions, et aux tentations mercantiles, pour renforcer le contenu littéraire. Dans le même temps, l’association de libraires Coeur de livres conduit une politique à l’année qui fait vivre le livre à travers un sérieux programme pédagogique et de nombreuses propositions et rencontres littéraires. Durant l’événement, elle est aussi partie prenante de la programmation.

Fraîchement élu, le maire Philippe Saurel déclarait en 2014  vouloir étendre la manifestation à l’ensemble des quartiers de la ville via le réseau des médiathèques. Cette semaine, lors de la présentation à la Maison des relations internationales, il a annoncé vouloir « booster la politique des jumelages » dans un souci d’efficacité économique. Le choix des littératures ibériques mises à l’honneur lors de ce trentième anniversaire est pour Philippe Saurel, intimement lié à la volonté de relancer les échanges « tombés en désuétude » avec nos voisins du sud et plus particulièrement avec Barcelone.

Les consuls d’Espagne Juan Manuel Cabrera et du Portugal Pedro Marinho Da Costa, présents à Montpellier, ont tous deux chaleureusement remercié le maire de Montpellier pour cette invitation sans omettre de rappeler l’importance que revêt la culture dans les échanges internationaux. Pedro Marinho Da Costa citant à bon escient, la réponse de Churchill à qui l’on demandait de couper dans le budget des arts pour l’effort de guerre?: « Alors pourquoi nous battons-nous ?» Si la guerre économique liée à la reforme territoriale passe par la culture, le potentiel de la Métropole dans ce secteur demande à être pris en compte à sa juste valeur.

Un programme ouvert captivant

La qualité de l’offre de cette trentième Comédie du Livre s’inscrit dans ce sens. Du 29 au 31 mai, 250 écrivains seront présents à Montpellier dont 35 écrivains portugais et espagnols. Ces deux géants de la littérature seront représentés dans toute leur diversité. Il faut souligner le travail opéré autour de la littérature portugaise nettement moins représentée dans les ouvrages disponibles en traduction française. La langue castillane, qui imposa sa suprématie à la majeure partie de la péninsule, ne sera pas hégémonique puisque nombre d’auteurs écrivant en galicien*, basque, catalan sont invités.

Une belle place sera accordée à la jeune génération qui dresse souvent le tableau sans complaisance d’une société en crise. Parmi les points forts, la carte blanche à Lydie Salvayre, lauréate du prix Goncourt 2014 qui partagera ses références et coups de coeur littéraires ; la découverte de la ligne éditoriale des Editions Viviane Hamy ; les quinze ans des éditions Au diable Vauvert ; et beaucoup de débats passionnants avec des invités de taille dont Antoine Volodine, Jérome Ferrari, Régis Jauffrey, Ken Loach…

Jean-Marie Dinh

 *A l’origine de la langue portugaise.

Source : La Marseillaise 09/05/2015

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