Le leader du Parti de gauche a été élu candidat du Front de gauche pour la présidentielle par les militants communistes. Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, a salué dimanche le « choix clair, net et massif » des militants communistes en faveur de la candidature de Jean-Luc Mélenchon (Parti de Gauche) et de « l’accord global » concernant notamment les législatives de 2012. Entouré de neuf cadres communistes au siège du PCF, place du Colonel Fabien à Paris, Pierre Laurent a dévoilé les résultats finaux de la consultation des quelque 130.OOO adhérents revendiqués, dont 70.000 à jour de cotisations, au lendemain de l’annonce par l’ex-secrétaire nationale Marie-George Buffet d’un vote à « près de 60% ».
Au final, 59,12% des votants ont choisi l’option accord global sur le programme partagé, les législatives et la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, a dit Pierre Laurent.
« A Jean-Luc, désormais notre candidat, je veux dire la valeur de notre engagement et de celui de tous les communistes », a-t-il dit. « Je sais que tu mesures la responsabilité qui est la tienne, tu peux compter sur nous (…) pour une grande et belle bataille unitaire, rassemblée, nous y veillerons ensemble », a souligné celui qui devrait prendre la tête du comité de campagne 2012.
Le député communiste du Puy-de-Dôme, André Chassaigne, a obtenu un bon 36,82%, et l' »identitaire » Emmanuel Dang Tran, responsable d’une section communiste parisienne, opposé au Front de Gauche, 4,06%. Beaucoup pensaient que Jean-Luc Mélenchon dépasserait les 60% devant les militants après la conférence nationale du 5 juin, où il avait recueilli 63,6% des voix des délégués.
Un total de « 48.631 » communistes ont participé à la consultation, soit « plus de 70% des adhérents à jours de leurs cotisations », a souligné le numéro un communiste, y voyant une « mobilisation exceptionnelle qui souligne la valeur des choix effectués ». « Le choix des communistes est donc clair, net et massif » et « les communistes peuvent désormais se rassembler », a-t-il ajouté.
L’exercice n’était pas réussi d’avance, mais dans la course d’obstacles qui conduit le PS à la présidentielle, l’élaboration du projet n’était pas le plus difficile. Pour preuve, le processus arrive à son terme sans qu’il n’ait été accompagné d’un de ces débats byzantins dont les socialistes ont l’habitude. Adopté samedi à l’unanimité par le Conseil national, le texte se veut la feuille de route de la gauche social-démocrate pour l’échéance de 2012. Pourtant il ne devrait être qu’un rapport d’étape avant que les choses sérieuses ne débutent enfin : le lancement des primaires qui, à l’automne prochain, désigneront le champion socialiste dans la course à l’Elysée.
C’est là tout l’ambiguïté de la stratégie élaborée par Martine Aubry et l’actuelle direction du PS. D’un côté, un projet très consensuel qui vise à cimenter l’unité du parti, de l’autre, une machine à désigner le candidat qui ne pourra qu’aiguiser les oppositions internes. Pour autant, tel qu’il est conçu, le projet du PS propose un état des lieux significatif de la pensée socialiste. Cette gauche qui se revendique « ambitieuse et sérieuse » inscrit ses pas dans la vieille histoire d’un réformisme tiède, capable d’innovations progressistes mais réticent à affronter les logiques du libéralisme économique. Malgré les défaites politiques de 2002 ou de 2007, le projet du PS reprend globalement des recettes qui ont montré leurs limites dans le contexte de la crise du capitalisme mondialisé. La cohabitation d’inspirations généreuses et de propositions timides caractérise les limites de l’exercice. Qui a au moins un mérite : rassembler toutes les sensibilités du parti. « Il a l’avantage de parler à tous », estime Henri Emmanuelli, figure de proue de la gauche du parti. « Un ensemble cohérent et crédible », ajoute Pierre Moscovici, strauss-kahnien pur et dur. « Crédibilité » aussi pour le hollandais Michel Sapin.
Chacun des candidats potentiels pourra ainsi utiliser cette boîte à outils programmatique. Que restera-t-il pour les différencier ? Et si les écarts idéologiques entre eux n’étaient pas aussi grands que la mise en scène de l’opposition des ambitions ne le laisse supposer ? Martine Aubry apporte des éléments de réponse en affirmant qu’un pacte existe entre elle et le patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Manière de souligner que peu de choses les sépare sur leur vision respective de l’alternative à la droite.
Le Front de gauche
Pour cette objet politique né lors des européennes de 2009, l’heure de vérité approche. Le Front de gauche est-il en mesure de « révolutionner la gauche » comme le souligne ses fondateurs ? Ou ne restera-t-il que comme une énième tentative avortée de redonner des couleurs à la gauche radicale ? La présidentielle et les législatives de 2012 vont apporter la réponse. Pour l’heure, le parcours est prometteur même s’il reste très tortueux et semé d’embûches. Au plan électoral, les messages envoyés par les urnes ont ratifié l’esprit de cette nouvelle construction politique sans pour autant signé un chèque en blanc à ces initiateurs. « Du potentiel, mais peut mieux faire » ont affirmé les électeurs. Lancé à l’automne, le travail sur « un projet partagé » est sur de bons rails. Même si toutes les questions n’ont pas encore été tranchées.
Reste la question des candidatures : à la présidentielle et aux législatives. Le Parti de gauche et la gauche unitaire se sont prononcés en faveur de Jean-Luc Mélenchon. Pour sa part, la position énoncée ce week-end par la direction nationale du PCF muscle les fondations du Front de gauche. Sans ambiguïté, elle confirme la pérennité de cette expérience. « Le Front de gauche est pour nous la meilleure chance de relancer la gauche et de contribuer à son rassemblement pour gagner une majorité de gauche à la hauteur de ces attentes » affirme la résolution adoptée par une large majorité du Conseil national du PCF. A cet appel s’ajoute la prise de position courageuse du secrétaire national, Pierre Laurent, estimant « que la candidature de Jean-Luc Mélenchon peut être envisagée par notre parti dans le cadre d’un accord d’ensemble avec nos partenaires, un accord qui garantisse le respect d’engagements collectifs à la hauteur des enjeux de la situation politique inédite que nous vivons, la diversité de notre rassemblement et la place majeure de notre parti ».
Il revient désormais à l’ensemble des adhérents communistes de se prononcer sur la candidature soutenue par le PCF et surtout à confirmer ou pas cette stratégie du Front de gauche que conteste une partie des responsables et des militants. Un choix essentiel pour le Parti communiste. Si l’heure de vérité va sonner pour le Front de gauche, elle concernera tout autant le PCF parvenu à un tournant majeur de sa longue histoire.
Europe-Ecologie-les Verts
Le contexte change mais l’histoire se répète pour l’écologie politique. Les poussées électorales et la naissance d’un nouveau parti n’ont pas empêché le retour des querelles de chapelle. Qui traduisent, en fait, l’ambiguïté du positionnement politique d’EE-Les Verts sur l’alternative au libéralisme ou encore sur les alliances politiques.
Plus encore que celle d’Eva Joly, la candidature annoncée de Nicolas Hulot renforcent ces zones d’ombre. L’animateur d’Ushuaïa et de TF1 devrait s’exprimer cette semaine. Choisira-t-il d’aller seul à la bataille ou acceptera-t-il le cadre des primaires vertes ? Son entourage entretien le doute. Les supporters d’Eva Joly évoque la nécessité de « travailler ensemble » mais exprime leur scepticisme sur la ligne choisie par Nicolas Hulot.
Revue. Les temps nouveaux s’intéresse au mouvement social et à la lutte politique dans la perspective de construire une alternative.
L’idée de croiser les réflexions de responsables syndicaux et associatifs, intellectuels engagés et acteurs du mouvement social, qui enragent de l’atonie du débat sur les alternatives nécessaires, résonne bien avec le sentiment d’urgence qui se repend dans les têtes et dans les rues. Après trois décennies de politique libérale, la libération des forces du marché a développé à l’échelle de la planète des politiques destructrices de progrès social et de liberté, accompagnées d’une normalisation de la pensée et de la culture, constatent les protagonistes. Claude Debons, du Parti de gauche, pose dans l’éditorial l’ambition affichée d’élaborer une réponse associative, syndicale et politique à la hauteur des enjeux, et de construire dans un même temps des rapports de forces nécessaires à leur mise en œuvre.
Ce premier numéro de la revue publié par les éditions Au bord de l’eau, rassemble un bel éventail de pensées critiques. Chacun dans leur domaine, les contributeurs se retrouvent pour dénoncer les règles actuelles du pouvoir financier. De la montée en puissance de la stigmatisation, à l’enjeu social de la réforme des retraites, une cohérence se tisse.
La première partie fait le point sur l’actualité des mouvements, avec un regard sociologique mettant en perspective la grève des travailleurs sans papiers, qui trace les contours d’un droit de grève pour les salariés les plus précaires. Le dossier central aborde l’acuité de la crise en sondant en profondeur les contradictions du capitalisme financier, sans oublier de révéler sa face cachée.
La dégradation salariale et la montée de la souffrance au travail qui vont immanquablement s’intensifier invite ardemment à trouver une nouvelle issue. Après avoir dressé un état des lieux du chantier, l’économiste Michel Husson, membre de la fondation Copernic envisage des réponses progressistes en situant l’enjeu crucial : « quelle est sur l’échelle du radicalisme, la position du curseur qui permet le mieux de mobiliser ?
Une revue à découvrir où l’on ne renonce pas à l’exigence du sens, et où l’on se garde de confondre La gauche radicale de rupture avec le social-libéralisme d’accompagnement.
Jean-Marie Dinh
Les Temps Nouveaux, automne 2010, éd Le Bord de l’Eau, 14 euros.