Donald
Bien entendu “libéral” sur le plan économique (encore qu’il faudrait contester aux tenants du tout-marché leur prétention à défendre la liberté), l’ami Tusk est en plus un fieffé réactionnaire sur le plan moral. Le Monde le présente ainsi comme “alliant un conservatisme ferme sur le plan religieux et social à un libéralisme décomplexé sur le plan économique”.
C’est chouette, l’Europe avance… Elle était social-démocrate (au sens d’une domestication du capitalisme par les institutions politiques et sociales) lors de la Reconstruction, puis elle a évolué dans un sens plus favorable au capitalisme à partir des années 1980 (nomination de Margaret Thatcher en 1979, tournant de la rigueur en France en 1983, Acte unique en 1986), avant de devenir franchement néo-libérale durant les années 1990 et 2000 (marché unique en 1993, avènement de l’euro en 1999, élargissement à dix nouveaux Etats sans harmonisation sociale et fiscale en 2004), et maintenant voilà qu’on ose nommer comme chef du pouvoir politique européen une personne qui, par le passé, s’est prononcé contre la libéralisation de la loi anti-avortement.
Il faut dire que la loi polonaise en la matière est particulièrement généreuse, puisqu’elle ne permet aux femmes d’avorter qu’en cas d’inceste, de viol, de maladie incurable du fœtus ou de risque pour la santé de la mère. On est en plein cauchemar, vive le Moyen-Âge !
Bon, ils ne sont pas les seuls à être aussi atroces, ce n’est pas mieux en Irlande, et les choses n’évoluent pas dans le bon sens en Lituanie – merci la minorité polonaise – en Italie, ou en Espagne.
Qui souhaiterait libéraliser une loin aussi étendue ? Que veulent de plus les Polonaises ? Avorter parce que l’enfant n’est pas désiré ? (En fait, certains veulent la durcir)
Sa fiche Wikipedia présente Donald Tusk comme n’étant favorable ni à l’avortement, ni au mariage homosexuel.
Autrement dit, Donal Tusk ne souhaite pas permettre aux femmes à disposer de leur corps (mais il ne voudrait pas qu’elles lui disent ce qu’il doit faire du sien), ni aux homosexuels de s’unir.
Mais ce n’est pas grave.
Ah, ça, s’il avait été en faveur des nationalisations, là, ça aurait été inacceptable, bien sûr.
Et vous imaginez, s’il avait voulu augmenter l’impôt sur les sociétés ? Ou… le Smic ? Il aurait été pendu, brûlé et décapité, au moins.
Parce qu’on ne rigole pas avec le “libre marché”.
Mais avec l’avortement, si.
Merci l’UE, vous m’avez une fois de plus grandement facilité la tâche pour expliquer à mes étudiants que l’UE est un progrès démocratique, économique et social.
Bon, disons que c’est la rentrée…
Gilles Raveaud *
* Gilles Raveaud est maître de conférences en économie à l’Institut d’Etudes Européennes de l’université Paris 8 Saint-Denis. Il est l’auteur de La dispute des économistes (Le Bord de l’eau, 2013) et a contribué aux ouvrages Petit bréviaire des idées reçues en économie (La Découverte, 2004) et Douze économistes contre le projet de constitution européenne (L’Harmattan, 2005).
Source : L’Economie politique 01/09/14
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