Entretien avec James Thiérrée

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Dans la lucarne de James Thiérrée

Festival. Avec «Tabac Rouge» le petit-fils de Chaplin relance les dés pour « empêcher le ciment de prendre »

James Thiérrée le petit-fils de Chaplin, présente Tabac Rouge au Printemps des Comédiens. Après Raoul, présenté au festival l’année précédente, il opère un retour en puissance renouvelant son approche. Pour la première fois Thiérrée ne foule pas le plateau. Ce «chorédrame» d’une grande intensité physique marque un tournant dans son oeuvre. Entretien.

Quand le tabac est rouge, il se consume, le titre renvoie-t-il à cette ultime incandescence ?
Je cherchais un titre qui n’ait pas de vocation descriptive. Un objet séparé du spectacle qui puisse en même temps le révéler. J’ai pensé à abat-jour et j’ai inversé, ce qui donne Tabac rouge. J’ai aimé l’aspect toxique, addictif, c’est presque une texture, ce titre…

Le jeu du décor vivant et des comédiens dans un mouvement continu évoque le changement et laisse comme un goût d’inachevé…
Une des idées maîtresses du spectacle tournait autour de la transformation. On est pris dans une forme d’ébullition, avec des courants, des mouvements et des pauses. Après avoir traversé l’enfer de Dante, le monarque atterrît. J’ai toujours pensé qu’il fallait bouger pour que la matière reste dans le théâtre. Pour empêcher le ciment de prendre. Ce n’est pas une histoire structurée avec des intrigues humaines, c’est une alchimie et des sentiments. Je fais encore des réglages, rien n’est figé.

On retrouve l’humanité de votre pièce précédente « Raoul » mais l’étendue du sujet, le rapport au groupe et au pouvoir rend ce spectacle plus périlleux…
Avec Raoul, j’étais arrivé à un point où je pouvais consolider. Mais j’ai préféré sortir de mes habitudes, chercher dans des zones non acquises. Tabac rouge, est la première pièce que je monte avec autant de monde, c’est la première fois que je travaille avec des danseurs et la première fois où je n’ai pas de contact direct avec le plateau. J’ai aussi épuré au niveau des décors. J’ai voulu relancer les dès dans ma manière de travailler sans me lancer complètement dans un trou noir.

Le regard de metteur en scène aiguise-t-il votre approche critique ?
Oui.

La problématique du pouvoir fait ressortir des interdépendances humaines mais aussi avec la technique, la machinerie…
je me suis retrouvé face à un monstre. Le maître se trouve face à son Frankeinstein. Il a construit cette machine, il essaie de faire comprendre qu’il s’est fait emporter. Il subit une oppression qui le détourne de son pouvoir mais il y est ramené par le groupe qui le contraint à prendre ses responsabilités.

Il tente de démissionner ce qui renvoie à l’impuissance du politique et aussi à la question du pouvoir artistique ?
Effectivement, dans mes premières divagations l’action se situait autour d’un créateur, presque d’un metteur en scène face à son oeuvre. Mais je ne voulais pas basculer dans ce sujet frontalement et j’ai dérivé vers le politique.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Festival, Entretien avec Jean Varela, Regards sur le Printemps des Comédiens 2013, rubrique Théâtre,  rubrique Rencontre