Assises de la consommation : le patronat reste opposé aux actions de groupe

La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) s’est déclarée opposée, lundi, à l’instauration en France d’une procédure d’action collective, à l’occasion de l’ouverture des Assises de la Consommation.²La CGPME « ne souhaite pas l’instauration en France +d’actions collectives+ (class action), qui, sous couvert de conflits de consommation de masse avec certains grands groupes, risqueraient, au final, de pénaliser également les PME », affirme-t-elle dans un communiqué. Estimant que « la France dispose d’un droit de la consommation particulièrement protecteur », le syndicat patronal dit vouloir éviter « une judiciarisation excessive de l’économie » et « milite en faveur des voies amiables de règlement des litiges ».

Une représentante du Medef, Véronique Discours-Buhot, a également exprimé son opposition aux actions de groupe, lundi à Bercy, où le gouvernement a réuni les Assises de la consommation pour examiner les moyens de « mieux protéger » le consommateur. La création d’une procédure d’action collective (« class action ») à la française est réclamée depuis plusieurs années par les associations de consommateurs. Son introduction dans le droit français permettrait aux associations de consommateurs agréées de porter plainte contre une entreprise au nom d’un groupe de consommateurs. La ministre de l’Economie Christine Lagarde a indiqué lundi qu’elle restait « ouverte » à terme à une discussion sur les actions de groupe, promise par les gouvernements successifs. Elle a toutefois ajouté qu’il faudrait « prévoir un mécanisme qui permette de parler avant de tirer pour éviter les actions tous azimuts sans fondement sérieux ».

Grand emprunt: l’UMP fixe les « priorités de long terme » pour la France

L’UMP présente mardi à l’Assemblée ses propositions dans le cadre d’une convention sur le « grand emprunt » voulu par Nicolas Sarkozy, alors que la commission ad hoc présidée par Alain Juppé et Michel Rocard doit rendre sa copie avant le 1er novembre.

Cet emprunt, annoncé le 22 juin par le chef de l’Etat devant le Congrès à Versailles, vise, parallèlement au plan de relance, à doper l’économie à plus long terme, en faisant financer par l’Etat des « investissements stratégiques » pour les « générations futures ».

C’est une « ardente obligation nationale », affirment dans les colonnes du quotidien Le Monde, mardi, le secrétaire général Xavier Bertrand et son adjoint, Eric Besson, alors que l’idée fait craindre à droite comme à gauche un alourdissement de la dette publique.

Prévu pour 2010, l' »emprunt national » doit permettre de fixer les « priorités de long terme » de la France, selon les deux hauts responsables de l’UMP qui préfèrent reléguer « en dernière instance » les questions épineuses du montant et des modalités.

Le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, est resté évasif sur ces deux points. « Il faut un investissement massif, donc un grand emprunt, à la hauteur des enjeux », a-t-il dit sans le chiffrer.

Quant à savoir si cet emprunt sera lancé auprès des institutions financières ou du public (ou bien les deux), « la question n’est pas encore tranchée », selon M. Guaino, qui semble néanmoins écarter l’appel aux particuliers, pour des raisons de coût.     « Il va falloir choisir les priorités les plus prioritaires », a-t-il ajouté,  évoquant plusieurs pistes (développement durable, réindustrialisation des bassins d’emploi en déclin, recherche, santé…).

Il faudra donc attendre la fin du processus des consultations pour avoir une idée du montant, après des hypothèses allant d’environ 30 milliards (avancée notamment par Michel Rocard, ndlr) jusqu’à 100 milliards d’euros, évoquée par certains proches de Nicolas Sarkozy mais jugée disproportionnée par la plupart des économistes au regard de la dette publique.

Les organisations patronales et syndicales, comme la CFDT, reçues dans le cadre des consultations engagées par le gouvernement, ont elles aussi appelé à agir avec prudence face au risque d’aggravation de la dette.

Le critère prioritaire pour sélectionner les projets financés par cet emprunt doit être « la rentabilité » et « le retour sur investissement », a averti la présidente du Medef, Laurence Parisot, invitée mardi à la convention de l’UMP.

« Toutes les ressources » de l’emprunt public devront être affectées à « des dépenses clairement identifiées comme porteuses de croissance et d’emploi » a précisé le Premier ministre François Fillon, citant « la croissance verte »,  « l’université de demain et l’économie de la connaissance ».

Des secteurs privilégiés également par MM. Bertrand et Besson qui préconisent des « efforts » particuliers dans le « véhicule électrique, le solaire, le nucléaire de 4ème génération » ou encore la création de « grands campus ».

Les décisions devraient être prises « dans la première quinzaine de novembre », selon M. Guaino. Mais ce sont « les parlementaires qui, in fine, voteront », a rappelé Jean-François Copé, chef de file des députés UMP.

Après avoir sondé leurs circonscriptions, ces derniers ont listé leurs propres priorités : « les technologies de la dépollution », « les nouvelles technologies culturelles » (jeux vidéo en 3D, télévision holographique), ou encore « la recherche sur les implants médicaux avec puces ».

La France en voie de surendettement ?

Un Etat peut-il durablement vivre à crédit ? La France, qui vient de présenter un budget lourdement déficitaire, n’échappera pas à la question: sa dette publique pourrait prochainement dépasser 90% de la richesse nationale produite en un an.

Comme toujours depuis 1975, le gouvernement s’est de nouveau résigné à une implacable réalité: l’an prochain, les dépenses publiques dépasseront de loin les recettes, occasionnant un déficit record de 8,5% du produit intérieur brut (PIB) et nécessitant le recours à la dette pour financer l’Etat, les collectivités locales et les comptes sociaux.

« Pour deux euros qu’il dépense, l’Etat n’en perçoit qu’un seul », résume Elie Cohen, économiste au CNRS, comparant le fonctionnement du pays à celui d’un « ménage qui aurait dépensé tous ses revenus le 15 du mois ».

La situation n’est pas nouvelle, mais s’aggrave à vue d’oeil. Après avoir quasiment triplé entre 1980 et 2000, la dette publique devrait, sous l’effet de la crise et des mesures de relance, atteindre 1.654 milliards d’euros en 2010, soit 84% du PIB, avant de s’envoler en 2013 à 91%.

Reléguant aux oubliettes la limite fixée par l’Europe de 60% du PIB, la France rejoindra alors le quarteron de pays développés qui vivent avec un endettement massif, et notamment le Japon, dont la dette devrait flirter avec les 200% de son PIB l’an prochain, selon l’OCDE.

« La dette n’est pas un problème en soi. Le problème, c’est qu’on doit la payer », souligne Charles Wyplosz, de l’Institut des hautes études internationales de Genève.     Pour se financer, la France emprunte de l’argent auprès des marchés financiers en émettant des obligations rémunérées à des taux d’intérêt qui varient selon leur durée de vie.

L’opération, routinière, est coûteuse pour les finances publiques. Le paiement des intérêts, autrement dit la charge de la dette, devrait constituer le deuxième poste de dépenses de l’Etat en 2010 après l’enseignement scolaire, et mobiliser plus de 42 milliards d’euros.

Et ce poids pourrait encore s’alourdir. « La dette souscrite l’an prochain sera plus chère parce qu’elle sera financée à des taux plus élevés » qu’aux niveaux actuels qui sont historiquement bas, souligne Benjamin Carton, du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII).

La France devrait certes continuer à se financer sans mal sur les marchés et à séduire des investisseurs rassurés par la garantie étatique. Mais l’augmentation mécanique de la charge de la dette « empêche d’investir sur des dépenses d’avenir, telles que l’éducation, la recherche ou la santé », déplore Michel Bouvier, enseignant à La Sorbonne.

Selon les experts, l’ampleur de la récession mondiale a rendu nécessaires les mesures budgétaires et le creusement de la dette. Mais le niveau qu’elle avait atteint avant même le début crise est pour eux injustifiable.

« La vraie raison, c’est que les gouvernements aiment bien dépenser pour plaire à leurs +clients+ et oublient toute discipline à l’approche des élections », dénonce M. Wyplosz.

Pour casser ce cycle de la dette, les remèdes ne sont pas légion et ont tous le goût de la rigueur: il faudra augmenter les impôts et réduire –ou mieux maîtriser– certaines dépenses publiques.

Le temps presse. Selon la Cour des comptes, la seule charge de la dette représentait en 2008 environ 2.000 euros par an et par actif. Si rien n’est fait, « les Français devront donc payer plus pour rembourser plus », avait lancé en juin son premier président, Philippe Séguin.       Un chose est sûre: dans ce contexte, le débat autour du grand emprunt voulu par Nicolas Sarkozy, qui pourrait atteindre 100 milliards d’euros et creuser considérablement la dette, s’annonce orageux.

France: les principaux chiffres du projet de budget 2010

Voici les principales prévisions économiques du gouvernement pour 2010, inscrites dans le projet de loi de Finances présenté mercredi en conseil des ministres, et le rappel des données 2009:

Croissance du PIB (évalué à 1.970 milliards en 2010 après 1.932 en 2009): 0,75% de hausse prévue en 2010 après une récession de 2,25% en 2009. Le gouvernement espère une croissance de 2,5% pour 2011.

. Déficit de l’Etat: 116 milliards d’euros en 2010 après un déficit revu à la hausse à 141 milliards en 2009 (contre 52,1 milliards prévus initialement dans le projet de budget publié en 2008).

. Déficit public: 8,5% du PIB en 2010 après 8,2% en 2009. Le gouvernement espère le ramener à 7% en 2011 puis 6% en 2012 et 5% en 2013 (contre 0,5% prévu initialement).

. Comptes sociaux: déficit de 2,3% du PIB en 2010 après 1,4% du PIB en 2009 (soit respectivement 45,31 et 27 milliards selon un calcul de l’AFP basé sur l’estimation officielle du PIB). Le déficit du seul régime général (salariés du privé) de la sécurité sociale devrait atteindre plus de 30 milliards d’euros en 2010 après plus de 23 milliards en 2009.

. Dette: 84% du PIB en 2010 (soit 1.654 milliards selon un calcul de l’AFP) et devrait atteindre 91% en 2013, après 77,1% en 2009 (soit 1.489 milliards selon l’AFP) et 68% en 2008.

. Inflation (moyenne annuelle): 1,2% en 2010 après 0,4% en 2009 et 2,8% en 2008.

. Pouvoir d’achat des ménages: +1% en 2010 après +1,5% en 2009.

. Dépenses de consommation des ménages: +0,8% en 2010 après 0,6% en 2009 (contre +1,9% prévu).

. Investissement des entreprises: +0,6% en 2010 après une chute de 7,9% en 2009 (contre 2% prévus).

. Exportations: +2,6% prévus en 2010 après -11,4 % en 2009.

. Importations: +3,4% en 2010 après -8,8% en 2009.

. Déficit commercial: 47,8 milliards d’euros en 2010 après 47,6 milliards en 2009 et 55,5 en 2008.

. Prix du pétrole Brent: 75 dollars le baril, après 62,1 en 2009 et 97,2 en 2008.

. Taux de change euro/dollar: 1,45 dollar pour un euro en 2010, comme en 2009.

. Dépenses du budget général: 285,225 milliards d’euros en 2010 après 289,623 en 2009 (contre 278,503 prévu intialement).

. Recettes fiscales nettes: 252,255 milliards d’euros en 2010 après 212,223 milliards en 2009 (contre 245,017 initialement prévus), soit un manque à gagner de près de 33 milliards cette année.

. Recettes nettes totales: 267,176 milliards en 2010, après 231,39 en 2009 (contre 266,605 prévus).

. Taux de prélèvements obligatoires: 40,7% du PIB en 2009 et 2010, après 42,8% en 2008.

. Fonction publique: suppression de 33.754 postes pour environ 68.000 départs à la retraite en 2010, après 30.627 postes équivalent temps plein en 2009. Au total plus de 100.000 entre 2007 et 2010.

. Emploi: 190.000 destructions d’emplois marchands prévues en 2010 et 90.000 destructions d’emplois sur l’ensemble des secteurs après 580.000 destructions d’emplois marchands en 2009 et 451.000 sur l’ensemble des secteurs.

 

Le budget 2010 soigne les entreprises, surtout les grandes

 Les organisations patronales mettent en avant la taxe carbone, qui sera inscrite dans le projet de budget présenté le 30 septembre, pour déplorer, à l’instar du Medef, « plus de 2 milliards d’euros de prélèvements obligatoires nouveaux pour les entreprises ».

Mais les recettes de cette taxe seront en partie redistribuées aux professions les plus exposées à cet impôt écologique, comme les agriculteurs, les pêcheurs et les transporteurs routiers. Et, comme le note le président de la commission des Finances du Sénat, le centriste Jean Arthuis, « les entreprises répercuteront la taxe carbone sur les prix, donc elle sera in fine supportée par les ménages ».

Surtout, après la réforme de la taxe professionnelle (TP), également au menu du projet de loi de finances (PLF), les entreprises verseront 6 à 7 milliards d’euros de moins qu’auparavant en année pleine.

Car les investissements productifs ne seront plus taxés. Une « victoire du Medef », de l’aveu même de sa présidente Laurence Parisot. D’autant que les mesures envisagées pour ménager les sociétés de services gourmandes en main d’oeuvre, qui risquaient d’y perdre, « vont dans le bon sens », selon la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME).

Qui plus est, la suppression de l’impôt forfaitaire annuel (IFA) entamée l’an dernier devrait être étendue comme prévu l’an prochain aux entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 15 millions d’euros. Ce qui profitera à 130.000 sociétés supplémentaires après 210.000 bénéficiaires déjà en 2009.

« Tout compte fait, il y aura un allègement de fiscalité sur les entreprises », assure le secrétaire d’Etat aux PME Hervé Novelli. « En temps de crise, les pouvoirs publics doivent les accompagner », insiste-t-il.

Pour l’économiste Jean-Pierre Vesperini, professeur à l’université de Rouen, « cette politique est la bonne ». « Il faut réduire la pression fiscale sur les entreprises pour relancer l’investissement, redonner du moral aux industriels et remédier à l’insuffisance de compétitivité du pays ».

L’efficacité de la réforme de la TP fait toutefois débat.

« L’impact économique, difficile à mesurer, risque d’être extrêmement modéré sur la reprise de l’investissement dans les conditions actuelles », estime Thomas Chalumeau, directeur des questions économiques à la fondation Terra Nova, proche du Parti socialiste.

« La réforme de la TP bénéficiera surtout aux grandes et très grandes entreprises, alors que ce sont les PME et les très petites entreprises (TPE) qui souffrent des plus gros problèmes de financement », explique-t-il.

Un constat que partage Karine Berger, directrice des études de l’assureur-crédit Euler Hermes, qui préconise une reconduction des « moratoires de dettes fiscales et sociales » des PME décidés en pleine crise, au cas par cas, pour les aider à passer un cap difficile en termes de trésorerie.

« Ces mesures ont été une vraie bouée de sauvetage, mais toutes les informations dont on dispose indiquent qu’elles ne seront pas reconduites en l’état pour 2010 », relève-t-elle.

« Paradoxalement, c’est justement maintenant que la trésorerie devient intenable pour les PME, car elles ont épuisé leurs réserves pour tenir le coup », met en garde cette économiste, soulignant que le rythme des défaillances d’entreprises a de nouveau accéléré fin août (+23% sur un an).