Riverbanks. Un saut quantique près du fleuve

17135Riverbanks

Une immersion dans les mythes et symboles méditerranéens. (Photo DR)

Cinemed compétition long Métrage. « Riverbanks « du réalisateur grec Panos Karkanevatos.

En compétition pour l’Antigone d’or 2015, Riverbanks de Panos Karkanevatos aborde moins la question de l’immigration en elle-même que celle du mouvement permanent dont un des personnages principal, le fleuve Evros à la frontière gréco-turque, est un symbole vivant.

Aux abords de la rivière Chryssa, une jeune femme impliquée dans le trafic des passeurs rencontre Yanis qui démine la rive en jouant avec la mort. A cet endroit, le flux de migrants, pour la plupart des enfants, est aussi constant que celui de l’eau. Mais la terre d’espoir que foulent les clandestins dans des conditions dantesques est truffée de métal qui les font disparaître. Chryssa et Yanis le savent.

La force cinématographique de Panos Karkanevatos se situe dans la singuliarité de ses personnages hyperprésents en ce lieu de passage entre la vie et la mort. « Je me situe loin de l’actualité », confie à juste titre le réalisateur grec qui ne s’attache à aucun jugement. Seuls comptent le présent, l’amour, le désespoir et l’espoir.

En ce lieu symptomatique de la mondialisation non loin du mur de 12 km inutilement construit par les autorités grecques, la conscience des personnages au bord du gouffre s’exacerbe. Sans réelle prise sur leur destin, la sensibilité naturelle qui surgit pousse Chryssa et Yanis à s’attacher l’un à l’autre sur des valeurs qui les rapprochent plus profondément, plus intimement.

Panos Karkanevatos affleure avec ce film la « mouvance », d’un état d’esprit individuel et apatride dans lequel la mondialisation nous a intégrés. Cette rencontre d’âme au bord de l’eau collective perturbe notre psychisme en nous plongeant dans un état supérieur de cognition. Karkanevatos redessine en toile de fond le mythe d’Orphée en nous immergeant dans les rythmes méditerranéens.

JMDH

Source :  La Marseillaise 30/10/2015

Voir aussi : Actualité Locale, Rubrique Cinéma,  rubrique Festival, Cinemed, Grand FocusLa caméra comme un stylo, rubrique Méditerranée, rubrique Grèce, Cinéma Grec,

L’Egypte oubliée

12065960_574243122723613_5301094019307508588_n

Compétition documentaire. Tuk-tuk, Romany Saad nous invite à une plongée dans les quartiers populaires du Caire.

La sélection des huit films documentaires en compétition consacrés au cinéma de toutes les rives de la Méditerranée propose un riche programme qui tisse un lien avec un réel différent souvent éloigné de nos regards.

Avec Tuk-tuk, le réalisateur égyptien Romany Saad nous fait pénétrer dans les petites rues populaires du Caire où circulent des milliers de petits véhicules à trois roues. « J’habite dans les quartiers où les Tuk-tuk se sont multipliés depuis la révolution, explique le réalisateur présent à Montpellier. Il suffit d’une  simple licence pour rouler. Du coup, ils sont conduits par des gosses qui ont l’âge de mon fils. Au fond, je crois que c’est cela qui m’a décidé à réaliser ce film.»

Le réalisateur suit le quotidien des jeunes chauffeurs, montre les problèmes d’agressions, le rackettage par les autorités, et les responsabilités qui pèsent sur leurs épaules. Il pénètre dans les familles pauvres cairotes laminées par la crise et oubliées par le pouvoir qui poussent leurs enfants à la rue pour subvenir aux besoins primaires et rembourser leurs crédits. Tandis que notre président rend hommage à la gloire de Sissi et des Rafales.

JMDH

Source :  La Marseillaise 30/10/2015

Voir aussi : Actualité Locale, Rubrique Cinéma,  rubrique Festival, Cinemed, Grand FocusLa caméra comme un stylo, rubrique Méditerranée, rubrique Egypte,

Grand focus sur le ciné méditerranéen

Riverbanks de Panos Kakanevatos en compétition longs métrages

Riverbanks de Panos Kakanevatos en compétition longs métrages

Cinemed. La 37e édition du festival se tiendra du 24 au 31 octobre. La manifestation poursuit son implication pour faire état de la création cinématographique et favoriser le dialogue culturel.

On ne sait encore quelle sera la teneur du millésime 37e Cinemed qui se tiendra du 24 au 31 octobre, mais le festival du cinéma attendu chaque année par les Montpelliérains est assurément une institution. Démarré sous l’égide d’un ciné-club, il s’est étendu grâce à l’impulsion de la ville, à l’ensemble des cinématographies du bassin méditerranéen où il a conquis ses lettres de noblesse. Il trouve par une étrange alchimie locale de nombreux adeptes sur un territoire où la population demeure très proche de la culture méditerranéenne.

Lors de l’édition précédente, le maire président de Montpellier Méditerranée Métropole, Philippe Saurel, (qui représente les deux piliers du financement de la manifestation), avait fait part de son vœux de voir évoluer la gouvernance. Ce qui s’est traduit par le départ de son directeur, le journaliste Jean-François Bourgeot.

Le festival est actuellement à la recherche de son remplaçant qui sera désigné le 21 octobre et intégrera réellement ses fonctions d’ici l’édition prochaine. En réaffirmant son attachement au Cinemed : « S’il y a bien un festival que je n’ai pas voulu changer, c’est bien celui là… » Philippe Saurel a rapidement dressé la feuille de route du futur directeur. « Sa mission sera de donner au festival une portée plus large, un rayonnement international. » Ce qui pourrait se traduire par une extension à des pays proches de la culture méditerranéenne. L’édition 2015 s’inscrit donc sous le signe de la transition avec une certaine continuité.

Le président passionné de cinéma Henri Talvat, un des créateurs de la manifestation avec Pierre Pitiot, est épaulé par le délégué artistique Christophe Leparc qui participe activement depuis de nombreuses années à la sélection des films du festival.

Une sélection plus resserrée

Le nombre de projection se réduit cette année de 20% « pour se concentrer sur l’essentiel », selon les organisateurs. Les 194 films programmés, issue de 22 pays permettront de prendre la température d’un territoire une nouvelle fois soumis à la violence, armée, économique, et sociale. Le public, jeune, avec le festival de films lycéens et la dimension professionnelle sont cités parmi les priorités.

Le festival s’associe cette année à l’opération Talents en court Comedy Club présidée par Jamel Debbouze en partenariat avec le CNC qui vise à aider le projet de courts métrages de talents émergents qui veulent faire du cinéma mais peinent à accéder au milieu professionnel. Dix films concourent à la compétition long métrage sous la présidence du réalisateur Roschdy Zem.

Les oeuvres de Carlos Saura et de Tony Gatlif seront célébrées en leur présence et donneront lieu à des rencontres avec le public. A noter également la présence de la figure de proue du cinéma portugais avec l’hommage rendu à Miguel Gomes qui témoigne de la vitalité du cinéma portugais. Parmi les nombreux avant-premières et débats répartis dans les cinémas partenaires, le Diagonal et l’Utopia, le cinéma italien assure l’ouverture avec le film de Giuseppe M Gaudino Per amor vostro, et la clôture avec Latin Lover de Cristina Comencini. Tout est prêt pour cette grande fête des yeux et de l’esprit.

JMDH

Source  La Marseillaise 12/10/2015

Voir aussi : Actualité Locale, Rubrique Cinéma, rubrique Festival, rubrique Méditerranée,

Bouchra Ouizguen et Christian Rizzo : Les corps qui donnent, de l’art qui sonne

Christian Rizzo « C’est quand on se tient trop sur ses gardes que le pire finit par se produire ». Photo dr

Christian Rizzo « C’est quand on se tient trop sur ses gardes que le pire finit par se produire ». Photo dr

Montpellier Danse. Des ouvrières du quotidien de Bouchra Ouizguen au voyageur de l’existence et de l’exil de Christian Rizzo, le festival oxygéné par la recherche.

Montpellier Danse entre dans sa deuxième semaine. Du rythme effréné de la première partie et par delà le fleuve des grandes scènes, réside l’engagement d’une recherche renouvelée. En suivant le cours des affluents d’eau pure, on retient la création Ottof de Bouchra Ouizguen qui poursuit une oeuvre collective sans concession avec Fatima, Halima, Fatma et Fatéma, quatre Aïtas, femmes libres, chanteuses et danseuses de cabaret reconverties sur le tard à l’univers de la danse contemporaine.

La chorégraphe qui pourrait être leur fille, les entraîne, depuis huit ans dans sa recherche artistique. Les poussant à puiser à la source des racines culturelles marocaines les plus profondes mais aussi à celles de leur expérience humaine la plus authentique, pour faire immerger un état présent de femmes porteuses d’énergie et de renouveau.

La pièce débute dans une lenteur où les corps deviennent vecteur d’une coïncidence physique telles des antennes émettrices et réceptrices. L’énergie canalisée se déploie progressivement à travers la singulière personnalité des quatre danseuses dont l’état de transe semble les avoir transportées dans le temps pour nous rejoindre dans un présent sans tabou. Expression d’une culture corporelle qui libère, assumée comme antidote aux blocages sociaux.

On retrouve la même préoccupation d’un rapport entre présent et existence dans le solo Sakinan  göze çöp batar C’est l’oeil que tu protèges qui sera perforé proposé par Christian Rizzo. Vécu par le chorégraphe comme un double incarné, le danseur turc Kerem Gelebek interprète avec plénitude l’expérience émotive d’un arrachement et d’une reconquête transmise par le nouveau directeur du CCN de Montpellier.

« J’ai le sentiment d’organiser de la pensée en mouvement », indique Rizzo à propos de ce travail. Ce pourrait être le récit d’un homme assis sur une caisse contenant tout ce qu’il possède. D’un homme posant avec incertitude le pied sur un nouveau territoire. D’un être qui déverse, sur un sol nouveau les cailloux de son histoire révolue, avant d’initier une tentative d’appropriation de l’espace.

A la laborieuse reconquête que lui renvoie la disparition de toute certitude s’ajoute la (re) découverte de sa capacité corporelle, le besoin d’énergie nécessaire au mouvement qui parfois fait défaut. Le chorégraphe aborde son sujet comme une question Baudelairienne : « Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme ? » en explorant attitudes et libertés du corps face au néant.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 04/07/2015

Voir aussi : Rubrique Danse, rubrique Festival,

 

Montpellier Danse : tout est mouvement dans l’espace monde

Phia Ménard «belle d’hier» photo dr

La 35e édition du festival débute ce mercredi 24 juin. Jusqu’au 9 juillet, le monde contemporain se croise pour dresser un état de la scène chorégraphique du local aux frontières lointaines.

Ouvert sur le territoire local avec une présence renforcée dans la Métropole et toujours foncièrement international, le Festival Montpellier danse qui débute aujourd’hui reçoit cette année des chorégraphes venant de treize pays différents : (Canada, Colombie, États-Unis, France, Italie, Allemagne, Belgique, Grande-Bretagne, Espagne, Pays-Bas, Israël, Maroc, Turquie). Jean-Paul Montanari, le directeur du festival, maintient depuis les premiers pas de l’événement un état de veille sur le monde de la danse qui fait du festival un moment incontournable pour la scène chorégraphique.

Comme tous les grands rendez-vous de ce type, il est aussi question de porter à la lumière la vitalité des jeunes chorégraphes. A l’instar de la jeune marocaine Bouchra Ouizguen dont la recherche permanente pose l’épineux problème du corps et plus généralement de la place de la femme dans la société marocaine. Au contact de Matilde Monnier et de Boris Charmatz, la chorégraphe qui ne craint pas de déranger s’est confrontée aux pratiques d’écriture occidentales, et bénéficie depuis plusieurs années de la fenêtre que lui ouvre Montpellier Danse sur le monde.

Autre chorégraphe porteuse de renouveau, Phia Ménard sera cette année à l’affiche avec sa création Belle d’Hier. La pièce entend travailler sur la disparition d’un mythe, par sa transformation; en l’occurrence celui du prince charmant. De formation circassienne Phia Ménard participe à la rencontre et à la redéfinition des deux arts du mouvement que sont la danse et le cirque. Elle ouvre un champs émotionnel et poétique prometteur.

Fruit d’un savant dosage, la programmation offre également l’occasion de retrouver quelques grands noms de l’histoire chorégraphique. A commencer par le spectacle de ce soir, la création Extremalism du duo italo-hollandais Emio Greco et Pieter C.Scholten tout fraîchement nommés au Ballet national de Marseille. Autre duo de taille Israel Galvan et Akram Khan, présenteront leur création Torobaka où jouteront les influences du kathak indien et la virtuosité du flamenco. On attend aussi la présence des maîtres reconnus, Anne Teresa de Keersmaeker, Ohad Naharin, et Maguy Marin dont les oeuvres ont modifié le sens conféré au concept d’espace.

A l’heure où le Festival débute sa 35e édition, il paraît peu opportun de se questionner sur l’état de la danse contemporaine. Peut être parce que le chiffre 35 parle de lui-même et que cette interrogation sur la crise de l’expression chorégraphique paraît datée.

En vertu du rapport étroit qu’elle entretient avec la notion d’immanence, la danse contemporaine a toujours été un laboratoire d’actions nouvelles. La danse est par ailleurs un puissant stimulant de l’activité réceptrice, notamment dans les arts du spectacle vivant. Que l’on constate l’apport de la danse au théâtre, à la musique ou encore au cirque, pour apprécier les bienfaits transmis dans le rapport à l’espace au mouvement et au temps.

La danse se dessine dans un mouvement qui porte son propre tracé et situe la place du corps en modifiant l’espace. Il ne faut donc pas tenir à comprendre mais inventer un nouveau sens. A ce titre, la place que Montpellier danse accorde à la création demeure un critère incontournable avec 14 créations à découvrir.

Comme le ferait dire l’auteur Jérôme Ferrari à un de ses personnages, la danse contemporaine répond, à sa façon, au principe physique de l’incertitude.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 24/06/2015

Voir aussi : Rubrique Danse, rubrique Festival,