Danse des ténèbres

danseuse-maladeScène.  » La danseuse malade «  de Boris Charmatz et Jeanne Balibar est passée au Corum. Retour sur une pièce où l’expérience de la rupture continue.

S’attaquer à la danse des ténèbres suppose que l’on soit prêt à ne pas en ressortir indemne. Ce qui vaut pour les artistes, le danseur chorégraphe Boris Charmatz (légèrement blessé au cours de la représentation) et la comédienne Jeanne Balibar, vaut évidemment pour les spectateurs. Ceci pour préciser aux déçus que l’on n’entre pas sur le territoire de l’angoisse de Tatsumi comme sur le plateau de Michel Drucker.

Le chorégraphe Charmatz considère l’aboutissement de ce travail comme un réceptacle contemporain et éphémère de l’œuvre de Tatsumi Hijikata. Particulièrement de ses écrits :  » Nous ne ferons pas du Butô (1) à partir de ces textes hallucinants, car il portent déjà le Butô en eux « , indique le chorégraphe dans une note d’intention où il abdique son pouvoir de metteur en scène. Dans ce spectacle de l’opposition, il n’y a pas de différence fondamentale entre danse et théâtre. Les fils conducteurs sont abandonnés dès le début, on allume la mèche. Les deux acteurs danseurs épousent les déplacements imprévisibles d’une camionnette télécommandée qui fragmente l’espace, éblouit et envoie des images. A cela s’ajoute la puissance poussée  du texte qui est proprement (ou salement) renversant, et en même temps, totalement libérateur.

Tout diverge, la fonction de signification scénique est détournée. Ce désancrage des codes et des corps laisse apparaître une forme de plaisir. Les danseurs perdent le sens de l’espace à la recherche d’un équilibre qui ne s’oriente pas vers la virtuosité mais vers l’extra quotidien. Affranchis des conventions Charmatz et Balibar s’abreuvent à la source créatrice empoisonnée dans un pacte quasi faustien avec l’esprit post-atomique de Hijikata.  » La danse – disait celui-ci – est un cadavre qui bondit de toutes ses forces.  » Le prix de cette liberté esthétique que l’on retrouve dans le bushido (2) exige de ses pratiquants d’être au présent y compris par rapport à leur propre mort, comme s’ils n’étaient déjà plus de ce monde. L’énergie surgit alors dans leurs corps, l’enrichit et la transforme en mouvement.

Jean-Marie dinh

(1) Inspiré de l’expressionnisme Allemand le Butô naît après la seconde guerre en réaction à l’occidentalisation du Japon. Il exprime aussi la douleur et le vide après le drame nucléaire et la capitulation total du pays.

(2) Bushido est le code des principes moraux auquel les samouraïs vouaient leur vie.

Voir aussi : Rubrique Japon De Goldorak à la cérémonie du thé, Musique, Expression Nô à l’Opéra, Danse, Saburo Teshigawara physique et spirituel, Livre La naissance du théâtre moderne,

Vietnam: appels à un recours prudent à l’énergie nucléaire

Le Vietnam, à la croissance énergivore, s’apprête à franchir une nouvelle étape vers sa première centrale nucléaire, un projet dans l’air depuis plus de dix ans sur lequel scientifiques et députés appellent à la prudence, notamment en matière de sécurité. L’Assemblée nationale du pays communiste a légalisé l’usage du nucléaire civil en 2008 et doit valider, fin novembre, le premier projet de centrale.

Le plan vise la construction de réacteurs d’une capacité totale de 4.000 mégawatts sur deux sites de la province de Ninh Thuan (sud), à partir de 2020. Selon les experts, son coût oscillerait entre 11 à 18 milliards de dollars. Mais avant même le vote, le gouvernement anticipe déjà une deuxième étape, pour doubler cette capacité d’ici à 2025. Le nucléaire assurerait dans un premier temps moins de 5% de la demande énergétique. Le pourcentage pourrait monter jusqu’à 30% d’ici à 2050.

Plus que le principe du nucléaire, ce sont les conditions de sa mise en oeuvre qui inquiètent: trop vite, sans assez de garanties en matière de sûreté. « On ne peut pas considérer les centrales comme des voitures », juge Pham Duy Hien, président du comité scientifique de l’agence vietnamienne de sûreté nucléaire. Défis de main d’oeuvre, législation embryonnaire, garanties insuffisantes sur le traitement des déchets: les experts multiplient les mises en garde.

Si Hanoï avance comme prévu, « la quantité de radioactivité dans ces déchets après dix ans d’opération sera énorme », avertit Pham Duy Hien. Il craint, même si le pays s’engage à du nucléaire civil, des risques de détournement de la matière. « On ne peut pas dire qu’il n’y aurait pas de problèmes », poursuit le scientifique, reconnaissant que le fléau de la corruption — jugée endémique au Vietnam — les accentuait.

Le député Nguyen Minh Thuyet demande aussi d’avancer par étape. Mais à l’Assemblée, les débats sont « tendus », reconnaît-il. « Pas mal de gens soutiennent le projet car ils pensent que le Vietnam va sérieusement manquer d’électricité ». Les réserves du pays en hydrocarbures ne sont pas infinies. L’exploitation de gisements de charbon dans le delta du Fleuve rouge au nord divise parce qu’elle sacrifierait des rizières. L’énergie hydraulique a des impacts écologiques, déloge des populations locales.

Le Vietnam vise une croissance économique de quelque 5% en 2009 et espère rejoindre le clan des pays industrialisés d’ici aux années 2020. Il commence juste à pointer son nez dans celui des pays à revenu intermédiaire. « L’industrie de l’électricité nucléaire est de très haute technologie et demande une gestion disciplinée », résume Pham Duy Hien, qui, face à une demande énergétique en hausse de près de 15% par an, conseille d’abord une chasse aux gaspillages.

Malgré ces débats, plusieurs pays ont depuis longtemps montré leur intérêt pour le projet. La France, dont le Premier ministre François Fillon a paraphé jeudi à Hanoï un accord de coopération nucléaire, mais aussi le Japon, la Russie, la Chine, et dans une moindre mesure la Corée du Sud et les Etats-Unis. Le vote des députés, perçu par certains comme acquis car appuyé par la direction communiste du régime, devrait ouvrir la voie aux études de faisabilité. Le partenaire ne devrait pas être choisi avant 2011-2012.

Premières déclarations de Barack Obama avant sa visite au Japon

Barack Obama est attendu vendredi au Japon, où il rencontrera le nouveau Premier ministre de centre-gauche Yukio Hatoyama, avec lequel il devrait évoquer le dossier très sensible de la base américaine d’Okinawa. Le président américain Barack Obama a estimé que l’alliance militaire avec les Etats-Unis et l’accord sur les bases américaines servaient les intérêts du Japon, dans une interview diffusée mardi par la télévision publique NHK.

Le nouveau gouvernement de centre-gauche, qui a mis fin en septembre à un demi-siècle de domination des conservateurs sur le Japon, a entamé le réexamen d’un accord conclu en 2006 entre les deux pays sur la présence de quelque 47.000 soldats américains dans l’archipel. « Le Premier ministre (Yukio) Hatoyama a initié un changement au Japon qui est vraiment sans précédent. C’était un séisme politique », a dit M. Obama. « Je pense qu’il est tout à fait normal pour le nouveau gouvernement de vouloir réexaminer la façon de progresser dans un nouvel environnement », a-t-il poursuivi. « Je pense qu’une fois ce réexamen terminé, les autorités japonaises parviendront à la conclusion que notre alliance, les décisions sur les bases que nous avons négociées, que tout ceci sert l’intérêt du Japon et se poursuivra. » M. Hatoyama s’est engagé à rééquilibrer les relations nippo-américaines, trop inféodées à Washington selon lui.

Un dossier sensible

La question au coeur du différend entre Tokyo et Washington porte sur le déménagement de la base aérienne de Futenma, située actuellement dans la ville de Ginowa, sur l’île d’Okinawa, vers une baie isolée de l’île, mais protégée par les défenseurs de l’environnement. L’administration américaine exige que la base soit reconstruite à l’endroit prévu d’ici 2014, mais le gouvernement japonais souhaite la déplacer vers une autre région de l’archipel ou même vers un autre pays.

Dimanche, plus de 20.000 personnes ont manifesté sur l’île d’Okinawa contre les bases américaines, en dénonçant les nuisances sonores, la pollution, le risque d’accidents et la hausse de la criminalité engendrés par la présence des soldats. L’archipel d’Okinawa, situé à quelque 1.600 km au sud-ouest de Tokyo, a été le théâtre d’une des batailles les plus sanglantes de la Deuxième Guerre Mondiale. L’armée d’occupation américaine n’a restitué ce groupe d’îles au Japon qu’en 1972, mais y stationne encore plus de la moitié de son contingent. Les deux anciens ennemis sont devenus des alliés très proches, liés par un traité de sécurité qui place le Japon sous la protection de l’armée américaine.

Le souvenir de Hiroshima et Nagasaki

Le président américain Barack Obama a également fait part de son désir de visiter Hiroshima et Nagasaki, les deux villes japonaises détruites par des bombes atomiques américaines, pendant son mandat, ce qui n’a jamais été fait par un président en exercice. M. Obama a déclaré qu’il n’aurait « malheureusement pas la possibilité » de se rendre dans ces deux villes martyres lors de sa courte visite visite au Japon.

« Le souvenir de Hiroshima et Nagasaki est ancré dans la mémoire du monde et je serais honoré d’avoir l’occasion de visiter ces villes pendant ma présidence », a-t-il dit. L’armée américaine a largué la première bombe atomique de l’histoire sur Hiroshima (ouest) le 6 août 1945, puis une deuxième bombe trois jours plus tard sur Nagasaki (sud-ouest). Le Japon a annoncé sa reddition le 15 août. Au total, 140.000 morts ont été dénombrés à Hiroshima et 75.000 à Nagasaki. Les Etats-Unis n’ont jamais présenté d’excuses pour les victimes innocentes et aucun président américain en exercice ne s’est rendu dans ces villes. Jimmy Carter a visité Hiroshima mais après avoir quitté la Maison Blanche.

Selon un récent sondage, six Américains sur dix continuent de penser que leur pays a eu raison de larguer des bombes atomiques sur le Japon. Lors d’un discours en avril à Prague, M. Obama a appelé à un monde dénucléarisé, suscitant une vague d’espoir parmi les habitants de Hiroshima et Nagasaki, qui l’ont invité à visiter leur ville. Selon les médias, le président américain pourrait effectuer ce voyage en marge du sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (Apec) qui se tiendra à la fin de l’année prochaine à Yokohama (sud de Tokyo).

La France en voie de surendettement ?

Un Etat peut-il durablement vivre à crédit ? La France, qui vient de présenter un budget lourdement déficitaire, n’échappera pas à la question: sa dette publique pourrait prochainement dépasser 90% de la richesse nationale produite en un an.

Comme toujours depuis 1975, le gouvernement s’est de nouveau résigné à une implacable réalité: l’an prochain, les dépenses publiques dépasseront de loin les recettes, occasionnant un déficit record de 8,5% du produit intérieur brut (PIB) et nécessitant le recours à la dette pour financer l’Etat, les collectivités locales et les comptes sociaux.

« Pour deux euros qu’il dépense, l’Etat n’en perçoit qu’un seul », résume Elie Cohen, économiste au CNRS, comparant le fonctionnement du pays à celui d’un « ménage qui aurait dépensé tous ses revenus le 15 du mois ».

La situation n’est pas nouvelle, mais s’aggrave à vue d’oeil. Après avoir quasiment triplé entre 1980 et 2000, la dette publique devrait, sous l’effet de la crise et des mesures de relance, atteindre 1.654 milliards d’euros en 2010, soit 84% du PIB, avant de s’envoler en 2013 à 91%.

Reléguant aux oubliettes la limite fixée par l’Europe de 60% du PIB, la France rejoindra alors le quarteron de pays développés qui vivent avec un endettement massif, et notamment le Japon, dont la dette devrait flirter avec les 200% de son PIB l’an prochain, selon l’OCDE.

« La dette n’est pas un problème en soi. Le problème, c’est qu’on doit la payer », souligne Charles Wyplosz, de l’Institut des hautes études internationales de Genève.     Pour se financer, la France emprunte de l’argent auprès des marchés financiers en émettant des obligations rémunérées à des taux d’intérêt qui varient selon leur durée de vie.

L’opération, routinière, est coûteuse pour les finances publiques. Le paiement des intérêts, autrement dit la charge de la dette, devrait constituer le deuxième poste de dépenses de l’Etat en 2010 après l’enseignement scolaire, et mobiliser plus de 42 milliards d’euros.

Et ce poids pourrait encore s’alourdir. « La dette souscrite l’an prochain sera plus chère parce qu’elle sera financée à des taux plus élevés » qu’aux niveaux actuels qui sont historiquement bas, souligne Benjamin Carton, du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII).

La France devrait certes continuer à se financer sans mal sur les marchés et à séduire des investisseurs rassurés par la garantie étatique. Mais l’augmentation mécanique de la charge de la dette « empêche d’investir sur des dépenses d’avenir, telles que l’éducation, la recherche ou la santé », déplore Michel Bouvier, enseignant à La Sorbonne.

Selon les experts, l’ampleur de la récession mondiale a rendu nécessaires les mesures budgétaires et le creusement de la dette. Mais le niveau qu’elle avait atteint avant même le début crise est pour eux injustifiable.

« La vraie raison, c’est que les gouvernements aiment bien dépenser pour plaire à leurs +clients+ et oublient toute discipline à l’approche des élections », dénonce M. Wyplosz.

Pour casser ce cycle de la dette, les remèdes ne sont pas légion et ont tous le goût de la rigueur: il faudra augmenter les impôts et réduire –ou mieux maîtriser– certaines dépenses publiques.

Le temps presse. Selon la Cour des comptes, la seule charge de la dette représentait en 2008 environ 2.000 euros par an et par actif. Si rien n’est fait, « les Français devront donc payer plus pour rembourser plus », avait lancé en juin son premier président, Philippe Séguin.       Un chose est sûre: dans ce contexte, le débat autour du grand emprunt voulu par Nicolas Sarkozy, qui pourrait atteindre 100 milliards d’euros et creuser considérablement la dette, s’annonce orageux.

Les habits de mémoire

Michel Aguilera à la Galerie Saint-Ravy. Photo David Maugendre.

Séparée des os, la peau peut paraître belle. Comme les photos de vêtements que Michel Aguilera expose sur fond blanc à la galerie Saint-Ravy. A l’approche de cette petite veste scolaire que l’on observe en tant qu’objet plastique, la dimension esthétique se transforme à la lecture de la légende :  » Tatsuya, 14 ans, collégien en 2e année, se trouvait dans la cour de l’école lorsque la bombe explosa. Brûlé sur tout le corps, il tenta désespérément de fuir par la route démolie, mais s’effondra à mi-chemin de Kusatsu où se trouvait sa maison. « 

Il y a deux ans le photographe s’est rendu au Musée de la Paix d’Hiroshima pour y photographier les trente vêtements que l’on peut découvrir à Montpellier jusqu’au 4 octobre.  » Ces pièces proviennent des familles des victimes qui les donnent au musée avec le souhait que la mémoire soit transmise, explique Michel Aguilera. Le musée conserve 19 000 objets irradiés dont 250 vêtements. Au début les familles les gardaient. C’était souvent le seul souvenir qu’elles avaient de leurs proches car dans la majorité des cas, on a retrouvé le vêtement mais pas le corps. « 

Le photographe avait déjà initié une démarche en photographiant des vêtements récupérés dans les décharges. Il franchit un cap avec ce travail en passant d’une mise en scène relevant de la fiction à un travail qui anime le questionnement artistique et moral.

Jean-Marie Dinh

Exposition organisée dans le cadre de Hiroshima Station à l’occasion de la création théâtrale de Julien Bouffier Hiroshima mon Amour

Voir aussi : Rubrique actualité locale exposition La nuit de cristal