Le modèle chinois de contrôle social est en crise

 

Pékin, Correspondant – Le Parti communiste chinois (PCC) s’est longtemps vanté de l’efficacité de son mode de gouvernance, mettant en avant que la stabilité qu’il a apportée, dans un pays aussi grand et peuplé, était essentielle au décollage économique de ces trente dernières années. Aujourd’hui, ce consensus se fissure

L’outillage sophistiqué de « maintien de la stabilité » mis en place par l’Etat-parti non seulement peine à calmer les esprits – les manifestations populaires, souvent violentes, ciblent la police et les administrations, tandis que des pétitionnaires individuels se suicident ou organisent des attentats vengeurs –, mais il s’avère contre-productif, dans une société de plus en plus informée, mature et ouverte aux débats.

Les signes d’usure du modèle de gouvernance s’accumulent. Dans les régions de minorités ethniques, répression culturelle et religieuse se font au nom d’un arsenal idéologique mis au placard partout ailleurs en Chine. Dans les villes, la corruption exaspère les petites gens. Toute une bourgeoisie émergente accepte mal de ne pas avoir de prise sur les affaires qui la concernent.

Quant aux migrants des campagnes, grands perdants du miracle économique chinois, ils se réveillent, au point que la province du Guangdong, le cœur de la machine à exporter, a connu deux émeutes ces dernières semaines, un an après les grèves chez Honda et les suicides d’ouvriers de Foxconn.

Prisons noires

Si les migrants « ne sont pas absorbés dans la société urbaine et ne jouissent pas des droits qui leur sont dus, les conflits ne vont cesser de s’accumuler… Les politiques doivent faire face à la réalité pressante que la nouvelle génération de travailleurs migrants veut rester dans les villes », lit-on dans un rapport publié, mardi 14 juin, par le Centre de recherche pour le développement du Conseil d’Etat, un think tank du gouvernement chinois.

Les rouages de la « machinerie de préservation de la stabilité » ont même fait l’objet, sous ce titre, d’une grande enquête dans l’hebdomadaire libéral Caijing, le 6 juin. Une première. Divers médias avaient, ces dernières années, levé un coin du voile sur les aberrations de la politique sécuritaire, comme les « prisons noires » pour les récidivistes de la pétition. Ou encore, dans une version plus douce, les « commentateurs du Net » qui s’immiscent dans les conversations en ligne pour appeler à l’apaisement.

Les tabous se brisent. Tout un pan de la société chinoise, mais aussi du parti, milite pour une approche différente du « maintien de la stabilité » et l’abandon d’une mentalité répressive : « Dans les autres pays, ce genre d’incidents est considéré comme l’expression ordinaire des intérêts [des gens], ils participent de leurs libertés. On ne les appelle pas “incidents de masse” et il n’existe pas de concept de ‘maintien de la stabilité' », expliquait, début 2011 dans une interview au magazine Guoji Xianqu Daobao, de l’agence Xinhua, le politologue Wang Yukai, du centre de recherche China Society for Administration Reform. Il préconise de cesser de « diaboliser les incidents de masse » et de s’ouvrir à « l’idée d’un maintien normal de l’ordre social ».

Le maintien de la stabilité

La « machinerie de préservation de la stabilité » décrite par Caijing est contrôlée au sommet par le Comité politico-légal du parti, dont les extensions locales décident des verdicts dans les tribunaux, selon la ligne politique du parti. Le système est renforcé en 1991 : le maintien de la stabilité devient une « tâche de la plus haute importance ». Un « groupe de travail de la haute direction » – sa composition reste secrète – se voit octroyer « l’autorité suprême » sur les questions de stabilité. « L’office 610 » – spécialisé dans la lutte anti-Falun Gong – est créé en 1999.

Au fil des années, le système se dote d’outils plus modernes, d’évaluation des risques et de fourniture de services sociaux, notamment aux migrants. Un réseau de commissions et de bureaux de « maintien de la stabilité » se constitue à tous les échelons administratifs.

Rien qu’au niveau du canton, le plus bas en Chine, des milliers de personnes sont impliquées dans cette mission et reçoivent des budgets. Un système d’incitations financières récompense, par exemple, l’absence « d’incidents de masse » au cours de l’année. L’interception de pétitionnaires qui se rendent à Pékin a conduit, dénonce le magazine, à la création d’un véritable « marché du maintien de la stabilité », dont profitent les officiers de liaison des provinces à la capitale, mais aussi toutes sortes de « rentiers du système, d’intermédiaires ou de gangsters ».

Peur des métiers de la justice

L’externalisation de la tâche de rapatriement des plaignants vers leur lieu de résidence à des sociétés privées en est un autre exemple : l’agence Anyuanding, dont pétitionnaires et avocats ont dénoncé les pratiques violentes et illégales en 2010, fut ainsi sous contrat de 19 gouvernements provinciaux.

En primant sur tout le reste, le « maintien de la stabilité » a fait reculer la construction de l’Etat de droit, pourtant programmée dans le cadre de l’ouverture économique : « Avant les années 2003 et 2004, le président de la Cour suprême avait lancé des réformes pour consolider le statut des juges. Tout allait dans le sens d’une plus grande indépendance de la justice et d’une professionnalisation », explique au Monde He Weifang, professeur de droit à l’université de Pékin.

Mais, poursuit-il, « la plus haute direction du parti a voulu réaffirmer son contrôle sur la justice. Un recul pour les libéraux. En fait, les autorités ont eu peur des métiers de la justice ».

Brice Pedroletti (Le Monde)

Post-Maoïsme: le rendez-vous de 2012

En 2012, la Chine aura un nouveau chef d’Etat. La même année, des élections pourraient provoquer des changements de gouvernement en Corée du Sud, en Espagne, en France ou aux Etats-Unis. Mais en Chine, c’est au cours du XVIIIe congrès du Parti communiste chinois, que Hu Jintao, son actuel secrétaire général et président de la République populaire de Chine, devrait s’effacer au profit de Xi Jinping. Dans la foulée, le premier ministre Wen Jiabao laissera sa place à Li Keqiang. Quelles lignes de force traversent la Chine que la « cinquième génération » de leaders communistes s’apprête à diriger

Chose connue, le pays est aujourd’hui beaucoup plus riche qu’en 2003, lorsque Hu en devint président et que le PIB par habitant n’eût atteint que 1 274 dollars. En 2011, il devrait dépasser les 4 000 dollars, reflétant ainsi la forte croissance économique chinoise, à peine ralentie par la crise mondiale de 2008-2009. Estimé à 7 600 dollars en 2010, le PIB par habitant calculé à parité de pouvoir d’achat reste modeste : la Chine se hisse à la 126e place mondiale.

Cette somme n’est pourtant pas sans signification : aujourd’hui, le « Chinois moyen » dispose d’une capacité de consommation supérieure à celle du citoyen des marges de l’Union européenne (l’Ukrainien ou l’Algérien, par exemple). De plus, cette moyenne cache d’importantes disparités internes : si l’habitant du Guizhou (province la plus pauvre) n’est guère mieux loti que le Vietnamien, le revenu du Cantonais atteint la moyenne mondiale tandis qu’à Shanghai (municipalité la plus aisée) la richesse par habitant talonne celle de l’Estonie, membre de la zone euro. Quant à la région administrative spéciale de Hong-Kong, son PIB par habitant à parité de pouvoir d’achat dépasse celui de la France de 38 %.

La direction politique qu’a tenté de faire prendre Hu Jintao à son pays est résumée par le slogan de la « société harmonieuse », véritable parapluie idéologique abritant tous ses grands projets (lutte contre les inégalités sociales et la corruption, rééquilibrage de la croissance des zones côtières vers les terres de l’intérieur et construction d’une « économie verte »).

Difficile de dire si la société chinoise est davantage « harmonieuse » aujourd’hui qu’à l’époque de son prédécesseur. Les nombreux scandales de corruptions mis à jour n’ont-ils pas davantage répondu à des intérêts politiques qu’à une volonté de moralisation (on pense à l’homme fort de Shanghai, Chen Liangyu, potentiel concurrent politique de Hu, condamné à 18 ans de prison en 2008) ?

Les avancées indéniables dans le domaine des énergies renouvelables (la Chine est aujourd’hui leader industriel mondial en éoliennes et en panneaux solaires) n’entrent-elles pas en contradiction avec la continuation de la politique néo-stalinienne de grands travaux aux impacts négatifs sur l’environnement (entrée en fonction du barrage des Trois-Gorges en 2009, multiplication des projets de barrages au Sichuan et au Tibet, projet de détournement à partir de 2014 d’une partie des eaux du Yangtsé vers le fleuve Jaune) ?

La lutte contre les conditions de travail indignes a enregistré quelques succès, mais les 15 000 morts par an du fait d’accidents du travail ne troublent-ils pas l’harmonie de la société chinoise davantage que quelques blogueurs ? De fait, aucune avancée sensible sur le terrain des libertés publiques n’est à mettre au crédit de Hu (arrestations arbitraires, bridage d’Internet et harcèlement policier d’opposants ont été renforcés).

Hu s’est également illustré dans la répression des minorités. Récemment, le mécontentement de populations minoritaires a généré des manifestations réprimées par l’Etat : au Tibet en 2008, au Xinjiang en 2009 et en Mongolie intérieure en 2011. L’Etat chinois cherche à intégrer ses marches par l’afflux de colons Han, rendant les populations locales minoritaires sur leurs propres terres (seuls 17 % des habitants de Mongolie intérieure sont Mongols) . Pour l’Etat chinois, ces régions sont cruciales : additionnés, le Tibet historique, le Turkestan oriental et les zones mongoles représentent près de la moitié de la superficie de l’Etat chinois actuel. De plus, le Tibet constitue une formidable réserve hydraulique, le Xinjiang produit du gaz naturel et la Mongolie intérieure est riche en charbon, trois ressources dont la Chine industrialisée est toujours plus friande.

A cela s’ajoutent les avantages en termes de profondeur stratégique que ces territoires apportent à la Chine, notamment face à l’Inde et à la Russie, dans une perspective de compétition régionale accrue. Il est donc improbable que Pékin fasse prochainement la moindre concession politique aux autonomistes tibétains ou ouighours.

La « cinquième génération de dirigeants » qui s’apprête à accéder au pouvoir se structure autour de deux principaux courants. Le premier est celui des « petits princes », tels le futur président Xi Jinping, fils de figures historiques du Parti, dont les pères furent compagnons de Mao. Portés sur les fonds baptismaux par la « clique de Shanghai » de l’ancien président Jiang et parfois accusés d’être de vulgaires captateurs d’héritage, certains « petits princes » tentent de se donner une légitimité politique en ranimant une ligne politique néo maoïste, comme Bo Xilai (maire de Chongqing), qui a réimposé les chants révolutionnaires dans les média locaux, écoles et administrations.

L’autre grande « faction » est celle dite de la Ligue des jeunesses communistes. Elle se compose de personnalités au profil plus technocratique, cadres de cette organisation dans les années 1980. Hu Jintao et son protégé, le futur premier ministre Li Keqiang, en font partie. Ce groupe développerait des idées plus réformistes que le premier, ce qui est à nuancer au regard du bilan répressif de Hu Jintao. Quelle que soit leur affiliation, les dirigeants communistes de Chine (qui fêtent cette année les 90 ans du Parti à grand renfort de propagande) ont comme objectif commun de conserver le pouvoir en maintenant sous le boisseau les « contradictions sociales saillantes » (en clair : les mouvements de protestation) dénoncées lors du Politburo du 30 mai.

Les réactions unanimement indignées des responsables gouvernementaux (y compris les « réformateurs ») lors de la remise du prix Nobel de la paix au dissident emprisonné Liu Xiaobo indiquent bien la faible volonté des élites de mettre en œuvre de véritables réformes politiques.

Le 3 avril, l’artiste contemporain et critique du pouvoir Ai Weiwei était arrêté à l’aéroport de Pékin, en dehors de toute procédure judiciaire. Il est toujours détenu aujourd’hui, dans un lieu maintenu secret. Le 21 juin 2009, il publiait sur Twitter l’opinion suivante : « Dans ce pays, la tyrannie prive les gens ordinaires non seulement de leur droit à la vie mais également du droit d’exprimer leurs opinions, du droit de questionner, du droit de se renseigner et du droit de savoir. Rien n’arrêtera les autorités dans leur destruction de ceux qui luttent pour acquérir ces droits. »

Paradoxe : en 2012, Taïwan – que Pékin persiste à considérer comme une « province renégate » – se choisira un président au cours d’élections libres et transparentes. Preuve vivante que, lorsqu’ils en ont l’opportunité, les Chinois sont aussi aptes que n’importe quel peuple à jouer le jeu démocratique.

Les « contradictions sociales » hypocritement redoutées par le Politburo pourraient se résoudre si le Parti consentait à ouvrir le champ démocratique. Une chose est certaine : son congrès de 2012 ne fera aucune avancée en ce sens.

Yidir Plantade (Le Monde interactif)

 

Voir aussi : Rubrique Chines, Le cours du Yuan en hausse, Rubrique Montpellier, Le jumelage Montpellier et Chengdu,

Chine : Vers l’abandon de l’enfant unique ?

Une publicité vantant les mérites de la politique de l'enfant unique, à Guangzhou dans le sud de la Chine, en 2002. REUTERS

Ces jeunes Chinoises qui ne veulent plus de la politique de l’enfant unique

Quand on demande à Ran si elle a des frères et sœurs, la jeune Chinoise répond, lapidaire: «Non: politique de l’enfant unique.». A Pékin, où elle est née il y a 23 ans, ses parents ont dû se soumettre au «planning familial» strict mis en place par l’Etat à partir de 1979. Au grand regret de sa mère: «Elle rêvait d’une maison remplie d’enfants, mais cela lui aurait causé trop de problèmes.»

Malgré les effets pervers récemment soulignés par de grands démographes chinois (vieillissement de la population, déséquilibre à la naissance du ratio garçons-filles en faveur du sexe masculin), le président Hu Jintao a annoncé le 27 avril dernier que la politique de contrôle des naissances actuelle serait conservée. Ainsi que les moyens pour la faire respecter, comme les amendes pour les familles concevant un enfant «surnuméraire».
«Grosses sommes»

«Il s’agissait déjà de grosses sommes à l’époque», se souvient Ran. «Ma famille n’aurait jamais pu les payer». En plus de ces pénalités, ils auraient pu y laisser leur emploi. « Quand on travaille dans le service public en Chine, l’administration vérifie régulièrement le nombre d’enfants des employés. Si on découvre que vous avez fait un enfant en plus, ils peuvent vous renvoyer.»

Pendant deux ans, Ran a étudié le journalisme en France: «Ici, la plupart des gens ont des frères et sœurs. Je n’avais pas l’habitude car tous mes amis sont enfants uniques en Chine. J’avoue que ça m’a fait envie.» A la fin de l’été, Ran sera diplômée. Elle retournera en Chine, où elle compte faire sa vie…et des enfants. «J’en aimerais deux», confie-t-elle.

En tant que fille unique, Ran pourra bénéficier d’un régime particulier. En 1997, le gouvernement chinois a assoupli sa politique en permettant aux couples composés de deux enfants uniques d’avoir un second bébé. «Quand j’ai appris ça, j’ai été rassurée.»

Autre possibilité pour Ran: payer. Depuis 2002, il est possible d’avoir un enfant «hors quota» légalement, mais il faut pour cela verser 5 000 yuans (près de 550 euros). Une somme à ramener à un salaire moyen urbain mensuel avoisinant les 1200 yuans. «C’est énorme», commente Ran. «D’autant qu’il est déjà très cher d’élever un enfant dans les grandes villes chinoises», précise-t-elle.
«Hors normes»

«Quand on vit en Chine, c’est vrai qu’on ne se pose pas ce genre de questions», témoigne Lulu, 30 ans. «Avoir un seul enfant, c’est normal, c’est comme ça, surtout en milieu urbain.» Cette jeune chinoise a vécu à Shanghai jusqu’a ses 20 ans, avant de s’installer en France. «La jeune génération chinoise voyage plus, et se rend compte de la relativité de cette politique», analyse-t-elle.

Il y a un an, Lulu a épousé un Français. D’ici un an,  ils iront vivre en Chine. «Evidemment, on a  abordé la question des enfants. On y a réfléchi ensemble. Et on s’est dit qu’on en voulait deux», confie-t-elle. Non négociable. Et tant pis pour les regards réprobateurs. «Quand j’étais petite, je me souviens d’une fille à l’école qui nous a raconté qu’elle avait un petit frère. Tout le monde était étonné: « Ah bon, comment ça se fait? Comment vous avez fait? » Ensuite, elle a été considérée comme quelqu’un de bizarre. Cela voulait dire que sa famille n’avait pas respecté la législation chinoise, qu’elle était hors norme».

Selon la presse officielle chinoise, la politique de l’enfant unique aurait évité 400 millions de naissances depuis 1980. «C’est quand même une bonne chose pour le développement durable de la société chinoise», affirme Cheng, 24 ans. Originaire d’un petit village de la province du Henan (Est de la Chine), Cheng n’est pas fille unique. «J’ai un petit frère, pour lequel mes parents ont payé l’amende, même si la politique est moins stricte dans les campagnes», raconte-t-elle. Pourtant, cette jeune femme  fera probablement le choix de la raison: «J’aurais bien aimé avoir plusieurs enfants, mais si la politique ne change pas d’ici là, je crois que je m’arrêterai à un

Lulu, elle, ne compte pas sacrifier ses envies sur l’autel de la politique chinoise. Quitte à user du système D. «Avec mon mari, on s’est dit qu’on rentrerait en France pour mon second accouchement. Comme ça, mon enfant échappera à la législation chinoise

Jeanne Fernet, Libération

L’abandon de l’enfant unique ?

La politique de l’enfant unique est devenue néfaste… et il est d’ailleurs probable qu’elle n’a servi à rien depuis son lancement, voilà trente ans. Tel est le point de vue tranché d’un groupe de démographes issu des universités les plus prestigieuses de Chine. Ji Baocheng, président de l’université du Peuple de Pékin, préconise l’abolition pure et simple de cette politique draconienne. «Il faut supprimer la politique de l’enfant unique le plus vite possible», plaide également Wang Feng, de l’université Qinghua. «A l’heure actuelle, pour des raisons économiques, la population n’est pas incitée à avoir beaucoup d’enfants. Si on persiste à contrôler les naissances de manière aussi extrémiste que par le passé, le vieillissement de la population va encore s’accélérer. Réduire davantage la population est inutile et portera préjudice à l’économie», explique Wang Feng à Libération, en évoquant les pénuries de main-d’œuvre chroniques qui touchent depuis un an les bassins industriels du pays.

Main-d’œuvre.

Le tout dernier recensement, réalisé en 2010 et publié il y a deux semaines, semble donner raison à ces audacieux démographes. Selon ces derniers chiffres officiels, la population chinoise, qui est passée de 1,27 milliard en 2000 à 1,34 milliard en 2010, est en train de vieillir à un rythme accéléré : 13,3% des Chinois ont plus de 60 ans, alors qu’ils n’étaient que 10,3% en 2000. Le taux de fertilité, qui comptabilise le nombre moyen d’enfants par femme en état de procréer, n’est plus que de 1,4 : c’est nettement moins que le seuil de remplacement des générations (2,1). La réserve de main-d’œuvre a considérablement décliné : les moins de 14 ans sont passés de 23% à 17%. «En 1987 en Chine, 26 millions d’enfants sont nés, mais il n’y en a plus que 15 millions en 2010 – soit 10 millions de moins ! constate le démographe. Quand une courbe de natalité baisse aussi rapidement, l’impact sur la main-d’œuvre disponible est considérable… Cela signifie que l’export massif de produits bon marché fabriqués par une main-d’œuvre abondante et sous-payée ne sera bientôt plus possible.»

Commentant les résultats du recensement, le président chinois, Hu Jintao, a vaguement reconnu qu’il fallait «améliorer» les orientations du planning familial, «mais tout en maintenant un taux de naissances bas». Autant dire statu quo. «Les dirigeants ont une compréhension trop lente de la réalité des changements sociaux, et sont très vieux jeu, commente le démographe. Ils ont peur d’une soudaine explosion démographique et se comportent comme s’ils avaient un gros nuage noir au-dessus de leur tête.»

La nébuleuse bureaucratie mise en place depuis 1980 pour appliquer la politique de l’enfant unique, souvent de manière très brutale, n’est pas encline à se dissoudre. La Commission d’Etat du contrôle des naissances emploie un demi-million de fonctionnaires à temps plein, auxquels s’ajoutent 6 millions d’employés à temps partiel. Elle est en grande partie financée par les sanctions pécuniaires infligées aux familles qui ont des enfants hors quotas. Une autre partie de ce revenu alimente les caisses des gouvernements locaux, qui n’ont pas intérêt à voir disparaître ces ressources. Mais c’est à Pékin que se prennent les décisions, au sein du bureau politique du Parti communiste : celui-ci n’écoute-t-il pas les recommandations des démographes ?

Forbans.

C’est la Commission d’Etat du contrôle des naissances qui a l’oreille des dirigeants, déplore un démographe, accusant celle-ci de recourir à des méthodes de forbans : «Certains officiels de la commission agissent de manière irresponsable. Ils présentent depuis des années aux hauts dirigeants des chiffres et des informations trompeuses.» Et de citer un exemple : «Affirmer comme ils le font dans la presse officielle que leur politique a permis d’éviter 400 millions de naissances depuis 1980 est totalement faux. Ça n’a pas la moindre base scientifique.» Pour Wang Feng, le contrôle des naissances semi-volontaire instauré à partir de 1970 (encouragement au mariage tardif, diffusion de moyens contraceptifs) a été «efficace et utile». En revanche, la politique de l’enfant unique qui lui a succédé en 1980 n’aurait pas servi à grand-chose. D’autres pays de la région, tels l’Indonésie et Taiwan, ont enregistré une baisse identique du taux de fertilité en rendant tout simplement les contraceptifs plus faciles d’accès. «La Thaïlande, où le niveau de vie est comparable à celui de la Chine, et où il n’y a pas de politique de l’enfant unique, constate Wang Feng, est arrivée au même résultat : leur taux de natalité est exactement identique au nôtre.»

Philippe Grangereau Libération

Voir aussi : Rubrique Chine

BRICS: La voix des émergents se fait entendre sur la Libye

Jusque là, on les attendait sur un créneau économique. Réunis jeudi à Sanya sur l’île chinoise de Hainan, les Brics, sigle acronyme des grands pays émergents de la planète – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud- ont trouvé une voix commune pour exprimer leur opposition à l’intervention militaire en Libye. (A lire: Obama, Cameron et Sarkozy sortent du cadre de l’ONU)

Le président chinois Hu Jintao, ses homologues brésilien Dilma Rousseff, sud-africain Jacob Zuma, russe Dmitri Medvedev et le Premier ministre indien Manmohan Singh ont envoyé un message clair à l’Occident  et à ses principaux ténors dont la France qui mènent l’offensive. Ils demandent dans leur communiqué final « qu’une solution négociée soit trouvée pour résoudre la crise en Libye ». Précisant que  « le recours à la force devait être évité », ils se prononcent pour une solution négociée et saluent les efforts de médiation de l’Union africaine (UA) conduite justement par le président sud-africain Jacob Zuma.

Nouvelle donne géopolitique

Cette prise de position unitaire, quoiqu’encore timide, n’en marque pas moins un tournant pouvant jeter les bases d’une alliance géopolitique d’un nouveau type. Notons quand même que cette unité stratégique a cruellement fait défaut lors des votes de sécurité de l’Onu que ce soit sur le Côte d’Ivoire que sur la Libye. Les Brics y ont conduit le débat en ordre dispersé. A l’exception de l’Afrique du Sud qui avait alors voté en faveur de la résolution 1973. Les quatre autres pays avaient préféré s’abstenir. Pourtant Moscou et Pékin, membres permanents du conseil de sécurité disposent d’un droit de veto qui, utilisé, aurait immédiatement contraint à l’abandon de la résolution. Pour Pékin c’était un premier écart dans sa politique diplomatique de non-ingérence dans les affaires intérieures de pays étrangers.

« Ingérence militaire »

La violence des frappes de l’Otan, la perte des victimes civiles ont poussé en quelques jours les Brics à critiquer ouvertement l’attaque militaire et ses ambitions réelles. La Chine l’a officiellement fait savoir à Nicolas Sarkozy lors de son passage à Pékin fin mars. « Les expériences passées ont déjà montré que l’intervention humanitaire n’est qu’un prétexte pour une ingérence militaire dans les affaires intérieures d’une autre nation » écrivait dans le même temps, Tang Zhichao, un spécialiste de l’Institut chinois des relations internationales contemporaines, dans le Quotidien du peuple.

Moins d’une semaine après le vote de la résolution le 17 mars, les Brics appelaient à un cessez le feu. Sans être entendus. La déclaration de Sanya donne à cette demande une dimension plus solennelle. « Les résolutions du Conseil de sécurité devraient être appliquées (..) en accord avec leur lettre et leur esprit », relevait  Dimitri Medvedev à l’issue du Sommet . « Nous avons essentiellement une opération militaire. La résolution ne dit rien de cela », estimait-il précisant que « sur cette question, les pays du Brics sont totalement unis ». Selon une source diplomatique, tous les dirigeants ont été catégoriques. « Ils ont tous condamné les bombardements ».

(L’Humanité)

Voir aussi : Rubrique Politique Internationale, L’Afrique du sud rejoint les BRIC, rubrique Lybie,

Chine : le budget de la défense nationale va augmenter de 12,7% en 2011

Armée chinoise en excercice. Photo Reuter

La Chine a déclaré vendredi sa volonté d’augmenter de 12,7% le budget de la défense nationale à 601 milliards de yuans (91,5 milliards de dollars) en 2011, contre une hausse de 7,5% en 2010.

« Le gouvernement s’efforce depuis toujours de limiter les dépenses militaires et il a fixé celles-ci à un niveau raisonnable pour équilibrer la défense nationale et le développement économique », a indiqué Li Zhaoxing, porte-parole de la session annuelle de l’Assemblée populaire nationale (APN, parlement chinois).

Les dépenses militaires chinoises sont de nature transparente et défensive, a poursuivi M. Li, un ancien ministre des Affaires étrangères. La majorité des dépenses militaires sera consacrée à l’amélioration modérée de l’armement, à la formation du personnel et au développement des ressources humaines, à l’augmentation des investissements dans les infrastructures des unités de base et à l’amélioration des conditions de vie des soldats et des officiers, a précisé M. Li. « La Chine s’engage à un développement pacifique en adoptant une politique de la défense nationale de nature transparente et défensive », a souligné le porte-parole.

Les dépenses militaires chinoises sont comparativement basses pour une population de plus de 1,3 milliard d’habitants, un vaste territoire et des longs littoraux, et elles sont inférieures au niveau moyen mondial. Le ratio des dépenses militaires chinoises dans le Produit intérieur brut (PIB) est inférieur à celui de nombreux pays, a dit le porte-parole. Les dépenses militaires chinoises représentent environ 1,4% de son PIB, alors que « ce ratio en Inde est bien supérieur à 2% en Chine pour autant que je sache », a-t-il déclaré en réponse à une question d’un journaliste indien.

Les dépenses militaires chinoises sont dépassées également par celles des Etats-Unis qui ont atteint 725 milliars de dollars et représentaient environ 4% du PIB du pays pour l’année fiscale 2011, a indiqué le général de division Luo Yuan, chercheur de l’Académie des sciences militaires de l’Armée populaire de Libération (APL, armée chinoise). « La puissance militaire limitée de la Chine a pour mission unique de protéger sa souveraineté nationale et son intégrité territoriale et elle ne sera une menace pour aucun pays », a-t-il affirmé.

Xinjua

Voir aussi : Rubrique Chine, loi de mobilisation pour la défense nationale,

Kadhafi sous la pression internationale

Kadhafi sous la pression internationale

La communauté internationale accroît sa pression sur le régime de Kadhafi. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a demandé lundi la fin des violences en Libye, tandis que les Etats-Unis et ses alliés européens envisagent d’établir une zone d’exclusion aérienne. Si la presse salue l’unanimité à l’ONU, elle met en garde contre une éventuelle intervention militaire.

Helsingin Sanomat – Finlande

Pas d’intervention militaire sans mandat

D’après certains journaux, les Etats-Unis envisageraient une intervention militaire en Libye si le dirigeant Mouammar Kadhafi continuait de réprimer dans le sang son propre peuple. On n’a toutefois pas encore épuisé toutes les options diplomatiques, estime le quotidien libéral Helsingin Sanomat : « L’UE a encore de nombreuses possibilités d’intensifier ses mesures en Libye et dans d’autres pays d’Afrique du Nord avant que l’on atteigne le cap d’une intervention militaire. Pour cela, il faudra en outre obtenir des mandats supplémentaires de l’ONU. Le recours à une interdiction de vol dans l’espace aérien libyen serait déjà une mesure militaire ambitieuse. Les ressources de l’OTAN suffiraient certainement pour cela, mais une intervention militaire contre Kadhafi nécessiterait l’assentiment inconditionnel de l’ONU. On la percevrait sinon comme une intervention de l’Occident, ce qui pourrait tourner à l’avantage de Kadhafi. » (01.03.2011)

Süddeutsche Zeitung – Allemagne

L’interdiction aérienne recèle des risques

Les Etats-Unis et ses alliés européens envisagent une interdiction de survol de la Libye pour empêcher les attaques aériennes de l’armée libyenne contre son peuple. Cette intervention irait pourtant trop loin, estime le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung : « Il faudrait pour cela un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU qui permette le recours à la force. Et la Chine au moins s’opposera à un mandat aussi strict, redoutant ce qui pourrait former le moindre précédent. … Il s’agit finalement d’une décision avec des conséquences politiques. Avec un mandat pour une intervention aérienne, on déplacerait la question du pouvoir vers l’étranger. Mais si l’on s’implique, on se retrouvera au mauvais endroit, et l’on ne pourra plus se retirer si Kadhafi mène une résistance pendant des semaines, voire des mois, ou qu’une guerre de guérilla éclate. Alors la pression augmenterait, même pour une intervention terrestre. Pour le mouvement révolutionnaire arabe, ce serait la preuve qu’il ne peut miser sur la neutralité bienveillante de l’Occident. Celui-ci deviendrait subitement un tiers indésirable dans un duel clairement structuré jusque-là : les citoyens en bas contre les autocrates en haut. » (01.03.2011)

Le Temps – Suisse

Le Conseil des droits de l’homme solidaire

En l’espace de quelques jours, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a unanimement condamné les violences du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi contre la population et recommandé la suspension de la Libye de l’institution. Le quotidien Le Temps se réjouit de cette nouvelle unité : « Jamais le principal organe onusien chargé des droits de l’homme n’avait joui d’une telle crédibilité. L’événement est considérable. Le Conseil n’avait jamais parlé d’une voix aussi univoque. En quelques jours, il a réussi le prodige … de clouer le bec aux souverainistes conservateurs qui n’ont cessé de le décrier. Le printemps arabe est en train de fleurir au sein même du Conseil des droits de l’homme. … En son sein, les fronts semblent bouger. » (01.03.2011)

Respekt – République tchèque

Une solution pour les réfugiés ?

Lors de la séance mensuelle du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies lundi à Genève, de nombreux ministres des Affaires étrangères se sont penchés sur la question des travailleurs immigrés fuyant la Libye, mais n’ont toujours pas trouvé de solution, note l’hebdomadaire libéral Respekt : « La volonté du dictateur Kadhafi de s’accrocher au pouvoir sans tenir compte de la révolution qui se poursuit contre lui a mené la Libye au bord d’une crise humanitaire. Tandis que le riche Occident évacuait rapidement ses ressortissants par avion, des milliers de réfugiés originaires de pays pauvres et qui travaillaient dans le riche Etat pétrolier se sont rassemblés aux frontières de la Libye. Les ministres des Affaires étrangères du monde entier cherchent désormais une solution pour faire quelque chose contre la catastrophe qui s’étend. On peut toutefois se demander s’ils trouveront une solution. Si le siège de Kadhafi vacille sérieusement, il repose toujours sur les barils d’un pétrole sans lequel l’Occident, pauvre en énergie, ne peut s’en sortir. » (01.03.2011)

Voir aussi : Rubrique Lybie,