Mali : six choses que vous ignorez sûrement sur « IBK », le nouveau Président

Ibrahim Boubacar Keïta dans un bureau de vote à Bamako, le 11 août 2013

Ibrahim Boubacar Keïta dans un bureau de vote à Bamako, le 11 août 2013

L’ancien Premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta (surnommé « IBK ») est le nouveau Président du Mali. Sous l’étiquette « Rassemblement pour le Mali », il a battu au second tour son adversaire Soumaïla Cissé. Dans un premier temps, ce dernier a contesté la victoire. Finalement, ce lundi soir, Cissé est allé rendre visite au nouveau Président avec épouse et enfants.

Son élection, après deux échecs successifs en 2002 et 2007, met fin à la plus grande crise de l’histoire du Mali.

Celle-ci a débuté en janvier 2012, par une offensive de rebelles touareg dans le nord du pays, suivie en mars 2012 par un coup d’Etat qui a renversé le Président élu, Amadou Toumani Touré. Des groupes criminels et des djihadistes ont ensuite pris le pouvoir au nord du pays. Ils ont été chassés en 2013 par une intervention militaire internationale, lancée par la France, toujours en cours.

IBK doit maintenant redresser le pays.

1 « L’homme qui n’a qu’une parole »

Né le 29 janvier 1945 à Koutiala (sud), Ibrahim Boubacar Keïta a fait des études de sciences humaines au Mali, au Sénégal et en France. Au début des années 80, il est un conseiller du Fonds européen de développement (FED), puis chef d’un projet de développement dans le nord du Mali.

En 1992, Alpha Oumar Konaré, premier Président de l’ère démocratique, lui confie plusieurs postes à responsabilités : conseiller, ambassadeur en Côte d’Ivoire, ministre des Affaires étrangères (1993-1994), puis Premier ministre de 1994 à 2000.

Comme chef du gouvernement, Ibrahim Boubacar Keïta doit gérer une crise scolaire et des grèves qui paralysent le Mali. Il fait durement réprimer les grévistes, et fermer les écoles, décrétant une « année blanche » pour la période scolaire 1993-1994. Il ferraille également contre les opposants au régime de Konaré, resté dix ans au pouvoir, de 1992 à 2002.

Pendant ces années, il s’est construit une image de fermeté (malgré la rondeur de son tempérament), qualité que les Maliens estiment nécessaire pour restaurer l’Etat de droit.

Ses partisans le surnomment « Kankeletigui », l’homme qui n’a qu’une parole.

2 La carte de l’islam et du bonheur

Au Mali – une république laïque –, l’islam est traditionnellement de rite malékite, ouvert. Mais à mesure que les structures de l’Etat se sont délitées, des courants religieux plus radicaux ont grandi. Durant la campagne présidentielle au Mali (en plein ramadan), le nouveau Président a joué la carte de l’islam dans un pays musulman à 95%.

IBK ne commence jamais ses meetings sans déclamer quelques versets du Coran, et ponctue ses discours d’« inch’Allah » repris par la foule. Cela lui vaut le surnom (un énième), « Ladji » – pour El Hadj, ceux qui ont fait le pèlerinage à La Mecque.

IBK a aussi reçu le soutien du Haut conseil islamique, une institution représentative des organisations musulmanes au Mali, conservatrice et de plus en plus influente sur la scène politique.

Certains de ses adversaires sourient. Le positionnement leur semble opportuniste chez cet homme de 68 ans, décrit par ses proches comme un amateur de bonne chère et de vins délicats.

Dans un entretien vendredi à l’AFP et à la Radio télévision suisse romande (RTS), IBK a déclaré que quand « on veut le bonheur des Maliens, il faut soi-même être imprégné du bonheur et croquer la vie à pleines dents ».

3 Un autre « De Gaulle » africain

Le candidat imite souvent la façon de parler du général qu’il admire. Il dit par exemple, dans un style gaullien, qu’il a « une certaine idée du Mali » et qu’il veut restaurer « l’honneur » du pays.

IBK a aussi fait campagne sur des thèmes perçus comme gaullistes par la presse française :

« Etat fort, exacerbation du sentiment national, mépris affiché des intérêts partisans. »

La comparaison entre le nouveau Président et le général de Gaulle est devenue un marronnier.

Durant sa campagne pour la présidentielle, IBK avait affirmé que son objectif prioritaire était la « réconciliation » d’un Mali profondément divisé. Il n’a pas particulièrement fait une campagne de terrain, mais il a été le premier des candidats à se rendre à Kidal, chef-lieu de région à plus de 1 500 km au nord-est de Bamako, considérée comme le berceau des Touaregs. Un coup politique. Dans ses meetings, il a martelé :

« Je ramènerai la paix et la sécurité. Je renouerai le dialogue entre tous les fils de notre nation. »

« Le représentant du monde de l’argent »

L’urgence sera notamment de conclure un accord avec les rebelles touareg du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), qui souhaite obtenir une autonomie sur une partie du Nord-Mali.

En comparaison, l’adversaire d’IBK est apparu comme le candidat de la finance. Dans L’Humanité, Aminata Traoré, ex-ministre de la Culture :

« Soumaïla Cissé, c’est pour nous le symbole, l’incarnation de la finance. Il en a été le ministre, il a dirigé l’Union économique et monétaire ouest-africaine, qui n’est rien d’autre qu’un instrument du système.

L’étalage de moyens financiers colossaux, durant sa campagne, a cruellement contrasté avec le chômage massif et l’extrême pauvreté. Il est apparu comme le représentant du monde de l’argent. »

4 Un Malien très parisien

A Paris, on a pris bien soin de ne pas afficher de préférence durant l’élection, mais la victoire d’IBK est bien vue.

Les responsables français connaissent bien Keïta et l’apprécient (Manuel Valls, Laurent Fabius ou Ségolène Royal seraient de son côté). Mais IBK a fait attention de ne pas apparaître comme le « candidat de la France ».

Keïta, membre de l’International socialiste, est très proche de la France où il a vécu 26 ans. Il a fait ses études à Paris, au lycée Janson-de-Sailly et à la Sorbonne. Il est titulaire d’une maîtrise d’histoire et d’un DEA en politique et relations internationales.

Après ses études, il est chargé de recherche au CNRS et enseigne les systèmes politiques du tiers-monde à l’université de Paris Tolbiac. De ses années parisiennes, il garde une réputation de noceur.

La France avait imposé un calendrier serré, elle est soulagée : le peuple malien s’est fortement mobilisé (même si le scrutin ne s’est pas déroulé parfaitement en France, par exemple) et aucun acte de violence n’est venu perturber l’élection. Fabius se rendra à Bamako pour l’investiture du Président malien. En retour, selon Le Parisien, celui-ci devrait choisir Paris pour son premier déplacement officiel, au cœur de l’été.

5 IBK parle de lui à la troisième personne

Keïta est resté très discret au moment du coup d’Etat du 22 mars 2012 qui a renversé le président Amadou Toumani Touré, contrairement à Soumaïla Cissé qui avait fermement condamné ce putsch.

Fin tacticien, il avait pris soin de ne pas condamner le putsch militaire du capitaine Sanogo et de la junte, sans pour autant le cautionner.

Selon la presse malienne, le capitane Sanogo et ses co-auteurs estiment qu’ils « ont des chances d’être ménagés ou même d’être recasés ».

Mais dans Libération, fin juin, IBK disait :

« Je veux une transition solide, pas avec des politiciens à la petite semaine ni avec des putschistes […]. Sanogo ? On a voulu me faire passer pour un proche. Mais je ne suis pas stupide pour me laisser compromettre avec les militaires putschistes ! »

Ou au Monde et à la troisième personne :

« Je ne suis pas soutenu par les militaires, je suis soutenu par l’armée malienne dans son intégralité […] IBK est fier de ce soutien des forces armées et des forces de sécurité du Mali, tous corps confondus. »

6 Le Président aux deux visages

Sa campagne de communication a été orchestrée par Havas et Voodoo, l’agence qui a accompagné Alassane Ouattara au cours de l’élection en Côte d’Ivoire en 2010.

Il était partout. Ses affiches de campagne le montraient soit en costume occidental, soit en gentil grand-père câlin vêtu de l’habit traditionnel (il a quatre enfants). Le slogan écrit en capitales :

Pourtant, le candidat au boubou bleu ciel n’a rien d’un papy gâteau… IBK sait, par exemple, très bien utiliser les réseaux de sa femme, Keïta Aminata Maïga, connue pour son engagement pour l’environnement et qui préside la Fondation agir. Fille d’un ancien ministre des Finances, elle lui sert d’interface avec plusieurs mouvements de jeunes et de femmes.

En 2007, l’épouse du Président a été remerciée par la République et a été décorée par l’ambassadeur de France au Mali.

« IBK. Le Mali d’abord. »

 

Nolwenn Le Blevennec

 

Source : Rue 89 13/08/2013

Voir aussi : Rubrique Afrique, rubrique Mali,

Festival Fiest’A Sète 2013

Le Disco n’est pas mort, Nile Rodgers le prouve

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Disco revival au Théâtre de la Mer avec Nile Rogers

Festival. Fiest’à Sète maintient le cap sur le meilleur des musiques du monde. Le festival rejoint ce soir le Théâtre de la Mer de Sète pour 7 soirées d’exception.

Après la semaine nomade et gratuite, le festival des musiques du monde poursuit sa 17ème saison en s’installant ce soir dans le légendaire Théâtre de la Mer. Jusqu’au 8 août on y verra des pointures mondiales venues des quatre coins de la planète. Les soirées offrent deux concerts programmés avec un savoir faire qui pousse à la rencontre inédite, voire à la confrontation.

Demain Orlando Maraca Valle et son rutilant équipage cubain seront mêlés à la sauce piquante du francocubain Sergent Garcia. Dimanche le grand maître malien de la guitare n’goni, Bassekou Kouyate partagera la scène avec la légende vivante du blues caraïbe Taj Mahal.

Lundi, le festival nous transportera au brésil avec la samba João Bosco, qui fêtera à Sète ses 40 ans de carrière et la Bossa muffin de Flavia Coelho. Mardi 6 août, ce sera le contraste entre le rock épicé de Rachid Taha et les fines lames du ‘oud du trio palestinien
Joubran. Mercredi 7 août, l’Europe centrale débarque avec les cinq musiciennes de Rodinka et l’incontournable Goran Bregovic pour un concert volcanique.

La fiesta touchera à son terme le 8 août avec une soirée malienne plus enthousiasmante que le résultat des élections, réunissant la formation de l’excellent chanteur et guitariste Yacoub Afuni et la lady Rokia Traoré.

Ce soir, c’est chic

L’ouverture de Fiest’à Sète au Théâtre de la mer promet d’être tonitruante ce soir avec le groupe culte des années disco funk, Chic et son créateur Nile Rodgers. De Bowie à Madonna, en passant par la reine Diana Ross, le bonhomme est à l’origine des plus gros tubes planétaires des années 70 et 80. Avec son propre groupe, il cartonne avec le hit Le fric c’est chic qui fait un tabac et des émules.

Parmi eux, les membres de Daft Punk, avec lesquels il a collaboré sur leur dernier album.
Le disco s’est éteint officiellement à la fin des années 70 mais tel le phénix, il ne cesse de renaître de ses cendres. Imprégné de l’esprit soul funk, Nile Rogers qui a fait ses classes musicale à Harlem, le sait mieux que quiconque.

JMDH

Source : L’Hérault du jour 02/08/2013

 Le Show plaisir

Rodgers performs with his band Chic on the third day of the Glastonbury music festival at Worthy Farm in Somerset

Le Théâtre de la mer archi comble, le public très éclectique en liesse, debout de la première note à la dernière. vendredi, le concert de Nile Rodger s’est inscrit dans les annales de Fiest’A Sète comme une soirée légendaire.

Au lendemain de cette prestation, on se dit que le disco est bien parti pour reprendre d’assaut les scènes mondiales avec ses chanson entraînante et irrésistiblement dansante. Un signe des temps sans doute qui s’interprète par le désir de légèreté et de partage. A ne pas confondre avec un énième retour du disco recyclé, type orchestre de baloche ou nostalgie délavée sur TF1, avec Nile Rogers on touche à l’original. Le disco du
guitariste culte est enraciné dans le soul et le funk Il lui suffit de quelques riffs de guitare et la machine à faire danser la planète se lance.

Sur scène, le band aligne les pointures : deux claviers, batterie, basse, sax, trompette, sans parler des envoûtantes chanteuses qui s’approprient les tubes de Diana, Ross , Madonna ou Sheila comme on savoure les glaces pendant la canicule. Toutes les qualités du show à l’américaine sont mobilisées, contact, précision, sens de l’enchaînement et de la relation.

En 1h40 chrono. ce diable de Rogers vous balances un parcours discographique à en danser sur les mains. 40 ans de tubes, et toujours, l’esprit de libération par la fête et le goût de vivre. Comme dirait Franklin «Respect».

JMDH

Source : La Marseillaise 06/08/2013

Roi du blues et griot mandingue

Fiest’A Sète. Intense rencontre entre Bassekou Kouayate et Taj Mahal.

Taj Mahal au source

Taj Mahal aux sources

On pourrait comparer le festival Fiest’A Sète à un grand clavier de couleurs. A chaque soirée sa couleur projetée en phase avec la musique. Dans cette perspective, le concert de dimanche réunissant Bassekou Kouayate & N’Goni Ba et Taj Mahal aura été lumineux.

L’idée de mêler des couleurs de base comme celle de la musique ancestrale mandingue avec le blues enrichi de Taj Mahal a pris tout son sens au sein du festival et de l’histoire de la musique. Sur la scène du théâtre de la mer, le griot malien Bassekou Kouayate a magnifié la culture mandingue avec son orchestre qui fait la part belle aux n’goni. Un instrument traditionnel et sacré dont il a poussé l’exploration hors des gammes classiques en l’utilisant comme une guitare pour s’accorder au blues de Taj Mahal.

Un grand moment de partage entre les deux musiciens qui restera gravé dans la tête des spectateurs. Originaire du Bronx, le blues man Taj Mahal est connu pour avoir remonté les
sources de la black music du delta du Mississipi jusqu’à la boucle du Niger, source sahalienne du blues.

Il n’en a pas fallu beaucoup pour que les intonations onduleuses et nasales de ses frères maliens le poussent à faire le lien entre la musique mandingue et sa pratique ultra roots du blues.

Messiaen dont la musique se veut un vitrail sonore, a approfondi le rapport son couleur. Il pensait la musique comme un perpétuel dialogue entre l’espace et le temps, entre le son et la couleur, ce dialogue a abouti dimanche à une unification, qui restera un moment d’exception de l’édition 2013.

Pour trouver un pendant au proverbe peul qui dit « Un monde sans griot serait fade comme du riz sans sauce », on pourrait avancer qu’une édition de Fiest’A Sète sans rencontre magique serait comme un arc en ciel en noir et blanc.

A chaque touche du clavier une couleur, elles promettent encore d’être chaudes ce soir avec le dernier concert qui réunit Yacoub Afuni et Rokia Traore.

JMDH

Source : La Marseillaise 08/08/2013

Rodinka : Petite famille et grands horizons

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Fiest’A Sète. Un groupe de cinq femmes, deux mères et leurs filles originaires de Prague suivi de Goran Bregovic.

Elles se nomment Drahomira Hejna, Stania, Dita, Kristyna, Mariana et se connaissent par coeur. Elles forment le groupe Rodinka qui sera demain sur la scène du Théâtre de la Mer. Originaires de la région de Prague, ces cinq femmes et filles de la même famille, vont rythmer la soirée Europe centrale du festival de leurs chants magnifiques et contrariés par les incertitudes de la vie et du voyage.

Mélodie de l’errance

La propre histoire des membres du groupe se nourrit à la source d’un élan poétique propre à l’exil. Départ de Pragues en 1983, pour Drahomira qui obtient avec son mari l’asile politique. Sa soeur Hedja la rejoint dans l’Aude en 1997, après l’ouverture des frontières. Elles s’installent ensemble entre Limoux et Carcassonne et forment avec leur mari le groupe Si Zivot qui signifie « La vie des chiens ». L’aventure musicale se poursuit pendant huit ans avant d’être interrompue par un décès et un accident de la vie qui mettra fin au groupe et à la présence masculine au sein des foyers.

 » On avait arrêté Si Zivot mais pas la musique, se souvient Stania, ma soeur et moi on continuait à jouer avec nos enfants et les invités de passage à la maison. Dès leur plus jeune âge les trois filles d’Hejna et Stania sont initiées aux chants slaves, tziganes et klezmer des Juifs ashkénazes, à la musique de cet ailleurs indéfinissable au parfum empoisonné de la nostalgie. Des amis qui partageaient parfois nos soirées nous ont encouragé à reformer un groupe. C’est ainsi que l’on a créé Rodinka avec ma soeur et nos filles. »

Rodinka veut dire petite famille », explique Stania. Le fait d’être un groupe féminin s’avère plutôt un atout pour le groupe qui constitue le coeur de son répertoire autour du folklore traditionnel tchèque.

Chants traditionnels

La musique tchèque a des liens particuliers avec la musique traditionnelle de Bohême, de Moravie (anciennes régions austrohongroises) et de Slovaquie. Malgré des frontières changeantes, son caractère central européen s’est toujours affirmé. « Nos chansons parlent du quotidien, des principaux événements de la vie : l’amour, le travail, la jalousie, la tristesse et la joie… Nous nous inspirons aussi des chants traditionnels russes, et tsiganes qui sont très profonds. Le public qui ne comprend pas les paroles ressent le caractère émotif et le coeur qu’il y a dans tout ça. Ce sont souvent des histoires tristes, mais il y a toujours la beauté de la vie. »

Dans ces chansons dont beaucoup font référence aux traditions rurales, le rôle des femmes demeure très codifié. « Nous sommes un groupe de femmes, mais nous ne sommes pas féministes. Moi qui suis née en 1957, j’appartiens à la génération des femmes au foyer. C’est difficile de se débarrasser de ça. On a été élevé dans une société où les filles étaient à marier puis destinées à servir leur mari. Ne pas se marier signifiait rester dans l’insécurité ou d’être à la charge de son frère. Les choses sont bien-sûr différentes pour nos filles qui vivent ici. Au pays aussi, cela a évolué

Stania confie quelques inquiétudes sur le destin de son peuple dans l’Europe d’aujourd’hui, mais elle se refuse à parler de politique. « Petite on m’a obligé à parler le russe. J’avais la caserne juste derrière mon jardin. Cela ne m’empêche pas aujourd’hui de chanter les chansons traditionnelles russes que je trouve très belles.»

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 06/08/2013

La musique reflète l’état du monde

Flavia Coelho partage la scène avec Juan Bosco

Flavia Coelho partage la scène avec Joao Bosco

Festival. Depuis 17 ans Fiest’A Sète dresse l’espace de la «géomusique» en
provocant des rencontres inatendues au Théâtre de la mer. A vos calendriers…

C’est sous les auspices d’un vers rimbaldien que le directeur de Fiest’A Sète, José Bel, présente l’édition 2013 du festival. « On n’est pas sérieux, quand on a dix sept ans ». Il est vrai que goût du risque et du voyage, sont des composantes, pour ne pas dire des artères de cette grande fête des musiques du monde.

Pour José Bel, la logique de la programmation est une forme de cuisine expérimentale qui
suppose une bonne connaissance des aliments de base que l’on mêle pour en tirer les meilleurs saveurs. La démarche requiert une dose certaine d’intuition et le résultat n’est jamais assuré. Parfois il est au rendez-vous en terme artistique mais l’affiche n’a pas réussi à convaincre suffisamment de spectateurs.

C’est un paramètre de poids pour un festival qui assure 75% de son budget sur fonds propres mais l’esprit d’ouverture et la nature authentique de la fête qu’il s’agit d’offrir aux spectateurs, ne font pas partie des variables d’ajustement. L’équipe de passionnés ne donne pas dans la mode facile, elle tente d’être en avance, en gardant le sens d’une vraie programmation artistique.

Ce choix suppose de jouer sur des équilibres subtils entre des artistes disposant d’une grande notoriété, d’autres ayant confirmé leur valeurs et une ouverture sur les étoiles émergentes. Parmi les historiques, on attend cette année trois météores avec le monument de la musique afro américaine Nile Rodgers, le Brésilien Joao Bosco et le blues man précurseur de la world music Tal Mahal.

Dans le menu des artistes confirmés on assistera au retour de Goran Bregovic, aux premiers pas de Yacoub Afuni en solo au côté de la lumineuse Rokia Traore pour une soirée malienne sans Trierweiler. Raul Castro ayant décliné, Sergent Garcia sera de la partie cubaine. A noter également un cocktail oriental sucré salé composé du trio palestinien Joubran et de Rachid Taha.

Comme chaque année durant la première semaine, du 20 juillet au 1 er août, le festival distillera les couleurs du monde dans le Bassin de Thau avec des concerts gratuits à Poussan, Balaruc, Marseillan et Sète. Pour toutes ces raisons, les 400 adhérents de l’association Métisète le savent, Fiest’A Sète n’est pas un festival comme les autres. Il est attendu parce qu’il convoque toujours l’inattendu.

JMDH

Source : La Marseillaise 27/05/13

Voir aussi : Rubrique Musique,  rubrique Festival,

Pas de réconciliation nationale au Mali sans acceptation des Touaregs

Un Touareg se promenant dans les rues de Kidal avec ses ânes.  Photo AFP

Un Touareg se promenant dans les rues de Kidal avec ses ânes. Photo AFP

La démocratisation et la stabilisation du pays sont les deux mamelles de la sécurité régionale, affirment Occidentaux et États voisins ; rien n’est moins sûr, rétorquent les politologues, pour lesquels le Mali reste la pièce maîtresse de « l’échiquier terroriste » au Sahel.

Après l’Afghanistan et les régions tribales du nord-ouest du Pakistan, le Sahel africain est devenu le terrain de jeu de prédilection des islamistes jihadistes. Depuis quelques années, ils y sévissent presque impunément, excepté en de rares occasions comme la récente intervention française au Mali (opération Serval) qui a mis les extrémistes au pas. Enclavé au cœur du Sahel, le Mali était la plaque tournante des jihadistes et une pièce maîtresse de « l’échiquier terroriste » instauré par el-Qaëda au Maghreb islamique (AQMI) dans la région. Quoique le conflit dépasse largement le cadre de ce pays, Occidentaux et États voisins, eux-mêmes concernés par la nébuleuse jihadiste, pensent que la sécurité régionale passe par la démocratisation et la stabilisation du Mali. Pour ce faire, après en avoir chassé les islamistes avec l’aide de quelques pays africains, la France a imposé un calendrier électoral en dépit des réticences de certains acteurs politiques locaux. La présidentielle, qui s’est tenue hier, est ainsi censée sceller la « réconciliation » d’un pays divisé et rétablir l’ordre constitutionnel interrompu par le coup d’État militaire du 22 mars 2012, qui avait renversé le président élu Amadou Toumani Touré (surnommé ATT). Le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, et même le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, avaient prévenu d’avance que ce scrutin serait « imparfait », mais qu’il faudrait néanmoins en « accepter » les résultats.

Le pari de Paris

L’élection présidentielle malienne est-elle réellement la solution miracle tant souhaitée par les parties prenantes au conflit ? Les jihadistes sont-ils définitivement muselés, au Mali, et dans le Maghreb par extension ? Selon les analystes, rien n’est moins sûr : la solution ne peut être que régionale et globale, d’autant que le problème implique tous les pays du Sahel et de l’Afrique du Nord.

Roland Marchal, chargé de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS) et au Centre d’études et de recherches internationales (CERI), estime que la présidentielle malienne relève d’un pari de la France et, derrière Paris, de la communauté internationale. « Il y a consensus sur le fait qu’il faut changer, avoir un nouveau président pour achever les tâches de la transition débutée en avril 2012. Mais nombre d’observateurs, maliens et étrangers, s’inquiètent du fait que des élections tronquées à cause de l’empressement à tenir une date puissent aboutir à des fraudes substantielles », déclare M. Marchal, faisant allusion notamment au nord du Mali. L’analyste s’inquiète d’une forte contestation qui minerait les efforts du président élu. « S’il faut opérer une refondation de l’État malien, mieux vaut donner aux populations l’assurance qu’elles sont toutes partie prenante de ce projet. Aujourd’hui, une partie de la jeunesse et de la diaspora (et des zones entières du pays) peuvent en douter », affirme-t-il.

Confirmant cette fragilité du processus électoral, le général Grégoire de Saint-Quentin, qui a commandé l’opération Serval, a reconnu que le Mali n’est pas encore « complètement stabilisé ». « D’une part, le général de Saint-Quentin a raison car les jihadistes ont un enracinement social ; en particulier dans la région de Gao et les villages alentour, mais aussi à Bamako où près de 20 % de la population est wahhabite (bénéficiant du soutien du Qatar et de l’Arabie saoudite) », assure Michel Galy, politologue et professeur de géopolitique à l’Ileri (Institut des relations internationales, Paris) et coauteur de La Guerre au Mali, comprendre la crise au Sahel et au Sahara, enjeux et zones d’ombre (éditions La Découverte). « D’autre part, les Touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) veulent instaurer leur Etat dans le nord du Mali », poursuit-il, relevant que beaucoup de problèmes ont entaché la tenue du scrutin. Il s’est tenu en plein ramadan et à la saison des fortes pluies, ce qui fait craindre une possible faible participation des électeurs. « Les listes électorales étaient incomplètes car basées sur un vieux recensement ; les jeunes de 18 à 20 ans n’y étaient pas comptabilisés », ajoute-t-il, soulignant que beaucoup de votants au Nord n’ont pas eu leurs cartes électorales car n’ayant pas de carte d’identité. « Mais même si 20 % des électeurs ne votent pas, cela reste mieux que d’avoir un gouvernement fantoche comme celui de Dioncounda Traoré qui est illégitime. Ma position personnelle est qu’un président élu, même avec des imperfections, reste meilleur et plus légitime que M. Traoré qui est un président intérimaire non élu », assure M. Galy.

Réconciliation nationale
Pour Philippe Hugon, de l’Institut de recherches internationales et stratégiques (IRIS) et auteur de Géopolitique de l’Afrique (Paris, A. Colin 2013), la question de la légitimité du nouveau président est centrale. « Bien entendu, il y aura des contestations liées aux listes électorales et aux organisations matérielles du vote, aux difficultés de vote des réfugiés ou déplacés (environ 500 000), aux difficultés d’organisation dans la région de Kidal (malgré l’accord de Ouagadougou) ou aux insécurités lors du vote », dit-il. Selon lui, la question reste toutefois de savoir quelle sera l’ampleur de ces difficultés et les écarts entre les candidats pour le premier et, vraisemblablement, le second tour du scrutin. « Une nette victoire d’un des candidats ne remettrait pas en cause la légitimité de son élection, mais il est important que le Nord puisse voter, même s’il ne représente que 37 000 électeurs sur 6,8 millions », estime-t-il.
De ce qui précède découle le thème-clé de la présidentielle : la réconciliation nationale. « Le Mali a su historiquement gérer les différences, même si la question touareg est restée permanente entre révolte, répression et négociation », poursuit M. Hugon. Pour lui, les facteurs de division sont largement extérieurs au Mali : AQMI bouté hors d’Algérie, mercenaires revenant de Libye après la chute de Kadhafi, développement des trafics, diverses mouvances composées d’Algériens ou de Mauritaniens. « Il faut évidemment que des droits soient reconnus aux différentes communautés et minorités. Ce qui suppose un approfondissement de la décentralisation, l’autonomie des provinces et/ou une institution des règles de partage des rentes minières à venir », affirme l’analyste.

Le vrai débat
« Les élections ont un objectif limité, mais il est clair que le fossé ne peut être comblé ainsi », estime Roland Marchal. L’accord de Ouagadougou, signé en juin 2013 entre les rebelles touareg et l’Etat malien, le dit déjà : il y aura un processus de réconciliation à la suite de l’élection présidentielle, quel que soit l’élu. « Le vrai débat est sur la forme de ce processus et sur l’association des autres régions du pays à une discussion qui, sur bien des points, touche à des revendications communes : la décentralisation, la transparence de l’administration locale, la lutte contre la corruption (…) », ajoute M. Marchal.

Ce qui est à noter, relève pour sa part Michel Galy, c’est l’inversion entre Paris (l’Occident en général) et Bamako. « Au Mali, ce sont les Touareg qui sont rejetés et mal acceptés, alors qu’à Paris, ils sont plutôt bien vus. À Bamako, les jihadistes sont tolérés, en dépit de leur extrémisme, car ils sont considérés comme des citoyens maliens, contrairement aux Touareg. En Occident, les jihadistes font peur », dit-il. La réconciliation nationale se jouera donc, pour les Maliens, au niveau de l’acceptation des Touaregs. M. Galy poursuit sur sa lancée : « Militairement parlant, l’opération Serval a été une réussite (toutefois confinée au Mali). Elle a arrêté la progression des jihadistes vers Bamako, les a refoulés au Nord et les a neutralisés après de rudes combats. Des centaines de combattants jihadistes ont été tués ou détenus, tandis que le reste s’est éparpillé dans les pays voisins comme la Libye, l’Algérie, le Niger ou la Mauritanie. » Et c’est là où le danger guette, selon l’expert. Le conflit risque de s’étendre à ces pays frontaliers et pourrait embraser tout le Sahel. « Il y aura certainement des attentats ponctuels au Mali, mais la crainte est que les jihadistes ne se lancent dans des opérations terroristes du style de celles qui ont eu lieu récemment à Arlit (au Niger) et In Amenas (en Algérie) », déclare-t-il, redoutant un « scénario catastrophe » plus pessimiste encore : un enracinement islamiste, une extension de la nouvelle « guerre nomade » aux pays limitrophes du Mali, à commencer par le Niger.

Le silence de l’UE
Cette « guerre nomade » pourrait s’étendre vers l’ouest du continent africain depuis le Sahara occidental, avec le Front Polisario pour fer de lance. « Des combattants du Polisario, de Boko Haram (secte islamiste nigériane) et des shebab somaliens ont combattu avec les jihadistes maliens », rappelle l’analyste ; cela a engendré des liens entre les différents mouvements. « La crainte est de voir s’embraser une bande de terre allant d’Est en Ouest (séparant l’Afrique du Nord de l’Afrique subsaharienne) », selon lui, une alliance des islamistes avec le Polisario créant une ceinture de feu sur le continent africain.

« L’opération Serval a été une grande réussite sur le plan militaire face à la défaillance des armées africaines (exception faite des Tchadiens et des Nigériens) et du silence de l’Union européenne », renchérit Philippe Hugon. « Bien entendu, elle ne règle pas la question de fond de la lutte contre les jihadistes. Ceux-ci se sont en partie disséminés, notamment au sud de la Libye, et ont encore des moyens de nuisance », ajoute l’expert. L’espace de l’arc sahélo-saharien est gigantesque (20 fois la superficie de la France), rappelle-t-il, et les réseaux de trafic n’ont pas été éradiqués. De plus, ajoute le chercheur, les jeunes ont très peu de perspectives d’insertion dans une zone qui n’a pas enclenché sa transition démographique, formant ainsi un terreau fertile pour les islamistes.

Décalage
Un avis partagé par Roland Marchal, pour qui « l’opération Serval n’est qu’une opération militaire et, comme telle, elle peut être considérée comme une réussite ». Le problème, selon lui, est le décalage entre cet aspect militaire et la stratégie politique mise en œuvre. « Une stratégie un peu simpliste », assure l’expert. « Les militaires français savent qu’il faut poser le problème régionalement ; mais peut-on, comme le fait la France ou l’Union européenne, se limiter à une stratégie sahélienne alors que des États comme la Libye, l’Algérie et la Tunisie sont volontairement ou non des acteurs de la crise ? » se demande l’analyste. « La définition de stabilité est très politique », poursuit-il. « En 2010, la communauté internationale estimait le Mali stable alors que pratiquement tous les ingrédients de la crise étaient là. On peut, sans se tromper, estimer que la résolution de la crise sera longue et qu’elle dépasse de loin le Mali. Celui-ci peut retrouver une normalité (au sens de 2010), mais les États de l’ensemble de la zone doivent savoir qu’il n’y aura qu’une solution collective », conclut M. Marchal.

Son confrère Philippe Hugon estime, lui, que le Mali a été au cœur des réseaux jihadistes du fait de la faiblesse, voire de la connivence, des autorités politiques et militaires à l’époque d’Amadou Toumani Touré. « L’armée est à reconstruire. Le pouvoir politique doit être légitimé. La présence des Casques bleus accompagnant les forces françaises doit assurer la sécurité. Le futur dépendra de la reconstruction économique et des perspectives d’insertion des jeunes, actuellement prêts à se mobiliser pour des causes extrêmes », dit-il.

Les apprentis sorciers
Autre son de cloche du côté de Michel Galy. D’après l’analyste, les États-Unis ont voulu jouer aux apprentis sorciers dans la région. Ils ont dépensé beaucoup d’argent pour ce qu’ils ont appelé « l’Initiative Pan-Sahel ». Washington a formé et fourni du matériel à des hommes pour combattre les islamistes. « Mais cela s’est retourné contre eux et s’est terminé en catastrophe », estime M. Galy. « Le capitaine Amadou Sanogo, parfait anglophone formé aux États-Unis, est devenu le chef des putschistes ; certains militaires, eux, sont passés du côté des rebelles touaregs », ajoute-t-il. Il faut savoir en outre que, depuis des siècles, pour les Touaregs et les Arabes, leur mode de vie est basé sur la guerre qu’ils considèrent valorisante, rappelle le chercheur. « Ainsi, depuis 1960, cinq rébellions touaregs ont eu lieu », note-t-il, insistant sur le fait que le problème, chose que l’Occident a tendance à occulter souvent, est également d’origine « culturelle ».

Et M. Galy de conclure : « Les islamistes jihadistes se sont infiltrés dans la brèche laissée par les gouvernements successifs corrompus. Ils offrent des services sociaux divers (scolarisation, hospitalisation, aides humanitaires, etc.), se substituant ainsi au gouvernement central ; et bâtissent de la sorte leur base partisane. » Pour pallier au problème, dit-il, le meilleur remède passe par le développement économique et social des régions pauvres ; mais pour cela, il faudrait un gouvernement central fort et non corrompu.
En espérant, pour le Mali, que la présidentielle d’hier puisse accoucher d’une telle quasi-utopie…

Joe Mezher

L’Orient du Jour 29/07/2013

Voir aussi : Rubrique Afrique, Mali, rubrique Livre, Géopolitique de l’Afrique,

Mali élections bidon mais profit béton

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28, c’est le nombre de candidats qui se présentent aux élections présidentielles du Mali qui doivent se tenir fin juillet. Des élections qui restent largement contestées au regard de l’impréparation à quelques semaines des échéances. L’accord de paix signé à Ouagadougou, qui permet l’entrée de l’armée malienne dans la région de Kidal par le cantonnement des miliciens du MNLA, reste des plus précaires. Des incidents quotidiens surviennent avec, parfois, des blessés graves entre partisans du MNLA et les soldats de la MINUSA. De plus, l’insécurité reste importante dans la région du nord, l’administration et défaillante et parfois totalement absente, les listes électorales ne sont pas fiables et la distribution des cartes électorales reste hasardeuse d’autant que le nombre estimé, par le Haut-Commissariat aux Réfugiés(HCR), est de 353.455 déplacés à l’intérieur du pays et 174.394 réfugiés dans les pays limitrophes .

Plusieurs candidats à la magistrature suprême, dont Tiébilé Dramé qui est l’ancien négociateur pour Bamako des accords de Ouagadougou, appellent à un report des élections. Mais Dioncounta Traoré, président par intérim, refuse parce que François Hollande reste intransigeant sur la date. Comme souvent, le calendrier des occupants est rarement en phase avec les échéances des occupés. En effet, pour les puissances occidentales, le Mali doit retrouver sa normalité constitutionnelle, peu importe que ce soit totalement factice, cela permettra de légitimer les opérations de l’ONU et de formaliser la coopération des Etats-Unis avec les nouvelles autorités.

Des élections, pour écarter les populations

La question du report des élections n’est pas seulement motivée par les difficultés techniques, elle est aussi politique car ce pays a vécu l’une de ses plus graves crises depuis son existence. Cette crise a mis en lumière la faillite de l’Etat, la corruption et l’incurie des dirigeants, elle a aussi permis que les djihadistes et les trafiquants prennent le contrôle des trois quart du territoire. Elle a également provoqué de profondes divisions entre les communautés, allant parfois même jusqu’aux affrontements. Il est révélateur que les populations réfugiées refusent toujours de revenir chez elles. Les tensions exacerbées, le discrédit des dirigeants du pays parmi les populations, devraient pousser à un profond processus de rénovation politique. Le premier impératif serait que les populations puissent s’exprimer, se retrouver à l’échelon du quartier ou du village, pour définir quelles devraient être les priorités de l’Etat et définir un nouveau mode de gouvernance. C’est précisément ce que ne veut, ni la France, ni le pouvoir en place au risque de retomber dans les mêmes travers avec une élection présidentielle bâclée qui apparaîtra comme illégitime aux yeux de bon nombre de Maliens et Maliennes.

Alors, pour prévenir toutes contestations ultérieures des élections, Dioncounta Traoré lorsqu’il a reçu les 28 candidats a déclaré que : « Tous les candidats sont à égalité sur les insuffisances et les imperfections relevées ici et là ». Pas si sûr, car les carences dans le processus électoral facilitent grandement les fraudes électorales du pouvoir en place qui est loin d’être novice en la matière. Le ministre chargé des élections, le général Kafougouna Koné, est le même qui avait organisé, le dernier scrutin électoral entaché de multiples fraudes permettant de porter au pouvoir Amadou Toumani Touré qui sera renversé par le coup d’état du 22 mars 2012.

D’autant que le dernier remaniement ministériel, à en croire une note confidentielle du FMI qui a fuitée, a pour seul but de faire profiter les dirigeants durant ce dernier mois de pouvoir pour s’enrichir à l’occasion d’investissements importants de l’Etat. Et dans le même temps, Michel Roussin (ex. des services secrets et ancien ministre de la coopération de Chirac) a conduit pour le MEDEF, une délégation d’une trentaine de chefs d’entreprises afin de participer à la reconstruction du Mali dont le financement est à hauteur de trois milliards de dollars par les bailleurs de fonds. Comme quoi le hasard fait bien les choses … !

Paul Martial

Source Afrique en Lutte 18/07/13

Voir aussi : Rubrique Afrique, rubrique Mali, Aggravation de la situation néo coloniale, rubrique Politique internationale,

Mali : aggravation de la situation néo coloniale

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Afrique en Lutte 12 juin 2013

L’intervention militaire française bénéficie d’un consensus en France mais aussi à l’échelle internationale, y compris en Afrique. Peu importe que la demande d’intervention, réécrite par la France, émane d’un président malien non élu, ou de l’absence de toute résolution expresse du Conseil de sécurité des Nations unies. Dans la gauche française, personne ne s’est sentie floué par cette intervention alors que quelques mois auparavant, lors du discours de Dakar en octobre 2012, la doctrine du gouvernement Hollande affirmait que les Africains eux-mêmes devaient régler leurs problèmes : « Le futur de l’Afrique se bâtira par le renforcement de la capacité des Africains à gérer eux-mêmes les crises africaines ». Et pour que les choses soient claires, Hollande réaffirmait : « La France apportera un appui logistique. Mais à sa place. C’est dans cet esprit que je conçois la résolution de la crise malienne. » Le fait que ce soit la France qui intervienne et pas un autre pays semble naturel à tout le monde. Pourtant au niveau économique, elle n’occupe plus la première position, au niveau militaire elle n’a pas d’accord d’intervention et de protection, mais le fait qu’elle soit l’ancienne puissance coloniale lui confère une sorte de légitimité, ce qui en dit long dans l’inconscient collectif sur la réalité des indépendances des pays africains francophones.

Il est donc complètement intégré que c’est à la France d’assurer la stabilité des régimes de son pré carré africain, en dépit des nombreux dérapages dont le plus tragique fut le soutien aux génocidaires rwandais. Cette idée du « cela va de soi », n’a pu être que renforcée lors du débat parlementaire en France y compris quand Jean-Jacques Candelier déclare pour le groupe du FDG à l’Assemblée nationale : « Le Mali n’est pas l’affaire de la France, même si, en tant qu’ancienne puissance coloniale, nous avons une responsabilité. » [1]

Aucune voix au Parlement ne s’est opposée au prolongement de cette intervention militaire puisque les élus du Front de gauche se sont abstenus, faisant passer la France pour une alliée des Maliens alors que le gouvernement français a saboté toutes leurs tentatives de se prendre en mains, notamment en torpillant la mise en place d’une conférence nationale souveraine lors de la chute d’Amadou Toumani Touré, qui aurait permis au peuple malien de diriger lui-même la libération du pays contre les djihadistes qui sévissaient au Nord.

L’absence de toute opposition à l’Assemblée permet à Paris d’avoir les coudées franches pour imposer son propre plan de paix. Des élections bidon qui permettront aux caciques de l’ancien régime de rester au pouvoir et de fermer les yeux sur les agissements des différentes milices qui se présentent toutes comme représentatives des populations du Nord et dont l’enjeu est de conserver les pouvoirs régionaux permettant de continuer les trafics lucratifs.

Les troupes africaines défilent le 14 juillet 2013

Une nouvelle période

L’intervention militaire française au Mali hier, présentée comme une opération ponctuelle permet dorénavant à la France, mais aussi aux États-Unis, de bénéficier de camps militaires permanents dans de nouveaux pays comme le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger avec une base américaine de drones. L’opération Serval a démontré l’importance du stationnement des troupes françaises sur le continent, comme au Gabon, au Tchad mais aussi en Côte-d’Ivoire, stationnement qui est désormais officialisé dans le Livre Blanc de la défense nationale 2013. De plus, la hiérarchie militaire est à l’abri des coupes budgétaires, puisque les sommes allouées seront maintenues. De nouveau, l’influence politique de l’armée française dans les affaires africaines redevient majeure.

Mais l’intervention militaire au Mali censée restaurer État de droit et démocratie dans ce pays est une formidable aubaine pour les dictateurs africains de renforcer leur pouvoir. Le président Hollande reste dépendant diplomatiquement des gouvernements des pays africains qui ont accepté et soutenu l’intervention en participant à la fiction de la MISMA. Difficile pour Paris de se mettre à dos ces potentats locaux.

Au Togo, Faure Gnassimbé refait piteusement le coup de l’incendie du Reichstag en accusant les principaux dirigeants de l’opposition d’être coupables de l’incendie des deux grands marchés de Lomé et de Kara. Paris, qui a transmis au gouvernement togolais les résultats des enquêtes scientifiques menées sur place, refuse de les rendre publiques car cela serait un désaveu cinglant pour le gouvernement en place. Quand le Quai d’Orsay sort de son silence, c’est pour avaliser les mascarades électorales à Djibouti d’un Guelleh qui n’hésite pas à faire tirer sur des manifestants pacifiques. Idriss Déby, lui, se sent le vent en poupe, auréolé de l’efficacité de l’armée tchadienne, il vient de découvrir un nouveau complot qui lui permet d’embastiller pêle-mêle généraux, députés, journaliste et blogger, bref tous ceux qui représentent un danger potentiel.

Nous sommes bien loin du discours de Hollande à l’Assemblée nationale du Sénégal qui donnait comme priorité à son gouvernement la lutte pour les libertés sur le continent ou des manifestations d’humeur, somme toute assez puériles, d’Hollande, à Kinshasa lors du sommet de la francophonie à l’encontre de Joseph Kabila responsable de nombreuses violations des droits humains dans son pays.

Ce qui était présenté comme une opération de restauration de l’État de droit et de la démocratie au Mali a comme conséquence le maintien d’une clique corrompue et un renforcement des dictatures dans le pré carré africain, mais que pouvait-on attendre d’autre d’une intervention militaire de la France ?

Paul Martial


Notes

[1] Assemblée nationale, XIVe législature, session ordinaire de 2012-2013, compte rendu intégral séance du lundi 22 avril 2013.

Voir aussi : Rubrique Afrique, rubrique Mali, Elections bidon mais profit béton, rubrique Politique internationale,