Sommet UE-US: les mensonges et omissions

 

 

Ils ont osé : les leaders « de l’Occident », comme ils se définissent eux-mêmes, ont conclu ce lundi leur « sommet UE-US » par trois petites déclarations (d’abord Obama, puis Van Rompuy puis Barroso) sans permettre aux journalistes de leur poser la moindre question (1).  Ces sommets « ne sont pas toujours les plus spectaculaires car nous sommes d’accord sur tellement de choses qu’il est parfois difficile de faire l’actualité » a asséné Barack Obama. Il est vrai que ces sommets n’intéressent pratiquement personne aux Etats-Unis (pas une ligne publiée dans les grands journaux américains jusqu’à ce lundi), et n’intéressent pas grand monde en Europe non plus (pas une ligne publiée dans la version papier de Libération jusqu’à présent, il faut l’avouer, seul l’internet permet de se défouler…). Mais si personne ne parle de ces sommets, c’est plutôt parce qu’Européens et Américains réussissent à masquer leurs différends.

En réalité, Barack Obama est très inquiet de la crise de l’euro et l’a fait savoir ce lundi encore, en invitant aussi son secrétaire au Trésor, Tim Geithner à se joindre aux entretiens avec les dirigeants européens. Dans ses discours aux Etats-Unis, Obama a pris l’habitude de citer la crise de l’euro, avec le tsunami japonais, comme explication des difficultés actuelles de l’économie américaine. Pour le cas où le président américain en ferait trop sur ce thème, ses invités européens avaient d’ailleurs préparé tout un contre-argumentaire sur la dette américaine et le récent échec du « super-comité » washingtonien censé réduire les déficits… Selon un diplomate qui a participé aux entretiens à la Maison Blanche, les Européens n’ont finalement pas eu besoin lundi de sortir leur couplet sur les dérives budgétaires et la paralysie politique de ce côté de l’Altantique. Mais dans sa déclaration publique, José Manuel Barroso a tout de même rappelé que les problèmes européens actuels proviennent de la « crise financière de 2008 », c’est-à-dire de la crise américaine… Sur le fond, les dirigeants américains ont encore une fois assuré qu’ils sont prêts à aider l’Europe… mais sans débourser l’argent du contribuable bien sûr (au dernier G20 de Cannes, Obama a déjà bloqué l’idée d’un renflouement de l’Europe avec l’aide du FMI).

Le climat est un autre exemple sur lequel « l’entente cordiale » (selon l’expression de Van Rompuy lundi) UE-US cache de profondes divergences. Barack Obama a exprimé sa « préoccupation » au sujet des quotas européens d’émission de carbone qui à partir du 1er janvier 2012 doivent s’appliquer à toutes les compagnies aériennes desservant l’UE, a rapporté William Kennard, l’ambassadeur américain à Bruxelles finalement chargé de « débriefer » les journalistes, avec son homologue européen à Washington, Joao Vale de Almeida. « Notre position est que la meilleure approche serait par le biais de forums multilatéraux, a expliqué l’ambassadeur américain. L’Union européenne a choisi de ne pas procéder par ce chemin ». L’argument est culotté, vu le grand cas que les Etats-Unis ont fait des négociations multilatérales sur le climat jusqu’à présent. L’ambassadeur européen n’a pas eu de mal à rétorquer: « Nous ne sommes pas opposés à des solutions multilatérales, s’il y en avait de bonnes. Mais il n’y en a pas sur la table ».

Pour mémoire, la Chambre des représentants a voté en octobre dernier une loi qui interdirait aux compagnies aériennes américaines de respecter la législation européenne sur les quotas d’émissions de CO2… A la veille de ce sommet, les diplomates européens espéraient encore qu’Obama pourrait mettre le holà à une initiative aussi « inouïe » des élus américains. Vu le peu d’empressement de la Maison Blanche pour raisonner le Congrès, Barroso et Van Rompuy en ont été réduits à rendre visite lundi à Harry Reid, le leader de la majorité démocrate au Sénat, pour le dissuader de voter une loi similaire à celle de la Chambre. L’idée est de « bien lui savonner la tête » expliquait un diplomate européen avant la rencontre.

Tout cela mériterait bel et bien de « faire l’actualité« , comme dit Obama, qui n’y a visiblement pas intérêt et fait tout son possible pour expédier ces sommets aux oubliettes. Pour la prochaine édition, les diplomates européens s’attendent déjà à ce que cette rencontre UE-US, théoriquement annuelle, soit reportée peut-être jusqu’au printemps… 2013, du fait des élections américaines (prévues en novembre 2012). Selon la règle de l’alternance des sommets, Obama ou son successeur devront alors se rendre en Europe. Déjà on les soupçonne d’avoir d’autres priorités…

Lorraine Millot (Blog Great America)

(1) A titre de comparaison: même les sommets de l’Union européenne avec la Russie (et la Russie n’est vraiment pas un modèle de démocratie) permettent aux journalistes d’interroger les dirigeants européens et russes. Et à titre de comparaison encore: même le prochain voyage du vice-président américain, Joe Biden, en Turquie et en Grèce a fait l’objet ce lundi d’un briefing téléphonique préalable de la Maison Blanche. Pas le sommet UE-US.

Voir aussi : Rubrique UE, rubrique Etats-Unis,

Dette américaine: que peut-il se passer ?

Et si la première puissance mondiale ne pouvait plus payer ses dettes? Le scénario paraît de moins en moins invraisemblable, à l’approche du 2 août. Au-delà de cette date, les Etats-Unis ne pourront plus faire face à leurs obligations financières. Ils sont coincés par le plafond de la dette, fixé par la loi à 14.294 milliards de dollars (9950 milliards d’euros). Voilà déjà deux mois qu’ils l’ont dépassé et qu’ils puisent dans les réserves pour financer les dépenses publiques et rembourser leurs créanciers.

Le plafond doit être relevé, mais républicains et démocrates s’écharpent sur le calendrier et sur le plan de réduction des déficits qui doit accompagner le relèvement du plafond.

A quelques jours de la date limite, passage en revue des différents scénarios possible.

Scénario républicain versus scénario démocrate

Les républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, plaident pour un premier relèvement de 1000 milliards de dollars d’ici au 2 août, puis un nouveau relèvement début 2012… en pleine campagne pour l’élection présidentielle américaine. Une façon, donc, de garder un moyen de pression et de s’assurer que des coupes seront faites, d’ici là, dans les dépenses publiques. Les démocrates, qui tiennent le Sénat, militent pour un relèvement qui permette de tenir jusqu’en 2013. Ce que rejettent les républicains, y voyant un «chèque en blanc» adressé à Barack Obama, candidat à sa réélection.

(Infographie IDE)

Le plan de réduction des déficits est un autre point d’accroche. Les républicains plaident pour des coupes massives dans les dépenses publiques, notamment dans les programmes sociaux. Et rejettent toute hausse d’impôt qui réclament les démocrates. Ces derniers, via le Sénat, ont présenté un autre plan : il prévoit 2700 milliards de dollars de réductions, tout en sauvegardant les grands programmes sociaux.

A l’heure actuelle, aucun compromis ne se dessine entre les deux camps.

Le forcing d’Obama

Jason Reed / Reuters

La Constitution américaine autorise le président à relever d’autorité le plafond de la dette, sans passer par un vote du Congrès. Un procédé «tentant», a plaisanté Obama lundi, mais «ce n’est pas la façon dont marche notre système, ce n’est pas ainsi que fonctionne notre démocratie», a-t-il ajouté. Cela le mettrait surtout en position d’assumer tout seul la décision.

Le défaut de paiement, scénario-catastrophe?

Le Trésor américain estime que le 2 août, le pays sera en défaut de paiement, c’est-à-dire qu’il ne pourra plus faire face à ses dépenses et rembourser ses créanciers.

Le défaut peut entraîner, d’une part, ce qu’on appelle un «governement shutdown», une situation où les autorités fédérales arrêtent toute dépense, sauf les essentielles (urgences médicales, armée, etc.). Ça s’est déjà produit en 1995-96: l’administration Clinton, dont le budget avait été retoqué par le Congrès, avait fermé plusieurs établissements et gelé des salaires de fonctionnaires. La Maison Blanche a reconnu mercredi être en train d’élaborer ses priorités, en cas d’absence d’accord d’ici au 2 août. A savoir qui sera payé et qui ne le sera pas, après la date fatidique. Autant de décisions qui pourraient avoir des répercussions négatives sur l’économie du pays.

D’autre part, sans accord, les Etats-Unis se retrouveraient dans l’incapacité de rembourser leurs créanciers: tous ceux qui, sur le marché des obligations, ont acheté des bons du Trésor américains, considérés comme des investissements sûrs, faciles à échanger au besoin. Et dans cette histoire, tout le monde est mouillé. Les banques américaines (1660 milliards de dollars en juin) et la Chine en tête (1160 milliards en mai). Mais aussi les ménages, les fonds de pension et autres investisseurs privés, les banques centrales asiatiques, russe, arabes, française, etc. En cas de défaut, les créanciers des Etats-Unis seraient amenés à déprécier ces avoirs. Certains, des fonds d’investissement par exemple, pourraient même faire faillite.

Principaux pays créanciers des Etats-Unis (cliquer sur l’image pour agrandir)

(Infographie IDE)

«Personne ne sait ce qui se passera si la première économie du monde cesse du jour au lendemain de payer les intérêts de sa dette. Cela n’est jamais arrivé. Cela mettrait sens dessus-dessous l’économie mondiale», a prévenu Klaus Regling, le chef du FESF, le Fonds de secours mis en place par la zone euro pour ses membres en difficulté. «Si nous faisons défaut le 2 août, cela ressemblera à ce qui s’est passé lors de la chute de Lehman, mais avec des stéroïdes. Ce sera une apocalypse financière», a lancé l’économiste Larry Summers lors d’une conférence. Ce serait «très, très, très grave», répète Christine Lagarde, la directrice du FMI.

Inna Mufteeva, économiste spécialiste des Etats-Unis à Natixis, relativise. Car il y a défaut et défaut, souligne-t-elle: «Un défaut américain, ce ne serait pas le défaut de l’Argentine. Les Etats-Unis restent solvables, car leur bons du Trésor trouvent toujours preneurs. Ils sont bloqués par un problème administratif. C’est un défaut purement technique.» Ainsi, même en cas de défaut de paiement, «les marchés financiers, s’ils sont raisonnables, peuvent considérer que c’est un événement temporaire, et non un vrai défaut», souligne Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE. «Les politiques vont vite comprendre, tranche Mufteeva, et relever le plafond pour au moins pour un mois ou deux».

Enfin, la banque centrale américaine, ainsi que les banques privées, «peuvent encore fournir des liquidités au gouvernement, en l’aidant à pomper à droite à gauche, comme cela se fait depuis deux mois», estime Henri Sterdyniak.

Sur les marchés, le véritable test sera, estime Natixis, le 15 août, échéance d’un «coupon» estimé à 25 milliards d’euros, à rembourser d’un coup. Le 2 août ne serait donc pas un véritable couperet.

Le défaut est jugé peu probable, mais les banques américaines sont en train d’échafauder des plans de secours, au cas où.

Incertitudes et dégradation, le vrai danger

-> Une visualisation des presque 15 milliards de dollars de la dette américaine, sur le site wtfnoway.com.

Le véritable risque, pour l’économie américaine et pour l’économie mondiale, ce serait que les agences de notation dégradent la note de la dette américaine (de AAA à AA+). Les trois grandes agences – Moody’s, Standard & Poor’s, Fitch – ont déjà menacé de le faire dans les semaines à venir. Pour cause de discorde sur le relèvement du plafond, mais surtout parce qu’elles exigent, à plus long terme, «un plan de réduction crédible et efficace des déficits publics», assène Inna Mufteeva.

Une telle dégradation serait inédite et «se traduirait par une très forte perturbation sur les marchés financiers, une instabilité, une situation tout à fait fragile à l’échelle mondiale», projette Henri Sterdyniak.

Les taux d’intérêt des obligations américaines ne manqueraient pas de s’envoler. Celles-ci perdraient aussi de leur stature, mais «qu’achèteraient les investisseurs, les fonds de pension, à la place de la dette américaine?», questionne Henri Sterdyniak. «Il n’y a pas tellement d’alternative», ajoute Inna Mufteeva.

Le dollar, lui, perdrait de sa valeur par rapport aux autres monnaies. «Va-t-il y avoir un mouvement de panique, les investisseurs vont-ils se défausser massivement de leurs dollars?», s’interroge Dominique Plihon, qui anticipe une baisse du billet vert et une «volatilité sur le marché des changes». «Pas une crise énorme sur le dollar», ni «l’effondrement total du système monétaire international», prédit-il. Mais cette instabilité serait «très embêtante pour la zone euro». «L’euro est la monnaie qui s’apprécierait le plus par rapport au dollar, cela va nuire à la compétitivité de l’Europe», s’inquiète l’économiste.

La réaction des marchés, très dure à prévoir, repose en partie sur celle de la Chine. «Heureusement, souligne Henri Sterdyniak, pour le moment, ils ne paniquent pas.»

-> A voir: les infographies du New York Times.

-> A lire: cette note, sur le blog de Paul Jorion, cet économiste et anthropoloque qui avait anticipé une possible crise des subprimes.

 

Voir aussi : Rubrique Etats-Unis, Obama retrouve les élus du CongrèsObama annonce un plan de réduction de la dette à long termeOui aux cadeaux fiscaux pour les riches non à la  taxe bancaire, La décision de la Fed suscite des critiques de toutes parts, rubrique Finance , Si Pékin cessait d’acheter la dette américaine, Les solutions de sortie de crise se heurtent au vide politique,

Dette : Obama retrouve les élus du Congrès et veut un accord sous dix jours

Pour Barack Obama, c’est une course contre la montre qui s’engage pour parvenir à plafonner l’endettement des Etats-Unis. Le président américain a affirmé qu’il était nécessaire de parvenir dans les dix jours à un accord avec le Congrès sur la dette, faute de quoi l’Etat fédéral ne pourra plus emprunter pour financer son déficit.

Les négociations, destinées à empêcher un défaut de paiement du pays, doivent reprendre ce lundi 11 juillet avec les parlementaires. Le président américain a prévu de tenir une conférence de presse à 11 heures (15 heures heure de Paris). Il a précisé que les discussions porteront « sur les efforts en cours pour trouver une approche équilibrée à la réduction du déficit », a dit un conseiller de la présidence.

Les discussions ont débuté dimanche à la Maison-Blanche et ont duré environ soixante-quinze minutes en présence des principaux chefs de file du Congrès, ses alliés démocrates contrôlant le Sénat comme ses adversaires républicains majoritaires à la Chambre des représentants. Aucune information n’en a filtré dans l’immédiat.

DÉFAUT TECHNIQUE SUR LA DETTE

Le département du Trésor a prévenu que ses capacités d’emprunt seraient épuisées à la date du 2 août, et les Etats-Unis risquent de se trouver dans une situation de défaut technique sur leur dette. Le plafond actuel est fixé à 14 300 milliards de dollars et les républicains rechignent à le relever sans, en contrepartie, d’importantes réductions des dépenses publiques. Or, l’endettement des Etats-Unis a atteint la somme record de 14 294 milliards de dollars et continue de gonfler au rythme du déficit budgétaire, qui doit s’afficher cette année à 1 600 milliards.

Des responsables du Trésor et des économistes ont exliqué qu’à défaut d’un accord avant le 2 août, les Etats-Unis risqueraient de connaître une nouvelle récession. L’exécutif a toutefois prévenu qu’un accord serait nécessaire avant le 22 juillet pour permettre à la procédure législative de parvenir à son terme.

OPPOSITION ENTRE DÉMOCRATES ET RÉPUBLICAINS

Tentant de parvenir à un compromis, l’administration Obama a proposé en avril de réduire le déficit de 4 000 milliards de dollars sur dix ans en combinant réduction des dépenses et hausse des impôts.

Mais dans un communiqué diffusé samedi soir, le président de la Chambre des représentants, le républicain John Boehner, a rejeté cette proposition. « En dépit des efforts de bonne foi pour trouver un socle commun, la Maison-Blanche ne cherchera pas à obtenir un accord plus grand de réduction de la dette sans des hausses d’impôts. Je crois que la meilleure approche pourrait être de se concentrer sur une mesure plus limitée », a-t-il dit. Cela signifie un retour à un projet précédent de réduction du déficit limité à 2 400 milliards de dollars sur dix ans.

Les élus républicains sont en effet opposés à un relèvement des impôts dans le cadre d’un accord budgétaire. Ils demandent en outre une réduction des prestations sociales versées dans le cadre du Medicare, du Medicaid et de la sécurité sociale. Mais les démocrates refusent de réduire les dépenses sociales et plaident au contraire pour un relèvement des impôts sur les plus riches.

« MOMENT GRAVE »

Invité dans l’émission « Meet the Press », le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, a estimé que le pays connaît « un moment grave » et qu’Obama et les démocrates vont tenter de trouver « l’accord le plus large possible ». Il a prévenu que l’absence d’un compromis pourrait provoquer des « dégâts catastrophiques » pour l’économie américaine.

Pour Christine Lagarde, nouvelle directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), un défaut technique des Etats-Unis aurait des répercussions mondiales. « Si vous déroulez tout le scénario d’un défaut technique, oui, bien sûr, vous avez tout cela, une hausse des taux d’intérêt et des conséquences vraiment graves sur les marchés », a dit l’ancienne ministre de l’économie française dans l’émission « This Week » sur ABC.

Le Monde AFP et Reuter

Voir aussi : Rubrique Etats-Unis, Dette Américaine : les scénarios, Obama annonce un plan de réduction de la dette à long termeOui aux cadeaux fiscaux pour les riches non à la  taxe bancaire, rubrique Finance , rubrique Actualité France L’impunité économique s’accroît,

Les Etats-Unis pousse Bachar vers la sortie

Les Etats-Unis ont exhorté mercredi le président syrien Bachar al-Assad à «diriger la transition démocratique ou partir». Ils ont aussi annoncé des sanctions le visant directement pour son rôle dans la répression sanglante de la révolte dans ce pays.

Un nouvel ordre exécutif signé par M. Obama «est une mesure décisive pour accroître la pression sur le gouvernement syrien afin qu’il cesse la violence contre son peuple et entame la transition vers un système démocratique», affirme un communiqué. «Comme nous l’avons déjà dit, Assad doit diriger une transition politique ou partir», peut-on lire dans ce document émanant de la diplomatie américaine et du département du Trésor.

Un éventuel départ d’Assad «est une décision revenant au bout du compte au peuple syrien», affirment les Etats-Unis pour justifier l’absence d’appel au départ du président syrien. Six autres personnes sont également visées pour leur rôle dans les massacres : le vice-président Farouk al-Shara, le premier ministre Adel Safar, le ministre de l’Intérieur Mohammad Ibrahim al-Shaar, le ministre de la Défense Ali Habib Mahmoud, le chef des renseignements militaires Abdul Fatah Qudsiya, et le «directeur de la sécurité politique» Mohammed Dib Zaitoun. Le président Obama avait imposé le 29 avril une première série de sanctions contre plusieurs responsables du régime syrien, dont le frère cadet du président Assad, Maher.

Huit civils tués à Tall Kalakh

Au moins huit civils ont été tués mercredi à Tall Kalakh (ouest), ville assiégée depuis plusieurs jours, ont indiqué à l’AFP deux militants des droits de l’Homme. Ils ont fait état de bombardements sur la ville et de tirs à l’arme automatique, ajoutant que de nombreux blessés gisaient dans la rue sans pouvoir être évacués. Des habitants ayant fui ces derniers jours Tall Kalakh et s’étant réfugiés au Liban voisin ont imputé les violences aux «chabiha», ces miliciens en civil accusés de semer la terreur dans les villes théâtre de manifestations. Au moins dix habitants avaient été tués dimanche par les forces de sécurité qui bombardaient indistinctement quatre quartiers de la ville, selon un militant des droits de l’Homme.

Assad confiant

S’exprimant mardi devant des responsables locaux, le président Assad «a donné des assurances que la crise avait été surmontée et que les événements étaient en passe d’être terminés», selon des déclarations publiées par le journal Al-Watan. Mais il a aussi reconnu des méfaits de la part des services de sécurité, les attribuant au manque d’entraînement. Depuis le début des violences, les autorités attribuent les troubles à des «salafistes», des «gangs criminels» ou à «des groupes terroristes armés», dont certains liés à l’étranger.

Grève générale peu suivie

Un appel à la grève générale lancé par l’opposition semblait par ailleurs avoir été peu suivi. Dans la capitale syrienne, plutôt épargnée par les grandes manifestations contre le régime, les écoles et les commerces sont restés ouverts, et les transports publics fonctionnaient normalement. La grève n’était pas non plus suivie à Alep, deuxième ville du pays. De même à Lattaquié.

Selon des vidéos postées sur YouTube, des dizaines de personnes ont manifesté dans un des souks de la ville de Homs, un des foyers de la contestation, dans le centre du pays, où les magasins étaient fermés. Une autre vidéo postée sur le même site montrait également des rideaux de fer tirés dans un souk de Zabadani, non loin de Damas. Dans plusieurs foyers de la contestation, l’intervention ou le siège par les forces de sécurité et l’armée a de toutes les façons paralysé ou du moins ralenti les activités économiques et sociales, en particulier à Homs, Deraa (sud), Banias (nord-ouest) et tout récemment à Tall Kalakh. «Faisons de mercredi un vendredi (jour habituel de manifestations), avec des manifestations massives, pas d’école, pas d’université, pas de commerces ou de restaurants ouverts et pas de taxis», avait affirmé mardi la page Facebook «Syrian Revolution 2011», moteur de la contestation.

La journaliste d’Al-Jezira libérée

La journaliste d’Al-Jezira Dorothy Parvez, disparue en Syrie il y trois semaines et qui aurait été détenue en Iran, a été libérée et a regagné Doha, a annoncé mercredi la chaîne satellitaire.

«Dorothy Parvez a été libérée, près de trois semaines après sa disparition après son arrivée à Damas pour couvrir les protestations» pro-démocratie dans ce pays, a annoncé la chaîne satellitaire dans un communiqué. «Le mystère entourant la disparition de Dorothy Parvez est demeuré jusqu’à sa libération», a ajouté la chaîne, sans confirmer sa détention en Iran.

Mme Parvez, une Américano-canado-iranienne travaillant pour le service en anglais d’Al-Jezira, a, selon les autorités de Damas, «tenté d’entrer illégalement» en Syrie le 29 avril avec un passeport iranien périmé et a été renvoyée en Iran. L’Iran s’est refusé à confirmer ou démentir ces informations.

AFP

Voir aussi : Rubrique Syrie, rubrique Méditerranée

La mort de Ben Laden

Dans la nuit de dimanche à lundi 2 mai, une unité des forces spéciales américaines a abattu Oussama Ben Laden dans la ville pakistanaise d’Abbottabad.

La deuxième mort du fondateur d’Al-Qaida

Le hasard fait, parfois, bien les choses. L’homme qui a incarné le djihadisme international meurt au moment où le « printemps arabe » vient de porter un coup à ce fantasme totalitaire. Dès lors que les peuples arabes se révoltent au nom de la démocratie et non de l’islamisme ou du retour au califat prônés par Al-Qaida, Oussama Ben Laden était un moribond politique.

C’est presque la deuxième mort du fondateur d’Al-Qaida qu’a annoncée dimanche soir 1er mai le président Barack Obama, en indiquant qu’un commando américain avait tué Ben Laden au Pakistan.

Le premier avis de décès, politique celui-ci, du dissident saoudien, on pouvait le lire dans les slogans des manifestants de Tunis et du Caire. Y transparaissaient non pas la haine de l’Occident, « des croisés et des juifs », la haine de l’Amérique, cris de ralliement habituels de Ben Laden, mais un désir de liberté et de démocratie, deux « valeurs » abhorrées par le chef djihadiste. Dans le monde arabe, au moins, Ben Laden avait perdu la bataille : la révolte en cours ne célèbre pas l’islamisme, cette illusion mortelle que portait le chef d’Al-Qaida selon laquelle le retour au califat et à l’islam des origines est la réponse à tous les problèmes des pays musulmans – voire à ceux du monde entier.

Ben Laden meurt au moment où la capacité de mobilisation et d’entraînement de l’islamisme est sur le déclin. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura plus d’attentats. Ni même qu’Al-Qaida et ses filiales maghrébine et sahélienne ne séviront plus. Il y aura toujours des groupes se réclamant de la marque pour tuer et enlever, ici et là. Le Maroc vient d’en faire l’expérience. Ce culte de la violence la plus aveugle n’est pas le seul héritage laissé par Ben Laden. L’homme qui disparaît a profondément marqué – pour le pire – ce début de XXIe siècle. Oussama Ben Laden, ce fils d’une riche famille saoudienne qui fit ses premières armes dans la lutte contre les Soviétiques en Afghanistan, a façonné le paysage stratégique qui est le nôtre.

Parce qu’ils ont cru devoir répondre par la guerre aux attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis sont toujours empêtrés dans deux conflits : en Irak et, surtout, en Afghanistan. Ces aventures les ont épuisés militairement, budgétairement ; elles ont durablement terni leur image dans le monde arabo-musulman. M.Obama va pouvoir tirer profit aux Etats-Unis de l’élimination de Ben Laden; il n’en reste pas moins enlisé dans l’imbroglio afghan.

L’héritage encore : Al-Qaida a prouvé qu’un petit groupe pouvait perpétrer un crime de masse. Si Ben Laden, doté d’une arme chimique ou biologique, avait pu tuer non pas 3 000 mais 3 millions de personnes à New York, il l’aurait fait. Cette perspective a posé la lutte contre le terrorisme en priorité absolue. Et, au nom de celle-ci, en Amérique, en Europe et ailleurs, l’obsession sécuritaire a conduit à limiter les libertés publiques. On n’en a pas tout à fait fini avec Ben Laden.

Le Monde (02/05/11)

 

Une intéressante réflexion du journal La Croix

« sans baisser la garde face au danger terroriste, les pays qu’il menace doivent se porter aux côtés des jeunes forces, dans les pays du monde arabo-musulman, qui cherchent des voies nouvelles pour développer leur pays et y instaurer la démocratie. (…) Soutenir ces mouvements avec la même détermination, conclut La Croix, la même persévérance qui furent mises en œuvre pour traquer le chef d’Al-Qaïda, c’est – plus efficacement encore – combattre le terrorisme. »


Chine : une étape importante dans la lutte antiterroriste internationale

La Chine a déclaré lundi soir que la mort d’Oussama Ben Laden constituait une étape importante et un développement positif dans la lutte internationale contre le terrorisme. La porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Jiang Yu, s’est ainsi exprimé, commentant la mort du leader du mouvement terroriste Al-Qaïda.

Le président américain, Barack Obama, a annoncé dimanche soir que Ben Laden avait été tué lors d’une opération américaine au Pakistan. « La Chine a pris note de cet annonce », a affirmé Mme Jiang. « Le terrorisme est l’ennemi commun de la communauté internationale. La Chine est également une victime du terrorisme », a-t-elle indiqué.

Elle a souligné que la Chine s’était toujours opposée à toutes les formes de terrorisme et participait activement aux efforts anti-terroristes internationaux. « La Chine soutient que la communauté internationale devra établir une coopération afin de lutter ensemble contre le terrorisme », a réitéré Mme Jiang. « La Chine considère qu’il est nécessaire de trouver une solution temporaire et un règlement permanent dans la lutte contre le terrorisme et de faire de grands efforts pour éliminer le sol sur lequel repose le terrorisme pour se développer, » a ajouté la porte-parole chinoise.

Xinhua (3/05/11)

ONU : La mort de ben Laden est un tournant dans la lutte contre le terrorisme

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a estimé lundi que la mort du chef d’Al-Qaïda, Oussama ben Laden, annoncée par le président américain Barack Obama, constituait un tournant dans la lutte contre le terrorisme à travers le monde et a appelé à se souvenir des victimes.

« La mort d’Oussama ben Laden annoncée par le président Obama la nuit dernière constitue un tournant dans notre lutte commune et globale contre le terrorisme », a dit Ban Ki-moon dans une déclaration à la presse. « Les crimes d’Al-Qaïda ont touché la plupart des continents, causant des tragédies et la mort de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Les Nations Unies condamnent dans les termes les plus forts possibles le terrorisme dans toutes ses formes quels que soient ses objectifs et les lieux où il frappe », a-t-il ajouté.

« C’est un jour pour se souvenir des victimes et des familles des victimes ici aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde », a encore dit le secrétaire général. Il a indiqué qu’il se souvenait personnellement très bien du 11 septembre 2001, alors qu’il se trouvait à New York ce jour-là.« Les Nations Unies continueront à combattre le terrorisme et prendront la tête de cette campagne contre le terrorisme », a insisté Ban Ki-moon.

L’opposition indienne accuse le Pakistan de fournir refuge aux terroristes

Le principal parti de l’opposition indienne, le Bharatiy Janata Party (BJP) a annoncé lundi que la mort d’Oussama Ben Laden au Pakistan avait montré que « le Pakistan fournit de refuge aux terroristes ».

« Il a été tué au Pakistan, tout près de sa capitale Islamabad, cela confirme le fait que le Pakistan reste l’épicentre du terrorisme », a indiqué le porte-parole du BJP Ravi Shankar Prasad. « Les terroristes sont encouragés par le Pakistan qui les fournissent de refuge, et la mort de ben Laden au Pakistan est le plus grand exemple », a-t-il ajouté.

 

Dans la presse européenne

El País – Espagne
Un revers important pour Al-Qaida

Si la mort d’Oussama Ben Laden affaiblit le réseau terroriste Al-Qaida, elle ne le détruira pas, estime le quotidien de centre-gauche El País : « La perte de Ben Laden est un revers cinglant pour Al-Qaida. Il sera difficile de remplacer la force symbolique de son leader. Mais Al-Qaida poursuivra son existence et disposera d’un nouvel émir, probablement de l’Egyptien Aiman Al-Zawahiri. Celui se présente depuis des années comme le stratège du terrorisme mondial, même s’il n’est peut-être pas soutenu par tous les acteurs de ce réseau multiforme. Ces dernières semaines ont été arrêtées en Allemagne trois personnes qui étaient en relation avec la cellule dirigeante d’Al-Qaida et qui se préparaient à commettre des attentats-suicides dans le pays. On continuera à recevoir des nouvelles de ce type dans les années à venir. » (03.05.2011)

România Liber? – Roumanie
La jeunesse musulmane a besoin de perspective

La mort du chef d’Al-Qaida Oussama Ben Laden ne signifie pas la fin du terrorisme, ce dont l’Occident est lui-même coupable, estime le quotidien România Liber? : « Ce combat n’existerait pas si la jeunesse appauvrie du monde islamique disposait d’une véritable alternative aux sociétés archaïques et à la violence qui les entoure. … Mais les données statistiques compilées par les organisations internationales ces dernières années montrent combien la situation de l’éducation est décourageante dans les pays musulmans. … La lutte contre les mouvements comme celui d’Oussama Ben Laden devrait être menée avec des livres plutôt qu’avec des bombes, et c’est l’élite politique, culturelle et aussi économique des Etats musulmans qui devrait la mener, plutôt que les généraux des armées occidentales. L’Occident pourrait jouer un rôle important qu’il n’a jusque là pas assumé avec suffisamment de détermination. C’est une obligation ! Si ce n’est par empathie, du moins pour préserver ses citoyens de nouveaux actes terroristes. » (03.05.2011)

De Morgen – Belgique
La fin du choc des civilisations

Avec la disparition d’Oussama Ben Laden, l’indicible « choc des civilisations » peut aussi prendre fin, espère le quotidien De Morgen : « On peut voir dans la mort de Ben Laden la fin presque symbolique du terrorisme fondamentaliste, mais aussi celle de l’exploitation qui en a été faite pour amplifier et problématiser la contradiction entre monde occidental et monde musulman. … Il n’y a dans l’histoire ni table rase ni rupture soudaine d’un jour à l’autre. … Mais la mort de Ben Laden, associée aux évolutions dans les pays arabes, contribuera à ce que l’on ne puisse plus parler de la politique mondiale en des termes manichéens, ‘noir et blanc’, ‘vous et nous’. Elle ne contribuera pas à ce que l’on abandonne la politique hégémonique, ni à ce que tout devienne rose. Mais la mort d’Oussama Ben Laden et le printemps arabe pourraient augurer une ère où les deux ‘cultures’ ne seront plus hermétiques l’une à l’autre. » (03.05.2011)

Le Monde – France
Les révolutions arabes ont tué le djihad

Oussama Ben Laden est mort politiquement depuis déjà longtemps, écrit le quotidien de centre-gauche Le Monde : « La mort physique d’Oussama Ben Laden fait suite à la mort politique du chef d’Al-Qaida, liquidé par les révolutions démocratiques arabes dont les slogans étaient aux antipodes de son idéologie islamiste radicale. Eût-il été éliminé par George W. Bush durant la guerre contre la terreur, Ben Laden aurait pu servir de martyr à la cause jihadiste, voire d’icône aux mouvements anti-occidentaux divers du monde musulman. Sa mort vient clore une sombre décennie dans les relations entre le monde arabe et musulman et l’Occident, ouverte par les attentats du 11-Septembre et refermée par la révolution du jasmin tunisienne, par la place Tahrir au Caire et par les aspirations des peuples arabes à la démocratie et aux droits de l’homme. » (03.05.2011)
Gilles Kepel

The Times – Royaume-Uni
Le Pakistan mis en cause

Le fait qu’Oussama Ben Laden ait pu se cacher aussi près de la capitale pakistanaise préoccupe le quotidien libéral-conservateur The Times : « Un problème certain de Washington est désormais de savoir comment traiter le Pakistan. Il est difficile de croire que personne ne savait ce qui se trouvait dans ce camp largement fortifié – à quelques centaines de mètres d’une école militaire d’élite. Dans le meilleur des cas, Islamabad est coupable de négligence, dans le pire des cas, de complicité. Les Etats-Unis ont désormais besoin du Pakistan à leurs côtés, notamment pour les prochaines décisions sur l’Afghanistan, et traiteront Islamabad avec un certain tact diplomatique. Il serait toutefois imprudent de se fier à ce gouvernement dysfonctionnel. » (03.05.2011)