A Sète, le Musée Paul-Valéry poursuit son cycle 4 à 4, un rendez-vous bisannuel regroupant quatre expositions individuelles consacrées simultanément à quatre artistes contemporains. Le cru 2018 est saisissant. Il met en présence les œuvres de Thierry Delaroyère, Pascal Fayeton, André Cervera, Swarna Chitrakar et Mohamed Lekleti.
Pour cette troisième exposition 4 à 4 présentée sous le patronage de Maïté Vallès-Bled, ce sont, exceptionnellement, les travaux de 5 artistes que donne à voir le musée Paul-Valéry de Sète. Les invités ont tous en partage d’interroger le monde contemporain. Les voies et les médiums différents auxquels ils ont recours n’ouvrent pas sur une thématique commune. Cependant il émane de la visite comme un message partagé qui transcende les expressions propres pour évoquer la (dé)structuration de la personnalité.
Zones de Turbulences
La série de Thierry Delaroyère intitulée La paix en danger s’inscrit dans une matière picturale relevant d’une tradition abstraite et gestuelle. Invitation à un voyage mouvementé dans un aller-retour entre le signifié et le signifiant, la mise à l’écart du sens se trouvant parfois mis en défaut par l’apparition d’une embarcation de migrants. L’espace dénué de cadre, de limite et de frontière est toujours survolé par un oiseau sous un trait simple, et modeste, une colombe dont les traces varient en fonction des espaces traversés. « La paix est en danger à l’extérieur, comme on peut le ressentir parfois en marchant dans la rue, souligne l’artiste, mais aujourd’hui, il est perceptible qu’elle est aussi en danger dans l’intériorité de chacun » signale-t-il pour évoquer son travail.
La paix en danger Thierry Delaroyère
Terrain de jeux d’esprit
L’artiste photographe toulousain Pascal Fayeton joue avec les signes, sur les traces d’un monde sensible qui lui appartient. Il puise son inspiration : « dans un environnement immédiat, des espaces sur les chemins de sa vie, de son enfance ou de ses errances d’adultes… » Hors du commun, les photos de l’artiste nous plongent parfois dans l’univers de la photographie abstraite : « alors qu’il n’y a pas plus concret, souligne le photographe que de regarder la terre à ses pieds. » Il émane des photographies de Pascal Fayeton une forme de connivence qui nous rappelle des émotions oubliées.
Confrontation des mythes
Le travail de l’artiste sétois André Cervera a croisé celui de la peintre conteuse Swarna Chitrakar originaire du Bengale-Occidental, en Inde. Point commun, celui de raconter des histoires. André Cervera est un adepte de la peinture narrative ayant trait à la mythologie. Son œuvre, s’oriente vers une dimension tragi-comique qui fait vivre la tradition en l’opposant de manière critique et drôle à la surabondante production de notre société de consommation. Swarna Chitrakar appartient à une famille de peintre conteur Patuas. Ceux qui peignent sur des rouleaux de feuilles de papiers cousues les unes aux autres et passent de village en village pour chanter les épopées hindoues et musulmanes. La confrontation des deux artistes aboutit à la réalisation d’un travail commun totalement inédit.
Swarna Chitrakar et André Cervera
Multi connexions
En sa qualité d’artiste, Mohamed Lekleti déclare Washington comme capitale de la Palestine. Ses dessins propulsent des éclats de vie comme autant de strates de la politique, de la religion ou de la culture. A cela s’ajoute un questionnement sur notre rapport à l’animal et une perception qui pourrait évoquer la fausse neutralité de l’enfance. Une multiplication des croisements qui tend à l’universel.
Exposition. Miro «Vers l’infiniment libre et l’infiniment grand » Le Musée Paul Valéry à Sète nous ouvre les portes de l’univers onirique de l’artiste. A découvrir jusqu’au 9 novembre.
Miro au Musée Paul Valéry, s’avère une escale incontournable pour tous ceux qui rêvent de croissance ou trouvent notre vie corseté un peu terne. Ceux qui ont déjà fait la visite savent que le titre de cette exposition : Vers l’infiniment libre vers l’infiniment grand, s’avère particulièrement bien choisi. « L’exposition met en évidence l’extrême liberté de l’artiste sur les plans de l’esthétique, de son regard sur les guerres qui, en Espagne et en Europe, ont traversé son époque, de la représentation de la femme, et son aspiration à introduire dans ses oeuvres une cosmologie personnelle spontanément liée à l’immensité des espaces célestes.» commente la directrice du Musée Maïté Vallès-Bled.
C’est au milieu des années vingt que Miro qui travaille à Paris, trouve un style personnel. Sous l’influence des surréalistes, il donne vie à un monde d’irréalité, univers oniriques peuplés d’étranges créatures tout en développant la poétique d’un langage pictural novateur et initiateur. L’artiste conservera son indépendance d’esprit à l’écart des surréalistes. Ce qui ne l’empêche pas d’entretenir des liens amicaux avec Delnos, Eluard, ou Péret et une relation cordiale avec Breton qui lui concède que sa production « atteste d’une liberté qui n’a pas été dépassée.»
Joan-mirc peinture de 1952.
Le parcours de l’exposition est construit avec un louable soucis , celui du respect de la démarche artistique. Il démontre en l’occurrence que ce que cherche Miro est plus important que ce qu’il trouve. Une manière de réaffirmer que l’art n’est pas une histoire de circulation d’objet d’art mais bien une aventure profonde.
Le visiteur suit ainsi la quête esthétique et intérieure de Miro. Face aux oeuvres on saisit rapidement que l’artiste a dépassé la recherche plastique, plus de perspectives, de profondeur et de claire obscure.Les dimensions réelles n’ont plus cours, l’artiste s’exprime dans un langage plastique qui lui appartient. Il suffit de se laisser prendre au jeu de la narration pour nous retrouver entraînés au coeur de la poésie et de la joie.
L’infini dans l’art
Nous nous trouvons face à des formes simples dépouillées et identifiables « Les formes s’engendrent en se transformant » disait l’artiste. Les lignes sont pures et les boules presque rondes. Avec un sens des volumes fascinant, Miro créé un univers de signes et de symboles. L’artiste affirme autant son aptitude à produire des formes que sa capacité incroyable d’en sortir. On touche là à la dimension spirituelle de l’artiste.
« Si nous ne tâchons pas de découvrir l’essence religieuse, le sens magique des choses, nous ne ferons qu’ajouter de nouvelles sources d’abrutissement à celles qui sont offertes aujourd’hui aux peuples, sans compter », écrit-il dans Cahiers d’art en 1939.
Quand la forme sort de la forme, elle devient un sens transmis à autrui, une énergie de naissance, une force.
Oiseau dans la nuit 1967
Miro révolté
Miro sait que l’art n’est pas la vie et que celle-ci impose de franchir des obstacles. Son travail ouvre des voies à la beauté et à son contraire, la menace. Les positions politiques de l’artiste transparaissent silencieusement à travers des références aux tonalités sombres que l’on retrouve dans son oeuvre, face à la Guerre civile espagnole, ou encore mai 1968. Il s’est réfugié à Paris en 1936. C’est un homme courtois mais loin d’être insensible.
Un jour, que Franco faisait exécuter un révolutionnaire et Miro était en train de peindre en écoutant la radio, il raconte avoir baissé son pantalon pour déféquer sur sa toile et s’exclamer «quelle belle matière».
Sur un autre chemin, celui de la liberté apparaît une représentation de la relation homme/femme. « La femme n’échappe pas au rejet général de Miro pour la conventions qui régissent la représentation de la figure humaine. souligne Stéphane Tarroux. « Ce que j’appelle femme, ce n’est pas la créature femme, c’est un univers » précise l’artiste. Dans une belle scénographie, l’exposition présente une dizaine de toiles interdépendantes réalisées à plusieurs mois d’intervalle de la série femme et oiseau.
Quitter la terre
Vipère exaspérée devant l’oiseau rouge 1955
Le goût prononcé du peintre espagnol pour l’esthétique le convie à une interrogation de l’infiniment grand des constellation. Des années 1939-1941 au composition des années 70 l’artiste fait un triomphe au Comos et à l’admirable nature. « Cette échelle de l’évasion qui est souvent mise en valeur dans mon oeuvre représente une envolée vers l’infini, vers le ciel en quittant la terre.»
Cet axe également présenté au Musée Paul Valéry confirme son éloignement de toute représentation de la réalité visible. Aux antipodes du descriptif et de la matériologie Miro nous rappelle que l’art n’est jamais l’objet que l’on a devant les yeux. L’invisible est partout, son oeuvre est une porte d’entrée que l’on traverse pour aller vers d’autres espaces un passage vers l’expérience non visible.
Une fréquentation en hausse pour écouter les poètes méditerranéens. Photo dr
Festival de poésie. 5ème édition de Voix Vives à Sète. Désirs et pensée en liberté rencontrent un nouveau succès.
Voix Vives, la célébration marathonienne de la poésie méditerranéenne s’est achevée samedi. Une nouvelle fois le festival laisse derrière lui de multiples sillages que l’on se promet de suivre un peu plus tard, dans le bleu pastel où le ciel rejoint la mer. Neuf jours quasi continus de l’aube à loin dans la nuit, ponctués d’étoiles, de bouches roses et noires qui arrosent et de mots qui font mouche.
Pour la cinquième année Sète s’est vue consacrée ville escale des poètes issus de toutes les rives. Si Voix Vives célèbre avant tout l’espace méditerranéen c’est dans une optique d’élargissement, de frontières repoussées en y associant les sphères d’influences terrestres, maritimes et parfois cosmiques… Des Balkans à l’Afrique en passant par les Caraïbes et l’Amérique latine, les poètes ont afflué de tous horizons, portant témoignage des lieux secrets où la culture puissante de cette petite mer a laissé des traces.
« Ce fut une très belle édition, commente la directrice du festival Maïté Vallès Bled, on nous l’a dit et nous l’avons vécu. » Les langues et les voix éphémères, libérées dans la ville font état de la richesse des esprits et des arts qui se rencontrent. Elles dessinent un périmètre de tolérance dans les rues de Sète. « D’année en année, nous observons une vraie appropriation de la part du public sétois. Alors que nous avions enregistré quelques plaintes les premières années liées à des problèmes de stationnement, beaucoup d’habitants sont venus nous dire cette année de poursuivre le festival. »
Dans le quartier haut, où il concentre l’essentiel des 600 manifestations proposées, le festival est un facteur de tolérance. Entre les origines, entre les poètes et avec les autres, ceux pour qui hier encore, les cinq lettres du mot poème inspiraient des craintes ou imposait une distance. Aujourd’hui les vertus de la poésie semblent opérer en ramenant le public à lui-même.
Le décompte des chiffres de cette 5e édition sétoise n’est pas encore tout à fait terminé mais l’on prévoit une augmentation de l’ordre de 10% par rapport à 2013 (49 000 spectateurs). En dépit du concert de Maria Carmen Vega, au Théâtre de la mer où la capacité de l’artiste à rassembler a été surévaluée le bilan des concerts payants reste positif. « Le marché au livre qui a réuni une centaine d’éditeurs de poésie a bénéficié d’une très bonne fréquentation. Le public qui vient écouter gratuitement de la poésie achète aussi des livres pour poursuivre la découverte ce qui est un signe significatif », se réjouit la directrice.
Pour la seconde année Voix Vives s’exporte à l’étranger après Sidi Bou Saïd et Gènes, il mettra les voiles sur Tolède dès septembre.
Je suis né à Montpellier avant la guerre. Toute mon enfance se déroule dans ce quartier. Ce n’était pas très drôle, il y avait des Allemands dans la maison. Il y avait des soucis majeurs qui étaient de trouver de la nourriture et donc on fichait une paix royale aux enfants. On faisait à peu près ce que l’on voulait. On recevait quelques coups de pied au derrière sans que nous vienne l’idée d’aller porter plainte contre nos parents. On s’en foutait complètement. On riait. On était libre. Enfant, j’ai ressenti comment le contact avec la nature qui m’entourait était véritablement le plaisir de vivre. Dès l’adolescence, je quittais la maison pour aller dessiner ce qu’il y avait autour de chez moi, des vignes, des chemins, des potagers… Aujourd’hui quand je sors de mon atelier et que je vais marcher dans Montpellier, l’espace n’est plus une chose perceptible. La ville ressemble à un petit appartement sur-encombré. Si on va à la campagne ou devant la mer, on retrouve l’espace et le silence qui sont des choses irremplaçables. La nature nourrit notre conscience joyeuse.
Premiers pas
Quand on commence à peindre, on prend la peinture là où elle en est. En entrant aux Beaux-Arts de Montpellier en 1957, je connaissais assez bien la peinture parce que j’étais né dans un milieu où on m’avait montré les tableaux. Je ne connaissais pas la peinture contemporaine, parce que ce qui est vraiment contemporain vous échappe toujours, mais je connaissais la peinture de l’époque, l’école française abstraite. Je suis arrivé au Beaux-Arts avec ce bagage que j’ai quitté assez vite pour faire de la peinture figurative très marquée par le milieu ambiant où j’avais grandi..
Expressionnisme abstrait
Dans les années 60, j’ai rencontré à Paris d’autres camarades qui connaissaient ce qui se faisait aux Etats-Unis. On parlait de Pollock, de sa liberté et de la manière dont il s’était servi de l’héritage de Picasso et de Gorky. Nous avions peu d’informations visuelles mais il y avait un récit mythique sur la peinture américaine dans lequel j’ai été pris. Entre 62 et 64, j’ai fait de la peinture abstraite influencée non par cette peinture, mais par le récit de cette peinture. Puis, comme tous les gens de ma génération, j’ai fait de la peinture non figurative parce que nous considérions qu’elle constituait un progrès objectif dans l’histoire de l’art. Cela m’a conduit à fonder à Montpellier le groupe ABC production et à exposer dans la rue en 67, 68. Après je suis entré dans le groupe Support surface en 70 que j’ai quitté en 72.
Support Surface succès story
C’est une période éphémère qui a marqué les esprits parce que le slogan est excellent et pas difficile à comprendre. Et puis, nous avons beaucoup parlé de ce que nous faisions. Nous avons su nous mettre en scène. Il paraît que c’est ce que l’on recommande aux jeunes artistes d’aujourd’hui… Nous constituons paraît-il, le dernier mouvement d’avant-garde français de l’histoire de l’art.
Emancipation
Je ne pouvais plus y rester parce que les exigences du groupe ne correspondaient pas à ma nature réelle. J’avais envie de faire des expériences, de faire une peinture plus libre, assez liée à l’expression lyrique de la nature. J’ai continué à faire de la peinture non figurative mais en la reliant au monde qui m’entourait. Plus tard, je me suis rendu compte qu’il fallait continuer à faire de la peinture figurative, la réinventer. Je me suis servi de tout ce qui existait dans l’histoire de l’art pour construire une grammaire et une syntaxe. J’assimile la syntaxe à la composition qui permet d’organiser la surface du tableau, à laquelle s’ajoutent un lexique de forme et un lexique coloré. Je me suis attaché à ce travail entre 1975 et 1990.
Style
le chateau de Vauvenargues
On a souvent dit que je changeais de style. Ce n’est pas tout à fait exact dans la mesure où j’ai fait des investigations. J’ai abordé des thèmes précis par séries. Je me rends compte que j’ai fait énormément de tableaux. Ce qui n’est pas difficile. Il suffit de travailler huit heures tous les jours comme tout le monde. A partir des années 90, j’ai découvert un sentiment de liberté. Aujourd’hui, en vieillissant, j’ai l’impression de devenir vraiment libre. Cela m’exalte. Avec l’âge, on se rend compte que la liberté se mesure à la façon dont on franchit les obstacles. Si on n’a pas d’obstacle à franchir, on ne peut pas faire l’expérience de la liberté. Il faut que ce bien précieux devienne une expérience intime.
Saisir l’imprévisible
Je vais régulièrement sur le motif avec ma voiture de plombier aménagée pour transporter mon petit matériel. Sur place j’exécute rapidement des petits tableaux qui me permettent de découvrir des possibilités d’expression cachées. Je fais des variations. Le peintre ne saisit que les variations. Il n’y a pas de thème comme en musique, parce que la nature n’est pas un tableau. Plus tard, dans le silence de l’atelier, je reprends, face au grand tableau, et l’intègre dans le travail pictural proprement dit.
Le temps de voir
Quand on commence on ne voit rien. On est face à un paysage que l’on a envie de peindre. La première chose est de trouver le format qui convient. Petit à petit on commence à voir et il est très difficile de savoir si l’on voit vraiment bien. Ce qui compte c’est le parcours et, à la fin de ce parcours, ce qu’on y a vu. On pourrait croire que l’expérience fait que l’on voit mieux. L’expérience fait que l’on va voir plus intensément ce que l’on va voir soi-même. La voie reste ouverte, jamais un artiste ne bouchera la vue aux autres. Chaque vision n’est que l’approfondissement d’une vision.
Effet du tableau sur le visiteur
L'île de Maïre
On a toujours envie que les tableaux plaisent. Mais il faut aussi que les gens puissent regarder le tableau avec suffisamment d’attention pour entrer dans la toile. Si le spectateur ne fait pas de travail, le tableau n’existe pas vraiment. Celui qui regarde met les choses en place. Cela demande une culture, une attention qui n’est pas comparable à celle du peintre mais qui est nécessaire. Je me méfie beaucoup du mot » intéressant « . Quand les gens regardent mes toiles et me disent » c’est intéressant « , vous pouvez être sûr que c’est un mauvais tableau. L’inexplicablement intéressant, c’est autre chose. Il faut faire des choses qui dépassent la conscience.
Peinture témoignage d’une nostalgie
Nous sommes tous faits d’un immense regret. Ce que fait un peintre c’est lutter tous les jours contre la perte du monde qui nous échappe. Il se confronte au mystère de l’évidence. On porte en soi cette perte que l’autre n’est pas à nous. L’homme n’est pas à nous, le monde n’est pas à nous. Est-ce que notre vie nous appartient ? Je crois que l’œuvre d’art est faite pour répondre à cela.
A la vie à la mort
Je n’ai pas du tout envie de mourir. Par contre j’ai une assez grande curiosité. La mort est sans doute le seul instant dont nous aurons conscience. Une chose difficile à comprendre, c’est la notion d’éternité parce que l’éternité ne peut pas se mesurer à l’aune du temps. L’éternité, est un instant démesurément dilaté. Nous en avons le sentiment uniquement lorsque nous vivons l’instant. Il y a aussi cet instant ultime où l’on passe de l’état de vie à l’état de mort. Alors, on est terrorisé par la mort et en même temps on est totalement fasciné par elle. Quand je peins, j’essaie d’arracher ce que je vois à la destruction. «
Recueilli par Jean-Marie Dinh
Vincent Bioules Pic saint loup
L’exposition Paysages du Sud actuellement au Musée de Lodève
L’air, la mer qui se fond à la montagne, la pierre, la lumière… Vincent Bioulès est sans conteste un peintre phare de la Méditerranée. L’exposition Paysage du Sud en est un bon témoin. Elle présente des successions chronologiques de l’artiste montpelliérain sur plusieurs périodes. Une cinquantaine de peintures grand format et un ensemble de dessins et aquarelles des années 70 à aujourd’hui s’offrent au regard, en pacifiant l’aspect âpre et violent de l’environnement méditerranéen. Dans une majestueuse simplicité, ce parcours pictural invite à une immersion dans l’univers de l’artiste, qui puise depuis toujours son énergie aux racines de son environnement natal. Naguère conceptuel, le fondateur de Support surface s’est progressivement libéré de tous ses liens théoriques pour créer sa langue. Persistant à creuser le sillon de sa propre représentation du réel comme si il cherchait à redonner à la peinture la place qu’elle a perdu au cours d’un siècle de scandales et de provocations. Peinture figurative revendiquée par le peintre comme une continuité liée au sens profond de son œuvre.
De même, ce goût pour le paysage et le retour des perspectives ne relève pas d’un abandon de l’abstraction, il s’en nourrit. A Lodève, Vincent Bioulès envisage la peinture comme le témoignage d’une nostalgie. Aix en Provence, Aigues-Mortes, Marseille, Céret, Rome… les lieux familiers défilent pour aboutir à un langage en phase avec la nature. La quête de l’émotion que poursuit Vincent Bioulès a pris différents visages depuis plus de 50 ans. Et si elle est aujourd’hui complètement accessible aux néophytes, ce n’est pas par manque d’exigence mais grâce à celle-ci. Lorsque l’on prend de la distance, les toiles dévoilent toute leur puissance. Mais le travail des surfaces colorées très poussé et complexe produit son effet lorsque l’on se rapproche. Un examen attentif découvrira la dimension métaphysique où les personnages apparaissent comme des indices. On éprouve les toiles comme inexplicablement intéressantes. La place qu’occupe Vincent Bioulès dans la peinture semble évidente dans cette exposition généreuse en plaisir esthétique et spirituel.
JMDH
Paysage du Sud au Musée de Lodève jusqu’au 4 avril 2010 Rens : 04 67 88 86 10.