Miro : Des libres racines aux constellations

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Exposition.  Miro «Vers l’infiniment libre et l’infiniment grand » Le Musée Paul Valéry à Sète nous ouvre les portes de l’univers onirique de l’artiste. A découvrir jusqu’au 9 novembre.

 Miro au Musée Paul Valéry, s’avère une escale incontournable pour tous ceux qui rêvent de croissance ou trouvent notre vie corseté un peu terne. Ceux qui ont déjà fait la visite savent que le titre de cette exposition : Vers l’infiniment libre vers l’infiniment grand, s’avère particulièrement bien choisi.  « L’exposition met en évidence l’extrême liberté de l’artiste sur les plans de l’esthétique, de son regard sur les guerres qui, en Espagne et en Europe, ont traversé son époque, de la représentation de la femme, et son aspiration à introduire dans ses oeuvres une cosmologie personnelle spontanément liée à l’immensité des espaces célestes.» commente la directrice du Musée Maïté Vallès-Bled.

C’est au milieu des années vingt que Miro qui travaille à Paris, trouve un style personnel. Sous l’influence des surréalistes, il donne vie à un monde d’irréalité, univers oniriques peuplés d’étranges créatures tout en développant la poétique d’un langage pictural novateur et initiateur. L’artiste conservera son indépendance d’esprit à l’écart des surréalistes. Ce qui ne l’empêche pas  d’entretenir des liens amicaux avec Delnos, Eluard, ou Péret et  une relation cordiale avec Breton qui lui concède que sa production « atteste d’une liberté qui n’a pas été dépassée

Joan-mirc peinture de 1952. Photo : Blog en revenant de l'expo

Joan-mirc peinture de 1952.

Le parcours de l’exposition est construit avec un louable soucis , celui du respect de la démarche artistique. Il démontre en l’occurrence que ce que cherche Miro est plus important que ce qu’il trouve. Une manière de réaffirmer que l’art n’est pas une histoire de circulation d’objet d’art mais bien une aventure profonde.

Le visiteur suit ainsi la quête esthétique et intérieure de Miro. Face aux oeuvres on saisit rapidement que l’artiste a dépassé la recherche plastique, plus de perspectives, de profondeur et de claire obscure.Les dimensions réelles n’ont plus cours, l’artiste s’exprime dans un langage plastique qui lui appartient. Il suffit de se laisser prendre au jeu de la narration pour nous retrouver entraînés au coeur de la poésie et de la joie.

L’infini dans l’art

Nous nous trouvons face à des formes simples dépouillées et identifiables « Les formes s’engendrent en se transformant » disait l’artiste.  Les lignes sont pures et les boules presque rondes. Avec un sens des volumes fascinant, Miro créé un univers de signes et de symboles. L’artiste affirme autant son aptitude à produire des formes que sa capacité incroyable d’en sortir. On touche là à la dimension spirituelle de l’artiste.

« Si nous ne tâchons pas de découvrir l’essence religieuse, le sens magique des choses, nous ne ferons qu’ajouter de nouvelles sources d’abrutissement à celles qui sont offertes aujourd’hui aux peuples, sans compter », écrit-il dans Cahiers d’art en 1939.

Quand la forme sort de la forme,  elle devient un sens transmis à autrui, une énergie de naissance, une force.

Oiseau dans la nuit 1967

Oiseau dans la nuit 1967

Miro révolté

Miro sait que l’art n’est pas la vie et que celle-ci impose de franchir des obstacles. Son travail ouvre des voies à la beauté et à son contraire, la menace. Les positions politiques de l’artiste transparaissent silencieusement à travers des références aux tonalités sombres que l’on retrouve dans son oeuvre, face à la Guerre civile espagnole, ou encore mai 1968. Il s’est réfugié à Paris en 1936. C’est un homme courtois mais loin d’être insensible.

Un jour, que Franco faisait exécuter un révolutionnaire et Miro était en train de peindre en écoutant la radio, il raconte avoir baissé son pantalon pour déféquer sur sa toile et s’exclamer «quelle belle matière».

Sur un autre chemin, celui de la liberté apparaît une représentation de la relation homme/femme. « La femme n’échappe pas au rejet général de Miro pour la conventions qui régissent la représentation de la figure humaine. souligne Stéphane Tarroux. « Ce que j’appelle femme, ce n’est pas la créature femme, c’est un univers » précise l’artiste. Dans une belle scénographie, l’exposition présente une dizaine de toiles interdépendantes réalisées à plusieurs mois d’intervalle de la série femme et oiseau.

Quitter la terre

Vipère exaspérée devant l'oiseau rouge 1955

Vipère exaspérée devant l’oiseau rouge 1955

Le goût prononcé du peintre espagnol pour l’esthétique le convie à une interrogation de l’infiniment grand des constellation. Des années 1939-1941 au composition des années 70 l’artiste fait un triomphe au Comos et à l’admirable nature. « Cette échelle de l’évasion qui est souvent mise en valeur dans mon oeuvre représente une envolée vers l’infini, vers le ciel en quittant la terre.»

Cet axe également présenté au Musée Paul Valéry confirme son éloignement de toute représentation de la réalité visible. Aux antipodes du descriptif et de la matériologie Miro nous rappelle que l’art n’est jamais l’objet que l’on a devant les yeux. L’invisible est partout, son oeuvre est une porte d’entrée que l’on traverse pour aller vers d’autres espaces un passage vers l’expérience non visible.

Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise 25/08/2014

Photo : Blog en revenant de l’expo

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Crimes franquistes

D’après Torrente Ballester, Manuel Rivas est prédestiné à écrire le Don Quichotte galicien. Il lui réserve une destinée qu’Alvaro Cunqueiro, avec son œuvre complète, et lui-même, avec La Saga/fuga de J. B. (Prix de la ville de Barcelone et de la critique 1972), n’ont pas atteinte. Il faut se réjouir de voir Rivas dans la bonne direction. On a pu lire de lui, en français, Le Crayon du charpentier et La Langue des papillons (Gallimard, 2002 et 2004), où la langue galicienne réveillait une pensée ancrée dans la tradition celte, qui ne peut s’incarner dans une autre langue. Dans ces deux livres, Rivas abordait une thématique — la soumission des paysans devant l’Eglise, les notables, les caciques — qui devait l’amener à des sujets plus vastes.

L’Eclat dans l’abîme constitue comme une étape de ce parcours : plus de sept cents pages disposées en quatre-vingt-douze chapitres pour traiter des autodafés, l’un des aspects les plus néfastes des dictatures. Rivas évoque les bûchers allumés à La Corogne le 19 août 1936, quelques semaines après le coup d’Etat du général Francisco Franco et le début de la guerre civile espagnole. Ce jour-là, des centaines de livres provenant des bibliothèques publiques et privées de Galice ont été brûlés en public par des militants de la Phalange — le parti fasciste espagnol.

Ces punitions inquisitoriales ont beaucoup impressionné Rivas. Pour lui, les livres sont des êtres vivants, et dégagent « la même odeur que celle de la peau cramée ». Mais, les livres brûlant mal, des volutes se mettent à planer dans le vent. L’écrivain récupère les feuillets dispersés — une couverture, des illustrations, quelques photographies… — pour recomposer des récits où se mélangent époques, lieux et personnages, qui paraissent et succombent en cours de lecture. Il glane des phrases dans les résidus : « Tout le monde sert pour faire la guerre. Si ce n’est pour tuer, c’est pour mourir. » Et : « Les vieux enterrent les jeunes ; c’est ça, la guerre. »

Il ne s’agit pas d’un essai historique, bien qu’on devine un gros travail de recherche. Rivas nous conseille de lire son livre en spirale, de ne pas s’attendre à trop de cartésianisme. Il aurait pu profiter des abondants documents cueillis pour enrichir le profil de La Corogne, personnage principal du livre, mais il a préféré la forme roman : « Avec la fiction, on peut aller plus loin qu’avec la réalité. Elle nous permet d’entrer dans les sentiments, d’accéder à une information essentielle que l’histoire ne pourra atteindre », dit-il, avant de citer John Ford : « Ce que je fais n’est pas réel, mais c’est vrai. »

Il n’est pas aisé de suivre l’évolution de ce livre, d’appréhender un demi-siècle d’histoire envahie par des personnages et des exploits recomposés dans des pages à demi-brûlées. Mais, si L’Eclat dans l’abîme n’est pas facile à lire, il s’agit d’un roman qui ajoute quelques passages novateurs à la littérature. Il faut par ailleurs féliciter Serge Mestre d’avoir su garder en fond, dans la version française, le tissu de la syntaxe de Ramón del Valle-Inclán, de Ballester, de Cunqueiro… et de Miguel de Cervantès lui-même, qui l’hérita de son père, chirurgien galicien. Quant à la prophétie de Torrente, elle avance.

(Le Monde Diplomatique)

Manuel Rivas L’Eclat dans l’abîme Editions Gallimard, disponible en Folio

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