Parents et amis de militants pro-Morsi condamnés pour les violences de cet été, réunis devant le tribunal dans le sud de Minya. | AFP/-
Un tribunal égyptien a condamné à mort, lundi 24 mars, en première instance, 529 partisans du président islamiste Mohamed Morsi pour la mort d’un officier de police dans la province d’Al-Minya, en Moyenne-Egypte. Ces faits avaient eu lieu lors des événements sanglants qui ont entouré la dispersion en août 2013 des sit-in des Frères musulmans protestant contre la destitution par l’armée du président issu de la confrérie.
Selon l’agence de presse officielle MENA, les accusés étaient également poursuivis pour tentative de meurtre sur deux autres officiers de police, ainsi que pour l’incendie du poste de police de Matay, la saisie d’armes de police et pour trouble à l’ordre public. Dix-sept autres prévenus ont été acquittés, selon l’avocat Ahmed Al-Charif. Seuls 153 des condamnés sont détenus, les autres sont en fuite.
Mohammed Lotfy, fondateur de la Commission égyptienne pour les droits et libertés (ECRF), revient sur le verdict rendu dans le cadre de ce procès, le plus important depuis le début de la répression des pro-Morsi.
Quelle est votre réaction face à la condamnation à mort de 529 partisans des Frères musulmans prononcée par le tribunal d’Al-Minya ?
Ce verdict constitue un choc. Il traduit une culmination de la politisation du judiciaire en Egypte. On a vu beaucoup de procès motivés politiquement, que ce soit à l’encontre des Frères musulmans ou à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme ou des activistes politiques, dans lesquels il y a un biais apparent de la part du tribunal, qui semble motivé par la situation politique. Toute voix s’opposant au gouvernement actuel est sujette à la répression policière (arrestations, torture) ou à des procès inéquitables ne garantissant pas les procédures élémentaires.
Si les procédures étaient respectées, on ne verrait pas de juge donner la peine de mort à plus de 500 personnes. C’est un verdict ridicule au regard de la loi ou même de la logique. Comment 500 personnes peuvent-elles êtres responsables de la mort d’un seul homme ? Le juge a dû se voir autoriser à rendre un tel verdict, en se considérant partie prenante d’un conflit politique. Le verdict vise à envoyer un message politique
En parallèle, le judiciaire fait tout pour laver l’Etat de toute responsabilité quand il y a des violations graves des droits de l’homme contre des citoyens. Depuis la révolution de 2011, les verdicts rendus ont totalement occulté la responsabilité des forces de sécurité dans la mort de plusieurs milliers de personnes en Egypte. Aucun policier n’a été condamné. A chaque fois, les juges ont considéré qu’il n’était pas possible d’établir quel policier avait tiré sur tel manifestant. Dans les cas où un accusé a été nommément identifié, il n’y a eu aucune peine de mort ou de prison. En ce qui concerne les événements d’août 2013, un seul policier a été condamné à dix ans de prison et trois autres à un an avec sursis pour la mort de 37 prévenus lors de leur transport en fourgonnette de police, le 13 août. Des gaz lacrymogènes ont été lancés dans la fourgonnette alors que les prévenus, menottés, ne représentaient pas une menace.
Y-a-t-il eu des violations de la procédure judiciaire dans le cas du procès d’Al-Minya ?
C’est un procès expéditif qui est injustifié. Il n’y a eu que deux sessions [le procès s’est ouvert samedi 22 mars]. La défense n’a pas eu l’occasion de défendre les accusés comme il se doit et notamment de présenter des témoins. Pour comparaison, le procès contre l’ancien président égyptien Hosni Moubarak, jugé depuis août 2011 pour le meurtre de manifestants lors de la révolution de janvier-février 2011, n’est pas terminé.
Pour fonder son verdict, le juge aurait dû prouver que chacun des prévenus a participé au meurtre de l’officier de police. Or, comment faire la preuve en deux sessions de tribunal que chacun des accusés, du numéro 1 au numéro 529, a participé au meurtre ou tué la victime ? Il est difficile de dire s’il y a eu des pressions directes sur le juge. Il est difficile d’imaginer qu’on ait pu dicter un verdict aussi préjudiciable à la réputation de l’institution judiciaire et du gouvernement.
Quelles sont les recours dont disposent les accusés ?
Il y aura très certainement un appel devant la Cour de cassation, comme le prévoit la procédure criminelle en Egypte. On verra alors si la Cour de cassation juge que l’affaire mérite d’être rejugée pour vice de procédure. On espère que ce sera le cas mais, même dans cette éventualité, les accusés vont rester en prison jusqu’au verdict de la Cour de cassation et la tenue d’un nouveau procès, ce qui risque de prendre plusieurs années.
Avant cela, du fait qu’il prévoit la peine capitale, le verdict doit être soumis au mufti d’Al-Azhar [la plus haute institution religieuse d’Egypte] qui va donner au juge son opinion sur ce verdict. Mais ce n’est pas une opinion contraignante et la décision finale revient au juge. Pour exemple, la semaine dernière, dans une affaire relative à la planification d’une attaque terroriste contre le canal de Suez en 2009, le juge a confirmé la peine capitale contre un des 26 prévenus en dépit de l’avis contraire du mufti et sachant que la planification en soi d’une attaque terroriste n’est pas criminalisée par la loi égyptienne.
Après les cris de joie et les feux d’artifice, après les images de ces drapeaux égyptiens portés à bout de bras s’étalant à la Une de toute la presse, l’enthousiasme a cédé la place au doute. Partout, les mêmes questions fleurissent à présent dans les colonnes des journaux : L’Egypte a-t-elle été le théâtre d’un coup d’Etat ? Le vrai Printemps arabe est-il en train de commencer ? Quelle lueur d’espoir apporter au monde arabo-musulman, entre la sombre cruauté des dictatures et l’obscurantisme des partis religieux ?
Quelle que soit la suite des événements, écrit L’ORIENT LE JOUR, la crise égyptienne ne fait finalement que souligner, dit-il, une série de paradoxes. Lorsque pour les uns, l’armée n’a fait que servir le peuple et l’a aidé à accomplir une deuxième révolution, pour d’autres, elle vient de commettre un coup d’Etat contre le premier président égyptien élu. ». En clair, pour les «gagnants» du jour c’est une victoire de la démocratie et pour les «perdants» c’est une atteinte à la démocratie.
Imaginez simplement, que toutes les forces qui sont sorties dans la rue, lançant le début des manifestations qui ont précipité le renversement de Morsi, s’étaient rendues dans le même nombre dans les bureaux de vote, pour sanctionner les candidats des Frères musulmans à la députation ? Un tel Parlement, analyse THE FOREIGN POLICY cité par SLATE aurait permis de mettre sur pied, un véritable équilibre des pouvoirs au sein d’institutions démocratiquement élues et empêché le président de confisquer tous les pouvoirs électoraux. La démocratie aurait fonctionné. Sauf qu’une fois de plus, c’est la loi du plus fort qui règne en Egypte se désole son confrère néerlandais LOYAUTE (TROUW), un principe qui menace de réduire à néant la jeune démocratie égyptienne à tous les niveaux.
Car même si l’ex président était sans doute le mauvais homme, à la mauvaise place, au mauvais moment, résume THE FINANCIAL TIMES, pour autant, prévient LE TEMPS de Genève, la neutralisation du président islamiste ne règle rien, elle propulse seulement l’Egypte dans le brouillard. Ainsi, l’Egypte se trouverait à nouveau à un carrefour dangereux, renchérit THE IRISH TIMES, sans la garantie qu’une seconde révolution ne s’avère plus réussie que la première. Car même si le pire a été évité, reconnaît THE FOREIGN POLICY, l’Egypte court désormais le risque réel de se retrouver entraîné dans une spirale sans fin d’échecs gouvernementaux, d’interventions de l’armée et de soulèvements populaires. Et d’en conclure, l’opposition a certes prouvé sa capacité à mobiliser la rue sur les questions de fond, mais elle demeure aussi divisée sur le plan intérieur qu’auparavant et n’a pas le moindre programme politique cohérent. En clair, l’intervention de l’armée est en soi l’admission de l’échec de toute la classe politique égyptienne, à commencer par les Frères Musulmans, lesquels ont laissé passer une chance historique.
Mais ce coup d’Etat ne concerne pas seulement, l’Egypte, ce pays central du monde arabe, non ses effets se répercutent aujourd’hui dans une région en plein bouleversement, prévient encore LE TEMPS de Genève. Et particulièrement dans l’émirat du Qatar, aussi minuscule qu’immensément riche. Il y a deux ans, c’est sur Al-Jazira, la chaîne établie dans l’émirat, qu’une bonne partie du monde s’enthousiasmait devant le courage des révolutionnaires de la place Tahrir du Caire. Or ces derniers jours, sur la même chaîne, il n’y avait pratiquement pas d’images de cette foule, pourtant bien plus considérable encore, réunie pour réclamer le départ du président Morsi.
A l’inverse, autre indice de l’état d’esprit dans la région, la rivale d’Al-Jazira, Al-Arabiya, la chaîne arabe appartenant à des membres de la famille royale saoudienne, cette fois-ci, a suivi avec passion les événements qui ont conduit à la chute du président Morsi. Car le sort du premier chef de l’Etat issu de la mouvance des Frères musulmans était devenu une question pratiquement existentielle pour des pays du Golfe qui ont multiplié les commentaires négatifs sur la manière dont les autorités égyptiennes dirigeaient le pays.
Et l’article de préciser, à la lumière des derniers évènements en Egypte, on voit donc bien comment la guerre est désormais pratiquement déclarée entre le petit émirat et les vrais poids lourds du Golfe que sont l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. En l’occurrence, la démission de Morsi est un revers considérable pour le Qatar, l’émirat qui s’était profilé comme le parrain éclairé du monde arabe de demain, apportant un soutien d’autant plus appuyé aux mouvements révolutionnaires issus du Printemps arabe, que ceux-ci étaient proches de la mouvance des Frères musulmans.
Même analyse pour son confrère libanais L’ORIENT LE JOUR : En remplissant sa mission, l’armée égyptienne est en même temps en phase avec les derniers développements dans la région. D’abord en Turquie, où le parti d’Erdogan était en quelque sorte le chef de file des Frères musulmans dans leur image modérée. Brusquement, et à travers les protestations populaires, cette image a été ébranlée. Puis ce fut le tour de l’Égypte d’être le théâtre d’un changement spectaculaire qui n’était même pas envisageable il y a quelques mois encore.
Or le risque prévient le quotidien flamand DER STANDAARD, c’est qu’il peut s’avérer dangereux et contre-productif de chasser les Frères Musulmans de la politique ou de les priver de leurs victoires électorales, deux ans seulement après leur arrivée au pouvoir. Car il y a une forte probabilité que des éléments radicaux au sein des Frères musulmans mais plus encore que des groupes salafistes y voient la preuve qu’il ne sert à rien de respecter les règles démocratiques. Certains pourraient alors faire dissidence et recourir à la violence.
Le Figaro (Pierre Rousselin) La sanction de l’échec des islamistes.
« Mohammed Morsi s’est révélé encore plus incapable de gérer son pays que ne l’avait été Hosni Moubarak. À la différence de son prédécesseur, qui s’était maintenu à la tête de l’Égypte pendant trente longues années, le président islamiste, élu dans la plus stricte légitimité ilyaunan, aura très vite soulevé la vague de contestation qui est en passe de l’emporter. Les événements auxquels nous venons d’assister place Tahrir ressemblent beaucoup à ceux qui s’y sont déroulés en 2011 et qui avaient conduit à la chute du dictateur. Maintenant comme à l’époque, les contestataires sont le fer de lance du mouvement révolutionnaire. Mais, en coulisse, c’est toujours l’armée qui a le dernier mot. Face au soulèvement de la jeunesse urbaine, les généraux avaient, il y a deux ans, lâché le patriarche en bout de course et son clan d’affairistes. Ainsi ont-ils préservé leurs prébendes et leurs intérêts économiques et industriels considérables, qui font de l’institution militaire un État dans l’État égyptien…Une fois installé au pouvoir, avec 51,7% des voix, Morsi a présidé une parodie de démocratie. Sans rien régler des problèmes économiques, sans tenir compte des intérêts du pays, il a imposé la loi de son propre mouvement, le droit de vote n’étant pour ses partisans, qu’un moyen de faire régner la dictature du plus grand nombre. En un an, l’opposition s’est mieux organisée. L’armée, qui s’était accommodée de Morsi, l’a finalement lâché, à son tour. La partie est délicate : il faut éviter l’apparence d’un putsch qui compromettrait l’aide américaine, éviter aussi que les islamistes se présenter en victimes d’un coup d’État contre une démocratie qu’ils n’ont jamais su, ni voulu, faire fonctionner. »
Libération (Fabrice Rousselot)
« Le spectre d’un retour vers le passé. La peur d’une guerre civile et d’un coup d’Etatmilitaire dans la violence comme l’Egypte en a malheureusement déjà connu. En un an de pouvoir, Mohamed Morsi n’a pas su faire la preuve qu’un islam modéré peut évidemment s’inscrire dans un cadre démocratique. Il a, au contraire, suivi sa propre dérive autoritaire, focalisant toutes les frustrations autour de sa réforme controversée de la Constitution, qui porte clairement atteinte aux libertés publiques et aux libertés religieuses. Et ravive les pires inquiétudes. Dans un pays exsangue,Mohamed Morsi n’a pas su répondre non plus aux aspirations économiques d’une population lassée de voir, depuis des décennies, les richesses se concentrer entre les mains de l’élite politique. Aujourd’hui donc, l’armée a repris la main, avec tous les dangers que cela comporte. Les militaires, qui se sont engagés à organiser une nouvelle élection présidentielle, ont la responsabilité de prendre la voie du dialogue et non celle des armes, afin que pouvoir et opposition trouvent une porte de sortie. »
AFP archives/Fred Dufour
Ouest France (Laurent Marchand)
« C’était devenu depuis quelques jours la seule issue prévisible. Sous la pression de la rue. Sous le poids de ses échecs économiques et politiques. Mohamed Morsi, le premier président civil élu démocratiquement de l’Égypte moderne, a été renversé. L’armée est à la manoeuvre, par le biais du général al-Sissi, le chef des armées et ministre de la Défense. La foule scandait son nom sur la place Tahrir depuis dimanche. Devant le risque croissant de guerre civile, l’intervention de l’armée était souhaitée par une large part de l’opinion. Officiellement, les militaires n’entendent pas gouverner, autrement dit revenir à la situation qui prévalait sous Moubarak, mais guider une transition. Tenter de la remettre sur les rails où les Frères musulmans n’ont pas su la tenir. Rédiger une nouvelle constitution…Ce qui est encore totalement imprévisible, c’est l’impact que ce retour du pouvoir de l’armée aura sur toutes les composantes de l’islam politique…Au Caire, c’est l’armée qui écoute la rue à présent. Tout en conservant sa position ultradominante sur l’économie, la sécurité et la politique égyptienne. C’est la révolution qui est permanente, ou la contre-révolution ? »
Le Journal de la Haute Marne (Patrice Chabanet)
« Un coup d’Etat militaire n’est jamais l’expression d’un bon bilan de santé démocratique. Mais entre deux maux il faut choisir le moindre. C’est du moins l’objectif que s’est assigné l’armée égyptienne en suspendant la Constitution du pays et en destituant le président Morsi. Ce dernier, démocratiquement élu c’est vrai, n’a pas su fédérer les énergies d’un pays exsangue. Il n’a pas été capable non plus d’endiguer la montée de groupes plus radicaux que les Frères musulmans, comme en témoignent les agressions contre les chrétiens coptes. L’armée a promis de retourner dans les casernes après une période de transition. Encore faut-il que la classe politique parvienne à réduire ses divisions et à mieux délimiter les prérogatives de la religion. L’Egypte entre donc dans une période d’incertitude où les extrémistes, les salafistes en particulier, vont pousser leurs pions…C’est le président de la Cour constitutionnelle qui assurera l’intérim à la tête de l’Etat. Et ce sont des experts civils qui formeront le gouvernement provisoire. Reste à savoir ce que fera l’Egypte des campagnes, fortement imprégnée de la propagande islamiste. Jusqu’à présent, c’est l’Egypte des villes qui s’est fait entendre. Un univers sépare les deux. Les nouveaux maîtres du Caire sauront-ils les rapprocher ? Rien n’est moins sûr. »
L’Est Républicain (Alain Dusart)
« Comme la société égyptienne, la place Tahrir au Caire, ressemble à un kaléidoscope, inquiétant car en fusion. On y voit des jeunes branchés sur le XXIe siècle, des quadras las d’une dictature chassant l’autre, de troubles larrons en quête de mauvais coups, d’ex-miliciens et autres nervis nostalgiques en quête d’un régime autoritaire. Sur cette place bigarrée, théâtre de tous les espoirs, on y rêve d’un avenir meilleur, on y viole de jeunes femmes en fleur. Ici réside tout le paradoxe de l’Égypte, entre quête de modernité et de démocratie, et bestialité d’une génération de frustrés élevés au biberon des tabous et des interdits. L’ultimatum de la toute puissante armée a expiré hier. L’impopulaire président islamiste Mohamed Morsi a finalement été renversé. Mais les militaires le savent bien: s’ils mènent un coup d’État à leur seul profit, ils perdront le soutien américain. Dans ce tourbillon, les Frères musulmans ont beaucoup à perdre. Certes, ils ont une légitimité démocratique, mais elle a fondu. Les islamistes ont agrégé toutes les colères en un an. Si les généraux déposent Morsi, les Frères musulmans garderont une capacité de nuire. Leurs partisans endoctrinés pourront saboter cette révolution bis, avec le risque jamais loin d’une guerre civile. »
Les Dernières Nouvelles d’Alsace (Dominique Jung)
« Parvenue aux commandes de l’Egypte après des décennies de brimades, de répressions et d’incarcérations, la confrérie des Frères musulmans n’a pas su tenir le choc du pouvoir. Cet échec pèsera dans son histoire. C’est parce qu’il a multiplié les promesses sans les appuyer sur une méthode solide que Mohamed Morsi a perdu sa présidence. Son bilan est calamiteux. Élu démocratiquement, il a présidé arbitrairement. Son erreur a été de penser que parce qu’il avait gagné un scrutin, il pouvait ignorer les attentes de la société civile. Or gouverner un pays, c’est comprendre qu’on devient le président de tous les citoyens, et pas juste de la frange qui vous a hissé au pouvoir. Morsi s’est comporté en otage d’un parti plus qu’en chef d’État, il a piétiné le pouvoir législatif, cela lui a été fatal. Pour autant, le déploiement de blindés constaté hier relève du coup d’État militaire. Morsi restera comme le premier civil égyptien porté à la présidence de la République après une succession de soldats, de Nasser à Moubarak. Il était aussi le premier Égyptien élu à travers une élection au suffrage universel direct. Son mandat avait tout juste un an. Quelle que soit la pression de la rue, aucun pays d’Europe n’admettrait que l’on pose un cercle de barbelés autour du chef de l’État pour l’assigner à résidence. Le respect des procédures et des calendriers est aussi une façon de mesurer le niveau démocratique d’un pays. L’armée est maintenant face à ses responsabilités. »
La République des Pyrénées (Jean-Marcel Bouguereau)
« C’est un paradoxe comme l’histoire les aime : en Egypte un mouvement démocratique qui a vu ces derniers jours des foules immenses descendre dans la rue en a appelé aux forces armées pour évincer un président démocratiquement élu, au nom de la défense de la révolution qui s’était faite contre l’armée ! C’est cette même armée, à l’origine de plusieurs décennies de régimes autoritaires, qui vient de mettre fin à une présidence jugée trop autoritaire ! Car c’est un coup d’état très en douceur qui a eu lieu hier en Egypte, même si les partisans du Président Morsi ont évidemment dénoncé une +rébellion militaire+ qu’ils sont prêts à combattre en versant leur sang. De quoi préparer un futur très incertain à une Egypte qui souffre économiquement, dont les institutions sont faibles et où aucun leader crédible n’émerge. Dans ce pays où l’armée a conservé un énorme crédit, on trouvait ces derniers jours des pancartes portant l’inscription +l’armée et le peuple, une seule main+, cette transition a été mûrement préparée. L’armée a multiplié les ultimatums. Mais en vain, Morsi ne se décidant à aucune concession. Jusqu’à celui intimant au président de +satisfaire les revendications du peuple+. Morsi a tenté, mais trop tard, une ultime ouverture en proposant la formation d’un gouvernement de consensus. Car ce dont les Frères Musulmans ne se sont pas rendus compte, c’est l’énorme coupure entre eux et le peuple qui voyait de plus en plus dans le régime des Frères la restauration d’un régime autoritaire. »
La Nouvelle République du Centre Ouest (Bruno Bécard)
« La charia ne saurait constituer un programme de gouvernement capable de sortir un pays de sa misère sociale et économique. Des dizaines de millions d’Égyptiens ont fait cette douloureuse expérience depuis un an. Et l’armée, forte d’un million d’hommes et dotée d’un matériel moderne imperméable à la crise, a tenu parole hier : fin de l’ultimatum pour obtenir le départ du président Morsi, prise de contrôle de la télévision, les Frères musulmans vissés dans leurs quartiers et les blindés de sortie pour faire bonne mesure. Cet épisode s’appelle un coup d’État militaire. Et maintenant, l’aventure commence ou plutôt continue. L’armée, en appui aux millions d’opposants à Mohamed Morsi, a-t-elle simplement voulu éviter une guerre civile ? Déjà 47 morts depuis trois jours. Son chef Abdel Fattah al-Sissi n’a tenu aucun compte de la proposition présidentielle, celle d’un gouvernement de coalition. Le président élu démocratiquement voici un an est blackboulé par la feuille de route du militaire. L’armée, échaudée par l’année de transition qu’elle a assumée entre 2011 et 2012, annonce déjà des élections anticipées et des avancées démocratiques. Mais montre aussi ses muscles pour que l’ordre règne. +Légitimité+ crie chacun des deux camps opposés. Mais aujourd’hui la place Tahrir manifeste plus de légitimité populaire que finalement celle hier du scrutin présidentiel. Espérons que ne surviendra pas demain l’heure des martyrs de tous bords ».
A l’étranger
L’avertissement égyptien qui fait le tour du Web américain
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les États-Unis ont laissé de mauvais souvenirs dans cette région du monde. Face à coup d’Etat « en douceur », le président Obama avait mercredi du mal à se positionner, hésitant entre le soutien au peuple égyptien et l’inquiétude de voir l’armée prendre le pouvoir et destituer un président élu malgré tout démocratiquement..
En fin de soirée mercredi, les Etats-Unis ont d’ailleurs ordonné l’évacuation de leur ambassade au Caire en Egypte quelques heures après le renversement du président Morsi par l’armée, a indiqué un responsable américain sous couvert d’anonymat. Il y a quelques jours, le département d’Etat avait autorisé le personnel diplomatique non essentiel à quitter le pays. Côté officiel, le président Obama ne s’était toujours pas exprimé mercredi à minuit.
Mais les Egyptiens, eux, n’ont pas manqué de faire passer leur message.Une banderole a été déployée écrite en anglais et en arabe. En quelques heures elle est devenue l’un des sujets les plus discutés sur le réseau social Reddit, très utilisé outre-Atlantique:
De la part du peuple égyptien Aux politiciens américains: sortez vos sales pattes de l’Egypte A l’ensemble du peuple américain: la seule chose que nous ayons pour vous, c’est de l’amour
Un message qui a beaucoup fait parler sur le réseau social. Certains déplorant l’anti-américanisme du scandale, mais la majorité se réjouissant que le peuple égyptien soit capable de faire la part des choses entre le gouvernement américain d’une part, et les Américains d’autre part.
Il faut dire que l’affaire Prism, révélée par Edward Snowden, est en train de créer une rupture entre les Américains et leurs représentants, coupables de les avoir mis sur écoute en toute discrétion.
Source : Le HuffPost 04/07/13
L’armée, colonne vertébrale de la nation égyptienne
Des soldats egyptiens prennent position. 3/07/13 Reuters /Amr Abdallah
Décidément, Nasser n’est pas mort. Soixante et un ans presque jour pour jour après la révolution de juilet 1952, lorsque les « officiers libres » ont mis fin au règne du roi Farouk, un militaire – le chef d’état-major Abdel Fattah Al-Sissi – écarte le premier président démocratiquement élu de l’histoire de l’Egypte – Mohamed Morsi – sous les applaudissements d’une majorité de la population.
De 1952 à 2013, l’armée égyptienne est restée la colonne vertébrale de la nation égyptienne. Peu importe la paix signée avec Israël dans les années 1970, peu importe l’enrichissement des hauts gradés dans les années 1980-1990 et 2000 ou la répression menée après la révolution de février 2011, une fois Hosni Moubarak tombé et durant la transition sous l’égide du maréchal Tantaoui, à la tête du SCAF, l’acronyme du Conseil suprême des forces armées.
Peu importent les tests de virginité pratiqués de force sur les manifestantes, les 12 000 procès militaires, la complaisance révélée tardivement lors de la mémorable bataille des chameaux place Tahrir, l’armée reste, dans l’imaginaire de la majorité des Egyptiens, la « fille du peuple » et le seul vecteur du changement politique. Le chemin vers la démocratie est encore long en Egypte…
Christophe Ayad
Source : Le Monde 3 juillet 2013
L’aide US à l’Egypte va être réexaminée
L’aide annuelle d’un montant d’un milliard et demi de dollars que les Etats-Unis allouent à l’Egypte va être réexaminée en tenant compte de l’éviction du président Mohamed Morsi, a indiqué mercredi le sénateur Patrick Leahy qui préside la sous-commission chargée du contrôle de l’aide américaine à l’étranger.
« Les chefs militaires égyptiens affirment ne pas avoir l’intention, ni le désir de gouverner, et j’espère qu’ils tiendront leurs promesses », a commenté Leahy dans un communiqué.
« En attendant, notre droit est clair: l’aide américaine est suspendue lorsqu’un gouvernement démocratiquement élu est déposé par un coup d’Etat ou un décret militaire », a-t-il rappelé.
Des étoiles plein la tête
L’orient du Jour ( Christian Merville)
Mardi soir, les téléspectateurs avaient eu droit, quarante-cinq minutes durant, au spectacle pathétique d’un homme seul, lâché par ses alliés salafistes et par l’armée, désavoué par une importante fraction de son peuple et, le dos au mur, agrippé à une légitimité désormais vidée de toute substance. Une semaine durant, l’Égypte a donné l’impression de vivre un remake des heures de janvier-février 2011 qui avaient débouché sur l’éviction de Hosni Moubarak : le même rejet au niveau de la rue, le même refus obstiné de voir l’évidence, peut-être aussi les mêmes baltaguiyah stérilement acharnés à contre-manifester et au bout du compte la même institution/arbitre, même si son chef – ironie du sort – doit sa promotion à ce président qu’il s’est employé avec succès à renvoyer à ses équerres d’ingénieur. Exit donc l’homme qui avait endossé l’espace d’une courte année un habit trop grand pour lui.
Peut-être pas, après tout, un remake fidèle car, tout comme l’histoire ne repasse jamais les mêmes plats, cette fois les cartes étaient différentes et différente la conjoncture. L’ancien raïs avait mis 30 ans à dilapider le capital qui lui était offert sur le plateau de la présidence. Mohammad Morsi, lui, sera parvenu à se constituer un impressionnant passif fait de décisions improvisées, de faux pas, de mesures impopulaires et d’un blitzkrieg administratif mené tambour battant pour prendre le contrôle de l’appareil étatique. Les messages se multipliaient pourtant, venant de la rue qui lui a rappelé à plus d’une reprise son rejet de toute forme de dictature remplaçant celle de son prédécesseur. Sans résultat, à preuve les dernières nominations de gouverneurs (11 Ikhwane pour un total de 17, dont un responsable venu des rangs de la Gamaa islamiya mais lâché par celle-ci, une trahison qui a achevé de dissiper le peu de crédibilité qui restait au titulaire de la fonction suprême, devenue si dérisoire.
Par le biais du Parti de la construction et du développement, sa branche politique, la Gamaa est entrée sur le tard dans la danse du scalp : son porte-parole, Tarek el-Zommor, a fini par se prononcer pour une élection présidentielle anticipée, précédée toutefois d’un référendum sur son opportunité. Il était clair que les extrémistes islamiques n’avaient pas été saisis d’un soudain prurit démocratique, motivés plutôt par la conviction que les Frères musulmans, devenus décidément infréquentables, pourraient fort bien, lors d’inévitables législatives à venir, leur céder la place, bien sûr en toute fraternité. L’absence d’un ciment unificateur est tout aussi évident dans les rangs de Tamarrod, assemblage hétéroclite de laïcs, de déçus par l’expérience religieuse, d’activistes du mouvement Kefaya et du Front du salut national, d’opportunistes aussi comme il y en a dans tous les courants dits révolutionnaires. Le chef de l’État sortant (ou plutôt sorti) a tenté de jouer sur cette disparité pour proposer à maintes reprises un dialogue, sachant pertinemment que la coalition ne pouvait lui opposer qu’un néo-« front du refus » sans réelle consistance.
Finalement, le camp du « non » a revêtu l’armure du chevalier jusqu’au-boutiste, le régime s’est barricadé dans sa détermination à exciper du verdict des urnes et l’armée s’est posée en gardienne du temple. La conséquence ? Désastreuse à long terme pour tout le monde, puisque aucun des acteurs du psychodrame n’est en mesure de reprendre à son compte le flambeau. Fort heureusement, le ton, très digne, du communiqué de l’armée a permis d’éviter ce qui tournait à la pantalonnade. On a entendu, par exemple, Morsi adopter des accents dignes de Danton pour clamer haut et fort qu’il préférait la mort violente à une condamnation par l’histoire. Salvador Allende, réveille-toi…
Et puisque l’on donne dans la grandiloquence, que faut-il penser du serment prêté par les chefs de l’armée, le général Abdel Fattah Sissi en tête : « Nous jurons devant Dieu que nous sacrifierons notre sang pour l’Égypte et son peuple contre tous les groupes terroristes, extrémistes et ignorants » ? Vaste programme aurait dit le général de Gaulle. Il importe de rappeler pour l’occasion que pas plus que le jugement des urnes, les sacrifices ne sauraient tenir lieu de programme d’action. D’ailleurs, ils ont dû déchanter ceux qui, au soir de dimanche dernier, avaient cru déceler un acte de candidature dans le lâcher de drapeaux au-dessus de la foule agglutinée place Tahrir par des hélicoptères. Non, décidément, l’armée n’a pas des envies de revenez-y. Chiche !
La recette pour une démocratie réussie est fort simple : prendre des démocrates ; adopter une ligne de conduite (et non pas une « feuille de route ») ; donner, mais pas trop, du temps au temps avant de servir, tiède de préférence. Et surtout éviter d’agiter. Scénario à la Nasser : samedi 26 juillet 1952, le roi Farouk, qui vient de signer son acte d’abdication, quitte le palais de Ras el-Tine pour le yacht Mahroussa à bord duquel il doit s’embarquer. Au pied de la passerelle, le général Naguib fait le salut militaire pendant que la fanfare exécute l’hymne national et qu’une salve de 21 coups de canon est tirée. C’est qu’ils savaient, quand il le fallait, y mettre les formes, les hommes en uniforme. Et demain ? On verra bien…
Christian Merville
Source L’Orient du Jour 04/07/13
Silence prudent d’Israël après la chute du président égyptien
AFP | 04/07/2013
Le gouvernement israélien gardait un silence prudent jeudi après la mise à l’écart par l’armée égyptienne du président islamiste Mohamed Morsi.
Selon les médias, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a donné la consigne à ses ministres de ne pas faire le moindre commentaire officiel pour le moment sur la crise en Egypte, pays avec lequel Israël signé un traité de paix en 1979.
« Le gouvernement suit de très près la situation en Egypte mais ne fait pas de prévisions car les choses sont en train d’être décidées », a déclaré à l’AFP un responsable israélien sous couvert de l’anonymat.
« Il est important que le peuple égyptien puisse accéder à un niveau de liberté et d’auto-gestion (…) mais la situation actuelle envoie des ondes de choc dans tout le monde arabe d’où une certaine inquiétude en Israël », a-t-il ajouté.
« Israël fait attention d’éviter même l’apparence d’une interférence avec les événements en Egypte », soulignait le spécialiste militaire du quotidien Haaretz Amos Harel.
Israël et l’Egypte entretenaient des liens réguliers sous la présidence de l’ancien président Hosni Moubarak, chassé du pouvoir par une révolte populaire en février 2011, notamment dans le domaine sécuritaire.
Alors que certains prédisaient une remise en question du traité de paix avec la chute du régime Moubarak, des sources militaires, citées par les médias israéliens, ont affirmé que le bon fonctionnement de la coopération sécuritaire avait continué sous la présidence Morsi.
Selon ces sources, la proximité du mouvement islamiste palestinien Hamas, au pouvoir à Gaza, avec les Frères musulmans avait notamment permis à M. Morsi de lutter plus efficacement que ne l’avait fait son prédécesseur contre les islamistes radicaux dans la péninsule du Sinaï et contre les tunnels de contrebande entre Israël et la bande de Gaza.
Les commentateurs relevaient que les principales inquiétudes israéliennes portent sur les risques d’instabilité accrue dans le Sinaï.
« L’incertitude sur l’avenir de l’Egypte est très important et il est plus difficile pour l’Egypte, occupé par des problèmes intérieurs, de s’occuper des problèmes sécuritaires, et notamment des groupes terroristes dans le Sinaï », a déclaré un responsable israélien non identifié, cité par la radio militaire.
La sécurité dans le Sinaï s’est fortement dégradée et la péninsule a connu une recrudescence d’activités de la part des mouvement islamistes radicaux, jihadistes et salafistes.
Égypte : l’Allemagne parle d’un « échec majeur pour la démocratie »
Le ministre des Affaires étrangères voit dans ce renversement un « réel danger que le processus de transition démocratique soit sérieusement altéré ».
Le renversement du président islamiste égyptien Mohamed Morsi par l’armée égyptienne mercredi constitue un « échec majeur pour la démocratie », a déclaré jeudi le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle. « Il est urgent que l’Égypte retourne aussi vite que possible à un ordre constitutionnel (…), il y a un réel danger que le processus de transition démocratique en Égypte soit sérieusement altéré », a-t-il dit, alors que le président du Conseil constitutionnel égyptien, Adly Mansour, a prêté serment dans la matinée comme président du Conseil par intérim.
« Nous appelons toutes les parties à renoncer à la violence. Nous allons suivre de très près les évolutions en Égypte. Et nous allons prendre nos décisions politiques en tirant nos conclusions », a ajouté M. Westerwelle, qui a rencontré dans la matinée le Premier ministre grec pour le soutenir dans sa politique de réformes. « Les arrestations politiques et une vague de répression doivent être évitées à tout prix. Tout doit être mis en oeuvre pour retourner sur le chemin de l’ordre démocratique » a ajouté le ministre. À Londres, le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a indiqué de son côté jeudi matin que le Royaume-Uni allait « travailler » avec le nouveau pouvoir en place en Égypte, tout en réaffirmant que Londres ne soutenait pas « les interventions militaires ».
AFP 14/07/13
Assad: la crise en Egypte incarne « la chute » de « l’islam politique »
« Quiconque utilise la religion dans un but politique ou pour favoriser certains par rapport à d’autres, est condamné à l’échec »
Le président syrien Bachar al-Assad a assuré que les manifestations monstres contre son homologue égyptien déchu Mohamed Morsi marquent la fin de l’islam politique, selon des extraits d’une interview à un journal syrien à paraître jeudi
« Ce qui se passe en Egypte est la chute de ce que l’on connaît comme étant l’islam politique », a déclaré le chef de l’Etat syrien au journal officiel As-Saoura.
« Où que ce soit dans le monde, quiconque utilise la religion dans un but politique ou pour favoriser certains par rapport à d’autres, est condamné à l’échec », a ajouté M. Assad, dont les extraits ont été diffusés sur sa page Facebook.
L’armée égyptienne a annoncé dans un message télévisé mercredi soir avoir écarté M. Morsi, suspendu la Constitution et annoncé la tenue d’une élection présidentielle anticipée en Egypte.
Les propos de Bachar al-Assad ont été publiés quelques heures après une déclaration de son ministre de l’Information, Omrane al-Zohbi, dans laquelle il avait assuré que le départ de Mohamed Morsi était nécessaire à la résolution de la crise égyptienne.
L’animosité entre le régime de Damas et les Frères musulmans dure depuis de longues années et l’appartenance à la confrérie est condamnée de la peine de mort en Syrie depuis les années 1980.
La branche syrienne des Frères musulmans joue aujourd’hui un rôle crucial dans le coalition nationale de l’opposition syrienne en exil, qui est reconnue comme représentante légitime du peuple syrien par plus d’une centaine d’Etats et organisations.
L’Egypte est un pays sunnite, de même que la plupart des rebelles syriens hostiles au régime de Bachar al-Assad tenue par la communauté alaouite, une branche de l’islam chiite, dont est issue le président syrien.
Mohamed Morsi de son côté a, comme de nombreux dirigeant arabes, appelé Bachar al-Assad à démissionner.
Depuis le début en mars 2011 du conflit en Syrie, qui a débuté par un soulèvement populaire pacifique et s’est militarisé face à la répression menée par le régime, plus de 100.000 personnes ont péri selon une ONG syrienne.
AFP 04/07/13
Neutralité chinoise
L’agence de presse officielle chinoise Xinhua se contente d’un communiqué annonçant l’entrée en fonction d’Adli Mansour, le nouveau président égyptien par intérim.
Le juge égyptien Adli Mansour a prêté serment jeudi en tant que président par intérim de l’Egypte après l’évincement de Mohamed Morsi. Il avait prêté serment plus tôt dans la journée en tant que chef de la Cour constitutionnelle suprême (CCS).
« Je prête serment devant Dieu tout-puissant de protéger sincèrement l’ordre républicain et de respecter pleinement la Constitution et l’état de droit, de prendre soin des intérêts du peuple, de préserver l’indépendance du pays et la sécurité de ses territoires », a proclamé M. Adli lors de la cérémonie.
Il a également promis de diriger « un pays moderne, constitutionnel, national et civil ».
Au moins 11 personnes ont été tuées et plus de 500 autres blessées mercredi soir dans des affrontements entre partisans et opposants du président évincé Mohamed Morsi.
Le Conseil national syrien (CNS) est une autorité politique de transition créée à l’occasion de cette révolte syrienne de 2011. Il a été créé à la fin du mois d’août et lancé les 1er et 2 octobre 2011 à Istanbul, en Turquie1, pour coordonner tous les opposants à mener des opérations contre le régime de Bachar el-Assad, aussi bien en Syrie que dans des pays tiers2.
Un Conseil national de Syrie (arabe : ?????? ?????? ??????) avait été initialement formé en 2005 pour protester contre le régime Assad.
Ce conseil regroupe plusieurs membres d’opposants comme les Frères musulmans, des libéraux mais aussi des partis kurdes et assyriens3. Il est composé de 190 membres et son président est Burhan Ghalioun4.
Le 9octobre2011, le ministre des affaires étrangères syrien Walid al-Mouallem annonce que le régime prendra des mesures contre les pays qui reconnaîtront le CNS5. Un jour plus tard, le Conseil national de transition libyen est la première autorité à reconnaître officiellement le CNS comme unique représentant du peuple syrien6. La France lui apporte son soutien le 10 octobre7.
Le 6décembre2011, le chef du HezbollahHassan Nasrallah accuse le CNS de vouloir détruire la Syrie et déclare « Le soi-disant Conseil national syrien, formé à Istanbul, et son leader Burhan Ghalioun (…) se font concurrence pour présenter leurs lettres de créance aux États-Unis et à Israël ». Ces déclarations font suite aux dires de Burhan Ghalioun qui estimait que si la Syrie était dirigée par le CNS, les liens militaires avec l’Iran, le Hezbollah et le Hamas seraient coupés9.
Le vice-président égyptien est un homme de l’ombre, plus connu des diplomates occidentaux que du grand public égyptien. Depuis une décennie, Omar Souleiman, qui dirige les moukhabarat, les très redoutés services de renseignements, était cité comme l’un des possibles successeurs du raïs. Il est désormais officiellement son dauphin et un recours en cas de vacance du pouvoir. En ces temps agités, Hosni Moubarak a fini par se résoudre à nommer un homme qui incarne la stabilité et la continuité du régime.
Depuis son arrivée au pouvoir, il y a vingt-neuf ans, Moubarak se refusait à pourvoir le poste de vice-président. Il était bien placé pour savoir qu’un vice-président a toutes les chances de succéder à son numéro 1, lui-même ayant repris les rênes après l’assassinat d’Anouar el-Sadate, par un commando de soldats islamistes, le 6 octobre 1981. El-Sadate lui-même avait remplacé au pied levé Gamal Abdel Nasser mort d’une crise cardiaque à l’automne 1970…
Fidèle. Mais Omar Souleiman n’a pas la fibre d’un putschiste. Fidèle d’entre les fidèles de Moubarak, il l’a sauvé à plusieurs reprises contre des tentatives d’attentats. Notamment en lui conseillant d’emmener sa propre voiture blindée au sommet de l’Organisation de l’unité africain (OUA), en juin 1995 à Addis-Abeba, où un commando d’islamistes égyptiens venu du Soudan avait mitraillé le cortège présidentiel, tuant un garde du corps mais ratant le raïs et son bras droit.
Omar Souleiman sait parfaitement dans quel état est l’Egypte, même s’il n’a jamais participé à la gestion du pays. «Au jour le jour, l’Egypte est gouvernée par un « cabinet noir » de cinq ou six conseillers, qui travaillent au palais présidentiel», assure un diplomate occidental. Omar Souleiman, lui, a surtout traité de deux dossiers : la répression de l’islamisme, depuis son arrivée à la tête des services de renseignements en 1991, et les dossiers régionaux, en particulier le conflit israélo-palestinien cette dernière décennie. Sur la lutte contre l’islamisme armé, il s’est montré implacable dans les répressions des Gamaat al-islamiya et du mouvement Al-Jihad, qui ont causé un millier de morts durant les années 90. Il est aussi bien connu et apprécié des services occidentaux, en particulier de la CIA américaine qui n’a pas hésité, depuis le 11 septembre 2001, à faire transférer illégalement plusieurs islamistes égyptiens au Caire afin qu’ils soient débriefés par les moukhabarat, connus pour ne pas prendre de gants durant les interrogatoires.
«En fait, Omar Souleiman est un ministre bis des Affaires étrangères», assure le diplomate. Il assiste à tous les entretiens importants, est chargé des missions les plus délicates et secrètes.
Depuis le début de la deuxième Intifada, il est plus particulièrement en charge du dossier israélo-palestinien. Il a négocié une bonne dizaine de trêves, plus ou moins éphémères, entre Israéliens et Palestiniens. A partir de 2005, il gère le dossier du Hamas, dont la montée en puissance inquiète autant Israël que l’Egypte. Les islamistes du Hamas sont en effet très liés aux Frères musulmans égyptiens que Souleiman combat et déteste. Malgré le soutien égyptien aux forces de sécurité de l’Autorité palestinienne, le Hamas s’empare du pouvoir dans la bande de Gaza en juin 2007, au grand dam de l’Egypte, qui doit désormais faire avec un régime islamiste à sa frontière orientale. L’Egypte participe au blocus de la bande de Gaza en contrôlant le point de passage de Rafah, mais lorsque l’armée israélienne lance l’opération Plomb durci, en janvier 2009, Omar Souleiman s’active pour obtenir un cessez-le-feu. Il travaille aussi à réconcilier Hamas et Fatah, sans succès. Sa nomination a été très appréciée à Washington, en Israël et dans les chancelleries occidentales qui le connaissent bien, ce qui n’est pas forcément bon auprès de l’opinion égyptienne.
Trop tard. Agé aujourd’hui de 74 ans, Omar Souleiman, sort de l’ombre peut-être trop tard pour incarner une véritable rupture. L’homme, originaire d’une famille aisée de Qena, en Haute-Egypte, est apprécié pour sa compétence et son peu de goût pour le luxe. Aucune affaire de corruption ne lui colle aux basques. Mais il est trop associé au règne de Moubarak et ne fait pas forcément l’unanimité dans l’armée, qui aurait probablement préféré le ministre sortant de la Défense, le maréchal Tantaoui, l’un des derniers héros de la guerre d’octobre 1973.