« Enfant » : Charmatz ouvre le Festival d’Avignon avec brio

Enfant. Photo Gérard Julien

Cour d’honneur 22h. Le Palais des Papes est comble pour l’ouverture du festival. C’est l’heure H, un moment symbolique fort. Un artiste prend le micro. Il dénonce les coupes dans les budgets culturels, liées à la politique libérale. Evoque l’échéance 2012 et demande au monde politique un débat de fond. « Il y a urgence, dit-il, nous voulons un engagement clair en faveur de la démocratisation culturelle, cela passe par le développement de l’esprit critique et l’émancipation citoyenne. Nous voulons une Europe libre et sociale. En France, une nouvelle étape pour la décentralisation culturelle s’impose. Il  faut maintenir le régime chômage des professions artistiques… »

Grande ovation dans le public. Frédéric Mitterrand, qui ne pouvait manquer ce rendez-vous, affiche le sourire entendu de sa fonction. Mais le public se lève, bat des pieds et maintient les applaudissements durant une bonne minute, le sourire du ministre se fige puis s’efface.

Noir. Sur le plateau, une grue bobine le long câble qui redessine l’immense volume scénique de la cour. Des plaques en taule tombent avec fracas à proximité de trois corps inertes. Le fil d’acier entraîne l’un d’eux, puis un second. Il les soulève, les fait tourner, les pose l’un sur l’autre. Les masses inanimées semblent exécuter un duo au royaume d’Hadès. Comme dans le préambule, on ne sait pas qui contrôle le mouvement mais des choses importantes s’expriment. Le raccord est parfait.

Langage des corps

Artiste associé du festival, Boris Charmatz s’attache à l’histoire qui n’a pas d’historien, celle de l’enfance. Dans la seconde partie de sa création, l’impact de la machine sur l’homme se transmet de l’adulte à l’enfant. Désormais sur leurs pieds, les danseurs activent les petites silhouettes passives de leurs descendants. On est saisi par le réalisme du langage des corps qui décrit l’enfant comme nouvel objet d’un système cannibale. Dixit le processus de transmission des valeurs et des savoirs, dans un monde où rites d’initiation, structure familiale et lien social sont en voie de disparition.

Au fil de la pièce, l’angoisse et la souffrance des aînés s’équilibrent progressivement dans l’intention des gestes. La volonté protectrice apparaît bien illusoire, mais il est perceptible que la violence provient de l’extérieur. Les corps se touchent, s’enchevêtrent, se protègent sans ambiguïté. Comme si l’artiste voulait nous rappeler que le contact physique est toujours normal!

On bifurque franchement dans la dernière partie, avec une cornemuse qui monte dans les tours et sonne l’émancipation retrouvée. Le soutien d’un chœur de corneilles aidant, on passe du vol bien rangé des grues à la vibrante folie des martinets. On ne touche plus le sol. Les tableaux d’enfants affranchis sont d’une virtuosité  jubilatoire. Il y avait Enfance de Sarraute, il y aura Enfant de Charmatz.

Jean-Marie Dinh

Festival D’Avignon: Cours d’honneur jusqu’au 12 juillet.

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Enfance: des progrès, mais encore des problèmes graves (pdt Unicef France)

Les droits de l’enfant ont connu « des progrès » en France depuis cinq ans, mais de nombreux problèmes subsistent, notamment « un vrai malaise des adolescents » lié à la faiblesse du système de médecine scolaire, a estimé jeudi Jacques Hintzy, président de l’Unicef pour la France.

A la veille du 20ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, le président pour la France du Fonds des Nations unies pour l’Enfance a déclaré sur France Info que « depuis cinq ans, des progrès ont été faits en France ». Il a évoqué des progrès « sur l’âge légal du mariage des filles -ce qui permet d’éviter des mariages précoces-, sur la possibilité pour l’enfant d’être entendu en justice avec la loi de 2005, sur l’accueil élargi des enfants handicapés à l’école depuis 2005 et désormais sur l’application directe de la convention des droits des enfants par les tribunaux ». Mais, a-t-il souligné, la maltraitance constitue « vraiment un problème grave » en Europe: dans l’ensemble des pays européens, environ un enfant sur vingt-cinq est victime de maltraitances physiques et un sur dix de maltraitances psychiques.

En France, « il y a aussi d’autres problèmes qui nous interpellent », a expliqué M. Hintzy, mentionnant 150.000 enfants sortant du système solaire en échec ou 40.000 enfants quasiment livrés à eux-mêmes, dont pratiquement 4.000 à 5.000 mineurs étrangers isolés.
Il a pointé « un vrai malaise des adolescents dû à une faiblesse du système de médecine et de médecine scolaire: il y a par exemple simplement un médecin pour 8.000 à 12.000 enfants au niveau scolaire ». Le président de l’Unicef pour la France a également fait état d' »une chute de 10% depuis 1999 de la possibilité pour certains enfants de partir en vacances, preuve de précarité » et jugé « inadmissible » qu’un à deux millions d’enfants vivent dans la pauvreté.

Avant l’été, le comité des droits des Nations unies a jugé nécessaire pour la France « une vraie politique globale de l’enfance et un plan d’action, plus de coordination, d’homogénéité territoriale », a rappelé M. Hintzy. Dans ce contexte, la disparition du Défenseur des enfants « nous inquiète parce que ce poste était véritablement le gardien de l’application des droits de l’enfant » et que « pratiquement 80% des Français le jugent utile », a-t-il dit.

AFP*

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La pauvreté en France en quelques chiffres

Voici quelques indicateurs rendant compte de la pauvreté en France.

En 2007, un peu plus de huit millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté (revenu mensuel inférieur à 60% du revenu médian, à savoir 910 euros en 2007, selon l’Insee), contre un peu plus de 7,8 millions en 2006, c’est à dire 13,4% de la population, contre 13,1% en 2006.

Le gouvernement invoque aussi, pour apprécier si l’engagement de Nicolas Sarkozy de réduire la pauvreté d’un tiers d’ici à 2012 sera tenu, un autre indicateur. En prenant comme référence le seuil de pauvreté à son niveau de 2006 (880 euros par mois), il obtient un « taux de pauvreté ancré dans le temps » de 12,5% en 2007, contre 13,1% en 2006.        

 Avec 17,9% de moins de 18 ans vivant sous le seuil de pauvreté en 2007 (dernières statistiques de l’Insee), les enfants et adolescents sont plus touchés par la pauvreté que le reste de la population (13,4%).

Environ 30% des Français disent avoir déjà connu « réellement » une situation de pauvreté, selon le baromètre annuel Ipsos pour le Secours populaire, publié en septembre.

Dans un rapport publié en février, la Fondation Abbé Pierre évaluait à 3.498.800 le nombre de personnes connaissant « une problématique forte de mal-logement ». La Fondation donne toujours le chiffre de 100.000 sans domicile fixe (SDF) basé sur une étude de l’Insee de 2001, précisant qu’il s’agit d’une « fourchette basse ». La Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars) évoquait en 2007 le chiffre de 200.000.

Selon une étude des ministères sociaux publiée en février, le nombre de personnes percevant des minima sociaux a chuté de 4,6% en 2007, à 3,3 millions, surtout grâce à un recul de 8,3% du nombre de bénéficiaires du RMI (remplacé en juillet par le RSA) entraîné par les progrès constatés cette année-là sur le marché du travail.