L’actualité est l’ennemi de l’information

Le retournement complet de situation dans l’affaire DSK prouve surtout une chose : l’actualité est l’ennemi de l’information.

Combien de temps les grands médias ont-ils passés sur l’affaire DSK ? Des centaines, des milliers d’heures très vraisemblablement, et bien plus de pages de magazines et de quotidiens. Pourtant, tout ce temps aurait pu servir à médiatiser bien d’autres choses, à commencer par les personnalités et les thèses jamais médiatisées, et elles sont nombreuses. Mais au lieu de cela, les médiacrates se sont acharnés sur un homme, sans attendre le verdict de la justice américaine, et traînant dans la boue son honneur et sa réputation. Ces médias sont criminels, anti-démocratiques, et lavent le cerveau de la population en répétant à l’infini des banalités et des informations qui sont souvent contredites peu de temps après. C’est un des combats que doivent mener les médias alternatifs, remettre à l’honneur la réflexion, le fond, et le respect des principes élémentaires de vérité, de présomption d’innocence, de pluralité, etc.

Cette évolution des médias est récente, et correspond à l’accélération des moyens de communication de ces 40 dernières années. Elle correspond à la baisse considérable du niveau scolaire, de la qualité de l’élite du pays, et de la santé du pays en général. Il devient urgent de déclarer son indépendance médiatique de ce système délétère, et de tout faire pour le contrer d’une part, et le contrôler d’autre part. C’est une question de vie ou de mort pour notre civilisation, ni plus, ni moins.

Pourquoi les médias sont-ils ainsi drogués à l’actualité, et pourquoi cela est-il malsain pour la population ?


Ils sont drogués à l’actualité car ils sont persuadés que l’être humain, pour être informé, doit avoir en permanence connaissance des événements qui viennent d’arriver. Or les gens les mieux informés sont ceux qui ont pris le recul nécessaire sur les événements, car ils savent que ces événements ne veulent rien dire en eux-mêmes. Voir 100 fois les avions s’écraser sur le World Trade Center n’apporte rien en terme d’information. C’est une injection d’adrénaline, qui satisfait à des pulsions de voyeur et à une recherche d’émotions et de sensationnel que nous avons tous en nous. Bref, l’actualité c’est la garantie de placer l’émotion avant la raison.

La télévision est également un outil extrêmement perfectionné pour donner aux gens ce qu’ils réclament, mais en les tirant vers le bas plutôt que vers le haut. Les pulsions primaires et les tentations arrivent en premier, du fait de nos émotions, puis il s’agit de les contenir, de les éduquer. Tous les systèmes qui visent à moraliser les sociétés humaines le disent, à leur manière. La télévision détruit cette éducation, en donnant directement et sans filtre l’accès à des pulsions souvent violentes, avec la force de l’image. Des manipulations mentales de grande ampleur ont lieu grâce à cet outil sans pour autant faire l’objet de hurlements au fascisme, bien au contraire. La société de consommation et les sommes gigantesques d’argent en jeu permettent d’affiner toujours plus ces manipulations, en faisant appel aux découvertes les plus récentes dans la psychologie, la sociologie et d’autres sciences humaines. Cela permet à un dirigeant de grande chaîne de déclarer : “Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible.”

Interdire la télévision ?

A quand une loi pour décréter que la télévision est une drogue dure ? Elle l’est en effet, aussi bien pour ceux qui y passent que pour ceux qui la regardent. Ce système malsain rend donc tout le monde esclave, au lieu de rendre les gens libres. Mais la liberté ne se donne pas, elle se prend. D’où l’intérêt des livres, qui nécessitent un effort, et qui laissent une trace, tout en permettant de revenir à une phrase, un paragraphe ou un chapitre pour être sûr qu’on l’a compris, ou pour l’interpréter différemment, avec du recul. D’où l’intérêt de la radio, qui fait travailler l’imagination, et ne rend pas dépendant de l’image. D’où l’intérêt d’Internet, qui permet de produire aussi de l’information, d’approfondir via les liens hypertextes, et qui permet aussi et surtout de figer l’image et le temps, de les maîtriser bien mieux qu’avec la télévision, qui donne des rendez-vous fixes, et qui vous fixe sur votre canapé, la bouche ouverte et les neurones fermés.

L’actualité n’est pas la réalité
L’actualité est un déferlement de “faits divers qui font diversion” (Bourdieu), dont le traitement permanent reste toujours a la surface des choses, qui encourage la dictature de l’instant et empêche toute réflexion, toute mise en contexte, et tout recul. L’information nécessite du temps pour trier le bon grain de l’ivraie, elle nécessite plusieurs interprétations possibles. Les informations importantes sont peu nombreuses mais noyées dans le flot d’infos secondaires voire inutiles, d’ailleurs les sujets souvent les plus importants ne sont jamais dans l’actualité. L’imposture médiatique actuelle consiste à faire croire que l’actualité est la réalité, alors qu’elle n’en est qu’une infime partie, souvent déformée d’ailleurs. Il convient évidemment de parler d’actualité, mais sans jamais qu’elle domine l’information, à savoir le recul sur l’actualité, et sa mise en contexte avec le passé, qui est documenté et qui représente les bases d’un raisonnement humain. A se complaire dans l’actualité, on en revient au stade bestial, avec toutes les conséquences possibles.

Faites le test si vous en avez l’occasion : ne regardez plus la télévision pendant quelques semaines, ou quelques mois, et informez-vous uniquement par Internet, à condition de ne pas consulter  France Info, et autres chaînes d’informations continues. Vous découvrirez l’immense plaisir d’être à nouveau informé, car vous pourrez penser par vous-mêmes, découvrir des informations dont les médias ne parlent pas, ou peu, ou mal, et vous redeviendrez un citoyen digne de ce nom.

Conclusion
Une démocratie moderne est une démocratie dans laquelle les médias ne sont pas focalisés sur l’actualité, qu’elle soit sportive, économique ou sociale. Les citoyens doivent être en mesure de faire les bons choix, et pour cela les débats doivent être libres, les alternatives claires, et le recul doit toujours prévaloir sur l’immédiateté. Par ailleurs, et cela fera l’objet d’un autre article, les sujets doivent prévaloir sur les personnes, car la “peoplisation” à laquelle on assiste depuis plusieurs décennies, et qui est due en grande partie à la domination de la télévision, est inversement proportionnelle à la démocratie d’un pays. En Suisse, par exemple, les médias ont pour priorité de parler des sujets politiques, et non des personnalités, il faut dire que la démocratie directe impose de parler des sujets plutôt que des hommes politiques. Les personnalités les plus connues, notamment des journalistes et des animateurs, ont effectué un coup d’Etat en accédant aux manettes des grands médias qui déterminent ce qui existe, et ce qui n’existe pas. Il est temps de s’occuper d’eux.

Enquête & Débat

Voir Aussi : Rubrique Médias : Les journalistes face à l’accéleration du temps, Wikileaks fait péter un câble à Washington, 150 innocents détenus à GuantanamoPour une critique de l’édition dominante, Rubrique InternetInternet la révolution de l’info, Derrière la vitre, Rubrique Rencontre , Igniacio Ramonet,

Violente, la justice américaine ? Et en France, alors ?

Ils disent que les images de DSK menotté sont violentes. Ils ont raison. Ils disent que la justice américaine est violente, qu’il n’a pas encore pu se défendre et qu’il est déjà en prison. Ils disent que c’est violent parce qu’il est innocent.

Ils « n’y croient pas une seconde » parce qu’ils le « connaissent bien », parce que « c’est un ami de trente ans », parce que « pourquoi il aurait fait ça ? » Ils se rassurent en disant que la justice américaine est violente. Tout ce que les amis de DSK disent – les Badinter, les BHL, les lieutenants –, les proches de Karim, Benoît ou Roger, détenus à la maison d’arrêt de Fresnes, et qui eux aussi ont une famille et un emploi, le disent aussi.

En France, tout est identique, mais on ne le montre pas

La peine encourue, plus de soixante-dix ans, serait d’une cruauté inouïe. A 62 ans, DSK aurait-il été rassuré de n’encourir « que » vingt ans comme la loi française le prévoit ? En France, tout est identique, mais on ne le montre pas. Ce qui est insupportable, ici comme là-bas, ce n’est pas qu’il puisse être innocent. C’est de traiter les êtres humains de cette façon-là : ne pas les laisser se raser, se changer – coupable ou pas. C’est la toute-puissance du magistrat, son pouvoir de ne pas respecter le principe énoncé par la loi (la liberté pendant l’instruction) – coupable ou pas. C’est le système qui brise, qui broie, coupable ou pas. C’est qu’il ne s’en remettra pas – coupable ou pas. Ce qui est insupportable, c’est que ça se passe tous les jours en France, pour Karim, pour Benoît, qu’ils soient coupables ou pas.

En France, DSK aurait sans doute été remis en liberté

Il est vrai qu’en France, on ne les filme pas. Mais l’indignation ne réside-t-elle que dans l’image ? Ce qui est insupportable, est-ce de les maltraiter, ou de le montrer ? Ce que les commentateurs de l’affaire de DSK jugent insoutenable, c’est qu’ils assistent à une vie qui bascule en un rien de temps. La vie des prévenus de France a aussi basculé en moins de temps qu’il n’en faut pour respirer. Une bagarre qui dégénère, un service rendu à un mal connu, une pulsion non maîtrisée.

Les principes n’existent que dans les livres, que la présomption d’innocence n’est pas un rempart devant la dérive, qu’elle n’existe ni pour les puissants, ni pour les misérables. C’est bien la seule égalité – l’égalité devant l’inapplication de la loi – dont on ne se réjouit pas. Aux Etats-Unis, ils disent que le traitement est le même pour tout le monde, puissant ou pas. En France, DSK aurait sans doute été remis en liberté, éventuellement sous contrôle judiciaire, mais pas Karim, ni Benoît ou Roger.

En France ils sont sales, ils puent, sont débraillés

En France, les individus restent plus longtemps en garde à vue, dans des cages d’une indéfinissable puanteur avec des barreaux et un banc en pierre. Ils sont déférés au juge d’instruction, exactement comme DSK devant la cour criminelle de New York. Ils sont sales, ils puent, sont débrailles, totalement déboussolés. L’avocat a accès au dossier, ce qui est une différence majeure avec les Etats-Unis. Cependant, dans le délai très bref entre la fin de la garde à vue et la comparution devant le juge, une défense au fond ne peut être esquissée.

Le juge notifie les charges à celui qu’il met en examen, puis, dans la foulée, se tient un débat devant le juge des libertés et de la détention (JLD), pour savoir quel sort lui sera réservé pendant la procédure, un contrôle judiciaire ou la détention provisoire. On plaide sur les garanties de représentation – comme aux Etats-Unis –, le fond de l’affaire n’étant considéré qu’au regard du trouble à l’ordre public.

DSK a de la chance

Quoi qu’il en soit, la procédure à l’encontre de DSK ne va durer que quelques mois. Il a de la chance. S’il avait été détenu en France, il aurait dû attendre plusieurs mois avant d’être interrogé par le juge d’instruction. Le juge lui aurait signifié « un délai d’achèvement de la procédure de dix-huit mois » et aurait reporté d’autant ce délai six mois après. DSK est de nouveau convoqué vendredi, son sort pourrait changer en moins d’une semaine.

En France, accusé de tentative de viol, DSK aurait été placé sous mandat de dépôt criminel d’une durée d’un an. Il aurait pu solliciter sa mise en liberté à tout moment mais n’aurait pas eu le droit de le demander à haute voix, en s’expliquant devant le JLD, qui ne l’aurait revu qu’au bout d’un an. En France, au cours d’une instruction, l’octroi ou le rejet d’une demande de mise en liberté se fait sans débat.

Violente la procédure américaine ? Si le mis en examen fait appel du rejet de sa demande, il a droit à ce que l’on appelle une « comparution » devant la chambre de l’instruction que la pratique a bien raison de ne pas appeler « un débat ». La chambre de l’instruction demande aux avocats de plaider « par observations », et coupe la parole aux détenus qui s’expriment plus de trois minutes, parce que c’est trop long.

Aux Etats-Unis on voit. En France, on ferme les yeux

Si le détenu fait appel une seconde fois, le président use souvent de son pouvoir de « filtre » et ne l’extrait pas de la maison d’arrêt pour l’audience : sa demande est évoquée uniquement en présence de l’avocat. A Paris, la chambre de l’instruction est surnommée la « chambre des confirmations » ou la « chambre des enregistrements ». A un magistrat à qui je faisais remarquer qu’il se trompait de dossier, mon client étant mis en examen dans deux affaires distinctes, le président m’a répondu : « Peu importe de quoi on parle. »

Violente la justice américaine ?

A ce stade-là de la procédure, la seule véritable différence de traitement entre les deux pays, c’est qu’aux Etats-Unis, on voit. Et quand on voit, on cautionne. Et quand on ferme les yeux, on fait quoi ?

Laure Heinich-Luijer, Avocate Rue 89

 

Voir aussi : Rubrique Justice

Etats-Unis: oui aux cadeaux fiscaux pour les riches, non à la taxe bancaire

US-SMIALOWSKI

Les Européens devraient se retrouver seuls au monde à imposer une taxe spéciale à leurs banques, le projet du président Barack Obama aux Etats-Unis ayant été enterré faute de plaire au Congrès et d’être défendu par l’exécutif.

Le 14 janvier, M. Obama lançait en grande pompe depuis la Maison Blanche un appel à une « taxe sur la responsabilité de la crise financière », se disant « déterminé a récupérer chaque centime dû au peuple américain ». Selon lui, elle devait rapporter 117 milliards de dollars sur douze ans. La proposition était précisée par le Trésor en février, dans le volet fiscalité du projet de budget 2010-2011, qui préconisait une taxe d' »environ 0,15% » sur les actifs (hors dépôts et fonds propres) des plus grandes banques du pays, soit une cinquantaine d’établissements. Elle devait même entrer en vigueur, si le Congrès le permettait, dès le 1er juillet, rétroactivement si nécessaire.

Les mois ont passé et les parlementaires ont relativement peu débattu du projet. La Chambre des représentants n’a pas du tout planché dessus. Quant au Sénat, sa commission des Finances y a consacré trois auditions fin avril et début mai. Son président démocrate Max Baucus y était favorable, mais le chef de file des républicains dans cette commission, Chuck Grassley, y était farouchement opposé, convaincu qu’elle se répercuterait sur les clients des banques, qui allaient la payer « sous forme de hausse des taux des emprunts et d’autres tarifs ».

Avec la percée des républicains aux élections législatives de novembre, la taxe est définitivement morte. Elle n’est pas apparue lors des débats fiscaux des dernières semaines, accaparés par la reconduction, y compris pour les Américains les plus riches, des cadeaux accordés aux ménages par le président George W. Bush en 2001 et 2003.

Les lobbyistes de Goldman Sachs et autres Bank of America n’ont pas eu à dépenser une énergie considérable pour tuer l’idée. M. Obama lui-même n’en a jamais reparlé, et son gouvernement a montré peu d’empressement à faire adopter le projet. « C’est plus une question de changement de circonstances que de lobbies », explique à l’AFP Douglas Elliott, un ancien banquier d’affaires devenu chercheur à la Brookings Institution, qui avait témoigné en faveur de la taxe devant le Sénat.

« Maintenant que le sauvetage des banques par l’Etat semble ne devoir à peu près rien coûter aux contribuables, la justification d’origine de la taxe s’est complètement volatilisée », relève-t-il. C’est tout le sens de l’argumentaire du Trésor, qui souligne régulièrement le retour sur investissement du plan d’aide au secteur financier de 700 milliards de dollars lancé en octobre 2008. « En termes de coût financier direct, ce plan se classera parmi les programmes de réponses à la crise les plus efficaces jamais mis en oeuvre », assurait encore jeudi le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner.

En temps de vaches maigres pour les Etats et de vaches grasses pour Wall Street, la démonstration ne convainc pas l’un des grands défenseurs de la taxe, le directeur général du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn. »Ce genre de taxe n’est pas en vigueur et j’ai bien peur que nous n’ayons pas beaucoup de succès à faire en sorte qu’il le soit », déplorait-il jeudi. Cinq mois auparavant, lors d’un sommet du G20 à Toronto (Canada) qui avait enterré l’idée d’une taxe coordonnée, le même Dominique Strauss-Kahn se consolait en remarquant qu’elle serait tout de même adoptée aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne ou en France. « Où est le plus grand centre financier au monde? Quel est le pays où vous avez le plus gros secteur financier? Les Etats-Unis. Ils auront une taxe », se réjouissait-il.

AFP 18/12/10

Voir aussi : Rubrique Finance , rubrique Actualité France L’impunité économique s’accroît,

Projets et caprices du pouvoir

18-mois-chrono

Livre. « 18 mois chrono », une fiction politique en temps réel.

Les socialistes Marie-Noëlle Lienemann, Paul Quilès et le journaliste Renaud Chenu signent un ouvrage original qui captivera les amateurs de politiques et peut-être une partie de ceux qui s’en sont désintéressés. Loin des essais politiciens classiques dont la fleuraison s’entasse chez nos libraire au fil de la saisonnalité électorale, 18 mois chrono met a nu les mécanismes du pouvoir et les arbitrages politiques à la française. Le livre est une fiction politique dont l’écriture s’est terminée le 24 août 2010.

Durant 18 mois de novembre 2010 à mai 2012 (deuxième tour de l’élection présidentielle), on suit dans un casting très réaliste les personnalités qui font le paysage politique. Nicolas Sarkozy, ses conseillers, Fillon Hortefeux, Coppé mais aussi Bayrou, Villepin et bien d’autres à droite. Martine Aubry, DSK, Ségolène Royal, François Hollande, Benoit Hamon mais aussi Pierre Laurent, Jean-Luc Mélenchon, Jean-Pierre Chevènement, Cécile Duflot, Eva Joly, Daniel Cohn-Bendit et bien d’autres …

Tout débute en cet été 2010, entre l’affaire Woerth-Bettencourt, la réforme des retraites et la déliquescence morale qui gagne le pays jusqu’à sa propre majorité. Sarkozy est au plus bas. Le président broie du noir. Il cherche un remède de choc à son impopularité et réunit dans sa résidence son premier cercle de fidèle Guaino, Hortefeux et Guéant pour leur annoncer qu’il entend rompre son isolement. La dissolution de l’Assemblée et la cohabitation qui s’en suivra lui paraît l’unique moyen de se voir reconduit à l’Elysée en 2012.

Cette irrésistible fuite en avant est le déclencheur d’un scénario qui plonge le lecteur dans le réel d’une course effrénée pleine de rebondissements. Pour le PS, la reconquête du pouvoir passe par une unité stratégique sans faille orchestré par Martine Aubry. Propulsée au poste de premier ministre, la Première secrétaire du PS se prête au jeu complexe des alliances. Elle doit aussi faire face aux ténors de son propre camp qui cherchent à marquer des points dans la perspectives 2012. Et aux stratégies de la droite pour se maintenir au pouvoir.

Avec cette fiction nous signifions aussi que la gauche ne doit pas s’installer dans l’idée d’une alternance gagnée d’avance », précise sur son blog Marie-Noëlle Lienemann. Une réflexion pleine de bon sens, comme le questionnement, inclus dans l’ouvrage, sur le risque dévastateur de la procédure des primaires au PS. Enfin, après ce plongeon passionnant dans la jungle impitoyable de la vie politique française, une autre question vient légitimement tarauder le lecteur. Une alternance oui, mais pour aller où ?

Jean-Marie Dinh

18 mois Chrono, éditions Jean-Claude Gawsewitch, 19,9 euros.

La guerre des chefs au PS

ps2Un livre d’actualité pour s’y retrouver, un peu, dans la grande course à l’échalotte qui anime le parti politique qui naguère structurait le débat politique français. Avec Le petit socialiste illustré, Jean-Michel Normand spécialiste du PS au Monde, dépeint le paysage baroque où les grandes joutes idéologiques ont laissé place à la médiacratie, et les programmes de société aux petites phrases assassines et glamour. Malgré ses ressources inestimables, pourrait-on croire, le PS n’a pas remporté une seule élection présidentielle depuis vingt ans. Ce livre illustré par l’exemple aide à comprendre pourquoi. Il propose de découvrir le PS sous un angle inédit : celui de son folklore, de ses manies qui font tristement sens. Du patois militant, aux tics de langage des leaders, sans oublier les tartes à la crème qui émaillent leurs discours, le livre de Normand dévoile, non sans humour, les travers d’une galaxie surréaliste souvent située aux antipodes de l’intérêt général. On tourne les pages en s’efforçant de rire, mais l’exercice est difficile. Dans la langue du crue, les pathétiques imbroglios de la tektonik du PS local ou le mariage de la carpe et du lapin pourraient se traduire ainsi. Pour se remettre en selle sous la pression du Big Boss (Frêche) qui en pince pour Stausski (DSK), la belle Hélène (Mandroux) qui avait hier rallié la motion de Bébert roi du monde (Delanoë), soutient aujourd’hui celle de La dame aux caméras (Royal). Le congrès PS en question doit être celui de sa « rénovation ». L’affaire est devenue sacrément urgente. Le pire résidant sans doute dans la propention hégémonique que le parti socialiste s’efforce sans cesse de déployer sur l’ensemble de la gauche.

Le petit socialiste illustre, ed Jean-Claude Gawesewitch, 13,9 euros

Voir aussi : Rubrique Politique A quoi joue Gérard Collomb ?, Rubique Livre politique