Une petite virée dans le cinéma social français

Les Règles du jeu de Patrice Chagnard

Les Règles du jeu de Patrice Chagnard

Contre bande. Second volet du festival avec la projection des règles du jeu suivie d’un débat avec réalisateur Patrice Chagnard ce soir à 20h au Diagonal.

La seconde édition du festival de cinéma social proposé par la CGT se poursuit ce soir au cinéma Diagonal avec la projection du film Les règles du jeu en présence du réalisateur Patrice Chagnard. Le spécialiste du cinéma Patrick Bedos qui oeuvre à la programmation
de Contre bande – ainsi qu’à celle du volet cinéma du festival du roman noir de Frontignan (FIRN) qui se tiendra du 22 au 28 juin -, souligne le pont existant entre les deux genres.

« Derrière la trame des films noirs avec leurs sombres histoires de meurtriers apparaît une mise en question morale et sociale qui secoue les normes. Le point commun de ce cinéma c’est qu’il se veut réaliste et propose de représenter des situations « réelles », le tout avec une critique radicale de l’organisation sociale

Un cinéma qui parle de l’humain

Parmi les ancêtres français du cinéma social on trouve Jean Renoir qui fait dans les années trente l’inventaire social de la France d’avant guerre. Dans les années 50, Jean Gabin souvent dirigé par Jacques Becker incarne le français moyen en jouant des rôles de personnes sans importance camionneurs, artisants…

Avant guerre, le PCF et des organisations qui lui étaient liées comme la CGT produisaient, réalisaient et distribuaient, de nombreux films destinés à soutenir des orientations politiques, ou des luttes sociales en marge des circuits commerciaux. Au cours des années cinquante et soixante, se développe un courant de cinéma anticolonialiste indépendant. René Vautier en tête, de nombreux cinéastes réalisent des films contre le colonialisme français en Afrique, les guerres d’Indochine et la guerre d’Algérie.

Sous l’influence de ce qui conduira à mai 68 un certain nombres de réalisateurs réinvestissent l’art du cinéma au service d’un projet collectif. Les premières tentatives de regroupement de forces militantes dans la profession voit le jour sous l’impulsion de Chris Marker. Loin du Vietnam regroupe quelques 150 professionnels du cinéma qui collaborent à la production des courts métrages qui composent ce film anti-guerre. Cet élan ne se révèle pas sans prise sur la réalité mais pas suffisante pour produire un élan de masse. Il pose cependant une critique radicale de l’organisation existante de la société. La lutte emblématique des LIP en 1973 relayée par des documentaires syndicaux marquera les esprits.

« Le cinéma ne change pas tout, souligne Patrick Bedos, mais il peut s’ancrer dans le réel comme l’oeuvre sans intrigue de Claude Sautet révéle la détresse et la désillution des bourgeois dans les années 70. En 1974, Les Valseuses de Bertrand Blier jette un pavé dans la marre du conformisme et le film fait entre 4 et 5 millions d’entrées. Dans les années 80 c’est le fric qui gagne et le cinéma social qui s’efface pour ne ressurgir que bien plus tard dans les année 2000. A quelques exceptions près comme Jacques Audiard qui habille ses films d’intentions noires mais qui ne parle que de l’humain. De nos jours, on ne peut plus refaire un film comme Les Valseuses. Le succès de Mammuth de Kerven et Delépine fait 400 000 à 500 000 entrées et c’est du gros lettrage avec des cadres télé.»

Le renouveau du cinéma réaliste et donc social, des années 2000 est multiforme. Il passe par le cinéma documentaire porté par des réalisateurs engagés et franc-tireur comme Pierre Carles. Il s’ancre aussi dans une observation méticuleuse des comportements comme dans les films d’Abdelllatif Kechiche, un réalisareur qui produit une analyse anticipatoire de notre actualité tout en s’interrogeant sur la responsabilité de ceux qui regardent.

Alors, si le cinéma social existe, sa raison d’être serait de questionner l’ordre social avec ses immenses ombres étirées qui recouvrent les vrais humains !

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Cinéma, Rubrique Société, Mouvements sociaux,

Des 400 coups au ciné mainstream

Rencontre. Avec J-M Frodon pour une histoire du cinéma Français.

Il est difficile, pour un critique, historien et journaliste comme Jean-Michel Frodon de condenser son système de pensée, surtout lorsque son implication dans l’univers du cinéma remonte à son premier cri avec un père pratiquant le même métier. C’est toutefois le défi qu’il vient de relever en publiant Le cinéma Français de la Nouvelle vague à nos jours. L’ouvrage brosse le portrait d’un demi siècle de cinéma depuis son âge moderne qui débute en 1959 avec la sortie du premier long-métrage de Truffaut Les Quatre cents coups et de Hiroshima mon amour de d’Alain Resnais.

Critique aguerri, Jean-Michel Frodon ne répond pas à l’image du cinéphile érudit qui s’écoute parler. Il semble tout au contraire, vouloir partager son amour du 7e art en rendant ses connaissances accessibles. « Le cinéma ne reflète pas la société en évolution, il en fait partie. Pour moi, travailler sur l’histoire, c’est avoir des engagements car en matière de cinéma, les goûts et les couleurs, ça se discute. Le cinéma m’intéresse parce que le monde m’intéresse. »

On retrouve cette affirmation dans son livre qui propose une synthèse des films et des gens qui les font (réalisateurs, acteurs, techniciens), de ceux qui les montrent mais aussi de l’économie du cinéma,  de la législation qui l’encadre et du contexte social et politique dans lequel naissent les films. Le livre croise l’ensemble des champs qui influent dans la création cinématographique et propose des assemblages d’œuvres qui se répondent. Il est organisé par décennies.

Le cinéma en marche

Après la révolution esthétique de la nouvelle vague, viennent les années 1968/75. Années où s’affirme la prééminence du politique. L’auteur  rappelle la ligne de partage énoncée par Godard qui distingue les films politiques et les films filmés politiquement. « Les premiers voulant représenter la société, les seconds tentant d’inventer de nouvelles manières de faire du cinéma, cohérentes avec la volonté de rupture idéologique de leur auteurs. »

Dans la période 1976/80 se marque la disparition des grands récits à l’instar des valseuses de Bertrand Blier. La place donnée aux acteurs Depardieu, Dewaere, Miou-Miou, Huppert…, bouleverse le mode de représentation. C’est aussi l’époque où le cinéma consacre le triomphe de l’argent. Parmi les acteurs ayant porté ce thème, figure Michel Piccoli abonné au rôle du grand bourgeois. « L’acteur se plait à en écorner l’image chaque fois que l’occasion se présente », observe Frodon.

Sous pavillon culturel

L’impact des crises qui ont transformé les économies mondiales se répercutent en France dans le milieu des années 80 par « un repli de la profession sous pavillon culturel. » La promotion culturelle, la protection réglementaire et l’intégration de l’audiovisuel permettent au cinéma français de ne pas sombrer comme dans les pays voisins. Le financement du cinéma par le petit écran tient à cet égard un rôle majeur.

Depuis les années 2000, l’époque de  la globalisation  s’illustre par la fidélisation de la clientèle dans les multiplexes et le recul du politique à quoi s’ajoute l’essor du numérique et le développement du cinéma mainstream.

C’est sur ce constat que s’interrompt le récit, à un moment où le cinéma français semble menacé par les grandes évolutions du monde. Mais l’optimisme réaliste de Jean-Michel Frodon, lui, laisse à penser qu’il écrira la suite de cette fabuleuse aventure.

Jean-Marie Dinh

Le cinéma Français de la Nouvelle vague à nos jours, éditions Cahiers du Cinéma

Voir aussi : Rubrique Cinéma rubrique Livre, Essais , F.Martel : Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde,

Blier : cinéaste indemne de compromission majeure

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Nouveau film : Bertrand Blier confirme son anticonformisme avec Le Bruit des glaçons. Tourné dans les Cévennes,  le film sort le 25 août prochain.

Après Les Côtelettes (2003) et Combien tu m’aimes (2005), Bertrand Blier nous revient avec Le bruit des glaçons. Le film tourné dans la région sortira prochainement sur les écrans. Rien que le titre suffit à faire raisonner l’âme poétique et froissée de Bertrand Blier. Ça sonne bien à l’oreille et cela s’inscrira certainement comme un film marquant le retour d’un artiste à part. Comme certains réalisateurs de sa génération, Blier tire ses qualités de ce qu’on peut lui reprocher. C’est-à-dire de faire des humains l’objet privilégié de son attention et de vouloir en faire des films d’acteurs sans se perdre dans la facilité et le superficiel.

Il n’y a pas de meurtre, dans Le bruit des glaçons, pas de rapport au fric, peu d’action, peu de morale et pas mal d’amour. Plus que jamais, Blier que l’on sait plutôt à gauche, semble avoir fait sienne cette entêtante pensée de Céline :  » L’amour c’est l’infini à la portée des caniches. « 

L’auteur réalisateur se serait décidé à sortir le scénario d’un tiroir où il dormait depuis des décennies. Il en résulte un petit décalage narratif avec notre époque. On est presque dans la lignée des Valseuses et de Buffet Froid. Ce qui ne représente pas la moitié d’un défi artistique dans le monde du XXIe siècle. Ce choix confirme une certaine résistance au schéma directif et conformiste protégé par le corporatisme d’une partie de la profession. Bref, à 71 piges Blier trouve une occasion nouvelle de s’affirmer comme un réalisateur indemne de compromission majeure. Il y a des hauts et des bas dans la carrière du réalisateur, mais il s’est toujours affranchi de la majeure partie des clichés et stéréotypes qui squattent au cœur du cinéma français larmoyant et bien-pensant.

Albert Dupontel dans le rôle intrusif du cancer

Le bruit des glaçons c’est l’histoire d’un auteur célèbre interprété par Jean Dujardin qui révèle une prestance insoupçonnée dans la peau d’un quinquagénaire alcoolique en rupture sociale. Exclu volontairement du monde après le départ de sa femme, l’homme dévissé n’écrit plus. On le voit traîner son existence dans sa grande maison cévenole avec son seau de glace sous le bras, la bouteille de blanc frais toujours à portée de main. Dans cet isolement total, sa servante (Anne Alvaro) observe tendrement sa déchéance lorsque le cancer sonne à la porte.

On plonge alors dans un ballet de relations croisées, ponctuées de dialogues plutôt savoureux. L’univers surréaliste de Blier bascule de l’onirisme au réalisme. Dans le rôle du cancer, l’intrusif Albert Dupontel et son sinistre alter ego féminin (Myriam Boyer) deviennent des acolytes rongeurs aux pensées acides. Le compositeur Pascal Dusapin met en musique une partition où se joue la liberté des personnages face à leur propre mort. Les rires de la salle sont caverneux à souhait, comme pour rappeler que les gens qui vont au ciné ne s’intéressent pas qu’aux choses futiles.

Jean-Marie Dinh

Economie du Cinéma

Les vacances d’été de Jean Dujardin

Jean Dujardin joue le rôle d’un écrivain reclus et alcoolique.

Jean Dujardin joue le rôle d’un écrivain reclus et alcoolique.

Lundi, l’acteur Jean Dujardin s’est rendu au Gaumont Multiplexe de Montpellier et aussi à Alès pour présenter Le bruit des glaçons. Le dernier film de Bertrand Blier sera sur les écrans le 25 août. L’acteur n’a pas dit grand chose, mais il a de l’humour et il est spontané. Actuellement il est en vacances dans le coin. Il s’est laissé pousser la moustache :  » une faute de goût  » prétend-il.

Dujardin joue le rôle d’un écrivain reclus et alcoolique en prise avec son cancer interprété par Albert Dupontel. Il explique en deux mots qu’il a apprécié de tourner avec Blier. Et salue les productrices pour leur courage :  » faire un film sur le cancer, c’est jamais gagné ! « 

A la fin de son l’intervention, un petit gars de huit ans se lève et vient lui demander quelque chose. Il reste quelques secondes debout en regardant la star fixement.  » On se connaît ? lui demande Dujardin. Puis soudainement,  » Mais oui, ça y est, tu es mon fils… » Le gamin recruté sur un casting local, tient dans le film, un rôle où il fait trois pas dans une allée.  » Je te reconnais, tu joues très bien… Quoi, qu’est ce que tu veux ? dit l’acteur en penchant vers lui une oreille discrète, puis, s’adressant à la salle, Un autographe ! pas question file dans ta chambre.  » A partir d’un certain degré de notoriété, un peu de savoir-faire suffit pour charmer une salle en cinq minutes. Du coup l’acteur a pu en séduire deux dans la même soirée.

On doit ces avant-premières au soutien de notre antenne régionale pour le cinéma. Les sept semaines de tournage du film ont eu lieu dans les Cévennes. Quand le logo du Conseil régional apparaît dans le générique, le rang des invités manifeste un hum de satisfaction, et même, une certaine fierté. Il y a aussi quelques plans tournés à Palavas. Bizarrement, dans le cadre final, on se retrouve sur le même lieu que dans un autre film tourné dans la région par Frédéric Schoendoerffer (le fils) qui s’appelait Scènes de crimes.

Voir aussi : Rubrique Cinéma Oncle Boonmee,