Blier : cinéaste indemne de compromission majeure

bertrand-blier
Nouveau film : Bertrand Blier confirme son anticonformisme avec Le Bruit des glaçons. Tourné dans les Cévennes,  le film sort le 25 août prochain.

Après Les Côtelettes (2003) et Combien tu m’aimes (2005), Bertrand Blier nous revient avec Le bruit des glaçons. Le film tourné dans la région sortira prochainement sur les écrans. Rien que le titre suffit à faire raisonner l’âme poétique et froissée de Bertrand Blier. Ça sonne bien à l’oreille et cela s’inscrira certainement comme un film marquant le retour d’un artiste à part. Comme certains réalisateurs de sa génération, Blier tire ses qualités de ce qu’on peut lui reprocher. C’est-à-dire de faire des humains l’objet privilégié de son attention et de vouloir en faire des films d’acteurs sans se perdre dans la facilité et le superficiel.

Il n’y a pas de meurtre, dans Le bruit des glaçons, pas de rapport au fric, peu d’action, peu de morale et pas mal d’amour. Plus que jamais, Blier que l’on sait plutôt à gauche, semble avoir fait sienne cette entêtante pensée de Céline :  » L’amour c’est l’infini à la portée des caniches. « 

L’auteur réalisateur se serait décidé à sortir le scénario d’un tiroir où il dormait depuis des décennies. Il en résulte un petit décalage narratif avec notre époque. On est presque dans la lignée des Valseuses et de Buffet Froid. Ce qui ne représente pas la moitié d’un défi artistique dans le monde du XXIe siècle. Ce choix confirme une certaine résistance au schéma directif et conformiste protégé par le corporatisme d’une partie de la profession. Bref, à 71 piges Blier trouve une occasion nouvelle de s’affirmer comme un réalisateur indemne de compromission majeure. Il y a des hauts et des bas dans la carrière du réalisateur, mais il s’est toujours affranchi de la majeure partie des clichés et stéréotypes qui squattent au cœur du cinéma français larmoyant et bien-pensant.

Albert Dupontel dans le rôle intrusif du cancer

Le bruit des glaçons c’est l’histoire d’un auteur célèbre interprété par Jean Dujardin qui révèle une prestance insoupçonnée dans la peau d’un quinquagénaire alcoolique en rupture sociale. Exclu volontairement du monde après le départ de sa femme, l’homme dévissé n’écrit plus. On le voit traîner son existence dans sa grande maison cévenole avec son seau de glace sous le bras, la bouteille de blanc frais toujours à portée de main. Dans cet isolement total, sa servante (Anne Alvaro) observe tendrement sa déchéance lorsque le cancer sonne à la porte.

On plonge alors dans un ballet de relations croisées, ponctuées de dialogues plutôt savoureux. L’univers surréaliste de Blier bascule de l’onirisme au réalisme. Dans le rôle du cancer, l’intrusif Albert Dupontel et son sinistre alter ego féminin (Myriam Boyer) deviennent des acolytes rongeurs aux pensées acides. Le compositeur Pascal Dusapin met en musique une partition où se joue la liberté des personnages face à leur propre mort. Les rires de la salle sont caverneux à souhait, comme pour rappeler que les gens qui vont au ciné ne s’intéressent pas qu’aux choses futiles.

Jean-Marie Dinh

Economie du Cinéma

Les vacances d’été de Jean Dujardin

Jean Dujardin joue le rôle d’un écrivain reclus et alcoolique.

Jean Dujardin joue le rôle d’un écrivain reclus et alcoolique.

Lundi, l’acteur Jean Dujardin s’est rendu au Gaumont Multiplexe de Montpellier et aussi à Alès pour présenter Le bruit des glaçons. Le dernier film de Bertrand Blier sera sur les écrans le 25 août. L’acteur n’a pas dit grand chose, mais il a de l’humour et il est spontané. Actuellement il est en vacances dans le coin. Il s’est laissé pousser la moustache :  » une faute de goût  » prétend-il.

Dujardin joue le rôle d’un écrivain reclus et alcoolique en prise avec son cancer interprété par Albert Dupontel. Il explique en deux mots qu’il a apprécié de tourner avec Blier. Et salue les productrices pour leur courage :  » faire un film sur le cancer, c’est jamais gagné ! « 

A la fin de son l’intervention, un petit gars de huit ans se lève et vient lui demander quelque chose. Il reste quelques secondes debout en regardant la star fixement.  » On se connaît ? lui demande Dujardin. Puis soudainement,  » Mais oui, ça y est, tu es mon fils… » Le gamin recruté sur un casting local, tient dans le film, un rôle où il fait trois pas dans une allée.  » Je te reconnais, tu joues très bien… Quoi, qu’est ce que tu veux ? dit l’acteur en penchant vers lui une oreille discrète, puis, s’adressant à la salle, Un autographe ! pas question file dans ta chambre.  » A partir d’un certain degré de notoriété, un peu de savoir-faire suffit pour charmer une salle en cinq minutes. Du coup l’acteur a pu en séduire deux dans la même soirée.

On doit ces avant-premières au soutien de notre antenne régionale pour le cinéma. Les sept semaines de tournage du film ont eu lieu dans les Cévennes. Quand le logo du Conseil régional apparaît dans le générique, le rang des invités manifeste un hum de satisfaction, et même, une certaine fierté. Il y a aussi quelques plans tournés à Palavas. Bizarrement, dans le cadre final, on se retrouve sur le même lieu que dans un autre film tourné dans la région par Frédéric Schoendoerffer (le fils) qui s’appelait Scènes de crimes.

Voir aussi : Rubrique Cinéma Oncle Boonmee,