Des 400 coups au ciné mainstream

Rencontre. Avec J-M Frodon pour une histoire du cinéma Français.

Il est difficile, pour un critique, historien et journaliste comme Jean-Michel Frodon de condenser son système de pensée, surtout lorsque son implication dans l’univers du cinéma remonte à son premier cri avec un père pratiquant le même métier. C’est toutefois le défi qu’il vient de relever en publiant Le cinéma Français de la Nouvelle vague à nos jours. L’ouvrage brosse le portrait d’un demi siècle de cinéma depuis son âge moderne qui débute en 1959 avec la sortie du premier long-métrage de Truffaut Les Quatre cents coups et de Hiroshima mon amour de d’Alain Resnais.

Critique aguerri, Jean-Michel Frodon ne répond pas à l’image du cinéphile érudit qui s’écoute parler. Il semble tout au contraire, vouloir partager son amour du 7e art en rendant ses connaissances accessibles. « Le cinéma ne reflète pas la société en évolution, il en fait partie. Pour moi, travailler sur l’histoire, c’est avoir des engagements car en matière de cinéma, les goûts et les couleurs, ça se discute. Le cinéma m’intéresse parce que le monde m’intéresse. »

On retrouve cette affirmation dans son livre qui propose une synthèse des films et des gens qui les font (réalisateurs, acteurs, techniciens), de ceux qui les montrent mais aussi de l’économie du cinéma,  de la législation qui l’encadre et du contexte social et politique dans lequel naissent les films. Le livre croise l’ensemble des champs qui influent dans la création cinématographique et propose des assemblages d’œuvres qui se répondent. Il est organisé par décennies.

Le cinéma en marche

Après la révolution esthétique de la nouvelle vague, viennent les années 1968/75. Années où s’affirme la prééminence du politique. L’auteur  rappelle la ligne de partage énoncée par Godard qui distingue les films politiques et les films filmés politiquement. « Les premiers voulant représenter la société, les seconds tentant d’inventer de nouvelles manières de faire du cinéma, cohérentes avec la volonté de rupture idéologique de leur auteurs. »

Dans la période 1976/80 se marque la disparition des grands récits à l’instar des valseuses de Bertrand Blier. La place donnée aux acteurs Depardieu, Dewaere, Miou-Miou, Huppert…, bouleverse le mode de représentation. C’est aussi l’époque où le cinéma consacre le triomphe de l’argent. Parmi les acteurs ayant porté ce thème, figure Michel Piccoli abonné au rôle du grand bourgeois. « L’acteur se plait à en écorner l’image chaque fois que l’occasion se présente », observe Frodon.

Sous pavillon culturel

L’impact des crises qui ont transformé les économies mondiales se répercutent en France dans le milieu des années 80 par « un repli de la profession sous pavillon culturel. » La promotion culturelle, la protection réglementaire et l’intégration de l’audiovisuel permettent au cinéma français de ne pas sombrer comme dans les pays voisins. Le financement du cinéma par le petit écran tient à cet égard un rôle majeur.

Depuis les années 2000, l’époque de  la globalisation  s’illustre par la fidélisation de la clientèle dans les multiplexes et le recul du politique à quoi s’ajoute l’essor du numérique et le développement du cinéma mainstream.

C’est sur ce constat que s’interrompt le récit, à un moment où le cinéma français semble menacé par les grandes évolutions du monde. Mais l’optimisme réaliste de Jean-Michel Frodon, lui, laisse à penser qu’il écrira la suite de cette fabuleuse aventure.

Jean-Marie Dinh

Le cinéma Français de la Nouvelle vague à nos jours, éditions Cahiers du Cinéma

Voir aussi : Rubrique Cinéma rubrique Livre, Essais , F.Martel : Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde,

Cinemed 2010 : Agusti Vila, Antigone d’or pour La Mosquitera

poticheCinemed s’est conclu cette année samedi, avec un jour de moins que les éditions précédentes. Au programme de la soirée de clôture, les spectateurs ont pu assister en avant-première à la projection du dernier film de François Ozon, Potiche*. Une comédie franchouillarde bien écrite qui inscrit son intrigue autour des enjeux de domination sociale des notables de province dans les années 70. Porté par le trio Deneuve, Luchini, Depardieu le film est tiré d’une pièce de Barillet et Grédy, deux auteurs qui firent naguère le bonheur du théâtre de boulevard. A grand renfort de clichés, Potiche aborde la question de la liberté de la femme bourgeoise. En arrière plan de cette auto-émancipation s’inscrit la transformation de la société française à travers la mue du clivage gauche-droite vers la social-démocratie bon teint. Ozon signe un film plaisant a regarder, mais qui laisse un peu sur notre faim. La réactualisation recherchée par le réalisateur pèche par son manque d’idée neuve.

la-mosquiteraUn peu plus tôt dans la soirée, le mystère s’était levé dans une salle un peu clairsemée mais enthousiaste lors de la cérémonie du Palmarès. Le jury du 32e Cinemed a attribué cette année l’Antigone d’Or au film La Mosquitera, second long métrage du réalisateur catalan Agusti Vila. Un film dramatique portant sur les relations troublées au sein d’une famille aisée, à travers plusieurs générations, avec Géraldine Chaplin. « C’est une comédie noire, cruelle, d’une grande intelligence qui nous dérange beaucoup… et nous avons beaucoup aimé être dérangés ! », a fait savoir le jury sur les motivations de son choix, en attribuant également une mention spéciale au film marocain La Mosquée de Douad Aoual-Syad.

Un festival équilibré

cinemed2010_afficheUne nouvelle fois, le Cinemed 2010 s’est révélé fécond en découvertes. Comme l’ont souligné beaucoup de réalisateurs présents cette année, c’est un festival unique en son genre qui est devenu incontournable de part sa capacité à faire écho aux expressions cinématographiques du bassin méditerranéen. On a pu observer un rétrécissement de la diversité des nations et des invités représentés, au profit des film français, italiens et espagnols et de leurs protagonistes, mais le nombre total de films projetés est resté sensiblement le même. Dans l’ensemble la qualité des films était au rendez-vous. L’esprit du festival auquel sont très attachés les Montpelliérains, suppose que la qualité demeure un critère central de la programmation sans se substituer pour autant à la diversité culturelle et à la mise en perspective des chefs-d’œuvre du cinéma.

En même temps, comme le défend le président Henri Talvat, « il ne faut pas s’enfermer dans une impasse en reprogrammant toujours les mêmes films. C’est très important de s’ouvrir à de nouvelles propositions. » D’où l’importance de la compétition et du panorama en sélection officielle. Par ailleurs, on note depuis quelques années, une présence accrue des professionnels du cinéma à Montpellier ce qui facilite la qualité de la programmation comme des rencontres proposées et favorise, pour les réalisateurs, les possibilités de se faire distribuer. La collaboration étroite et la confiance mutuelle entre le Président Talvat et le Directeur Jean-François Bourgeot assurent ce bon équilibre. Une stabilité nécessaire pour l’avenir du festival jusqu’ici soutenu par le défunt président de l’Agglo.

Jean-Marie Dinh

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