Au coeur de l’Italie des laissés-pour-compte

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Manuel premier long métrage de Dario Albertini Antigone D’or du Cinemed 2017 évoque le destin contrarié d’un jeune homme, ni révolté, ni intégré, qui pourrait s’élever socialement tout autant que sombrer dans la délinquance. A découvrir demain sur les écrans.
Manuel vient d’avoir 18 ans. Il est temps pour lui de quitter le foyer pour jeunes dans lequel il a vécu ces dernières années, depuis l’incarcération de sa mère. Mais la liberté retrouvée a un goût amer. Errant dans les rues de son quartier en banlieue de Rome, Manuel tente de devenir un adulte responsable. Pour que sa mère obtienne l’assignation à résidence, il doit prouver aux autorités qu’il peut veiller sur sa elle. Manuel pourra-t-il aider sa mère à retrouver sa liberté sans perdre la sienne ?
Ce drame social fait suite au documentaire La republica dei ragazzi (2014) dans lequel Dario Albertini suit le quotidien d’un refuge dédié aux orphelins. A l’ instar de l’allégorie de la caverne, Dario Albertini met en scène la condition humaine dans un environnement gris et médiocre peuplé de gens perdus. Au-delà de toute illusion, des jugements, des fausses idées reçues, et des croyances, Manuel qui vient d’avoir dix huit ans doit prouver qu’il est responsable à un monde qu’il ne connaît pas et qu’il comprend pas. Cela, il veut le faire par devoir, pour ce qui lui reste de famille, et par amour pour celle qui l’a mise au monde. Mais en sera-il capable ?
Le jeune acteur Andrea Lattanzi interprète sa propre histoire avec peu de mots mais une grande justesse des émotions. Dario Albertini signe un film puissant, dont les reflets universels évoquent une jeunesse qui doit faire face à une réalité illusoire. La mise en scène épurée s’inscrit dans la droite lignée du néoréalisme italien.
JMDH
Source La Marseillaise 06/03/2018
Voir aussi : Rubrique Cinéma,

Prolongement des centrales nucléaires : comment se calculent les coûts ?

 En 2015, à la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux lors d’un contrôle décennal. Guillaume Souvant/AFP


En 2015, à la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux lors d’un contrôle décennal. Guillaume Souvant/AFP

Le 19 mars dernier s’est ouvert le débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (la PPE), cette feuille de route qui fixe la politique énergétique de la France jusqu’en 2023.

La PPE doit mettre en œuvre les objectifs de la loi de transition énergétique adoptée en 2015 : réduire les émissions de gaz à effet de serre, réduire la consommation d’énergie, augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique, faire baisser la part du nucléaire dans la production d’électricité.

Évaluer les coûts du nucléaire

Dans ce débat public sur la PPE, il sera notamment question de l’évaluation des coûts du nucléaire. Si ce sujet a été abordé à maintes reprises, le débat de la PPE aborde cette question par une confrontation inédite et directe entre deux modalités de calcul des coûts, ce qui pourrait venir alimenter un des arbitrages importants que devra rendre la PPE : à savoir, le prolongement des centrales nucléaires ou la fermeture de certaines d’entre elles.

Le site Internet de la PPE donne accès à deux évaluations de ces coûts : celles produites par la Cour des comptes en 2014 et 2016 et un document rédigé par la Société française d’énergie nucléaire.

Ce ne sont pas les seules expertises existantes : nous pourrions ajouter le rapport de la Commission d’enquête parlementaire dirigée par François Brottes et Denis Baupin, publié en 2014 ; ainsi que le rapport réalisé la même année par le cabinet WISE pour l’ONG Greenpeace.

L’enjeu de l’objectivation des coûts

Le débat sur l’industrie nucléaire a toujours porté à la fois sur la sécurité et sur la compétitivité par rapport aux autres sources d’énergie. Depuis la fin des années 1990, l’argument de la compétitivité relative du nucléaire est présenté comme la clé de voûte du soutien d’une large partie de l’opinion publique en France.

La diversité dans l’évaluation des coûts provient essentiellement des éléments qui sont pris en compte dans le calcul et de la difficulté d’anticiper des coûts à venir et non de la crédibilité des informations données par les entreprises du secteur.

« L’escalade des engagements »

Les retours d’expériences de plusieurs grands projets nous interpellent sur notre capacité à aborder des décisions « au milieu du gué », quand d’importants investissements passés ont été réalisés et qu’il existe une incertitude sur les investissements et bénéfices futurs.

Tout projet s’inscrivant dans une longue temporalité et qui se trouve soumis à de fortes incertitudes peut ainsi être confronté à un phénomène d’« escalade des engagements », identifié en 1993 par les chercheurs Jerry Ross et Barry Staw à propos de la construction de la centrale nucléaire de Shoreham (près de New York).

Cette construction a connu un dépassement de coût de 5 milliards de dollars sans que jamais elle ne soit mise en exploitation pour des raisons économiques et de sûreté. L’une des explications de cette fuite en avant tient à l’existence d’un processus de décision qui rend les acteurs prisonniers des investissements passés et influence leurs délibérations via des estimations optimistes concernant les dépenses et bénéfices à venir.

En quoi ce concept d’escalade des engagements peut-il nous éclairer sur le prolongement du nucléaire français ? En quoi peut-il nous aider à clarifier le débat sur les coûts de ce prolongement ?

Le calcul de la Cour des comptes

Le calcul des coûts habituellement pris comme référence dans les débats sur l’industrie nucléaire est celui de la Cour des comptes.

Dans son rapport de 2016, celle-ci annonce un coût de production du nucléaire de 62,6 €/MWh, qui pourrait s’accroître jusqu’à 70 €/MWh dans le cas d’un doublement des coûts d’investissement pour le prolongement. Ce coût est parfois pris comme référence dans le débat pour une comparaison avec des sources d’énergies renouvelables : l’éolien terrestre se situe entre 50 et 108 €/MWh selon la localisation et le taux d’actualisation choisi (de 3 % à 8 %), alors que le photovoltaïque varie entre 64 et 167 €/MWh pour les centrales au sol.

D’après cette première comparaison, reprise et complétée par le rapport de WISE pour Greenpeace, les coûts complets des ENR et de l’électricité d’origine nucléaire sont donc tout à fait comparables.

De son côté, EDF a réalisé dès 2008 son propre calcul des coûts du prolongement des centrales existantes. Il s’agissait alors de choisir entre le prolongement des centrales existantes ou leur remplacement par des EPR. Dans une récente intervention donnée dans le cadre du débat public sur la PPE, le représentant d’EDF, Olivier Lamarre, annonçait un coût de 32 €/MWh pour l’électricité nucléaire provenant d’une centrale en prolongement.

D’où vient une telle différence avec le calcul de la Cour des comptes ?

Le calcul d’EDF

Le calcul d’EDF consiste à ne prendre en considération que le coût « restant à engager » pour produire de l’électricité nucléaire, à savoir 17 €/MWh d’exploitation des centrales, 10 €/MWh d’investissement de prolongement et de maintenance, 5 €/Mwh de combustible (y compris retraitement et provision pour le stockage des déchets). Dans son document, la SFEN propose un calcul similaire.

La décomposition des coûts est donc bien différente de la valeur de la Cour des comptes qui raisonne en « coût complet économique », c’est-à-dire un coût qui neutralise les effets de la temporalité des investissements. Ce coût prend ainsi en considération un « loyer économique » équivalent à 20 €/Mwh environ. Il s’agit d’estimer la valeur de l’utilisation de l’investissement, calculé à partir de la valeur de remplacement et de déconstruction des centrales existantes.

Le débat entre Olivier Lamarre (EDF) et Yves Marignac (WISE) souligne cette différence : le premier propose d’aborder le calcul dans le contexte actuel français en prenant en considération le fait que l’outil de production nucléaire existe et qu’il est préférable d’en tirer bénéfice.

Le second défend, au contraire, le raisonnement en « coût complet économique », considérant que le choix entre le nucléaire et les énergies renouvelables doit s’inscrire dans une logique de long terme. Pour lui, le raisonnement en termes de « coûts restant à engager » revient à se soumettre aux choix passés et conduit à renoncer à investir dans des solutions alternatives en accentuant une « dépendance au chemin emprunté » déjà bien établie.

Le coût de la sûreté après Fukushima

Même si l’on suit le raisonnement d’EDF, il existe plusieurs incertitudes quant au calcul des coûts d’investissement pour le prolongement ainsi que la durée des amortissements.

Les coûts évoqués par EDF s’appuient en effet sur la mise en œuvre d’un référentiel de sûreté qui intègre le retour d’expériences post-Fukushima, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ayant toutefois rappelé – au sujet des visites de contrôle des réacteurs de 900 MW – que les études de réévaluation doivent être conduites au regard des objectifs de sûreté applicables aux nouveaux réacteurs.

Il n’existe aujourd’hui aucune estimation rendue publique des conséquences économiques d’une augmentation de ces exigences de sûreté.

Dans son intervention, Yves Marignac identifie aussi des incertitudes économiques liées à la combinaison entre l’accroissement des exigences de sécurité et le vieillissement des centrales, qui pourront se combiner pour donner lieu à une hausse des coûts d’exploitation ou une réduction de la durée de vie des centrales.

La question de la temporalité des investissements

Outre les estimations des coûts, se pose également la question de la temporalité de ces investissements et de leur articulation avec les décisions de prolongement.

On observe que les principaux investissements de modernisation sont engagés bien avant l’échéance des 40 ans, qui correspond à la durée de vie des centrales autorisée jusqu’à présent par l’ASN. Par exemple, les changements des générateurs de vapeur, qui sont les équipements les plus importants et les plus coûteux à remplacer, ont été déjà en partie réalisés autour des 27 ans de fonctionnement.

Cela signifie que la décision de prolongement se trouve contrainte par le fait que les investissements les plus coûteux ont déjà été réalisés. Cette situation peut laisser craindre un mécanisme d’escalade des engagements, la décision publique de prolongement risquant d’être influencée par des investissements réalisés quelques années plus tôt.

Si un gouvernement décide donc de fermer une centrale nucléaire alors que l’exploitation de celle-ci est autorisée par l’ASN, il devra indemniser EDF pour le « manque à gagner ». Et celui-ci sera d’autant plus élevé que les investissements de prolongement auront été réalisés.

Clarifier les incertitudes économiques

Le débat autour de la PPE constitue une belle opportunité pour clarifier quelques-unes de ces incertitudes économiques, et tout particulièrement celles associées au nouveau référentiel de sûreté. Ce débat pourra aussi être l’occasion de s’interroger sur le décalage en matière de décision publique entre les décisions d’investissements de maintenance (prises avant 40 ans) et les décisions de prolongement.

Si le coût du nucléaire comprend encore des incertitudes, rappelons que c’est aussi le cas des énergies renouvelables, dont on ignore l’impact économique du caractère intermittent.

Il faudra enfin prendre en considération les incertitudes quant aux prix de marché de l’électricité qui, en Europe comme aux États-Unis, affectent la rentabilité des exploitants des centrales nucléaires, pouvant parfois entraîner des fermetures pour raison économique.

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Source  Conversation 10/04/2018

Apple, la Chine, la confidentialité des données de ses utilisateurs… et nous

Atlantico. Sans surprise, Apple a cédé aux exigences chinoises. En effet, depuis le 28 février, Pékin n’a plus à demander l’autorisation aux autorités américaines pour avoir accès aux données personnelles des comptes utilisateurs chinois, puisque leur stockage se fera désormais à l’intérieur des frontières du pays. Quelles peuvent être les conséquences directes pour les données des utilisateurs chinois, in fine, si l’on se base sur le cas de Yahoo en 2005 ?

Franck DeCloquement : Comme vous le rappelez en introduction, il y a une dizaine d’années en effet, Yahoo laissait le régime chinois accéder aux données de ses utilisateurs. De triste mémoire, l’entreprise américaine avait ainsi rendu possible l’arrestation puis l’emprisonnement consécutif de deux opposants politiques chinois. Ainsi, l’affaire avait aussi contribué à éveiller les consciences et permis de jeter un regard très cru sur les conséquences funestes que pouvait entrainer la délégation d’un système technologiques à un régime autoritaire, aux méthodes policières particulièrement expéditives.

Sous la pression d’une possible interdiction des ventes ou l’abandon de ses services de Cloud dans le pays, Apple se retrouve elle aussi aujourd’hui confrontée à ce dilemme. Bien qu’aux États-Unis, la firme à la pomme ait fait mine de s’en désoler par communiqués de presse interposés, la messe est dite. Et pour la première fois, l’entreprise californienne très exposée aux décisions du régime chinois tourne le dos à ses valeurs fondamentales. Elle stockera donc désormais en République populaire de Chine, les clés numériques de chiffrement qui permettent de débloquer les comptes utilisateurs chinois de son service iCloud. La presse internationale c’est en effet faite l’écho de cette euphémique « transition significative » anticipée par les spécialistes du secteur. C’est bien entendu dans une optique business qu’Apple se soumet expressément à la nouvelle législation chinoise promulguée en 2017, et qui impose que toutes les données collectées auprès des utilisateurs locaux restent hébergées sur le sol national. Le régime dispos donc, dès à présent, d’un accès privilégié – « premium » diront certains – à toutes les informations personnelles de ses ressortissants, sans s’astreindre aux contraintes du droit américain. Une annonce sans surprise au demeurant pour les observateurs avisés, puisque Apple avait déjà cédé par le passé aux directives pressantes de Pékin qui avait exigé des nombreuses entreprises étrangères basées en Chine, de n’utiliser que des logiciels dûment validés par les autorités du pays pour accéder à la toile mondiale. Mais pour Apple, la Chine représente le troisième marché le plus lucratif après les États-Unis et l’Europe. Au dernier trimestre 2017, la firme à la pomme enregistrait d’ailleurs 19 % de ses revenus en Chine. Faisant d’elle, l’un des rares géants américains implantés dans le pays, puisque Google, Facebook ou encore Amazon sont absents du marché Chinois.

Il s’agit évidemment d’un jour funeste pour les défenseurs des droits humain fondamentaux, très soucieux de garantir la confidentialité des données personnelles, et leur protection subséquente des visées régaliennes en verve chez les régimes autoritaires. En tête de cortège, l’organisation Amnesty internationale qui rappelait cruellement sur son blog mardi 27 février, l’une des promesses emblématiques affichées en toutes lettres sur le site officiel de la marque à la pomme : « chez Apple, nous croyons que la vie privée est un droit humain fondamental. » Reste à savoir si Apple peut mettre ses mots en action, poursuit en substance laconiquement l’ONG dans le rédactionnel de sa page web pour clôturer sa réprimande.

Un renoncement qui passe d’autant plus mal chez les militants, puisque que la firme américaine s’était forgé la réputation d’être une puissante défenseure de la confidentialité et de la sécurité des données. Ce faisant, le PDG d’Apple, Tim Cook, avait d’ailleurs rédigé lui-même une lettre retransmise personnellement à tous les utilisateurs de sa marque, afin de leur expliquer l’importance que pouvait revêtir pour lui la confidentialité des données pour son entreprise, suite à une décision d’un tribunal américain qui permettait désormais au Bureau Fédéral d’Investigation (FBI) de contourner la sécurité du Smartphone le plus populaire du monde, pour des raisons de sécurité nationale.

En conséquence, et à partir de la date du 28 février, l’ensemble des données personnelles qui auront été sauvegardées sur le service iCloud de la firme de Cupertino  –  incluant les photos, les messages privés, les documents, les contacts, et les correspondances des utilisateurs Chinois  –  seront hébergées sur les serveurs de la société chinoise, Guizhou-Cloud Big Data Industry Development Co., Ltd (« GCBD »), et non plus aux États-Unis comme cela était le cas précédemment. Ce partenariat local qu’a privilégié Apple, est au demeurant une société très clairement financée et soutenue par les autorités de Pékin. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Cependant, l’accord en cause ne concerne pas les données stockées en local sur un iPhone ou un iPad, mais uniquement celles sauvegardées sur iCloud par un utilisateur chinois de la marque à la pomme. Toutefois, la firme américaine n’est pas au bout de ses peines en matière d’arbitrages futurs, et risque fort de se confronter à un véritable « casse-tête Chinois » quand il s’agira d’évaluer si les demandes d’information du gouvernement pourraient violer les droits humains des utilisateurs. Et personne ne saura vraiment dire à l’avance comment Apple répondra à ce type de missive sur le plan moral et éthique, jusqu’à ce qu’elle ne soit mise à l’épreuve des faits. Ce qui n’est probablement qu’une simple question de temps, étant donné que de très nombreuses dispositions de la loi chinoise ne protègent pas – ou très mal – la vie privée, ou la liberté d’expression individuelle. Et vérifier si les demandes d’information du gouvernement sont conformes à la loi chinoise ne déterminera pas au demeurant pour la firme, si le respect de la demande peut contribuer aux violations des droits humains des personnes visées. L’affaire qui se profile n’est pas simple.

Atlantico. En matière de souveraineté numérique, est-ce que ce véritable coup de force imposé par les autorités Chinoises à l’un des plus emblématiques GAFAS, ne pourrait pas servir de modèle, être appliqué ou reproduit au niveau européen au bénéfice des pays de l’union ? Est-ce seulement envisageable ?

« Tordre ainsi le bras » à Apple n’est pas imaginable en l’état au niveau européen, puisque le rapport de forces est quelque peu inversé si l’on se place dans la perspective européenne que vous évoquez. Le contexte géopolitique Chinois, la nature même du régime considéré ainsi que les enjeux de pouvoir ne sont pas comparables, et ne peuvent donc être comparés et mis en relation avec la situation européenne. En régime démocratique, les pays sont soumis à des contraintes institutionnelles, des arbitrages internationaux, économiques, budgétaires et réglementaires très forts qui leur interdisent d’imposer puissamment leur volonté « d’une seule voix », comme le pratique la Chine visàvis d’Apple.

La Chine assume totalement sa position de puissance, à l’égale des Etats-Unis d’Amérique. Ce qui n’est évidemment pas le cas de l’Europe et des institutions qui pilote sa destinée, ou le terme même de « puissance » est révéré. Et entre la protection des comptes de ses utilisateurs Chinois et de ses intérêts économiques manifeste en Chine – où rappelonsle, la firme à la pomme avait prévu d’investir 470 millions de Dollars US – Apple a eu tôt fait de céder aux injonctions de Pékin pour faire prospérer son business. Retirant illico de sa boutique d’applications téléchargeables pour ses Smartphone, les applications mobiles de VPN nonautorisées par les autorités du pays, puisqu’elles permettaient au demeurant de contourner les dispositifs de blocage informatique imposés par le régime, pour accéder sans entrave à la toile mondiale…

L’énorme pression politique des autorités de Pékin aura été la plus forte en l’occurrence, compte tenu des enjeux financiers. Obligeant sans ambages l’entreprise américaine à renier sa politique affichée dans le reste du monde, de protection de la confidentialité des données personnelles de ses utilisateurs. Dans les faits, cela signifie aussi que les autorités chinoises n’auront plus à solliciter les tribunaux américains avec les protections juridiques afférentes, pour obtenir des informations sur leurs ressortissants utilisant iCloud d’Apple. Elles pourront utiliser leur propre système judiciaire pour exiger d’Apple la remise des données personnelles d’utilisateurs Chinois. Exposant ces derniers aux investigations policières musclées aux normes locales, sans la garantie d’un contrôle judiciaire indépendant. A cet effet, lorsque les utilisateurs acceptent les conditions d’utilisation d’iCloud en Chine, ils acceptent aussi que leurs informations personnelles et leurs contenus soient transmis aux forces de l’ordre « si la loi l’exige ».

On le mesure ici à travers les différents rapports d’Amnesty : « le droit interne donne au gouvernement chinois un accès pratiquement illimité aux données des utilisateurs stockées en Chine, sans protection adéquate des droits des utilisateurs à la vie privée, la liberté d’expression ou d’autres droits humains fondamentaux. La police locale dispose d’un large pouvoir discrétionnaire et utilise des lois et une règlementation large et ambiguë pour réduire la dissidence à sa partie congrue, restreindre ou censurer l’information, harceler et poursuivre les défenseurs des droits humains au nom de la « sécurité nationale » et autres délits présumés ».

En conséquence, les internautes chinois peuvent très vite être confrontés à des arrestations et des emprisonnements discrétionnaires, pour avoir simplement accédé à des informations et des idées que les autorités réprouvent et interdisent. En outre, rappel Amnesty International dans son billet, la loi chinoise sur la cybersécurité exige des opérateurs de réseau qu’ils fournissent, « soutien et assistance technique » aux agents de la force publique, et à la sécurité de l’État Chinois :  « Cela signifie que lorsque les autorités s’adressent à l’entreprise partenaire d’Apple Guizhou-Cloud Big Data Industry Development Co., Ltd (« GCBD ») pour obtenir des informations sur un utilisateur d’iCloud aux fins d’une enquête criminelle, cette société aura l’obligation légale de le fournir, et peu ou pas de moyens légaux viables pour contester ou refuser la demande ». Sombre perspective.

Atlantico : Comment dès lors se protéger pour les utilisateurs chinois, si le service iCloud d’Apple est désormais à la main d’un régime autoritaire, et dont les pratiques connues sont bien différentes de celles usitées dans les Etats européens vis-à-vis de leurs populations ?

Pour les utilisateurs des services iCloud Chinois, les meilleurs moyens de se protéger dans un tel contexte sont encore d’éviter de stocker ses données personnelles sur des serveurs hébergés en Chine. Les utilisateurs disposant d’une carte de paiement et d’une adresse de facturation en dehors de la Chine pourraient s’en servir pour enregistrer leurs comptes, et ainsi conserver leurs données iCloud hors de Chine. Mais la seule option « réaliste » disponible serait de supprimer tout bonnement leurs comptes iCloud, et de désactiver définitivement le service. Les risques encourus sont à ce titre assez sérieux, car même si Apple affirme de son côté disposer de bonnes protections pour garantir la sécurité et la confidentialité des données en place, et affirmer qu’aucune backdoor ne sera créée dans les systèmes, de quelle garantie la firme dispose-t-elle face à un piratage toujours possible ?

Au demeurant, vous soulevez également dans cette dernière partie une question fondamentale quant à la responsabilité des entreprises de TIC, qui pourraient être amenées à agir et à prospérer lorsqu’elles opèrent en Chine. Les entreprises occidentales comme le rappel Amnesty Internationale : « ont la responsabilité de respecter tous les droits de l’homme partout où elles opèrent dans le monde. Les utilisateurs de leurs produits et services doivent recevoir des informations claires et spécifiques sur les risques auxquels ils pourraient être confrontés en matière de vie privée et de liberté d’expression en Chine, et sur les mesures prises par l’entreprise pour y répondre ». En outre, elles devraient procéder comme aux Etats-Unis et en Europe, à des évaluations régulières et vérifiables sur l’impact de la mise à disposition de leur technologie de contrôle dans un tel contexte. Et démontrer par la même publiquement qu’elles ont mis en place des mesures nécessaires de diligence et de responsabilité pour garantir le respect des droits humains. Enfin, et c’est aussi peut-être là un volet assez utopique, une firme de réputation mondiale telle qu’Apple devrait pouvoir faire tout ce qu’elle peut pour « influencer » le gouvernement chinois à limiter l’usage de ces technologies de contrôle, afin d’atténuer les risques élevés de violations des droits de l’homme consécutifs. Mais ceci est une autre histoire dans un contexte concurrentiel particulièrement durci, ou les BATX chinois (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) menacent désormais l’hégémonie des GAFAM américains (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

Source Atlantico 01 /04/2018

 

 

Franck DeCloquement  est praticien et expert en intelligence économique et stratégique (IES). Membre fondateur du Cercle K2 et ancien de l’Ecole de Guerre Economique de Paris (EGE), il est en outre professeur à l’IRIS (Institut de Relations internationales et stratégiques) en « Géo-économie et intelligence stratégique ». Il enseigne également la « Géopolitique des médias » en Master 2 recherche « Médias et Mondialisation », à l’IFP (Institut français de presse) de l’université de Paris II Panthéon-Assas. Franck DeCloquement est aussi spécialiste sur les menaces Cyber-émergentes liées aux actions d’espionnage économique et les déstabilisations de nature informationnelle et humaine. Il est en outre intervenu pour la SCIA (Swiss Competitive Intelligence Association) à Genève, aux assises de la FNCDS (Fédération Nationale des Cadres Dirigeants et Supérieurs), à la FER (Fédération des Entreprises Romandes à Genève) à l’occasion de débats organisés par le CLUSIS – l’association d’experts helvétiques dédiée à la sécurité de l’information – autour des réalités des actions de contre-ingérence économique et des menaces dans la sphère digitale.

Greenpeace condamnée pour une intrusion à la centrale de Cattenom

STRASBOURG (Reuters) – Greenpeace France et neuf de ses militants ont été condamnés, mardi, pour s’être introduits le 12 octobre dernier dans l’enceinte de la centrale nucléaire de Cattenom (Moselle), dont ils voulaient démontrer la vulnérabilité, a-t-on appris auprès de l’organisation écologiste et sur le site internet du Républicain lorrain.

Les activistes avaient franchi deux grillages pour s’approcher d’un bâtiment et avaient tiré des fusées d’artifice avant d’être interpellés par les gendarmes.

Deux d’entre eux, déjà impliqués par le passé dans des actions similaires, ont été condamnés à deux mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Thionville.

« C’est une première dans l’histoire de Greenpeace France », s’est insurgé l’organisation sur son compte Twitter.

Les sept autres, dont Yannick Rousselet, chargé de campagne chez Greenpeace, qui n’avait pas pénétré sur le site mais qui était présent à l’extérieur et se voyait poursuivi pour complicité, sont condamnés à cinq mois de prison avec sursis.

Greenpeace France devra en outre verser 20.000 euros d’amende et 50.000 euros à EDF en réparation du préjudice moral.

Le tribunal a ordonné une expertise pour le préjudice matériel.

Les militants encouraient cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende pour « intrusion en réunion et avec dégradation dans l’enceinte d’une installation civile abritant des matières nucléaires ».

Le directeur de Greenpeace France, Jean-François Julliard, qui représentait l’organisation à l’audience, a annoncé son intention de faire appel.

« Ces lourdes sanctions ne sont pas acceptables pour l’organisation, qui a joué son rôle de lanceur d »alerte », affirme-t-il dans un communiqué en dénonçant « l’irresponsabilité d’EDF en matière de sécurité nucléaire ».

Source Reuter 28/02/2018

Utu exhumation d’un western crépusculaire

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Anzac Wallace, totalement possédé par son personnage. Photo dr

Cinéma
Après que l’armée britannique a massacré les siens, un soldat maori, d’abord au service de la Couronne, se venge. Reprise en version restaurée d’un néo-western totalement envoûtant.
Film maudit...

En 1983 le réalisateur Geoff Murphy vient présenter, à Cannes, hors compétition, le premier film néo-zélandais. Mais Utu ne connaît pas le même destin, que Le Seigneur des anneaux de Peter Jackson, bien au contraire. La carrière du film tourne court en raison de problèmes entre les producteurs qui finissent par avoir raison du film. Le film restera invisible pendant plus de 30 ans. L’œuvre ressort aujourd’hui en version restaurée et augmentée, portant fièrement les trois lettres rouge sang de son titre, Utu, qui en maori signifient « vengeance ».

Conflit colonial oublié
Les deux îles principales constituant la Nouvelle-Zélande  est l’un des territoires les plus tardivement peuplés de la planète. La date de l’arrivée des premiers Maoris s’établit entre 1250 et 1350. Le film évoque le grand conflit de la colonisation entre les Maoris et les Britanniques partiellement oublié dans le grand lissage de l’histoire occidentale. Après que les Néerlandais aient été reconduits par les Maoris au milieu du XVIIe siècle. La conquête britannique s’établit à travers le commerce. Elle s’opère dans les traces des  premiers pas du capitaine James Cook sur les côtes en 1770.

En 1854, le premier Parlement de Nouvelle-Zélande, établi par le Parlement du Royaume-Uni, conduit le pays vers une autonomie partielle. Cette période verra une explosion démographique.  En 1893, la Nouvelle-Zélande est le premier pays à donner le droit de vote aux femmes. Après les baleiniers, les missionnaires débarquent d’Europe pour un tout autre commerce, celui du « sauvetage des âmes ».

A cet égard, la scène où le prêtre anglican se fait décapiter en présence de ses fidèles appelés au retour des croyances animistes par le Maori renégat, est un vrai morceau d’anthologie cinématographique.

Absence de héros
La lutte hégémonique pour l’expansion coloniale entre la France et la Grande-Bretagne poussent les Anglais à obtenir à l’arrachée l’adhésion d’une grande partie des chefs maoris à un traité les liant à la Couronne. Le traité de Waitangi fera office de constitution de cette nouvelle colonie. Si le scénario autour de la vengeance s’avère assez classique, Utu révèle en toile de fond un contexte historique et culturel beaucoup plus singulier. La galerie des personnages qui se révèlent dans le feu des événements dresse le portrait d’un monde où la lutte pour le pouvoir fait basculer la société. Du révolté, au loyal, du fermier vengeur, au jeune soldat britannique et, même l’officier inflexible, « tous apparaissent victimes d’un système qui les dépasse et les projette les uns contre les autres ».  Les préjugés sont mis à rude épreuve dans la nouvelle grille de lecture que propose Utu du fait colonial.

JMDH

Le Blu- ray et DVD en précommande jusqu’au 7 mars

Source : La Marseillaise 22/02/1018