Jean-Michel Baylet auteur d’une triple carrière de grand patron de presse, d’homme politique national et régional, s’est retrouvé privé jeudi de son pilier politique local avec la perte de la présidence du conseil départemental du Tarn-et-Garonne.
Président du Parti radical de gauche, qui a souffert du désaveu général électoral comme ses alliés socialistes, M. Baylet, 68 ans, a jeté l’éponge, renonçant au dernier moment à disputer au candidat soutenu par l’UMP la présidence qu’il avait occupée pendant 29 ans. Il demeure toutefois simple conseiller départemental du canton de Valence d’Agen.
Patron du puissant groupe de presse La Dépêche du Midi, cet homme du Sud, grand, chauve à la voix puissante, était également jusqu’à peu sénateur (de 1986 à 1988 puis à partir de 1995), avant se faire battre en septembre 2014 par le candidat UMP François Bonhomme, avec le soutien d’un ancien de sa majorité Yvon Collin.
Homme de pouvoir, M. Baylet, très amer, a accusé l’UMP d’avoir « rejoué le coup des sénatoriales » en faisant élire Christian Astruc, qu’il considérait comme PRG.
Co-fondateur en 1973 du mouvement des Radicaux de Gauche (MRG) devenu aujourd’hui le Parti radical de gauche (PRG), il est à la tête du dernier allié de la majorité présidentielle de François Hollande, après le départ des écologistes.
Il a été à plusieurs reprises membre de gouvernements socialistes: secrétaire d’Etat aux Relations extérieures (1984-86); secrétaire d’Etat chargé des Collectivités locales (1988-90), puis ministre du Tourisme entre 1990 et 1993.
Après son échec départemental, le seul basculement de majorité dans tout Midi-Pyrénées, la question est de savoir s’il pourra encore briguer un poste ministériel, comme on lui en avait prêté le dessein depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir en 2012.
Il était devenu en 2011, le seul candidat non socialiste aux primaires du PS pour l’élection présidentielle.
Très ouvert, il prônait alors une Europe fédérale, la dépénalisation du cannabis, le droit de mourir dans la dignité et le mariage homosexuel. Avec un score de 0,64% au premier tour des primaires, il avait ensuite soutenu François Hollande.
– Un patron de presse à l’offensive –
Sa carrière politique a commencé dans les souliers familiaux. Il a d’abord succédé à sa mère Evelyne Jean-Baylet en 1977 à la mairie de Valence-d’Agen (Tarn-et-Garonne) qu’il gardera jusqu’en 2001.
Il a pris la tête du Conseil général du Tarn-et-Garonne en 1985, trois ans après le retrait de sa mère de la présidence . Entretemps, il s’est fait élire député jusqu’en 1984, puis en 1988, mais n’a pas siégé, ayant été nommé ministre.
Il a connu une ascension parallèle dans le groupe La Dépêche du Midi, prenant sa tête en 1995, pour remplacer Mme Baylet mère, alors âgée de 82 ans.
Si l’homme politique connaît des revers, le grand patron de presse est toujours à l’offensive. Jean-Michel Baylet est en train de prendre le contrôle du groupe Midi Libre, dont se retire Sud-Ouest.
Par tradition familiale et politique, Jean-Michel Baylet, marié et père de trois enfants, est initié à la franc-maçonnerie au sein de la loge Demain, au Grand Orient de France.
M. Baylet a été mis en cause dans trois affaires, dont une pour favoritisme, mais a bénéficié de deux non-lieux et d’une relaxe pour prescription.
Source AFP :02-04-2015
Puce du Midi Libre du 21/04/2015
» Dans l’article que Libération consacre à Jean-Michel Baylet, notre confrère assure que le patron du PRG compte bien « imposer au PS pour les Régionales « sa protégée » Sylvia Pinel, l’actuelle ministre du logement, comme tête de liste en Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon. Elle aurait alors pour allié le maire de Montpellier Philippe Saurel. Et le quotidien national d’affirmer que « Hollande et Valls ne peuvent pas s’en mêler. Qui a dit que la gauche devait désormais s’unir ? «
NB. Dans un entretien accordé au Midi Libre de la même édition , le Député Patrick Vignal qui se déclare partant pour les régionales évoque une possible opportunité pour Philippe Saurel de décrocher un Secrétariat d’Etat. Affaire à suivre… On en sera plus en juin après le congrès du PS, y compris sur la forme que devrait prendre ce remaniement tant attendu.
Après quelques tentatives plus ou moins couronnées de succès, la gauche française tient, avec les élections départementales de 2015, l’occasion d’appliquer à la lettre les conseils de succès électoral prodigués voici près de 30 ans par Frédéric Bon et Michel-Antoine Burnier dans « Que le meilleur perde » (Plon, 1998). Tous les ingrédients d’un succès éclatant sont réunis, à un niveau historique.
La gauche s’est d’abord assurée – c’est le point de départ – de son impopularité. Cela peut sembler évident pour des partis qui gouvernent, mais la gauche garde le souvenir amer de bons scores électoraux pendant les années Jospin. Gouverner ne suffit donc pas à écarter le spectre de la victoire. Il faut aussi s’efforcer de martyriser son camp, à l’approche du scrutin, sans complaire à l’autre. La loi Macron a parfaitement rempli son office, et sans doute au-delà de toute attente. Son orientation libérale a d’abord scandalisé les « forces de progrès » tout en mobilisant la droite du notaire au taxi. Mais la faire passer aux forceps du 49-3 – l’alinéa le plus à droite de la constitution de 1958 – a relevé du grand art.
On n’est pourtant jamais trop prudent. C’est pourquoi la gauche a opté pour deux autres instruments. Le premier a été d’inventer un système électoral si dissuasif pour les sortants qu’ils se sont pressés vers la retraite politique. Il a ainsi limité la possibilité que la force des notables gâche l’affaiblissement du camp. La seconde a été de laisser du temps à la réforme territoriale pour qu’elle n’aboutisse pas avant les élections, afin que personne ne sache, à droite mais surtout à gauche, ce que fait l’État du département. Grâce à cette vision d’en haut, la gauche s’est assurée d’une triple démobilisation : morale, politique et stratégique.
SILENCE ABYSSAL
La vie politique incite cependant à se méfier des succès de sondage se transformant en échec dans les urnes. Dans une élection départementale, il faut aussi envisager toutes les nuances des territoires, les configurations et cultures spécifiques qui font le sel de nos campagnes. La gauche a donc agi, et remarquablement, de sorte que sa victoire soit imparable d’en bas. Tout d’abord, elle a observé un silence abyssal sur le bilan des politiques départementales, celles qui font que le filet de protection sociale prémunit des pires et massives détresses observées en Grèce ou en Espagne, par exemple. Pas un mot sur les politiques culturelles et sportives, la qualité du réseau routier secondaire, les transports publics qui pourraient forcer le respect, voire pire : l’adhésion.
Un tel bilan, trop dangereux s’il était rendu public, est avantageusement compensé par l’accent mis sur ces vieux notables, masculins et cumulards, qui donnent à chacun l’envie de tourner la page. Enfin, la gauche a opté pour la seule solution quand le mode de scrutin impose l’union pour se qualifier puis gagner au second tour : elle s’est profondément divisée. Elle peut ainsi sereinement envisager les cas – jusqu’ici peu imaginables – de cantons où, majoritaire au premier tour, elle est absente au second. Une meilleure performance encore que l’élection présidentielle de 2002, qui restait inégalée jusque-là !
Après avoir craint d’avoir à gérer un regain durable dans l’opinion, à l’issue des manifestations d’union nationale de janvier 2015, la gauche est désormais remise en selle. Laissant l’expression du peuple à Marine Le Pen – alors que l’électorat populaire, le vrai, lui manque toujours – et celle de la morale à Alain Juppé, en dépit de son passé judiciaire, elle accomplit enfin la prouesse de disparaître d’une élection dont elle est pourtant la sortante majoritaire. Elle est donc en position idéale pour perdre de façon magistrale les élections régionales, après 23 ans d’erreurs stratégiques qui l’ont conduite à une hégémonie à laquelle ne résiste que l’Alsace.
Emmanuel Négrier est directeur de recherche au CNRS en science politique au Centre d’études politiques de l’Europe latine à l’université de Montpellier 1
Le Théâtre sortieOuest, situé sur le canton 1 de Béziers, est au cœur d’un combat politique et culturel. Jean-Michel Du Plaa, candidat socialiste aux élections départementales dans ce canton, affrontera en duel, dimanche 29 mars, l’élu du Front national, Henri Bec. Au soir du premier tour, le 22 mars, le FN a totalisé plus de 44 % des voix sur ce canton, devant le PS (25 %) et l’UMP (19 %). Précisons, pour compléter le tableau, que Jean-Michel Du Plaa, vice-président du conseil général, est aussi le président de l’association qui gère le Théâtre sortieOuest – une scène conventionnée avec le département, l’Etat et la région, installée sur le domaine de Bayssan, au milieu d’un parc.
Les phrases de l’entre deux-tours ont le mérite d’être claires, dans la ville dirigée par Robert Ménard depuis mars 2014, sous l’étiquette Rassemblement Bleu Marine. Voici ce qu’a déclaré, jeudi 26 mars, dans le quotidien La Marseillaise/L’Hérault du Jour, l’élu FN Henri Bec. Interrogé sur le devenir du Théâtre sortieOuest, fortement soutenu par le conseil général (PS), à hauteur d’un million d’euros, l’élu qui se dit monarchiste, tendance « orléaniste », a répondu avec détachement : « Cela ne me dérangerait pas que ce site ferme. On dépense trop pour la culture, on pourrait réduire les impôts en dépensant moins. » Dès avant le premier tour, la divers droite Fatima Allaoui, candidate sur le canton 3, ancienne de l’UMP évincée pour son appartenance au Siel, proche du FN, avait inscrit « la suppression » de sortieOuest dans ses promesses électorales – « un site qui coûte trop cher » – proposant son rapatriement dans le centre-ville avec une programmation comprenant « 50 % d’artistes locaux ». Depuis le 22 mars, elle a appelé à voter pour le candidat FN.
« Eviter un désert culturel à Béziers »
Pour Jean Varela, directeur de sortieOuest, ce sont les valeurs véhiculées par la scène contemporaine qui indisposent l’extrême-droite. « On nous attaque pour ce que nous sommes : un lieu de programmation exigeante, où la parole circule librement. Il y a d’autres scènes qui coûtent de l’argent sur le territoire, et qui font du divertissement. Elles ne sont pas du tout inquiétées », dit-il. Il rappelle l’histoire de ce théâtre, et l’enjeu pour le territoire. « C’est le conseil général qui a pris l’initiative de créer cette scène conventionnée, en 2006, pour éviter un désert culturel à Béziers, qui autrefois était un foyer artistique. Le président de notre association, Jean-Michel Du Plaa, est un homme de culture, très apprécié ici », poursuit Jean Varela, qui dirige par ailleurs le Printemps des Comédiens.
Lors des précédentes élections, en 2011 (les anciennes cantonales), le combat avait été ardu : Jean-Michel Duplaa l’avait emporté avec 170 voix d’avance, face au frontiste Guillaume Vouzellaud. Le scrutin du 29 mars s’annonce serré. Sur les deux autres cantons de Béziers, l’avance du FN est encore plus nette, tout particulièrement dans le canton 3 où il a totalisé 46,86 % des voix. Pour la presse locale, l’affaire semble ici pliée.
Une programmation « à caractère militant »
Jean Varela tire la sonnette d’alarme : « Ce n’est pas possible que Béziers soit représenté au conseil général uniquement par des élus Front national », s’inquiète-t-il. Il dit avoir reçu du soutien de certains élus de droite, mais d’autres à l’UMP ne cachent pas leur aversion pour la politique culturelle du département, sortieOuest compris. Ainsi, le député UMP Elie Aboud a abrité sur sa page d’accueil la lettre d’un auteur bitterrois, Jean-Pierre Pelaez, s’indignant de ne pas être programmé à sortieOuest, théâtre « grassement » financé par le département, écrit-il, et « engloutissant des budgets énormes » pour mener une programmation « à caractère militant ».
Jean-Pierre Pelaez a déjà été reçu au cabinet du président du conseil général, le socialiste André Vézinhet. « Nous lui avons dit deux choses : un, Jean Varela a une liberté de programmation, selon ses choix esthétiques, et l’on ne peut en aucune sorte imposer une préférence nationale en direction d’artistes locaux. Deux, le conseil général n’est pas du tout indifférent au sort des artistes locaux, puisqu’il soutient entre soixante et quatre-vingts compagnies sur son territoire », indique-t-on dans l’entourage d’André Vézinhet.
Une campagne sur les réseaux sociaux
Jean Varela défend sa programmation : « Les spectacles ont lieu sous un chapiteau, pour abolir la barrière symbolique entre la scène et le public. Nous menons une programmation hors-les-murs, appelée Le Grand Tour ; nous organisons une manifestation littéraire (Chapiteaux du livre), nous touchons un public de 35 000 personnes, dont 7 000 scolaires et étudiants. »
La campagne s’organise à présent sur les réseaux sociaux. Alors que la ville de Béziers accueille depuis le 24 février, et jusqu’au 23 août, l’exposition intitulée Gaulois : une expo renversante, conçue par la Cité des sciences, les partisans du candidat PS, lequel fait alliance avec la communiste Roselyne Pesteil, ont réalisé une affiche dans l’esprit gaulois. Jean-Michel Du Plaa est dans la peau d’Obélix – il en a la corpulence –, et porte sur son dos un dolmen coiffé du visage de la candidate PCF. Avec ce slogan : « La République contre-attaque ». Dans le journal municipal, Robert Ménard, lui, communique à sa façon sur l’exposition dédiée aux Gaulois : « C’est l’éternel retour du grand blond », indique le titre de l’article, complété par ce bandeau : « Comment nos élites réécrivent le passé ».
À gauche depuis 1953, les Bouches-du-Rhône devraient, sauf grosse surprise, basculer à droite dimanche soir. Ce qui paradoxalement rend le sourire à certains militants socialistes marseillais : un échec signerait la fin du système Guérini et la possibilité d’une refondation pour le PS local.
Ambiance de fin de règne au neuvième étage du bateau bleu, le bâtiment du conseil général des Bouches-du-Rhône. À trois jours du second tour des départementales, le cabinet de Jean-Noël Guérini, patron du département depuis 1998, a, selon plusieurs sources, commencé à faire ses cartons et certains collaborateurs chercheraient à se recaser. Dans le calme. « Avec toutes les perquisitions qu’on a eues, tout ce qui était à trouver a déjà été emmené », plaisante une source interne. A priori, les quelque 6 000 fonctionnaires territoriaux, protégés par leur statut, n’ont rien à craindre d’une alternance même si « tous ceux qui ont été placés par des coups de pouce commencent à faire la gueule », commente un agent, lui aussi sous couvert d’anonymat.
Malgré une ultime rodomontade dans La Provence jeudi 26 mars 2015, le département paraît perdu pour l’ex-socialiste, toujours mis en examen dans deux affaires de marchés publics, et il le sait. « Guérini fait le matador devant les médias, mais il est résigné et n’essaie même plus de convaincre les petits maires de droite, qui vont tous aller à la gamelle à droite chez les vainqueurs », indique un ex-proche du sénateur sous couvert d’anonymat. Depuis quinze jours, « les élus socialistes ne mettent plus les pieds au conseil général », raconte de son côté un conseiller général PS sortant.
À gauche depuis 1953, les Bouches-du-Rhône font partie des départements qui devraient basculer à droite dimanche soir. Ce qui paradoxalement rend le sourire à certains militants socialistes marseillais : un échec signerait la chute de la maison Guérini et la possibilité d’une refondation pour le PS local. Présente dans 18 cantons sur 29, l’union UMP-UDI est « pour la première fois dans la situation de gagner notre département ! » s’est réjouie dimanche 22 mars l’UMP Martine Vassal, adjointe au maire de Marseille, qui se verrait bien présider le département. Son directeur de campagne Marc Jolibois table sur une majorité relative à 14 cantons, en espérant grimper jusqu’à 15 voire 16 cantons pour obtenir la majorité absolue.
C’est le Front national, présent au second tour dans les 29 cantons des Bouches-du-Rhône (dont trois triangulaires), qui tranchera. Dans les douze nouveaux cantons marseillais, six duels opposent le FN à la gauche et six autres à la droite (voir la carte réalisée par les anciens journalistes de Marsactu). « Le PS a des cantons très difficiles à gagner et le report de voix sera meilleur dans les duels FN-droite que dans les duels FN-gauche : choisir entre l’extrême droite et Guérini et comparses, c’est un peu compliqué », avance Marc Jolibois.
Pour la première fois depuis sa première mise en examen en septembre 2011, le sénateur Jean-Noël Guérini a fait face le 22 mars 2015 aux vrais électeurs. Et loin des marchandages feutrés de voix de grands électeurs des sénatoriales, le verdict du suffrage direct a été sans appel. Si l’ex-socialiste arrive en tête devant le FN dans son fief historique du centre-ville de Marseille (34 % des votants), il faut noter que le redécoupage des cantons, opéré par Yves Colmou, un proche conseiller du premier ministre Manuel Valls, lui a été très favorable. Jean-Noël Guérini s’était plaint début 2014 d’avoir hérité « du plus gros canton du département de 80 719 habitants » (contre moins de 30 000 habitants avec l’ancien découpage). Mais son canton compte en fait le plus petit nombre d’inscrits de la ville (28 991 contre 53 000 dans le 7e canton marseillais, le plus important). En y ajoutant une forte abstention (60 %), il a suffi de 3 808 voix au binôme Jean-Noël Guérini-Lisette Narducci pour arriver en tête le 22 mars 2015. Ce qui permet au sénateur « de remporter sans coup férir ou presque son élection en mobilisant la très petite clientèle », remarque sur son blog le collectif Renouveau PS13, à l’origine de cette surprenante découverte. En 2008, Manuel Valls, Gérard Collomb et Jean-Noël Guérini avaient fait une contribution commune, « La ligne claire », au congrès du PS de 2008.
Les fidèles de Jean-Noël Guérini se présentant sous l’étiquette Force du Treize ont été écartés dès le premier tour à Aix-en-Provence, Vitrolles, Trets, Allauch et Gardanne. « Toutes les candidatures Force du Treize ont été éliminées, sauf celle de monsieur Guérini, les électeurs ont tranché », estime le député aixois Jean-David Ciot, premier secrétaire de la fédération départementale socialiste. À Vitrolles, le maire socialiste et conseiller général sortant Loïc Gachon, parti avec une candidate de la Force du Treize, a ainsi été éliminé dès le premier tour. À Salon-de-Provence, un autre proche de Guérini, le socialiste Hervé Chérubini, vice-président délégué aux finances du conseil général qui se présentait sous une étiquette « majorité départementale », s’est, lui, désisté pour faire barrage au FN. « Ils ont été victimes de candidatures dissidentes pilotées par des socialistes marseillais et subissent donc les effets désastreux de la division », s’est plaint dans La Provence Jean-Noël Guérini, avec un sens du comique insoupçonné.
Mais l’ex-homme fort du PS des Bouches-du-Rhône entraîne également dans sa chute la gauche locale, présente au second tour dans seulement 14 des 29 cantons. Dans les quartiers nord, les trois binômes soutenus à la fois par la Force du Treize et le PS se retrouvent en ballottage défavorable derrière le FN, avec parfois près de dix points d’écart à rattraper. « Quand on joue avec le feu et qu’on pratique la politique de la terre brûlée, on finit par brûler sa propre maison », conclut le socialiste Benoît Payan qui, aux côtés de l’écologiste Michèle Rubirola, a dû faire face dans le centre-ville de Marseille à un binôme guériniste « fabriqué pour nous faire perdre ». « Ça a permis de mesurer qu’en dehors de son canton, Guérini n’a plus qu’une force de nuisance », commente-t-il, cinglant.
Le protégé de Marie-Arlette Carlotti, qui veut incarner la nouvelle génération PS, a de bonnes chances de l’emporter au second tour face au Front national, de même que le député PS Henri Jibrayel dans son canton tout au nord de la ville. « Indubitablement, les candidats socialistes qui ont refusé tout au long de leur campagne la compromission avec Jean-Noël Guérini résistent mieux et font des scores plus encourageants, dans des cantons pas toujours favorables, que ceux qui ont choisi de soutenir le président sortant », constate le député socialiste Patrick Mennucci sur Facebook. À ses yeux, le PS des Bouches-du-Rhône paie donc son absence de clarté « face au clientélisme et aux pratiques de Jean-Noël Guérini ».« Le non-rassemblement des forces de gauche a également joué », reconnaît la socialiste Nathalie Pigamo, à qui il a manqué quelque 300 voix (derrière le binôme UMP-UDI) dans le centre-ville de Marseille pour se maintenir au second tour avec son colistier écologiste Sébastien Barles.
En début de semaine, Henri Jibrayel, qui a dû lui aussi faire face à un binôme de la Force du Treize, a demandé la démission de Ciot, qu’il accuse d’être « téléguidé » par Guérini, de la tête de la fédération départementale. Jean-Christophe Cambadélis a eu beau marteler depuis Solférino qu’il fallait « en finir avec le système GG : Guérini – Gaudin », la fédération départementale a tout de même investi plusieurs candidats soutenus par Jean-Noël Guérini, et même des binômes PS/Force du Treize assumés comme tels. « Dans les quartiers nord, les binômes sont plus société civile que Force du Treize », ergote Jean-David Ciot, qui a demandé au candidat PS Denis Rossi de « couper le bas de ses affiches » où figurait le logo de Force du Treize. Et assure avoir épluché le matériel de campagne du socialiste Christophe Masse, patron de l’office HLM du conseil général – dont la sœur est de tous les meetings de Guérini –, sans y trouver une référence à la Force du Treize. Ni au PS du reste…
« Le changement est en cours »
À Saint-Rémy-de-Provence, le maire PS Hervé Chérubini veut y croire encore. Il a fait ses comptes et estime quant à lui que la claque infligée au PS n’est pas plus importante que dans le reste du pays. Il table sur l’absence « de majorité absolue au conseil général » et un ultime coup de pied de l’âne de Jean-Noël Guérini. « Il nous a donné l’habitude de se sortir de situations qui paraissaient compromises », dit le conseiller général sortant.
En avril 2008, le socialiste Eugène Caselli avait ainsi raflé, à la surprise générale, la présidence de la communauté urbaine de Marseille, pourtant majoritairement à droite. Beaucoup y avaient vu l’action en coulisses de Jean-Noël Guérini et de son frère Alexandre auprès de petits maires de droite. Rebelote lors des municipales de 2014 : sa fidèle, et ex-socialiste, Lisette Narducci n’avait pas hésité à faire alliance avec le candidat UMP Jean-Claude Gaudin contre le PS pour conserver sa mairie de secteur au bord du Vieux-Port.
Mais un tel scénario semble aujourd’hui improbable lors de l’élection du futur président du département, prévue la semaine prochaine. D’abord à cause de l’écart de voix : l’UMP-UDI table sur 14 à 16 cantons, 7 à 8 pour le FN et 6 à 7 pour le PS. Ensuite parce que le contexte est totalement différent, explique un élu socialiste marseillais sous couvert d’anonymat : « En 2008, il y avait pas mal d’inconnues avec 157 nouveaux élus et ça a été un coup de tonnerre qui a pris tout le monde de court. Là, il y aura une telle pression médiatique sur les élus de droite et de gauche que ce ne sera pas jouable pour eux. Même si le scrutin est secret, ils ne prendront qu’un bulletin pour éviter les soupçons. »
Avant le premier tour, Martine Vassal, la tête d’affiche UMP-UDI, a tout de même pris la précaution d’écrire à plusieurs maires du département pour leur assurer qu’elle ne toucherait pas aux subventions promises par Jean-Noël Guérini. Mercredi soir, l’adjointe au maire de Marseille a obtenu le soutien de l’ensemble des maires des Alpilles et du pays d’Arles. Ce qui épanouit son directeur de campagne : « Le changement est en cours. Que les maires de territoires jusqu’alors satisfaits se tournent vers nous, c’est un signe qui ne trompe pas ! »
Mais la candidate marseillaise, critiquée par certains élus de droite très remontés contre la future métropole Aix-Marseille, n’est pas à l’abri d’une contestation interne. « Martine Vassal, c’est une candidature très stigmatisante, juge le député aixois Jean-David Ciot. Une majorité relative l’obligerait à rentrer dans une discussion d’harmonie territoriale où Marseille ne pille pas le reste du territoire. »
Reste également à savoir ce que feront les quelques élus de gauche rescapés une fois dans l’isoloir le 2 ou le 3 avril 2015. Parmi ceux encore en lice, sept conseillers généraux sortants avaient signé le 4 novembre 2014 une lettre ouverte appelant à une union du PS avec la Force du Treize. Pourraient-ils être tentés de voter pour leur ancien mentor plutôt que pour le candidat PS lors de l’élection du futur président du conseil départemental ? « Je réunirai lundi les élus PS au département, en excluant Jean-Noël Guérini, dit Jean-David Ciot. La question est très simple : soit ils sont dans le groupe PS et votent pour le candidat PS qui sera désigné par les militants mercredi ou jeudi soir, soit ils sont avec Guérini et ils quitteront le parti ou en seront exclus. » Le premier secrétaire ne prend pas un gros risque puisqu’il parie que « Jean-Noël Guérini, au vu du résultat dimanche soir, ne sera même pas candidat ».
L’élection risque également de marquer l’entrée massive d’élus FN, arrivés en tête dans 15 des 29 cantons du département. Au grand regret du vice-président sortant Hervé Chérubini, qui s’est retiré au second tour au profit d’un binôme UMP-UDI. Il ne supporte pas l’idée que « des élus FN siègent au conseil d’administration des collèges, des maisons de retraite ou viennent déposer des gerbes à la mémoire des résistants à [s]es côtés ». Adrien Mexis, candidat FN à Istres où il affronte le maire socialiste René Raimondi, affirme dans Le Figaro« être en mesure d’emporter la moitié des cantons du département ». Le directeur de cabinet de Stéphane Ravier, maire FN de secteur à Marseille, entend briguer la présidence du conseil départemental s’il est élu le 29 mars 2015. Contacté par Mediapart, il n’a pas donné suite.
Dans le canton de Châteaurenard au nord du département, le candidat FN Frédéric Laupies, époux de la conseillère éducation de Marine Le Pen, a fait 44,3 % des voix. Issu d’une famille communiste et agent d’accueil à la gare d’Arles, il se réjouit dans Le Figaro que le pari d’extrême droite prenne « de plus en plus dans le milieu agricole ». Le deuxième meilleur score du FN (41,8 %) dans les Bouches-du-Rhône a été réalisé à Marseille sur les terres de la droite (Marseille 8).
Dans les quartiers nord, où la victoire du FN à la mairie de secteur des 13e et 14e arrondissements lors des dernières municipales pose déjà le maire FN Stéphane Ravier en notable, le parti dépasse également les 40 % dans deux cantons. Alors qu’ils avaient peu fait campagne au premier tour, se contentant de diffuser les programmes nationaux, les candidats FN ont investi le terrain, tractant jusque dans la cité des Micocouliers dans le 14e arrondissement selon leur adversaire socialiste (et guériniste) Rebia Benarioua. « Pour la première fois, ils font du porte-à-porte, ils ont pris conscience que c’était possible de rentrer au département ! » s’alarme le conseiller général sortant. Son seul espoir est désormais de mobiliser « notre électorat abstentionniste déçu par la politique nationale ». « Nous sommes à égalité avec l’UMP dans les noyaux villageois, mais on tombe à 30 % de participation dans les quartiers populaires », explique-t-il.
Dans leur canton des 15e et 16e arrondissements, Henri Jibrayel et Josette Sportiello font quant à eux face au « FN pur et dur » en la personne de Bernard Marandat, chirurgien marseillais, âgé de 60 ans, et pilier historique du parti frontiste. « Si le FN l’emporte dans les 15e et 16e arrondissements, ils vont faire la passerelle avec Ravier dans les 13e et 14e arrondissements, ça va être chaotique », redoute Henri Jibrayel. L’heure est si grave que sa meilleure ennemie sur ce territoire, la sénatrice et maire de secteur PS Samia Ghali, a mis de côté les petites rivalités internes pour sonner le rappel des troupes en sa faveur. «Dimanche 29 mars, un seul objectif : faire barrage au Front national. Comme l’a clairement dit mon amie Valérie Diamanti : No pasaran», écrit jeudi soir la sénatrice sur sa page Facebook.
Manifestement, les ressorts clientélistes de la gauche marseillaise ne suffisent plus à lui assurer son électorat habituel. « Ce qui joue en faveur du FN, c’est qu’il n’y a pas eu de politique de gauche dans ces quartiers populaires depuis trente ans, nous disait avant le premier tour Karima Berriche, qui a dirigé le centre social de la Busserine (14e arrondissement) pendant plus de dix ans. Le clientélisme, ça fait quelques heureux élus et les autres restent sur le carreau. Sur le terrain, ce n’est pas simple. Les gens n’y croient plus d’autant qu’au plan national, il ne se passe rien non plus. » À la tête d’une liste rassemblant le PCF, le Parti de gauche et plusieurs collectifs, la candidate et son binôme, également militant associatif, ont été éliminés au premier tour, laissant place à un duel FN-PS.
Politique culturelle. L’annulation du festival Hybrides donne matière à un débat sur la place des artistes dans la société
Il n’y aura pas de septième édition du Festival Hybrides, c’est tombé comme ça. Un festival de son temps qui a fait ses preuves est abandonné comme une bagnole tombée en rade d’essence sur l’autoroute. La mairie de Montpellier qui apportait l’essentiel de son financement (1) depuis sa création, semble le destiner à la casse dans l’indifférence la plus totale.
« On nous aurait dit il y a six mois, nous avons fait le choix de soutenir le festival Tropisme et pas Hybrides compte tenu d’une baisse générale budgétaire ou d’un arbitrage politique, cela aurait été dur mais cohérent, explique le metteur en scène Julien Bouffier, mais nous avons tenté durant six mois d’entrer en contact en vain…»
Le fait que la Compagnie Adesso e Sempre, à l’initiative du festival Hybrides, figurait avec d’autres acteurs culturels Montpelliérains sur la liste de soutien de Jean-Pierre Moure, le candidat socialiste vaincu aux dernières municipales, pourrait expliquer ce malheureux concours de circonstances.
Une hypothèse réfutée par le fondateur du festival : « En Octobre dernier, affirme-t-il, on nous a dit c’est très mal mais vous n’êtes pas sur la black liste. On devait se voir en Décembre pour prendre la température mais le rendez-vous n’a jamais pu se concrétiser.»
Après le limogeage de la directrice de la culture de Montpellier Valérie Astésano qui aurait eu l’outrecuidance selon Philippe Saurel, de se prendre pour le maire de Montpellier, le service culture de la mairie comme le cabinet du maire sont aux abonnés absents. « Nous ne pouvions présenter un programme sans savoir si nous pourrions le tenir » , indique Julien Bouffier.
Une soirée d’annulation
À un mois de l’ouverture du festival, la dernière fusée de détresse prend la forme d’une lettre de soutien suivie localement et nationalement. Cinq CDN, une dizaine de scènes nationales, de nombreux festivals étrangers valident la démarche artistique d’Hybrides. Celle-ci, qui se diffuse sur plusieurs lieux culturels de la ville, est reconnue pour sa singularité qui interroge les pratiques théâtrales en ouvrant sur la transdisciplinarité et le théâtre documentaire.
Sans garantie, sans discussion, sans explication, c’est avec le sentiment d’une profonde indifférence du maire de Montpellier pour la culture que Julien Bouffier a dû annoncer l’annulation de l’édition 2015 d’Hybrides à la veille de l’ouverture des locations.
Toujours inventif, il a su trouver la forme en organisant sa soirée d’annulation le vendredi 13 mars au Domaine d’O. On pourra assister à un café Hybrides à 19h sur le thème de la place de l’artiste dans la société suivi d’une représentation unique à 22h de Caliban Cannibal de la Compagnie italienne Motus qui a occupé le théâtre Valle à Rome, histoire de croiser les luttes.
« Nous souhaitons que cette soirée offre le prétexte de parler de la culture et de l’inscrire dans le débat électoral. »
En effet, il ne paraît pas inutile de rappeler à nos élites que les politiques culturelles restent un axe majeur de la construction républicaine.
Jean-Marie Dinh
(1) Le budget 2014 comprenait une subvention de 30 000 euros de la mairie pour le festival et de 15 000 pour la compagnie Adesso e Sempre à laquelle s’ajoutait une subvention de 10 000 euros de l’Agglomération.
(2) À noter également que le spectacle Atlas proposé dans le cadre Hybrides est maintenu au CDN les 26 et 27 mars 2015